Par Thierno DIALLO
INSITITUTIONS SANS SUBSTANCE
«Finalement, on est en droit de se demander si on a, au Sénégal, un Etat de droit ou un Etat des hommes. Les Américains ont l’habitude de dire : «Nous préférons un Etat de droit à un Etat des hommes (…)» Si nous regardons aujourd’hui la pratique qui est faite de l’exercice du pouvoir présidentiel, elle est, en partie, dans ses aspects les plus extrêmes du point de vue de la personnalisation, de la patrimonialisation de l’Etat. Mais, on ne peut pas dire que ça a commencé maintenant. L’avantage des Assises nationales et l’expérience de tous les Sénégalais aujourd’hui, c’est de dire : enfin, travaillons pour que, dans le futur, dans un avenir plus au moins proche, on n’ait plus un Etat où un homme qui décide de la vie de onze millions de Sénégalais, comme cela lui plait. «Aujourd’hui, (si) j’ai envie de renvoyer mon gouvernement, je le renvoie. J’ai envie d’envoyer un Premier ministre, je le fais. J’ai envie de réformer les institutions, de reporter les élections, je le fais.»
Il y a aujourd’hui un constat qui est fait : la pratique du pouvoir d’Etat au Sénégal a fait en sorte que toutes les institutions ont été vidées de leur substance et de leur signification profonde ; par rapport d’abord à la gestion de la citoyenneté, à la gestion de l’administration et surtout par rapport à la gestion, de manière générale, de la République. Voilà à quoi nous avons assisté durant cette période 2000-2008. En fait, on peut même se demander si les institutions existent au Sénégal. Si elles existent, elles n’existent que de nom, malheureusement. Il y a un homme (le Président Wade : Ndlr) autour de qui se structure, se fait, se défait tout ce qui est entrepris au Sénégal. Evidemment, on a toujours dit que le président de la République est la clé de voûte, mais nous en avons une lecture, une compréhension désastreuse qui fait qu’un homme, en l’occurrence le président de la République, dispose d’un droit de mort et d’un droit de vie sur tous les Sénégalais, sur tous les fonctionnaires.»
UNE ASSEMBLEE DEVIEE DE SA VOCATION
«Depuis 2000, nous avons eu neuf gouvernements ; chaque Premier ministre qui est arrivé a eu au moins trois gouvernements. L’instabilité est telle que ça n’obéit à aucun critère, sinon à des humeurs du moment d’un homme. Cela a eu un impact tel qu’aujourd’hui, les gens ont le sentiment que le travail que nous faisons, l’institution la plus essentielle et sur laquelle il faut se focaliser est celle du président de la République (…) Mon sentiment est qu’il ne faudrait pas que nous partions à partir de ce que nous constatons aujourd’hui pour dire : «Seul le président de la République pose problème au Sénégal.» Je ne suis pas tout à fait d’accord par rapport à cette question-là. Je le dis d’autant plus qu’un des piliers essentiels de nos institutions se trouve être l’Assemblée nationale. Je vais vous livrer un certain nombre de chiffres pour vous dire à quel point aujourd’hui les institutions de la République sont déviées par rapport à leur vocation. Le pouvoir de l’Assemblée nationale, à l’heure où nous parlons -c’est un travail que je suis en train de faire et qui n’est pas finalisé- 47% des députés qui siègent à l’Assemblée nationale ont à peine le niveau du secondaire.
Sur la simple consultation des Cv (Curriculum vitae) qui ont été publiés, on arrive à faire ce constat lamentable, sans compter que la plupart de ces Cv sont faux. 13% des députés ont, eux, un niveau universitaire confirmé. 30% sont à peine lettrés. Ça fait 77% des députés qui sont bons pour rien. Ils ne sont pas préparés à faire un travail législatif ; ils ne comprennent même pas la langue dans laquelle les projets de loi sont rédigés. Est-ce qu’ils peuvent faire un travail responsable ? Au-delà du phénomène majoritaire, il reste que notre Assemblée nationale est incompétente pour faire le travail pour lequel elle a été élue. J’ai suivi récemment les péripéties du renvoi du président de l’Assemblée nationale. Plus d’une trentaine de députés ont pris la parole pour dire : «Moi, je suis un député de Abdoulaye Wade.» Ça traduit simplement la mentalité des gens.»
