« Les observateurs ont dû recevoir un message clair de Damas que s’ils embêtaient trop le régime, ils n’auraient pas droit à une deuxième visite » souligne un diplomate en poste dans la capitale syrienne. Or la Ligue joue une partie de sa crédibilité dans cette affaire. « C’est la première fois qu’elle intervient ainsi. Elle ne peut pas plier bagages tout de suite », ajoute cet expert.
Comment en est-on arrivé là ? En fait, la Ligue arabe s’est fait piéger par la Syrie et son allié russe, quand elle a signé le lundi 19 décembre le protocole d’accord sur l’envoi d’observateurs dans un pays secoué par une révolte populaire, réprimée par les forces de sécurité de Bashar el-Assad (5 000 morts selon l’ONU).
Quelques jours auparavant, le mercredi 14 exactement, le Qatar, qui dirige le comité ministériel de la Ligue, constatant le refus de Damas de parapher le texte, avait décidé de reporter le dossier au Conseil de sécurité de l’ONU à New York.
Mais le lendemain, premier contre temps : l’Irak annonce qu’elle va prendre une initiative et engage des pourparlers avec Damas. « On n’a jamais su ce qu’il y avait derrière cette initiative », reconnait le diplomate. De toute façon, la violence qui a repris à Bagdad plombe le projet irakien.
Ce jeudi encore, nouveau coup de théâtre : la Russie, qui préside jusqu’à fin décembre le Conseil de sécurité, présente à la surprise générale un projet de résolution sur la Syrie. « Ce projet a tué la tentative du Qatar et de la Ligue de passer par l’étape onusienne », reconnaît notre source. Dans la foulée, Moscou convoque le vice-président syrien Farouk al-Shara, et met la pression sur Bashar el-Assad, lui demandant de se montrer coopératif avec les observateurs. Damas obtempère tout en sachant, comme Moscou, que la Ligue arabe n’a pas les moyens d’agir dans l’urgence. Le piège se referme.
« La ligue n’avait pas d’experts prêts à partir sur le terrain », explique le diplomate. Une première équipe technique est mise sur pied à la hâte. Résultat constaté deux semaines plus tard par notre source à Damas : « Les observateurs essaient de faire ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, c’est-à-dire pas grand-chose ». Ils n’ont pas de porte-parole. Ils ne tiennent aucun briefing régulier. « Ca part dans tous les sens », ajoute le diplomate, qui a établi le contact avec leur chef soudanais, le très contesté général Dabi. Lui et ses hommes sont phagocytés par les services de renseignements et les représentants du protocole syriens. Leurs communications et leurs moyens de transports sont fournis par le régime de Damas. « Ils n’ont pas les gens compétents pour dire aux Syriens : nous avons d’autres infos que les vôtres, nous voulons aller ici et pas là où vous nous proposer d’aller ».
Comble de l’histoire : Damas aurait même eu une sorte de droit de veto sur leur désignation.
Que va-t-il se passer maintenant ? La mission devrait continuer son travail. Elle sera probablement renforcée, à l’issue de son premier rapport aux ministres des Affaires étrangères arabes. En attendant, le projet de résolution russe à l’ONU est obsolète. « Il est beaucoup trop éloigné des positions occidentales, confie un autre diplomate à Paris, cette fois. Le texte place sur un même pied les violences du régime et celles des manifestants. C’est inacceptable ».
Quant au pouvoir syrien, il reste fidèle à sa stratégie, qui consiste à gagner du temps. D’autres observateurs vont arriver dans le courant du mois de janvier. Leur mission se prolongera pendant quelques semaines. Ensuite, leur rapport dénoncera l’obstruction de Damas. Lequel consentira alors à desserrer l’étau, admettant une autre équipe d’observateurs sur le terrain. « Ce qui devrait nous amener vers le mois de mars », anticipe le diplomate. Or le 1er avril, l’Irak va succéder au Qatar pour diriger les débats de la Ligue arabe. Bagdad étant beaucoup plus compréhensif à l’égard d’Assad, la pression devrait alors se relâcher sur la Syrie. « On sera à trois semaines du premier tour de la présidentielle en France, note le diplomate, et on entrera de plain pied dans la campagne américaine ». En Occident, les préoccupations devraient avoir changé de nature. C’est du moins ce qu’espère la Syrie.
