Aux yeux du Sénégalais lambda, le Conseil constitutionnel présente un visage peu reluisant. Rarement à la une de l'actualité, et davantage sollicitée en temps électoral, l’institution s’invite dans les débats à cause des décisions ou avis qu’elle donne. Les attaques contre l’organe de décision qui devaient apparaître comme un sacrilège, ont fini par être un doux refrain à nos oreilles.
En effet, même si du temps du président Diouf cette haute institution faisait déjà l’objet de critiques, car ne pouvant pas toujours satisfaire les caprices d’une opposition dirigée par le virulent Me Wade à l’époque, il n’y a point de doute que la réputation de cet organe est allée en se détériorant à partir 2012. Malgré les hommes qui s’y sont succédé, l’institution demeure solide de par la « force » de ses décisions qui s’appliquent de facto mais fragilisée à cause des nombreuses contestations qui en naissent.
Le processus de désacralisation de l’institution n’a pas commencé aujourd’hui
Les situations les plus instables que le pays a connues sont d’ordre électoral. Et à chaque fois que le conseil constitutionnel est toujours saisi soit en amont soit en aval pour arbitrer. D’abord avec le président Wade, sachant qu’il ne pouvait point briguer un troisième mandat, ece dernier a jugé utile de saisir l’institution en 2012. Celle-ci finit par lui donner carte blanche, en soulevant l’argument de la non-rétroactivité de la loi. Malgré la motivation de sa décision, le Conseil constitutionnel dut essuyer les tirs groupés de l’opposition d’alors et du mouvement « M23 ».
Lorsqu’il s’est agi de contrecarrer la validation de la candidature de Wade par le Conseil constitutionnel, Alioune Tine, président de la RADDHO affirmait qu’il était « impossible de faire confiance à l’arbitre choisi par Wade » pour faire référence à l’institution dont les membres sont nommés. Cette figure de proue du M23 poussait le bouchon plus loin en déclarant : « Si les membres du Conseil constitutionnel valident sa candidature (celle de Wade), ils seront responsables de tout ce qui adviendra au Sénégal ».
Cette ligne de défense était pratiquement celle de toute l’opposition d’alors. Alors que le président Macky Sall disait à RFI, attendre la décision du Conseil constitutionnel pour « apprécier », le professeur Ismaila Madior Fall rejetait tout bonnement la thèse de la validation dans un rapport. Il arguait à cet effet qu’il «considère qu’en 2001, la Constitution a voulu tout faire pour qu’aucun Sénégalais ne puisse faire trois mandats successifs à la tête de l’Etat (…) La candidature du président de la République me paraît non conforme à la constitution ». Ainsi donc les arguments opposés aux décisions du Conseil constitutionnel attaqué de toutes parts, avaient fini par lui ôter cette inviolable voile de respectabilité dont elle s’était parée depuis sa création.
La « désacralisation » du Conseil constitutionnel s’est plus sentie avec les nombreuses sollicitations dont elle fait objet sous le Président Macky Sall. Avec le chef de l’Etat actuel, l’institution apparaît de plus en plus comme un bon samaritain au service de celui qui tient les rênes. Sur les nombreuses questions où il est interpelé, le Conseil constitutionnel dégage toujours des positions diversement appréciées. Un constat, qui loin d’un jugement, est que la plupart des saisines de l’opposition se solde par une déclaration d’incompétence. Mais manifestement, quand c’est l’Etat qui saisit l’instance, elle donne toujours un avis ou une décision FAVORABLES ; c’est selon les juristes.
La levée de boucliers du C25 (le collectif des partis de l’opposition ayant déposé des dossiers de parrainage) contre le conseil constitutionnel n’est pas fortuite. La société civile a levé un coin du voile sur le travail des « 7 sages » qui n’aurait pas été impeccable pendant le processus de vérification du parrainage. A toutes fins utiles, il faut rappeler que la juridiction a connu les mêmes contestations qui ont instauré un sentiment de malaise à un moment.
Tout comme avec le président Wade, c’est le Conseil constitutionnel qui a « légitimé » le « wax-waxeet » du président de la République Macky Sall sur la durée du mandat présidentiel à travers l’avis ou la décision qu’il a donnée sur le référendum de Mars 2016. En juillet 2017, le conseil récidive en permettant, sur la base de la consultation du président de la République, l’usage des récépissés et des papiers autres que la carte d’électeur pour les élections législatives.