UNE FORTE POLITISATION DE L’INStITUTION PARLEMENTAIRE
«L’institution parlementaire est faible à cause du phénomène majoritaire, mais faible aussi à cause de la politisation extrême de l’Assemblée. C’est tout à fait paradoxal de parler d’une Assemblée nationale et de parler de politisation. Ce ne sont pas nécessairement les plus compétents pour faire un travail législatif qui sont appointés pour être député à l’Assemblée nationale ; ce ne sont pas nécessairement les plus méritants qui sont appointés pour figurer sur la liste, mais simplement les courtisans les plus en vue, ou supposés être des porteurs de voix dans les départements, dans les régions et qui sont les intermédiaires entre les partis politiques et les citoyens électeurs.
Le niveau des débats à l’Assemblée nationale en 1978 n’a absolument rien à voir avec le niveau actuel. Ceux qui se souviennent de cette période-là se rappellent des passes d’armes entre Habib Thiam, Abdoulaye Wade, Fara Ndiaye, Serigne Diop. Le niveau de l’Assemblée nationale en 1978 est de 50 à 60% plus élevé que le niveau de l’Assemblée actuelle.»
UN JUDICIAIRE SOUS LA COUPE DE L’EXECUTIF
«J’ai entendu le directeur des Affaires civils et criminels du ministère de la Justice du Sénégal dire récemment : «Le juge français a inculpé, en violation de toutes les procédures de droit, en violation des accords globaux que nous avons signés avec la France ; nous avons demandé au juge d’instruction sénégalais de délivrer un mandat d’arrêt international à ce juge.» On n’a même pas eu la décence de ne pas déclarer ça publiquement sur une radio. Cela veut dire que le juge sénégalais reçoit des instructions directes du ministère de la Justice (…)
Si le juge d’instruction, qui avait le dossier concernant le massacre dont a été victime Talla Sylla, avait pris et mis en prison tous les responsables qui étaient à la base, on n’aurait pas ce que Farba Senghor a ordonné, le massacre des journaux (Il s’agit des journaux L’As et 24 Heures Chrono et le dossier est toujours en procédure judiciaire : Ndlr).»
LA TRAITRISE BANALISEE
«(…) Prenez les trente dirigeants les plus en vue autour de Abdoulaye Wade, prenez le gouvernement, 30% du gouvernement ont directement ou indirectement combattu Wade. Aujourd’hui, ils utilisent les mêmes arguments pour Wade qu’ils utilisaient hier pour le compte de Abdou Diouf. Malheureusement, cela a tendance à faire croire qu’aujourd’hui, au Sénégal, ce qui est légitime et normal, c’est d’être un renégat ou un traître. La récompense va essentiellement, aujourd’hui, aux traîtres. Mamadou Seck qui vient d’être promu à la tête de l’Assemblée nationale a été au Pit (Parti pour l’indépendance et le travail), au Ps (Parti socialiste). Et, plus grave, il a été fabriqué dans une officine du Pds (Parti démocratique sénégalais) par Idrissa Seck. Il a été l’un des principaux contempteurs (de Idrissa Seck). Il est aujourd’hui président de l’Assemblée nationale. Plus grave, c’est lui qui est venu voir Macky Sall dans son bureau et lui proposer la lettre par laquelle on a convoqué, non pas Karim Wade, mais l’Anoci.»
