Il est d’abord utile de bien comprendre la mécanique du plan de soutien. On sait que les pays de l’Union Européenne doivent se mettre d’accord sur un budget communautaire pour la prochaine période qui s’étale de 2021 à 2027. Les négociations sont difficiles car il y a des dissensions sur l’ampleur de ce budget. La question est encore compliquée par le Brexit qui diminue les recettes de 75 milliards sur la période. Si on restreint le périmètre à 27 pays, le budget pluriannuel précédent, qui prévaut encore, représente 1,16% du revenu national brut de la région concernée. La Commission avait proposé que le nouveau budget soit limité à 1,114% du produit national brut.
Un groupe de pays, dont la France, souhaitent une augmentation substantielle du budget par rapport à la période précédente. Ils ont été contrés par les pays autoproclamés frugaux, Pays Bas, Suède, Danemark, et Autriche, pour qui il convient d’éviter de dépasser 1% du revenu national brut. Les divisions sont aggravées par la volonté de la France du supprimer les rabais précédemment octroyés aux pays frugaux. La présidence du Conseil avait proposé un compromis à 1,074% mais les divisions ont persisté. La récession est-elle maintenant de nature à déplacer les positions?
Le plan de Macron et Merkel propose que le nouveau budget de l’UE soit augmenté à 2% du produit national brut pendant les 3 premières années, de 2021 à 2023. Au cours de chacune de ces années, le budget serait ainsi augmenté de 165 milliards. Pour la période totale, le budget serait donc augmenté de quelques 500 milliards. Toutefois, cette augmentation des dépenses serait réalisée sans demander aux pays membres d’apporter des recettes supplémentaires. Les contributions annuelles des pays membres resteraient globalement inchangées.
La différence serait donc empruntée par l’Union Européenne elle-même. Ce serait une dette collective de l’Union Européenne, couverte implicitement par les perspectives de contributions ultérieures des pays membres. Il convient d’ailleurs de remarquer que l’Union Européenne a déjà émis elle-même des obligations dans le passé, mais dans une mesure bien moindre. Jusqu’à présent, l’Union Européenne bénéficie d’une notation AAA. Il est difficile d’évaluer s’il y a un risque que les agences de notation dégradent cette note, en fonction de leur appréciation de la solidité de l’engagement implicite des pays membres.
L’avantage de ce mécanisme, comme l’indique Henrik Einderlein, c’est que ce serait sans effet sur les dettes des pays membres, au sens de Maastricht. C’est logique car, déjà maintenant, les engagements des pays membres à payer leurs contributions au budget communautaire sont exclues de la définition de la dette publique au sens de Maastricht.
L’ancien vice président de la BCE, Victor Constancio, suggère que l’Union européenne émette des obligations à très long terme pour financer ce plan. Il Remarque que le coût en intérêt serait très réduit.
Le plan proposé conjointement par l’Allemagne et la France diffère totalement de ce qui se passerait si l’ MES était utilisé pour apporter des fonds à des pays membres affectés par la crise. D’abord, le MES octroie des prêts qui augmentent la dette publique des bénéficiaires. Pour financer ces prêts, le MES emprunte lui-même avec comme garantie les fonds propres que tous les pays lui ont apportés, en les empruntant et donc en augmentant leurs propres dettes publiques.
Ici, au lieu d’accorder des prêts, l’Union Européenne réaliserait directement des dépenses au profit des pays bénéficiaires sans que cela augmente directement leur dette pour un montant équivalent. Les montants seraient répartis en fonction des besoins sans aucune conditionnalité. Ensuite, les contributions ultérieures des différents pays au budget de l’UE, qui aura à rembourser les dettes émises, seraient indépendantes de l’ampleur avec laquelle ils auraient bénéficié du plan. Il y a donc un vrai mécanisme de solidarité.
Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management
capital.fr