Ainsi les « 7 sages » avaient validé la volonté du « maître des horloges » et l’ont sauvé d’une élection qui allait être catastrophique dans l’organisaton. Comme un retour de bâton, Wade qui a trop longtemps bénéficié des « faveurs » du Conseil constitutionnel en tant que président de la République, devait faire face à l’institution avec sa posture d’opposant. Sur la saisine de l’institution par Macky Sall, il se désolait et critiquait: « ce n’est pas possible que le Conseil constitutionnel approuve ça. Ils ont quand même un minimum de formation juridique. Quelle que soit leur volonté d’allégeance à l’égard de Macky Sall, ils ne peuvent pas faire dire à la loi ce qu’elle n’a pas dit ».
Il faut redorer le blason de l’institution et garantir son équidistance
Tout compte fait, l’ « allégeance » du Conseil constitutionnel aux tenants du régime, pour emprunter l’expression de l’ancien président, ne date pas d’aujourd’hui. Comme ils le font avec toutes les juridictions du pays, les autorités étatiques ont tenté, tentent encore et continueront de tenter de mettre la pression sur cette institution. Tout comme l’opposition d’ailleurs.
Depuis toujours, il n’y a aucun changement dans le procédé de l’institution qui parvient toujours à motiver ses décisions à des fins de justification. Mais nonobstant ce désir de se laver à grande eau, la juridiction qui n’existe réellement qu’en temps électoral, fait face à des accusations et des soupçons de parti-pris. Cette « allégeance » dont parle Wade, est difficilement réfutable en ce sens que l’avis est toujours favorable quand c’est le président qui fait la saisine. Or pour ce qui est de l’opposition, la décision la plus prisée et la plus prise, demeure la déclaration d’incompétence.
L’histoire est là pour confirmer ce constat. Il est en vérité difficile d’être indépendant quand on est nommé par le président de la République, même si l’organe a pour nom le Conseil constitutionnel. Quand un joueur choisit un arbitre, il y a naturellement une forte probabilité que ledit arbitre soit juge et partie.
Malgré la réforme qui a amené le nombre des « Sages » de 5 à 7 et le mandat unique de ses membres (6 ans), il y a vraiment urgence de reconsidérer cette institution et de tout faire pour garantir sa liberté. Si l’on n’y prend garde, rien n’exclut qu’on vive avec notre Conseil constitutionnel ce que les Ivoiriens avaient vécu avec le leur lors de l’élection présidentielle de 2010. Le Conseil constitutionnel ivoirien avait fini par être la risée de tout un continent avec son président Paul Yao N’Dré qui déclare vainqueur Laurent Gbabgbo en décembre 2010 puis Alassane Ouattara en mai 2011, après que le pays a sombré dans une guerre sans précédent.
Senenews -Ababacar GAYE
ababacarguaye@yahoo.fr
En effet, même si du temps du président Diouf cette haute institution faisait déjà l’objet de critiques, car ne pouvant pas toujours satisfaire les caprices d’une opposition dirigée par le virulent Me Wade à l’époque, il n’y a point de doute que la réputation de cet organe est allée en se détériorant à partir 2012. Malgré les hommes qui s’y sont succédé, l’institution demeure solide de par la « force » de ses décisions qui s’appliquent de facto mais fragilisée à cause des nombreuses contestations qui en naissent.
Le processus de désacralisation de l’institution n’a pas commencé aujourd’hui
Les situations les plus instables que le pays a connues sont d’ordre électoral. Et à chaque fois que le conseil constitutionnel est toujours saisi soit en amont soit en aval pour arbitrer. D’abord avec le président Wade, sachant qu’il ne pouvait point briguer un troisième mandat, ece dernier a jugé utile de saisir l’institution en 2012. Celle-ci finit par lui donner carte blanche, en soulevant l’argument de la non-rétroactivité de la loi. Malgré la motivation de sa décision, le Conseil constitutionnel dut essuyer les tirs groupés de l’opposition d’alors et du mouvement « M23 ».
Lorsqu’il s’est agi de contrecarrer la validation de la candidature de Wade par le Conseil constitutionnel, Alioune Tine, président de la RADDHO affirmait qu’il était « impossible de faire confiance à l’arbitre choisi par Wade » pour faire référence à l’institution dont les membres sont nommés. Cette figure de proue du M23 poussait le bouchon plus loin en déclarant : « Si les membres du Conseil constitutionnel valident sa candidature (celle de Wade), ils seront responsables de tout ce qui adviendra au Sénégal ».
Cette ligne de défense était pratiquement celle de toute l’opposition d’alors. Alors que le président Macky Sall disait à RFI, attendre la décision du Conseil constitutionnel pour « apprécier », le professeur Ismaila Madior Fall rejetait tout bonnement la thèse de la validation dans un rapport. Il arguait à cet effet qu’il «considère qu’en 2001, la Constitution a voulu tout faire pour qu’aucun Sénégalais ne puisse faire trois mandats successifs à la tête de l’Etat (…) La candidature du président de la République me paraît non conforme à la constitution ». Ainsi donc les arguments opposés aux décisions du Conseil constitutionnel attaqué de toutes parts, avaient fini par lui ôter cette inviolable voile de respectabilité dont elle s’était parée depuis sa création.
