Et j’ai même lancé un appel à témoins en direction des familles des prétendues victimes pour qu’elles se manifestent publiquement et viennent corroborer les accusations, mais rien, personne ne s’est présenté. Cela voulait dire qu’il n’y avait pas eu ces massacres dont on accusait Eyadéma. Il y avait certes eu des bagarres, voire des échauffourées mais rien de ce dont on l’accusait. » Ces propos ne visent pas seulement à discréditer Amnesty International et ses méthodes de travail, ils sont choquants et insultants pour les milliers de togolais qui ont subi de graves violations de leurs droits durant le règne de Eyadéma.
Le rapport d’Amnesty International incriminé, publié le 05 mai 1999 et intitulé « Togo : Etat de terreur » rend compte essentiellement des violations graves des droits humains survenues avant, pendant et après l’élection présidentielle du 21 juin 1998. Ce rapport était le résultat de plusieurs missions de recherche effectuées au Togo et au Bénin et au cours desquelles des centaines de témoins dont des civils et des militaires appartenant ou ayant appartenu au régime ont été interrogés. Ces missions ont été dirigées par l’un des chercheurs les plus expérimentés de l’organisation qui compte plusieurs années de travail sur l’Afrique francophone. Le rapport ne se contentait pas seulement de donner des informations détaillées sur les victimes et sur les circonstances précises des violations, il contenait des recommandations au gouvernement togolais et à la communauté internationale pour garantir le respect des droits humains dans le pays.
En ce qui concerne sa méthode de travail, fort curieuse d’ailleurs pour un avocat de sa trempe, Me Madické Niang dit avoir lancé un appel à témoins et qu’aucune victime ou parent de victime n’est venu témoigner. Le seul fait que cet appel, lancé en direct devant les caméras de la télévision d’Etat ait été ignoré par les togolais constitue un témoignage accablant contre son client. En effet quelle protection Me Madické Niang offrait-il à ces personnes si elles venaient à témoigner contre le président Eyadéma ? Leur offrait-il de les ramener avec lui au Sénégal ou de leur trouver asile dans un autre pays ? Ce sont là des questions fondamentales que le brillant avocat qu’il est devait se poser et trouver une réponse avant de lancer son appel. Cela dit, il convient de rappeler que plusieurs enquêtes menées à la suite de la publication de ce rapport ont corroboré les faits rapportés par Amnesty International. Nous en citerons deux : celle de la Ligue pour la défense des droits de l’homme au Bénin et celle du célèbre journaliste français Patrick de Saint Exupéry.
Avec le recul, il est heureux de constater que ce rapport, en mettant à nu la nature répressive du régime Eyadéma et la complicité de la France dans les exactions qu’il commettait a suscité des réactions positives au sein de la communauté internationale. L’Union européenne a imposé des sanctions économiques au Togo et d’autres pays dont les Etats Unis ont placé la question des droits humains au centre de leur coopération. Le dictateur et son « armée de cousins » ont commencé à faire attention car ils savaient que les yeux de la communauté internationale étaient rivés sur eux.
Pour revenir aux poursuites, elles ont fait long feu. Le dictateur savait que sa plainte contre Pierre Sané devant les juridictions sous ses ordres au Togo ne prospérerait pas. Aucun pays au monde n’accepterait d’exécuter un mandat d’arrêt contre le Secrétaire général d’Amnesty International. Fort de ce constat, le dictateur a cherché à négocier en coulisse pour qu’Amnesty International revienne sur ses allégations. Ses émissaires, parmi lesquels un célèbre architecte sénégalais, se sont vus opposer un refus catégorique.
Enfin ce que Me Madické Niang n’a pas dit et que tout le monde savait, c’est que le choix porté sur lui par Eyadéma n’était pas fortuit. Il visait à transformer son différend avec Amnesty International en un différend avec Pierre Sané, sénégalais et Secrétaire général de l’organisation qu’il soupçonnait à tort d’avoir des sympathies pour un de ses opposants. Ce choix visait également à diviser et à affaiblir le mouvement des droits humains, Me Madické Niang étant à l’époque Vice-président de l’ONDH, une organisation affiliée à la FIDH. Mais l’idéal commun que partagent ces deux organisations était plus fort que cette machination.
