Oh certes, les nouvelles autorités ont su relever avec succès le défi des coupures intempestives d’électricité, ces redoutables délestages de sinistre mémoire. Et tant pis si, pour cela, elles ont dû saigner à blanc les finances publiques avec plus de dix milliards de nos francs versés chaque mois à la Sénelec. La paix sociale n’a pas de prix. Oh certes, elles ont réalisé un véritable Plan Marshall pour le monde rural qui a reçu plus de 34 milliards de francs en intrants. Oh certes, et surtout, elles ont su faire mentir les prédictions apocalyptiques de l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade, qui prétendait que, Macky Sall président, en moins de trois mois, les salaires des fonctionnaires ne seraient plus payés. Cela fait huit mois que le pape du Sopi est parti et il n’y a pas eu le Déluge promis. Au contraire, les salaires sont payés avant la fin du mois, le Gouvernement s’étant même payé le luxe, fin Octobre, de régler les avances de Tabaski en plus ! Ajoutons à cela que la dette du Sénégal est honorée régulièrement même si celle intérieure, elle, enfle dangereusement et approche les 700 milliards de nos francs.
C’est justement, là, une des principales causes du malaise ambiant. Car, aujourd’hui, une phrase revient comme une ritournelle dans toutes les conversations : « dëkk bi da fa wow » (littéralement, le pays est sec), manière de dire que l’argent ne circule plus ! L’Etat étant dans ce pays le principal client, celui dont les commandes nourrissent l’activité économique, il suffit qu’il n’achète plus, ou qu’il ne paye plus voire qu’il règle ses factures avec du retard, pour que l’activité économique s’en ressente ! Or, aujourd’hui, du fait de ce gonflement de la dette intérieure, des centaines de Pme-Pmi sont à l’article de la mort. Surtout que les banques ne prêtent plus, crise économique et financière mondiale oblige.
Il s’y ajoute qu’au Sénégal, cela fait au moins un an et demi que presque personne ne travaille plus. Il y a eu d’abord la longue période de violences pré-électorales qui a commencé le 23 juin 2011 et qui ne s’est véritablement arrêtée qu’au lendemain du 25 mars dernier. On espérait qu’avec l’avènement d’un nouveau régime, les Sénégalais, et particulièrement les milieux économiques, allaient enfin se remettre au travail.
Hélas, le dilettantisme du premier gouvernement, composé en majorité d’amateurs alors qu’il aurait fallu mettre des professionnels chevronnés, les hésitations et indécisions du nouveau Président, sa lenteur à la détente et, surtout, le manque d’argent dans les caisses de l’Etat… tout cela a aggravé la détérioration de la situation économique de notre pays. Résultat ; les importateurs n’importent presque plus, les investisseurs retiennent leur argent dans l’attente d’y voir plus clair, les entreprises tournent au ralenti. Et ce qui devait arriver est arrivé : les recettes de l’Etat, surtout les impôts intérieurs, ont commencé à baisser. Alors même que les urgentes sont devenues plus pressantes ! Mais heureusement que le gouvernement a lancé un emprunt obligataire de 50 milliards de francs et que le président de la République a ramené du Koweït un précieux chèque de 140 milliards de francs qui va servir à financer des travaux d’infrastructures. Une excellente bouffée d’oxygène pour nos finances exsangues !
Il est heureux que le président de la République songe enfin — mieux vaut tard que jamais — à aller chercher de l’argent pour faire tourner l’économie plutôt que d’effectuer des voyages-bidons qui font de lui la risée de l’Afrique. Car enfin, quelle idée d’aller à La Haye pour assister aux festivités marquant les 10 ans de la Cour Pénale Internationale (CPI) ? Une Cour qui, en une décennie d’existence, n’a inculpé et détenu que des Africains et qui continue encore d’humilier le continent. Une Cour à ce point exécrée que même les chefs d’Etat de l’Union Africaine — qui ne sont pourtant pas connus pour leur témérité face à l’Occident !—prenant leur courage à deux mains, avaient décidé de ne pas coopérer avec elle lorsqu’elle a émis un mandat d’arrêt international contre le président soudanais en exercice, M. Omar El Béchir. M. Macky Sall était d’ailleurs, à notre connaissance, le seul président africain à avoir assisté à ces cérémonies marquant le dixième anniversaire de la CPI. Il a même manqué l’occasion de se taire en préconisant… l’élargissement des prérogatives de la CPI à la lutte contre la corruption. Et pourquoi pas aux conflits matrimoniaux, tant qu’on y est ?
