- Le Sénégal a-t-il connu, sous le régime du Président Wade, des taux de croissance suffisamment forts qui auraient permis de générer suffisamment d’emplois ?
- Ces taux de croissance ont-ils permis de réduire la proportion des ménages pauvres au Sénégal?
- Le déficit budgétaire et le niveau actuel de la dette publique sont-ils soutenables?
- L’environnement des affaires s’est-il amélioré au cours des 10 dernières années?
- Comment le Sénégal se compare t-il à ses voisins en termes de performances économiques ?
- Croissance économique
En 1999, à la veille des élections Présidentielles de 2000, le Sénégal avait connu un taux de croissance annuel de 6.3%. En 2000, ce taux a chuté à 3.2% avant d’enregistrer une hausse de 1.4% en 2005, ramenant le taux de croissance à 5.6% avant de se stabiliser à 4.2% en 2010. Lorsque l’on rapporte ce taux de croissance économique à la croissance démographique, le taux de croissance par tête d’habitant est passé, en 1999, de 3.7% à 0.6% en 2000 puis à 2.8% en 2005 avant de retomber à 1.4% en 2010. Ces chiffres traduisent le fait que les richesses créées sur le territoire Sénégalais n’augmentent pas au même rythme que la croissance de la population. En conséquence, le nombre d’emplois générés par cette faible croissance économique laissent une bonne partie de la jeunesse –qui faudrait-il le rappeler constitue plus de 65% de la population- désœuvrée, dans une précarité de sous-emploi, ou dans la débrouillardise de l’informel. Selon des estimations, le taux de chômage s’élèverait a environ 40%. C’est ainsi que le ratio de dépendance reste toujours élevé à 85.5% en 2010. En d’autres termes, plus de 85% de la population au Sénégal dépendent financièrement de l’infime minorité des membres de la famille qui ont eu la chance de trouver un emploi.
Comment le Sénégal se comporte t-il en matière de croissance comparé à ses voisins ? Des pays comme le Cap-Vert ont pu réaliser des taux de croissance annuels par tête d’habitant qui oscillent entre 4.5 et 10.5% au cours des 10 dernières. Cette forte croissance s’est naturellement traduite, dans ces pays respectifs, par une augmentation substantielle du nombre de nouveaux emplois créés. Il en est de même du Ghana et du Burkina Faso qui ont connu, durant la même période, des taux de croissance annuel par tête qui avoisinaient 6%. Le Mali qui avait, en 1999, la moitié du PIB par tête du Sénégal (US$ 555), affiche aujourd’hui les mêmes taux de croissance que ce dernier.
De façon générale, selon les données récentes publiées par la Banque Mondiale sur les Indicateurs de Développement Africain (2011), on constate que les taux de croissance économiques du Sénégal sont restés, de façon constante, en dessous de la moyenne en Afrique Sub Saharienne. La Figure 1 en donne une parfaite illustration. Elle montre que, depuis 2000, le Sénégal n’a jusqu’ici pas encore su retrouver son taux de croissance d’avant l’alternance. Naturellement, cela est en partie lié à la conjoncture économique internationale qui échappe au contrôle du Gouvernement mais une bonne part de la faiblesse du taux de croissance relève de la responsabilité de l’Etat qui n’a pas su asseoir les fondements d’une politique économique digne d’un pays qui aspire à être une économie émergente.
- La croissance a-t-elle permis de réduire l’incidence de la pauvreté au Sénégal?
Il découle de ce que nous venons de présenter plus haut qu’une forte croissance s’accompagne souvent d’une baisse proportionnelle du taux de pauvreté. Selon des estimations de la Banque Mondiale, le pourcentage des sénégalais qui vivent en dessous du seuil national de pauvreté était d’environ 50.8% en 2005. En d’autres termes, plus de la moitié des sénégalais sont pauvres. Ils souffrent de l’incidence de la pauvreté qui est encore plus aiguisée en milieu rural avec près de 62% des ménages ruraux vivant en dessous du seuil de pauvreté rurale. Ce qui se traduit par l’exode massif des jeunes en zones urbaines -principalement à Dakar- à la recherche de lendemains meilleurs, avec son lot d’infortunes telles que l’exploitation humaine ou le sous-emploi déguisé. La paupérisation des populations urbaines et rurales qui, pour beaucoup, ne mangent qu’une seule fois dans la journée, n’engendre pas moins le banditisme, l’insécurité, la prostitution des jeunes filles et de plus en plus des garçons (communément appelés gigolos) pour joindre les deux bouts et nourrir la famille. Même la couche moyenne de la population qui, il y a une quinzaine d’années, pouvait s’offrir le luxe des magasins avec noms de marque, aujourd’hui fait dans la friperie et autres produits bas de gamme avec des conséquences incalculables sur leur santé. C’est à croire que l’espoir d’une économie sénégalaise émergente qui s’appuierait sur une large couche moyenne, semble s’être définitivement envolé.