By Le Figaro
Comment en est-on arrivé là ? En fait, la Ligue arabe s’est fait piéger par la Syrie et son allié russe, quand elle a signé le lundi 19 décembre le protocole d’accord sur l’envoi d’observateurs dans un pays secoué par une révolte populaire, réprimée par les forces de sécurité de Bashar el-Assad (5 000 morts selon l’ONU).
Quelques jours auparavant, le mercredi 14 exactement, le Qatar, qui dirige le comité ministériel de la Ligue, constatant le refus de Damas de parapher le texte, avait décidé de reporter le dossier au Conseil de sécurité de l’ONU à New York.
Mais le lendemain, premier contre temps : l’Irak annonce qu’elle va prendre une initiative et engage des pourparlers avec Damas. « On n’a jamais su ce qu’il y avait derrière cette initiative », reconnait le diplomate. De toute façon, la violence qui a repris à Bagdad plombe le projet irakien.
Ce jeudi encore, nouveau coup de théâtre : la Russie, qui préside jusqu’à fin décembre le Conseil de sécurité, présente à la surprise générale un projet de résolution sur la Syrie. « Ce projet a tué la tentative du Qatar et de la Ligue de passer par l’étape onusienne », reconnaît notre source. Dans la foulée, Moscou convoque le vice-président syrien Farouk al-Shara, et met la pression sur Bashar el-Assad, lui demandant de se montrer coopératif avec les observateurs. Damas obtempère tout en sachant, comme Moscou, que la Ligue arabe n’a pas les moyens d’agir dans l’urgence. Le piège se referme.
« La ligue n’avait pas d’experts prêts à partir sur le terrain », explique le diplomate. Une première équipe technique est mise sur pied à la hâte. Résultat constaté deux semaines plus tard par notre source à Damas : « Les observateurs essaient de faire ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont, c’est-à-dire pas grand-chose ». Ils n’ont pas de porte-parole. Ils ne tiennent aucun briefing régulier. « Ca part dans tous les sens », ajoute le diplomate, qui a établi le contact avec leur chef soudanais, le très contesté général Dabi. Lui et ses hommes sont phagocytés par les services de renseignements et les représentants du protocole syriens. Leurs communications et leurs moyens de transports sont fournis par le régime de Damas. « Ils n’ont pas les gens compétents pour dire aux Syriens : nous avons d’autres infos que les vôtres, nous voulons aller ici et pas là où vous nous proposer d’aller ».
Comble de l’histoire : Damas aurait même eu une sorte de droit de veto sur leur désignation.
Que va-t-il se passer maintenant ? La mission devrait continuer son travail. Elle sera probablement renforcée, à l’issue de son premier rapport aux ministres des Affaires étrangères arabes. En attendant, le projet de résolution russe à l’ONU est obsolète. « Il est beaucoup trop éloigné des positions occidentales, confie un autre diplomate à Paris, cette fois. Le texte place sur un même pied les violences du régime et celles des manifestants. C’est inacceptable ».
Quant au pouvoir syrien, il reste fidèle à sa stratégie, qui consiste à gagner du temps. D’autres observateurs vont arriver dans le courant du mois de janvier. Leur mission se prolongera pendant quelques semaines. Ensuite, leur rapport dénoncera l’obstruction de Damas. Lequel consentira alors à desserrer l’étau, admettant une autre équipe d’observateurs sur le terrain. « Ce qui devrait nous amener vers le mois de mars », anticipe le diplomate. Or le 1er avril, l’Irak va succéder au Qatar pour diriger les débats de la Ligue arabe. Bagdad étant beaucoup plus compréhensif à l’égard d’Assad, la pression devrait alors se relâcher sur la Syrie. « On sera à trois semaines du premier tour de la présidentielle en France, note le diplomate, et on entrera de plain pied dans la campagne américaine ». En Occident, les préoccupations devraient avoir changé de nature. C’est du moins ce qu’espère la Syrie.
By Le Figaro