En fait, ce qui nous inquiète surtout en lui, c’est sa volonté d’apparaître comme le bon élève de l’Occident en tout, au point d’endosser ses combats les plus douteux. Il est allé chanter les louanges de la CPI, on ne lui en demandait pas tant. Il avait déclaré urbi et urbi qu’il n’enverrait pas de troupes au Mali… avant de décider de le faire pour complaire à la France. Alors que les Sénégalais ont d’autres chats à fouetter, qu’ils cherchent désespérément le diable pour lui tirer la queue et que le « Yoonu yokkuté » s’éloigne comme un mirage dans le désert, il fait des pieds et des mains pour organiser — à la demande de l’Union africaine mais surtout de l’Occident, et en particulier des Etats-Unis dont la secrétaire d’Etat a déclaré que son pays allait apporter sa contribution financière — le procès du président Hissène Habré. Et ce bien que l’ancien président tchadien avait été accueilli dans notre pays à l’époque à la demande de l’Oua et comme condition du règlement définitif de la crise politico-militaire qui embrasait ce pays. M. Habré dont on dit que, en venant se réfugier chez nous, il avait emmené des dizaines de milliards de francs qu’il a investis au Sénégal. Plutôt donc que de lui élever une statue et de le protéger, voilà que nous le jetons en pâture aux Ong occidentales, à la Belgique, qui a assassiné le grand héros africain Patrice Lumumba mais aussi au Tchad dont le Président — qui fut pourtant son chef des services de sécurité ! — peut difficilement être innocenté d’éventuels « crimes » qu’aurait commis M. Habré. Mais voilà, il paraît que c’est une grande priorité nationale que d’organiser le procès de ce distingué hôte du Sénégal, qui vit en parfaite harmonie dans notre pays depuis plus de 20 ans et dont les enfants sont des Sénégalais.
Toujours dans sa volonté proclamée d’instaurer une gouvernance « vertueuse » selon les standards internationaux, le président de la République a lancé une croisade contre l’argent « sale », en décrétant que seul l’argent « propre » devrait désormais circuler dans ce cher pays. Or, à notre avis, les Sénégalais se tamponnent du fait que l’argent qui entre dans ce pays soit propre ou sale. L’essentiel, pour eux, c’est qu’il fasse tourner l’économie et serve à construire le pays. Encore une fois, on veut plaire aux Occidentaux qui nous disent : « faites ce que nous disons, mais ne faites pas ce que nous faisons » ! Car ces chers maîtres occidentaux, après avoir recyclé l’argent « sale » du monde entier, veulent nous demander à présent de ne surtout pas y toucher au risque de nous brûler. Un peu comme après s’être dotés de la bombe atomique, ils veulent empêcher par tous les moyens un pays comme l’Iran d’en fabriquer.
Cela dit, si la traque des biens mal acquis déclenchée par les nouvelles autorités pouvait permettre de rapatrier au Sénégal ne serait-ce que quelques milliards, nous sommes preneurs. L’ennui c’est que, tel que c’est parti, votre serviteur doute fort que, franchement, cette opération aboutisse à quelque chose de concret. Non pas que les gens épinglés ne soient pas des voleurs, loin de là, mais tout simplement parce que tous ces braves gens ont souscrit des assurances tous risques à Touba notamment. Sans compter qu’avec les milliards qu’ils ont pris, ce serait bien le diable s’ils ne réussissaient pas à obtenir la bienveillance de magistrats véreux. On a vu la manière dont on a laissé filer Moustapha Yacine Guèye de « MTL », maintenu en liberté provisoire sur ordre de son marabout. De même, le fait que l’homme d’affaires Cheikh Amar soit toujours libre de ses mouvements après avoir encaissé huit milliards de l’ARTP (Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes) à laquelle il était censé vendre deux immeubles… qui n’étaient même pas sortis de terre, et après avoir aussi pris sept milliards de francs pour « phosphater » les sols de nos braves paysans, le fait donc que Cheikh Amar se pavane en liberté et que son dossier traîne dans les cabinets des juges — alors que tout le monde attendait un mandat d’arrêt —, c’est un indicateur intéressant de l’enterrement de première classe promis à tous ces dossiers d’enrichissement illicite !
Car de deux choses l’une : ou bien tous ces messieurs sont des voleurs et il faut les jeter en prison sans tarder en nous épargnant le spectacle de ces défilés triomphalistes de « voleurs » à la caserne Samba Diéry Diallo, ou alors ils sont innocents et, dans ce cas, il faudra mettre fin à cette comédie guignolesque.