De surcroit, avec la crise financière et alimentaire mondiale qui sévit depuis 2008 et qui n’est pas sans effets négatifs sur l’économie sénégalaise, il faut s’attendre à ce que le nombre de pauvres augmente et que le pourcentage des pauvres dans la population totale aussi aille crescendo.
Lorsque l’on examine la corrélation entre le taux de croissance et le taux de pauvreté, on s’aperçoit (voir Figure 2), en comparant le Sénégal à des pays voisins tels que la Mauritanie, que le Sénégal est non seulement moins performant en matière de réduction de la pauvreté (33.5% vs 21.2%) mais son taux de croissance annuel moyen par tête, dans la période 2000-09, est inferieur à celui de la Mauritanie (2.0% vs 1.6%). On observe également le même scenario lorsque l’on compare le Sénégal au Ghana. Quant à la Côte d’Ivoire qui était plongée, pendant plus de 10 ans, dans une guerre civile qui lui a valu un taux de croissance moyen par tête négatif (-1.3%), elle a pu enregistrer un taux de pauvreté largement plus faible que celui du Sénégal (23.8% vs 33.5%). Comment comprendre un tel paradoxe sinon que la croissance que le Sénégal a connu au cours des dix dernières années n’a profité qu’à une poignée d’individus laissant ainsi une majeure partie de la population dans la misère.
- Le déficit budgétaire et le niveau actuel de la dette publique sont-ils soutenables?
Les revenus générés par le Gouvernement du Sénégal sont passés de 21.1% du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2006 à près de 23.2% en 2010 alors que dans la même période, les dépenses publiques de l’Etat sont passées de 27.5% à 28.7% du PIB. Ce qui se traduit par un déficit budgétaire de 5.5% du PIB. La dette publique nette est ainsi passée de 24.2% du PIB à 33.2% du PIB entre 2006 et 2010.
Par ailleurs, selon le rapport semestriel de l’UEMOA de Juin 2011, le Sénégal est en queue de peloton en ce qui concerne la maitrise des dépenses budgétaires. La Figure 3 fait état d’un solde budgétaire négatif de 1.5% du PIB nominal alors que des pays comme la Guinée Buissau ou encore la Côte d’Ivoire enregistrent des soldes excédentaires de 1.4% et 0.2% respectivement. Au regard de ces données, on se demande comment notre Ministre de l’Economie a pu se permettre de fourvoyer les autres membres du Gouvernement en leur faisant croire que le Sénégal est cité partout en exemple. Tout porte à croire que c’est plutôt le Sénégal qui devrait se renseigner en Guinée Buissau ou au Togo pour réapprendre les règles élémentaires d’une bonne comptabilité. Le Sénégal est le seul pays, au sein de l’UEMOA, qui soit en passe de violer le premier critère de convergence économique (e.g., solde budgétaire) au cours de l’année 2010. Cela démontre, sans ambages, le laxisme de l’actuel gouvernement quant à la maîtrise de sa propre politique budgétaire.
Avec les échéances électorales en vue, les prévisions font état d’une détérioration du solde budgétaire et de la dette publique que les générations futures auront le lourd fardeau de porter. Comment s’étonner d’un tel dérapage dans les dépenses de l’Etat lorsque des mécanismes stricts de contrôle ne sont pas appliqués dans l’exécution du budget, surtout lorsque l’ordre émane du fils du Président ?
Avec les sommes faramineuses englouties dans le fameux plan Takkal qui coûte aux contribuables sénégalais la bagatelle de 675 milliards de FCFA, le problème de l’électricité dont souffre le sénégalais moyen chaque jour, n’est encore pas réglé en dépit des nombreuses promesses faites par le passé[[1]]url:#_ftn1 . Le problème de l’électricité ne touche pas seulement les populations déjà fortement paupérisées par la gestion laxiste et on ne peut plus informelle des ressources du pays. Le coût des délestages et autres coupures d’électricité pour les entreprises qui opèrent au Sénégal ne saurait être sous-estimé. Des estimations de la Banque Mondiale font état d’une perte nette de 1.4% de taux de croissance économique. Quand on sait que le pays n’enregistre qu’entre 3 et 4% de croissance, cette perte représente un coût exorbitant pour l’économie et ne peut que décourager de potentiels investisseurs. Ce phénomène serait également de nature à pousser les entreprises existantes à mettre la clé sous le paillasson avec les conséquences sociales désastreuses pour des travailleurs qui ne misent que sur cette seule source de revenu pour nourrir leurs familles.
