“La fenêtre d’opportunité se referme.” C'est l’avertissement lancé par Tedros Adhanom Ghebreyesus, patron de l’Organisation mondiale de la santé, vendredi 22 février, à la communauté internationale concernant l’épidémie de coronavirus, dont le foyer se situe à Wuhan, dans le centre de la Chine. Une déclaration alarmiste d'autant plus qu'elle a été prononcée avant les nouveaux cas d’infection recensés en Italie et en Iran, ce week-end.
Cette propagation de l'épidémie de Covid-19, qui a déjà contaminé 77 000 personnes et causé la mort de près de 2 600 dans le monde, inquiète de plus en plus. Le chercheur australien Paul Hunter, l’un des plus éminents spécialistes du nouveau coronavirus, a affirmé que “ces dernières 24 heures nous ont fortement rapprochés du point de non-retour”. Tedros Adhanom a lui-même admis, lundi, qu’il fallait “se préparer à la possibilité d’une pandémie”.
Loi des grands nombres
Ces mises en garde ont trait au moment où la transmission du virus ne peut plus être endiguée. “Au début d’une épidémie, il y a un patient zéro qui va infecter un nombre aléatoire de personnes. On calcule alors cette variable aléatoire - baptisée R0 - en fonction de ce qu’on sait. Il s’agit de la moyenne des individus contaminés par un porteur du virus. Si ce nombre est inférieur à 1, l’épidémie va rapidement s’éteindre d’elle-même. Lorsque cette variable initiale est supérieure à 1 [elle est de 2,5 pour le covid-19, NDLR], il existe un risque que l’épidémie décolle”, explique Jean-Stéphane Dhersin, directeur adjoint scientifique de l’Institut nationale des sciences mathématiques et spécialiste de la modélisation d’épidémies, contacté par France 24.
Il existe alors un laps de temps durant lequel il est possible de contenir la diffusion de la maladie en déployant les moyens nécessaires. Cette “fenêtre de tir” dépend, mathématiquement, du nombre de personnes infectées. “Plus il y a d’individus atteints, plus on peut connaître avec certitude le nombre de personnes qu’ils vont contaminer à leur tour. Le virus a alors un comportement exponentiel et l’épidémie explose. C’est la loi mathématique des grands nombres”, détaille Jean-Stéphane Dhersin.
Autrement dit : “On ne peut agir qu’en début d’épidémie en essayant de faire baisser la moyenne de personnes contaminées par un porteur du virus, en instaurant des mesures comme la mise en quarantaine ou en poussant les gens à mettre des masques [pour les virus qui, comme le coronavirus, se transmettent par voie respiratoire, NDLR]. Après, il est trop tard”, note ce mathématicien.
L’Italie et l’Iran constituent un “tournant de l’épidémie”
Le moment où cette bascule risque d’intervenir dans le cas du Covid-19 reste une grande inconnue. Certes, le virus n’a fait son apparition qu’il y a un peu moins de deux mois et on peut encore estimer être au début de l’épidémie. Mais avec près de 80 000 infectés, il a déjà fait des dégâts considérables. Pour un chercheur basé en Chine, qui a préféré garder l’anonymat, “si le point de non-retour n’est pas encore atteint, ce n’est qu’une question de jours avant que ce cap soit franchi”.
En fait, “nous en sommes à un tournant de l’épidémie et la manière dont la situation va être gérée en Italie et en Iran est critique pour la suite”, affirme Frédéric Tangy, directeur du laboratoire d'innovation vaccinale à l'Institut Pasteur, contacté par France 24.
Pour ce spécialiste, l’OMS a raison de dire qu’il reste du temps. L’écrasante majorité des cas recensés se trouvent en Chine, “et il faut vraiment remercier Pékin pour les mesures prises” afin de ralentir la propagation au niveau mondial. Il ajoute que "si on suit la courbe chinoise, on est actuellement au sommet du pic et l'augmentation des cas ralentit".