UNE PRESSE TROP «FAITS-DIVERSIERE»
«La presse sénégalaise, de manière générale, fait très bien un travail de relation des faits. Mais, (il y a) cette trop forte tendance à donner exclusivement les faits. Il y a une tendance trop lourde à rendre sous forme de faits divers tous les faits, quel qu’ils soient. C’est-à-dire le renvoi de Macky Sall, on en a fait un fait divers vulgaire, parce qu’on a simplement fait que sortir les combats de bas étages que se livrent les responsables du Pds. Donc l’analyse substantielle ou l’explication fondamentale reste. Il y a deux causes qui l’expliquent. La première, c’est que la presse n’est pas substantiellement, du point de vue économique, rentable ni compétitive pour retenir les vrais cadres. Ils partent parce qu’ils veulent vivre. Quelqu’un qui a trente ans, qui a des enfants, il a envie de changer de cadre de vie. Quand vous êtes là et que vous êtes payé 75 000 Cfa (par mois), vous avez deux possibilités : ou vous restez et vous-vous faites corrompre comme un imbécile, ou vous partez…
Je disais, dans le cadre des Assises, que l’un des challenges les plus fondamentaux, c’est de faire en sorte que, dans nos Etats, on organise un marché des médias susceptible d’alimenter des titres majeurs qui perdurent, durent et rémunèrent confortablement les gens qui y sont. Je vous donne un exemple : en 1991, on a reçu un jeune garçon titulaire d’une maîtrise d’Histoire et qui sortait d’une école de journalisme. Le jour où il a fait son premier papier -j’étais son responsable direct- mon patron est venu me demander si j’avais vu le papier. Je lui ai dit : «Oui.» C’est quelqu’un de très dur sur l’homme, quand il le forme. Il dit : «Celui-là ce n’est pas la peine de le garder, il faut qu’on s’en débarrasse, parce que même son français est boiteux.» Le garçon, quand il est arrivé, était intimidé. J’ai dit non à mon patron. On a gardé le jeune homme ; au bout de trois mois, il est devenu l’un de nos journalistes les plus performants, parce qu’il a la base. Un jour, une banque lui a proposé un salaire de 750 000 Cfa (par mois), on lui payait 300 000. Il est naturellement parti. Donc si vous ne pouvez pas garder les gens que vous avez formés, la presse publique ou même l’Etat fait du brigandage.
Ils viennent dans la rédaction, ils prennent les journalistes et ils s’en vont. Finalement, tous ceux qui arrivent sont des nouveaux. On n’a jamais le temps de pérenniser une masse critique de journalistes capables d’avoir des perspectives et du recul par rapport aux faits.»
Correspondant permanent en France
INSITITUTIONS SANS SUBSTANCE
«Finalement, on est en droit de se demander si on a, au Sénégal, un Etat de droit ou un Etat des hommes. Les Américains ont l’habitude de dire : «Nous préférons un Etat de droit à un Etat des hommes (…)» Si nous regardons aujourd’hui la pratique qui est faite de l’exercice du pouvoir présidentiel, elle est, en partie, dans ses aspects les plus extrêmes du point de vue de la personnalisation, de la patrimonialisation de l’Etat. Mais, on ne peut pas dire que ça a commencé maintenant. L’avantage des Assises nationales et l’expérience de tous les Sénégalais aujourd’hui, c’est de dire : enfin, travaillons pour que, dans le futur, dans un avenir plus au moins proche, on n’ait plus un Etat où un homme qui décide de la vie de onze millions de Sénégalais, comme cela lui plait. «Aujourd’hui, (si) j’ai envie de renvoyer mon gouvernement, je le renvoie. J’ai envie d’envoyer un Premier ministre, je le fais. J’ai envie de réformer les institutions, de reporter les élections, je le fais.»
Il y a aujourd’hui un constat qui est fait : la pratique du pouvoir d’Etat au Sénégal a fait en sorte que toutes les institutions ont été vidées de leur substance et de leur signification profonde ; par rapport d’abord à la gestion de la citoyenneté, à la gestion de l’administration et surtout par rapport à la gestion, de manière générale, de la République. Voilà à quoi nous avons assisté durant cette période 2000-2008. En fait, on peut même se demander si les institutions existent au Sénégal. Si elles existent, elles n’existent que de nom, malheureusement. Il y a un homme (le Président Wade : Ndlr) autour de qui se structure, se fait, se défait tout ce qui est entrepris au Sénégal. Evidemment, on a toujours dit que le président de la République est la clé de voûte, mais nous en avons une lecture, une compréhension désastreuse qui fait qu’un homme, en l’occurrence le président de la République, dispose d’un droit de mort et d’un droit de vie sur tous les Sénégalais, sur tous les fonctionnaires.»