La « désacralisation » du Conseil constitutionnel s’est plus sentie avec les nombreuses sollicitations dont elle fait objet sous le Président Macky Sall. Avec le chef de l’Etat actuel, l’institution apparaît de plus en plus comme un bon samaritain au service de celui qui tient les rênes. Sur les nombreuses questions où il est interpelé, le Conseil constitutionnel dégage toujours des positions diversement appréciées. Un constat, qui loin d’un jugement, est que la plupart des saisines de l’opposition se solde par une déclaration d’incompétence. Mais manifestement, quand c’est l’Etat qui saisit l’instance, elle donne toujours un avis ou une décision FAVORABLES ; c’est selon les juristes.
La levée de boucliers du C25 (le collectif des partis de l’opposition ayant déposé des dossiers de parrainage) contre le conseil constitutionnel n’est pas fortuite. La société civile a levé un coin du voile sur le travail des « 7 sages » qui n’aurait pas été impeccable pendant le processus de vérification du parrainage. A toutes fins utiles, il faut rappeler que la juridiction a connu les mêmes contestations qui ont instauré un sentiment de malaise à un moment.
Tout comme avec le président Wade, c’est le Conseil constitutionnel qui a « légitimé » le « wax-waxeet » du président de la République Macky Sall sur la durée du mandat présidentiel à travers l’avis ou la décision qu’il a donnée sur le référendum de Mars 2016. En juillet 2017, le conseil récidive en permettant, sur la base de la consultation du président de la République, l’usage des récépissés et des papiers autres que la carte d’électeur pour les élections législatives.
Ainsi les « 7 sages » avaient validé la volonté du « maître des horloges » et l’ont sauvé d’une élection qui allait être catastrophique dans l’organisaton. Comme un retour de bâton, Wade qui a trop longtemps bénéficié des « faveurs » du Conseil constitutionnel en tant que président de la République, devait faire face à l’institution avec sa posture d’opposant. Sur la saisine de l’institution par Macky Sall, il se désolait et critiquait: « ce n’est pas possible que le Conseil constitutionnel approuve ça. Ils ont quand même un minimum de formation juridique. Quelle que soit leur volonté d’allégeance à l’égard de Macky Sall, ils ne peuvent pas faire dire à la loi ce qu’elle n’a pas dit ».
Il faut redorer le blason de l’institution et garantir son équidistance
Tout compte fait, l’ « allégeance » du Conseil constitutionnel aux tenants du régime, pour emprunter l’expression de l’ancien président, ne date pas d’aujourd’hui. Comme ils le font avec toutes les juridictions du pays, les autorités étatiques ont tenté, tentent encore et continueront de tenter de mettre la pression sur cette institution. Tout comme l’opposition d’ailleurs.
Depuis toujours, il n’y a aucun changement dans le procédé de l’institution qui parvient toujours à motiver ses décisions à des fins de justification. Mais nonobstant ce désir de se laver à grande eau, la juridiction qui n’existe réellement qu’en temps électoral, fait face à des accusations et des soupçons de parti-pris. Cette « allégeance » dont parle Wade, est difficilement réfutable en ce sens que l’avis est toujours favorable quand c’est le président qui fait la saisine. Or pour ce qui est de l’opposition, la décision la plus prisée et la plus prise, demeure la déclaration d’incompétence.
L’histoire est là pour confirmer ce constat. Il est en vérité difficile d’être indépendant quand on est nommé par le président de la République, même si l’organe a pour nom le Conseil constitutionnel. Quand un joueur choisit un arbitre, il y a naturellement une forte probabilité que ledit arbitre soit juge et partie.
Malgré la réforme qui a amené le nombre des « Sages » de 5 à 7 et le mandat unique de ses membres (6 ans), il y a vraiment urgence de reconsidérer cette institution et de tout faire pour garantir sa liberté. Si l’on n’y prend garde, rien n’exclut qu’on vive avec notre Conseil constitutionnel ce que les Ivoiriens avaient vécu avec le leur lors de l’élection présidentielle de 2010. Le Conseil constitutionnel ivoirien avait fini par être la risée de tout un continent avec son président Paul Yao N’Dré qui déclare vainqueur Laurent Gbabgbo en décembre 2010 puis Alassane Ouattara en mai 2011, après que le pays a sombré dans une guerre sans précédent.
Senenews -Ababacar GAYE
ababacarguaye@yahoo.fr