Correspondante à Washington
Depuis son arrivée aux affaires, l'Administration Obama avait choisi de compartimenter les dossiers dans sa relation avec la Chine. Cette approche visait à empêcher le passif des violations des droits de l'homme en terre chinoise de ricocher sur le reste. Le credo de la Maison-Blanche était que le dialogue économique et stratégique avec Pékin était trop important pour être excessivement parasité par la question des libertés politiques. «Nous devons continuer de mettre la Chine sous pression, avait déclaré la secrétaire d'État Hillary Clinton lors de son premier voyage en 2009. Mais notre pression ne doit pas interférer avec la crise économique, le changement climatique et les crises dans le domaine de la sécurité.»
Cette semaine pourtant, Hillary Clinton, dont l'arrivée est prévue à Pékin mercredi matin pour des discussions officielles programmées jeudi et vendredi, n'aura pas le choix. Elle qui espérait centrer le grand rendez-vous sino-américain annuel sur la coopération économique et stratégique, se retrouve prise dans un ouragan diplomatique, où les droits de l'homme ont fait irruption en fanfare. En fuyant la maison où il était assigné à résidence et en se réfugiant à l'ambassade des États-Unis ces derniers jours, le célèbre dissident chinois aveugle Chen Guangcheng a brusquement créé une situation de crise, dont chacun des pays se serait bien passé.
Moindre faux pas guetté
En proie à une empoignade politique aggravée par les scandales qui ont éclaboussé de hauts dirigeants du parti, la direction chinoise est en position de faiblesse, à l'approche de la transition de pouvoir. Entrée dans le cycle électoral de la présidentielle, l'Administration Obama n'a de son côté aucune gourmandise pour un affrontement avec le puissant partenaire chinois. En même temps, elle ne peut se permettre d'abandonner Chen à un pouvoir qui n'a cessé de brutaliser sa famille, depuis qu'il a été libéré de prison. Le camp républicain guette le moindre faux pas de l'équipe Obama, accusée d'indulgence excessive vis-à-vis du régime chinois.
Les autorités américaines et chinoises ont maintenu un silence de plomb sur les circonstances de la fuite de Chen et de son arrivée à l'ambassade des États-Unis, information qui n'a été confirmée que de source proche du dissident. Ce profil bas n'a pas empêché les deux parties d'engager une intense négociation diplomatique. Dès dimanche, le secrétaire adjoint américain en charge de l'Asie, Kurt Campbell, rejoignait la capitale chinoise. Des sources internes à l'Administration américaine soulignaient que tout serait fait pour trouver une solution rapide, et susceptible de permettre à Pékin de sauver la face. «Il s'agit du plus gros test pour les relations bilatérales depuis 1989», a estimé Christopher Johnson, un ancien analyste de la CIA.
Une dictature imprévisible
Le scénario en cours de négociation semblerait être celui d'un exil de Chen vers les États-Unis. En 1989, après la terrible répression de Tiananmen, un astrophysicien du nom de Fang Lizhi était resté réfugié à l'ambassade américaine pendant un an, avant d'être finalement expulsé du pays. L'affaire avait gangrené la relation sino-américaine en profondeur. Un scénario que les deux parties veulent éviter.
Il est vrai qu'Américains et Chinois ont nombre de dossiers épineux à aborder, en dehors de l'affaire Chen. Les États-Unis continuent de pousser les Chinois à rejoindre le camp occidental, sur la question syrienne. Ils veulent aussi que Pékin apporte son aide à la lutte contre le nucléaire iranien et nord-coréen. Les milieux d'affaires américains disent aussi avoir bon espoir d'avancer sur le dossier compliqué des relations économiques, évoquant les efforts, modestes mais réels, récemment concédés par Pékin pour réapprécier le yuan. Mais cette amorce de détente pourrait être compliquée par les nouvelles ventes d'armes envisagées par l'Administration Obama à Taïwan, et par le renforcement de ses alliances militaires dans la région. Il s'agit là d'un point sensible pour les dirigeants chinois, qui ne cachent pas leur exaspération face à la «stratégie» américaine dite «du pivot».
De nombreux accords de défense ont été signés par Washington pour contrer la montée en puissance militaire du géant chinois. Au fond, l'Amérique d'Obama a beau se prononcer pour une «Chine forte», la réalité est qu'elle s'en méfie viscéralement et anticipe une possible confrontation, précisément parce que le régime politique chinois reste une dictature imprévisible. Malgré le désir de compartimenter, la question des libertés, posée avec éclat, par la fuite de Chen, n'est jamais bien loin.