Et ce afin que l’argent circule de nouveau dans ce pays. Qu’il soit sale ou propre, on s’en fout, pourvu que l’économie nationale tourne enfin et que le président de la République lui-même ait à présenter un bilan en 2017. Un vrai « Yoonu yokkuté » quoi ! Car si on ne se base que sur l’argent « propre »…
Mamadou Oumar NDIAYE
Le Témoin N° 1106 –Hebdomadaire Sénégalais ( Décembre 2012)
C’est justement, là, une des principales causes du malaise ambiant. Car, aujourd’hui, une phrase revient comme une ritournelle dans toutes les conversations : « dëkk bi da fa wow » (littéralement, le pays est sec), manière de dire que l’argent ne circule plus ! L’Etat étant dans ce pays le principal client, celui dont les commandes nourrissent l’activité économique, il suffit qu’il n’achète plus, ou qu’il ne paye plus voire qu’il règle ses factures avec du retard, pour que l’activité économique s’en ressente ! Or, aujourd’hui, du fait de ce gonflement de la dette intérieure, des centaines de Pme-Pmi sont à l’article de la mort. Surtout que les banques ne prêtent plus, crise économique et financière mondiale oblige.
Il s’y ajoute qu’au Sénégal, cela fait au moins un an et demi que presque personne ne travaille plus. Il y a eu d’abord la longue période de violences pré-électorales qui a commencé le 23 juin 2011 et qui ne s’est véritablement arrêtée qu’au lendemain du 25 mars dernier. On espérait qu’avec l’avènement d’un nouveau régime, les Sénégalais, et particulièrement les milieux économiques, allaient enfin se remettre au travail.
Hélas, le dilettantisme du premier gouvernement, composé en majorité d’amateurs alors qu’il aurait fallu mettre des professionnels chevronnés, les hésitations et indécisions du nouveau Président, sa lenteur à la détente et, surtout, le manque d’argent dans les caisses de l’Etat… tout cela a aggravé la détérioration de la situation économique de notre pays. Résultat ; les importateurs n’importent presque plus, les investisseurs retiennent leur argent dans l’attente d’y voir plus clair, les entreprises tournent au ralenti. Et ce qui devait arriver est arrivé : les recettes de l’Etat, surtout les impôts intérieurs, ont commencé à baisser. Alors même que les urgentes sont devenues plus pressantes ! Mais heureusement que le gouvernement a lancé un emprunt obligataire de 50 milliards de francs et que le président de la République a ramené du Koweït un précieux chèque de 140 milliards de francs qui va servir à financer des travaux d’infrastructures. Une excellente bouffée d’oxygène pour nos finances exsangues !
Il est heureux que le président de la République songe enfin — mieux vaut tard que jamais — à aller chercher de l’argent pour faire tourner l’économie plutôt que d’effectuer des voyages-bidons qui font de lui la risée de l’Afrique. Car enfin, quelle idée d’aller à La Haye pour assister aux festivités marquant les 10 ans de la Cour Pénale Internationale (CPI) ? Une Cour qui, en une décennie d’existence, n’a inculpé et détenu que des Africains et qui continue encore d’humilier le continent. Une Cour à ce point exécrée que même les chefs d’Etat de l’Union Africaine — qui ne sont pourtant pas connus pour leur témérité face à l’Occident !—prenant leur courage à deux mains, avaient décidé de ne pas coopérer avec elle lorsqu’elle a émis un mandat d’arrêt international contre le président soudanais en exercice, M. Omar El Béchir. M. Macky Sall était d’ailleurs, à notre connaissance, le seul président africain à avoir assisté à ces cérémonies marquant le dixième anniversaire de la CPI. Il a même manqué l’occasion de se taire en préconisant… l’élargissement des prérogatives de la CPI à la lutte contre la corruption. Et pourquoi pas aux conflits matrimoniaux, tant qu’on y est ?