Seydi Gassama
Directeur Amnesty International Sénégal
Email : sgassama@orange.sn
Le rapport d’Amnesty International incriminé, publié le 05 mai 1999 et intitulé « Togo : Etat de terreur » rend compte essentiellement des violations graves des droits humains survenues avant, pendant et après l’élection présidentielle du 21 juin 1998. Ce rapport était le résultat de plusieurs missions de recherche effectuées au Togo et au Bénin et au cours desquelles des centaines de témoins dont des civils et des militaires appartenant ou ayant appartenu au régime ont été interrogés. Ces missions ont été dirigées par l’un des chercheurs les plus expérimentés de l’organisation qui compte plusieurs années de travail sur l’Afrique francophone. Le rapport ne se contentait pas seulement de donner des informations détaillées sur les victimes et sur les circonstances précises des violations, il contenait des recommandations au gouvernement togolais et à la communauté internationale pour garantir le respect des droits humains dans le pays.
En ce qui concerne sa méthode de travail, fort curieuse d’ailleurs pour un avocat de sa trempe, Me Madické Niang dit avoir lancé un appel à témoins et qu’aucune victime ou parent de victime n’est venu témoigner. Le seul fait que cet appel, lancé en direct devant les caméras de la télévision d’Etat ait été ignoré par les togolais constitue un témoignage accablant contre son client. En effet quelle protection Me Madické Niang offrait-il à ces personnes si elles venaient à témoigner contre le président Eyadéma ? Leur offrait-il de les ramener avec lui au Sénégal ou de leur trouver asile dans un autre pays ? Ce sont là des questions fondamentales que le brillant avocat qu’il est devait se poser et trouver une réponse avant de lancer son appel. Cela dit, il convient de rappeler que plusieurs enquêtes menées à la suite de la publication de ce rapport ont corroboré les faits rapportés par Amnesty International. Nous en citerons deux : celle de la Ligue pour la défense des droits de l’homme au Bénin et celle du célèbre journaliste français Patrick de Saint Exupéry.
Avec le recul, il est heureux de constater que ce rapport, en mettant à nu la nature répressive du régime Eyadéma et la complicité de la France dans les exactions qu’il commettait a suscité des réactions positives au sein de la communauté internationale. L’Union européenne a imposé des sanctions économiques au Togo et d’autres pays dont les Etats Unis ont placé la question des droits humains au centre de leur coopération. Le dictateur et son « armée de cousins » ont commencé à faire attention car ils savaient que les yeux de la communauté internationale étaient rivés sur eux.
Pour revenir aux poursuites, elles ont fait long feu. Le dictateur savait que sa plainte contre Pierre Sané devant les juridictions sous ses ordres au Togo ne prospérerait pas. Aucun pays au monde n’accepterait d’exécuter un mandat d’arrêt contre le Secrétaire général d’Amnesty International. Fort de ce constat, le dictateur a cherché à négocier en coulisse pour qu’Amnesty International revienne sur ses allégations. Ses émissaires, parmi lesquels un célèbre architecte sénégalais, se sont vus opposer un refus catégorique.
Enfin ce que Me Madické Niang n’a pas dit et que tout le monde savait, c’est que le choix porté sur lui par Eyadéma n’était pas fortuit. Il visait à transformer son différend avec Amnesty International en un différend avec Pierre Sané, sénégalais et Secrétaire général de l’organisation qu’il soupçonnait à tort d’avoir des sympathies pour un de ses opposants. Ce choix visait également à diviser et à affaiblir le mouvement des droits humains, Me Madické Niang étant à l’époque Vice-président de l’ONDH, une organisation affiliée à la FIDH. Mais l’idéal commun que partagent ces deux organisations était plus fort que cette machination.
Seydi Gassama
Directeur Amnesty International Sénégal
Email : sgassama@orange.sn