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Comment Rangou vit son emprisonnement à Liberté 6

Rédigé par leral.net le Samedi 3 Octobre 2020 à 15:16 | | 0 commentaire(s)|

Loin de l’affection des siens, privée de sa liberté, des kilos en moins, des corvées en plus, son quotidien est celui d’une damnée. Sous les verrous de la Maison d’arrêt pour femmes du Camp pénal de Liberté 6 depuis quatre mois, Fatoumata Barry alias Rangou, réduite à un simple numéro d’écrou, est aujourd’hui ravagée par son sort…

Alors que le pays est plongé dans la torpeur du Coronavirus, en plein état d’urgence, elle a préféré jouer à «l’apprentie sorcière». Annonçant à grands renforts d'annonces à travers les médias sociaux, un «Yendou Party» qui allait se tenir dans un endroit branché des Almadies, sans savoir qu'elle venait d’amorcer une dangereuse pente. Un tournant décisif qui va d’abord lui offrir l’effervescence d’une polémique, avant de lui ouvrir grand, les portes de la prison.

Nous sommes en fin mai 2020, le 27 précisément. Depuis ce jour, Fatoumata Barry, plus connue sous le sobriquet de Rangou, est en confinement prolongé, derrière les murs épais du Camp Pénal. Après une descente musclée des forces de l’ordre sur les lieux de sa «petite fête privée», elle a été arrêtée et placée en garde-à-vue, en compagnie d’autres personnes incriminées. Quelques jours plus tard, elle a été déférée au parquet et envoyée en détention. La jeune femme attend patiemment la fin de son instruction, pour être fixée sur son improbable sort. De lourdes charges pèsent sur sa tête : association de malfaiteurs, prostitution, défaut de carnet sanitaire, proxénétisme, diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs et violation sur la loi de l’état d’urgence…


Chambre 3 avec une trentaine de détenues


Star éclipsée prématurément, l’ancienne animatrice-télé, reconvertie en «organisatrice d’événements spéciaux», traverse une période sombre de sa vie. Loin des privilèges, du glamour, des passe-droits que lui conférait son statut de bonne viveuse, elle se «meurt» dans la promiscuité et la moiteur de sa cellule. A côté de la chambre 3 qu’elle partage avec une trentaine d’autres détenues, les taudis de la banlieue où elle a fait ses humanités, sont du petit lait. A chaque jour, suffit sa peine ! La sulfureuse Rangou sur les affiches ultra-shootées, a perdu de sa superbe et n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ses fragilités, ses échecs, ses souffrances anciennes, son enfance chaotique ont refait surface dans l’enfer carcéral. Le petit papillon dans sa chrysalide qui rêvait de déployer ses ailes, est devenu une pestiférée hors cadre, hors société, contrainte à l’inactivité physique et psychologique.


Préposée à la cuisine et à la vaisselle


Ses seules activités, selon son avocat Me Abdou Aziz Djigo, restent les corvées que lui impose la prison. D’ailleurs, ces temps derniers, elle est préposée à la cuisine. Autant dire que ce n’est pas une mince affaire, pour la fluette Rangou, habituée aux extensions de cils et autres poses d'ongles. « Les repas, il faut les préparer pour l’ensemble des détenues, avec de grosses et lourdes marmites, comme lors les cérémonies. En plus de cela, il faut après, faire la vaisselle. Pour quelqu’un qui n’a plus l’habitude de cette vie, c’est extrêmement difficile. Elle se sent fatiguée, lasse. Malgré tout, elle s’y colle, obligée d’endurer les règles de la vie en prison», fait-il savoir, peiné pour sa cliente.

Il faut dire qu’elle fait vraiment peine à voir. Sa détresse est détectable à mille lieux, même derrière le visage impassible et la froideur affective qu’elle affiche devant son conseil, qui lui a rendu visite cette semaine. La seule d’ailleurs, depuis longtemps. Dans ce contexte de crise sanitaire où toutes les visites ont été suspendues, Fatoumata Barry s’est sentie bien seule durant ses quatre mois d’incarcération. Privée de l’affection et de la compassion des siens, elle commence à trouver le temps de plus en plus long. Les jours se suivent et se ressemblent. Les nuits passées sur son lit individuel, lui paraissent interminables.

Pour oublier sa condition de captive, elle se repasse parfois dans la tête, des remakes de ses chaudes nuits dans la chaleur dakaroise. Mais, à la place d’une musique entêtante, des petites bestioles assurent la sonorisation. Plutôt que des spot-lights, des destins tragiques de femmes rattrapées par leurs erreurs constituent le décor. Rien de trash et de bien excitant !


Amie avec la cheffe de chambre


Ses premiers mois sous les verrous étaient de loin plus supportables. Selon les confidences de Me Djigo, Rangou avait réussi à se faire des amies. Ce qui lui rendait la vie moins compliquée, malgré les difficiles conditions de détention. Cependant, celles-ci sont sorties une à une et l’ont laissée seule face à la solitude. Entre-temps, elle s’est beaucoup rapprochée de la cheffe de chambre, avec qui elle entretient des liens étroits. Ensemble, elles s’efforcent d’oublier leurs contraintes et leurs entraves. Même si, du reste, Rangou est de plus en plus ravagée, brisée, animée par un sentiment d’injustice. Après ses deux demandes de liberté provisoire rejetées, il ne lui reste plus que des regrets et de la rancœur. De l’espoir aussi…

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