En fait, ce qui nous inquiète surtout en lui, c’est sa volonté d’apparaître comme le bon élève de l’Occident en tout, au point d’endosser ses combats les plus douteux. Il est allé chanter les louanges de la CPI, on ne lui en demandait pas tant. Il avait déclaré urbi et urbi qu’il n’enverrait pas de troupes au Mali… avant de décider de le faire pour complaire à la France. Alors que les Sénégalais ont d’autres chats à fouetter, qu’ils cherchent désespérément le diable pour lui tirer la queue et que le « Yoonu yokkuté » s’éloigne comme un mirage dans le désert, il fait des pieds et des mains pour organiser — à la demande de l’Union africaine mais surtout de l’Occident, et en particulier des Etats-Unis dont la secrétaire d’Etat a déclaré que son pays allait apporter sa contribution financière — le procès du président Hissène Habré. Et ce bien que l’ancien président tchadien avait été accueilli dans notre pays à l’époque à la demande de l’Oua et comme condition du règlement définitif de la crise politico-militaire qui embrasait ce pays. M. Habré dont on dit que, en venant se réfugier chez nous, il avait emmené des dizaines de milliards de francs qu’il a investis au Sénégal. Plutôt donc que de lui élever une statue et de le protéger, voilà que nous le jetons en pâture aux Ong occidentales, à la Belgique, qui a assassiné le grand héros africain Patrice Lumumba mais aussi au Tchad dont le Président — qui fut pourtant son chef des services de sécurité ! — peut difficilement être innocenté d’éventuels « crimes » qu’aurait commis M. Habré. Mais voilà, il paraît que c’est une grande priorité nationale que d’organiser le procès de ce distingué hôte du Sénégal, qui vit en parfaite harmonie dans notre pays depuis plus de 20 ans et dont les enfants sont des Sénégalais.
Toujours dans sa volonté proclamée d’instaurer une gouvernance « vertueuse » selon les standards internationaux, le président de la République a lancé une croisade contre l’argent « sale », en décrétant que seul l’argent « propre » devrait désormais circuler dans ce cher pays. Or, à notre avis, les Sénégalais se tamponnent du fait que l’argent qui entre dans ce pays soit propre ou sale. L’essentiel, pour eux, c’est qu’il fasse tourner l’économie et serve à construire le pays. Encore une fois, on veut plaire aux Occidentaux qui nous disent : « faites ce que nous disons, mais ne faites pas ce que nous faisons » ! Car ces chers maîtres occidentaux, après avoir recyclé l’argent « sale » du monde entier, veulent nous demander à présent de ne surtout pas y toucher au risque de nous brûler. Un peu comme après s’être dotés de la bombe atomique, ils veulent empêcher par tous les moyens un pays comme l’Iran d’en fabriquer.
Cela dit, si la traque des biens mal acquis déclenchée par les nouvelles autorités pouvait permettre de rapatrier au Sénégal ne serait-ce que quelques milliards, nous sommes preneurs. L’ennui c’est que, tel que c’est parti, votre serviteur doute fort que, franchement, cette opération aboutisse à quelque chose de concret. Non pas que les gens épinglés ne soient pas des voleurs, loin de là, mais tout simplement parce que tous ces braves gens ont souscrit des assurances tous risques à Touba notamment. Sans compter qu’avec les milliards qu’ils ont pris, ce serait bien le diable s’ils ne réussissaient pas à obtenir la bienveillance de magistrats véreux. On a vu la manière dont on a laissé filer Moustapha Yacine Guèye de « MTL », maintenu en liberté provisoire sur ordre de son marabout. De même, le fait que l’homme d’affaires Cheikh Amar soit toujours libre de ses mouvements après avoir encaissé huit milliards de l’ARTP (Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes) à laquelle il était censé vendre deux immeubles… qui n’étaient même pas sortis de terre, et après avoir aussi pris sept milliards de francs pour « phosphater » les sols de nos braves paysans, le fait donc que Cheikh Amar se pavane en liberté et que son dossier traîne dans les cabinets des juges — alors que tout le monde attendait un mandat d’arrêt —, c’est un indicateur intéressant de l’enterrement de première classe promis à tous ces dossiers d’enrichissement illicite !
Car de deux choses l’une : ou bien tous ces messieurs sont des voleurs et il faut les jeter en prison sans tarder en nous épargnant le spectacle de ces défilés triomphalistes de « voleurs » à la caserne Samba Diéry Diallo, ou alors ils sont innocents et, dans ce cas, il faudra mettre fin à cette comédie guignolesque.
Et ce afin que l’argent circule de nouveau dans ce pays. Qu’il soit sale ou propre, on s’en fout, pourvu que l’économie nationale tourne enfin et que le président de la République lui-même ait à présenter un bilan en 2017. Un vrai « Yoonu yokkuté » quoi ! Car si on ne se base que sur l’argent « propre »…
Mamadou Oumar NDIAYE
Le Témoin N° 1106 –Hebdomadaire Sénégalais ( Décembre 2012)