- L’environnement des affaires s’est-il amélioré au cours des 10 dernières années?
En 2011, le rapport de la Banque Mondiale sur ‘Doing Business’ classe le Sénégal au 152e rang sur 183 pays en matière de création d’affaires pour les operateurs économiques et de promotion d’un environnement propice aux investissements et aux affaires. Les nombreuses pratiques de corruptions, pots de vin et autres manques de transparence dans la passation des marchés inspirent peu de confiance aux operateurs économiques qui chercheraient à investir au Sénégal. Il s’y ajoute l’instabilité sociale alimentée par un pilotage à vue et une absence de volonté politique de remettre le pays sur les rails d’une véritable croissance à deux chiffres qui profiterait à la majorité des sénégalais. Le Sénégal est ainsi tombé d’une place entre 2010 et 2011 après que le pays ait connu un progrès grâce à la simplification des procédures de création d’entreprises, la réduction des délais dans les procédures de transfert de propriété, etc. en 2008.
Comparé au Ghana où le coût de création d’une entreprise représente, en 2010, 20% de l’investissement brut national par tête d’habitant, le Sénégal en est encore au taux de 63%, soit trois fois plus cher que le coût pour démarrer son affaire au Ghana. Au Cap-Vert et au Burkina Faso, ce coût est, respectivement, à 18.5% et 49.8% de l’investissement brut national par tête d’habitant.
Au regard des informations fournies ci-dessus, il serait sinon malhonnête du moins assez audacieux d’affirmer, de façon péremptoire, que tout va pour le mieux au Sénégal lorsque l’on regarde les indicateurs économiques. Cette attitude frise même le ridicule lorsque l’on va jusqu'à soutenir que le Sénégal fait mieux que les pays de la sous-région. Des pays comme la Cote d’Ivoire sont arrivés, un tant soit peu, à fournir de l’électricité sur toute l’étendue du territoire en pleine guerre civile alors que le Sénégal, qui se targe d’être un pays stable, parvient à peine à éclairer toute la circonscription de Guédiawaye, ne serait-ce qu’une journée entière depuis maintenant plus d’un an.
Par ailleurs, les contribuables Sénégalais sont en droit de s’interroger sur les motivations de la tentative récente du gouvernement de nationaliser la SONATEL avec cette surtaxe sur les appels entrants, surtout lorsque l’on sait qu’en 2010, l’Etat, en mal d’argent, menaçait de céder des actions pour ramener sa quote part de 27% a 18%. Ont-ils vraiment pris la mesure des effets néfastes de cette surtaxe sur les investissements dans le secteur des télécommunications mais aussi et surtout mesurent-ils les pertes de revenus qui pourraient en résulter pour la SONATEL qui, faut-il le rappeler au-demeurant, tire près de 80% de ses revenus des appels étrangers ? Que le gouvernement nous dise l’utilisation qui sera faite des 60 milliards de FCFA de revenus annuels qui seront tirés de cette taxe ! Wade va-t-il utiliser ces revenus supplémentaires pour des dépenses liées aux logements sociaux, à l’informatique et à la case des tout petits, comme il l’aurait laissé entendre ou cela servira-t-il à renflouer les caisses en vue de la campagne électorale?
[[1]]url:#_ftnref1 Il faut noter que près de la moitié du budget alloué au plan Takkal provient principalement de trois prêts consentis par : (i) la United Bank of Africa pour un montant d’environ 135 milliards de fcfa visant à financer l'achat de pétrole par la SAR –sous le contrôle du groupe Bin Laden- qui est en phase de renouveler sa capacité d'alimenter les nouveaux générateurs en diesel de la SENELEC ; (ii) La Banque Islamique de Développement pour un montant de 43 milliards de fcfa pour financer une unité de production de 70mw pour alimenter Dakar ; et enfin (iii) la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) pour environ 57 milliards de fcfa pour renouveler le réseau électrique vétuste.