UNE ASSEMBLEE DEVIEE DE SA VOCATION
«Depuis 2000, nous avons eu neuf gouvernements ; chaque Premier ministre qui est arrivé a eu au moins trois gouvernements. L’instabilité est telle que ça n’obéit à aucun critère, sinon à des humeurs du moment d’un homme. Cela a eu un impact tel qu’aujourd’hui, les gens ont le sentiment que le travail que nous faisons, l’institution la plus essentielle et sur laquelle il faut se focaliser est celle du président de la République (…) Mon sentiment est qu’il ne faudrait pas que nous partions à partir de ce que nous constatons aujourd’hui pour dire : «Seul le président de la République pose problème au Sénégal.» Je ne suis pas tout à fait d’accord par rapport à cette question-là. Je le dis d’autant plus qu’un des piliers essentiels de nos institutions se trouve être l’Assemblée nationale. Je vais vous livrer un certain nombre de chiffres pour vous dire à quel point aujourd’hui les institutions de la République sont déviées par rapport à leur vocation. Le pouvoir de l’Assemblée nationale, à l’heure où nous parlons -c’est un travail que je suis en train de faire et qui n’est pas finalisé- 47% des députés qui siègent à l’Assemblée nationale ont à peine le niveau du secondaire.
Sur la simple consultation des Cv (Curriculum vitae) qui ont été publiés, on arrive à faire ce constat lamentable, sans compter que la plupart de ces Cv sont faux. 13% des députés ont, eux, un niveau universitaire confirmé. 30% sont à peine lettrés. Ça fait 77% des députés qui sont bons pour rien. Ils ne sont pas préparés à faire un travail législatif ; ils ne comprennent même pas la langue dans laquelle les projets de loi sont rédigés. Est-ce qu’ils peuvent faire un travail responsable ? Au-delà du phénomène majoritaire, il reste que notre Assemblée nationale est incompétente pour faire le travail pour lequel elle a été élue. J’ai suivi récemment les péripéties du renvoi du président de l’Assemblée nationale. Plus d’une trentaine de députés ont pris la parole pour dire : «Moi, je suis un député de Abdoulaye Wade.» Ça traduit simplement la mentalité des gens.»
UNE FORTE POLITISATION DE L’INStITUTION PARLEMENTAIRE
«L’institution parlementaire est faible à cause du phénomène majoritaire, mais faible aussi à cause de la politisation extrême de l’Assemblée. C’est tout à fait paradoxal de parler d’une Assemblée nationale et de parler de politisation. Ce ne sont pas nécessairement les plus compétents pour faire un travail législatif qui sont appointés pour être député à l’Assemblée nationale ; ce ne sont pas nécessairement les plus méritants qui sont appointés pour figurer sur la liste, mais simplement les courtisans les plus en vue, ou supposés être des porteurs de voix dans les départements, dans les régions et qui sont les intermédiaires entre les partis politiques et les citoyens électeurs.
Le niveau des débats à l’Assemblée nationale en 1978 n’a absolument rien à voir avec le niveau actuel. Ceux qui se souviennent de cette période-là se rappellent des passes d’armes entre Habib Thiam, Abdoulaye Wade, Fara Ndiaye, Serigne Diop. Le niveau de l’Assemblée nationale en 1978 est de 50 à 60% plus élevé que le niveau de l’Assemblée actuelle.»
UN JUDICIAIRE SOUS LA COUPE DE L’EXECUTIF
«J’ai entendu le directeur des Affaires civils et criminels du ministère de la Justice du Sénégal dire récemment : «Le juge français a inculpé, en violation de toutes les procédures de droit, en violation des accords globaux que nous avons signés avec la France ; nous avons demandé au juge d’instruction sénégalais de délivrer un mandat d’arrêt international à ce juge.» On n’a même pas eu la décence de ne pas déclarer ça publiquement sur une radio. Cela veut dire que le juge sénégalais reçoit des instructions directes du ministère de la Justice (…)
Si le juge d’instruction, qui avait le dossier concernant le massacre dont a été victime Talla Sylla, avait pris et mis en prison tous les responsables qui étaient à la base, on n’aurait pas ce que Farba Senghor a ordonné, le massacre des journaux (Il s’agit des journaux L’As et 24 Heures Chrono et le dossier est toujours en procédure judiciaire : Ndlr).»