Depuis son arrivée aux affaires, l'Administration Obama avait choisi de compartimenter les dossiers dans sa relation avec la Chine. Cette approche visait à empêcher le passif des violations des droits de l'homme en terre chinoise de ricocher sur le reste. Le credo de la Maison-Blanche était que le dialogue économique et stratégique avec Pékin était trop important pour être excessivement parasité par la question des libertés politiques. «Nous devons continuer de mettre la Chine sous pression, avait déclaré la secrétaire d'État Hillary Clinton lors de son premier voyage en 2009. Mais notre pression ne doit pas interférer avec la crise économique, le changement climatique et les crises dans le domaine de la sécurité.»
Cette semaine pourtant, Hillary Clinton, dont l'arrivée est prévue à Pékin mercredi matin pour des discussions officielles programmées jeudi et vendredi, n'aura pas le choix. Elle qui espérait centrer le grand rendez-vous sino-américain annuel sur la coopération économique et stratégique, se retrouve prise dans un ouragan diplomatique, où les droits de l'homme ont fait irruption en fanfare. En fuyant la maison où il était assigné à résidence et en se réfugiant à l'ambassade des États-Unis ces derniers jours, le célèbre dissident chinois aveugle Chen Guangcheng a brusquement créé une situation de crise, dont chacun des pays se serait bien passé.
Moindre faux pas guetté
En proie à une empoignade politique aggravée par les scandales qui ont éclaboussé de hauts dirigeants du parti, la direction chinoise est en position de faiblesse, à l'approche de la transition de pouvoir. Entrée dans le cycle électoral de la présidentielle, l'Administration Obama n'a de son côté aucune gourmandise pour un affrontement avec le puissant partenaire chinois. En même temps, elle ne peut se permettre d'abandonner Chen à un pouvoir qui n'a cessé de brutaliser sa famille, depuis qu'il a été libéré de prison. Le camp républicain guette le moindre faux pas de l'équipe Obama, accusée d'indulgence excessive vis-à-vis du régime chinois.
Les autorités américaines et chinoises ont maintenu un silence de plomb sur les circonstances de la fuite de Chen et de son arrivée à l'ambassade des États-Unis, information qui n'a été confirmée que de source proche du dissident. Ce profil bas n'a pas empêché les deux parties d'engager une intense négociation diplomatique. Dès dimanche, le secrétaire adjoint américain en charge de l'Asie, Kurt Campbell, rejoignait la capitale chinoise. Des sources internes à l'Administration américaine soulignaient que tout serait fait pour trouver une solution rapide, et susceptible de permettre à Pékin de sauver la face. «Il s'agit du plus gros test pour les relations bilatérales depuis 1989», a estimé Christopher Johnson, un ancien analyste de la CIA.
Une dictature imprévisible
Le scénario en cours de négociation semblerait être celui d'un exil de Chen vers les États-Unis. En 1989, après la terrible répression de Tiananmen, un astrophysicien du nom de Fang Lizhi était resté réfugié à l'ambassade américaine pendant un an, avant d'être finalement expulsé du pays. L'affaire avait gangrené la relation sino-américaine en profondeur. Un scénario que les deux parties veulent éviter.
Il est vrai qu'Américains et Chinois ont nombre de dossiers épineux à aborder, en dehors de l'affaire Chen. Les États-Unis continuent de pousser les Chinois à rejoindre le camp occidental, sur la question syrienne. Ils veulent aussi que Pékin apporte son aide à la lutte contre le nucléaire iranien et nord-coréen. Les milieux d'affaires américains disent aussi avoir bon espoir d'avancer sur le dossier compliqué des relations économiques, évoquant les efforts, modestes mais réels, récemment concédés par Pékin pour réapprécier le yuan. Mais cette amorce de détente pourrait être compliquée par les nouvelles ventes d'armes envisagées par l'Administration Obama à Taïwan, et par le renforcement de ses alliances militaires dans la région. Il s'agit là d'un point sensible pour les dirigeants chinois, qui ne cachent pas leur exaspération face à la «stratégie» américaine dite «du pivot».
De nombreux accords de défense ont été signés par Washington pour contrer la montée en puissance militaire du géant chinois. Au fond, l'Amérique d'Obama a beau se prononcer pour une «Chine forte», la réalité est qu'elle s'en méfie viscéralement et anticipe une possible confrontation, précisément parce que le régime politique chinois reste une dictature imprévisible. Malgré le désir de compartimenter, la question des libertés, posée avec éclat, par la fuite de Chen, n'est jamais bien loin.