LA TRAITRISE BANALISEE
«(…) Prenez les trente dirigeants les plus en vue autour de Abdoulaye Wade, prenez le gouvernement, 30% du gouvernement ont directement ou indirectement combattu Wade. Aujourd’hui, ils utilisent les mêmes arguments pour Wade qu’ils utilisaient hier pour le compte de Abdou Diouf. Malheureusement, cela a tendance à faire croire qu’aujourd’hui, au Sénégal, ce qui est légitime et normal, c’est d’être un renégat ou un traître. La récompense va essentiellement, aujourd’hui, aux traîtres. Mamadou Seck qui vient d’être promu à la tête de l’Assemblée nationale a été au Pit (Parti pour l’indépendance et le travail), au Ps (Parti socialiste). Et, plus grave, il a été fabriqué dans une officine du Pds (Parti démocratique sénégalais) par Idrissa Seck. Il a été l’un des principaux contempteurs (de Idrissa Seck). Il est aujourd’hui président de l’Assemblée nationale. Plus grave, c’est lui qui est venu voir Macky Sall dans son bureau et lui proposer la lettre par laquelle on a convoqué, non pas Karim Wade, mais l’Anoci.»
UNE PRESSE TROP «FAITS-DIVERSIERE»
«La presse sénégalaise, de manière générale, fait très bien un travail de relation des faits. Mais, (il y a) cette trop forte tendance à donner exclusivement les faits. Il y a une tendance trop lourde à rendre sous forme de faits divers tous les faits, quel qu’ils soient. C’est-à-dire le renvoi de Macky Sall, on en a fait un fait divers vulgaire, parce qu’on a simplement fait que sortir les combats de bas étages que se livrent les responsables du Pds. Donc l’analyse substantielle ou l’explication fondamentale reste. Il y a deux causes qui l’expliquent. La première, c’est que la presse n’est pas substantiellement, du point de vue économique, rentable ni compétitive pour retenir les vrais cadres. Ils partent parce qu’ils veulent vivre. Quelqu’un qui a trente ans, qui a des enfants, il a envie de changer de cadre de vie. Quand vous êtes là et que vous êtes payé 75 000 Cfa (par mois), vous avez deux possibilités : ou vous restez et vous-vous faites corrompre comme un imbécile, ou vous partez…
Je disais, dans le cadre des Assises, que l’un des challenges les plus fondamentaux, c’est de faire en sorte que, dans nos Etats, on organise un marché des médias susceptible d’alimenter des titres majeurs qui perdurent, durent et rémunèrent confortablement les gens qui y sont. Je vous donne un exemple : en 1991, on a reçu un jeune garçon titulaire d’une maîtrise d’Histoire et qui sortait d’une école de journalisme. Le jour où il a fait son premier papier -j’étais son responsable direct- mon patron est venu me demander si j’avais vu le papier. Je lui ai dit : «Oui.» C’est quelqu’un de très dur sur l’homme, quand il le forme. Il dit : «Celui-là ce n’est pas la peine de le garder, il faut qu’on s’en débarrasse, parce que même son français est boiteux.» Le garçon, quand il est arrivé, était intimidé. J’ai dit non à mon patron. On a gardé le jeune homme ; au bout de trois mois, il est devenu l’un de nos journalistes les plus performants, parce qu’il a la base. Un jour, une banque lui a proposé un salaire de 750 000 Cfa (par mois), on lui payait 300 000. Il est naturellement parti. Donc si vous ne pouvez pas garder les gens que vous avez formés, la presse publique ou même l’Etat fait du brigandage.
Ils viennent dans la rédaction, ils prennent les journalistes et ils s’en vont. Finalement, tous ceux qui arrivent sont des nouveaux. On n’a jamais le temps de pérenniser une masse critique de journalistes capables d’avoir des perspectives et du recul par rapport aux faits.»
Correspondant permanent en France