Reste la situation à l'international où “chaque nouveau foyer d’infection peut être perçu comme le début d’une nouvelle épidémie, et la pandémie ne sera réellement déclarée que lorsque les services sanitaires seront débordés par le nombre de foyers d’infection dans le monde”, précise Frédéric Tangy.
Il estime qu’il faudrait que la liste des États confrontés au coronavirus s’allonge encore de trois ou quatre pays aussi fortement touchés que la Corée du Sud ou l'Iran avant d’atteindre le point de non-retour. D’où l’importance de l’Italie qui risque de devenir la porte d’entrée du virus en Europe.
Les porteurs sans symptomes
Tous les experts interrogés s’accordent à dire que le meilleur rempart contre la propagation du Covid-19 est constitué par le personnel hospitalier. “Ce sont eux qui protègent actuellement le monde extérieur”, assure Frédéric Tangy.
Mais l’agent pathogène dispose aussi d’une arme qui le distingue des autres coronavirus, comme le SRAS (Syndrome respiratoire aiguë sévère) et le Mers (coronavirus du Moyen-Orient) et rend la lutte contre la propagation plus difficile. “Il y a davantage de cas de porteurs du virus qui ne présentent aucun symptôme mais peuvent tout de même transmettre le virus, ce qui rend le dépistage plus difficile”, souligne Jean-Stéphane Dhersin.
C’est ce qui explique peut-être, d’après les experts interrogés, l'absence de cas recensé dans des zones du globe ayant pourtant des liens commerciaux ou touristiques forts avec la Chine. “Je trouve très étonnant, par exemple, qu’on ne voit absolument aucun cas de coronavirus en Amérique latine ou en Europe de l’Est, deux régions pourtant économiquement très liées à la Chine”, note Frédéric Tangy.
Et si malgré les efforts de la communauté internationale, l’épidémie venait à franchir le point de non-retour ? “Ce sera alors exactement comme pour une épidémie de grippe, on ne pourra rien faire sauf attendre que cela passe”, conclut Jean-Stéphane Dhersin. Concrètement, Frédéric Tangy s’attend à ce que, dans ce scénario, “les mesures prises en Italie ou en Chine, c’est-à-dire des mises en quarantaine essentiellement, se produisent un peu partout”. Le risque ne serait plus alors tant sanitaire - le taux de letalité du coronavirus reste faible (aux alentours de 2 %) - que social et économique engendré par la panique.
France24
Cette propagation de l'épidémie de Covid-19, qui a déjà contaminé 77 000 personnes et causé la mort de près de 2 600 dans le monde, inquiète de plus en plus. Le chercheur australien Paul Hunter, l’un des plus éminents spécialistes du nouveau coronavirus, a affirmé que “ces dernières 24 heures nous ont fortement rapprochés du point de non-retour”. Tedros Adhanom a lui-même admis, lundi, qu’il fallait “se préparer à la possibilité d’une pandémie”.
Loi des grands nombres
Ces mises en garde ont trait au moment où la transmission du virus ne peut plus être endiguée. “Au début d’une épidémie, il y a un patient zéro qui va infecter un nombre aléatoire de personnes. On calcule alors cette variable aléatoire - baptisée R0 - en fonction de ce qu’on sait. Il s’agit de la moyenne des individus contaminés par un porteur du virus. Si ce nombre est inférieur à 1, l’épidémie va rapidement s’éteindre d’elle-même. Lorsque cette variable initiale est supérieure à 1 [elle est de 2,5 pour le covid-19, NDLR], il existe un risque que l’épidémie décolle”, explique Jean-Stéphane Dhersin, directeur adjoint scientifique de l’Institut nationale des sciences mathématiques et spécialiste de la modélisation d’épidémies, contacté par France 24.
Il existe alors un laps de temps durant lequel il est possible de contenir la diffusion de la maladie en déployant les moyens nécessaires. Cette “fenêtre de tir” dépend, mathématiquement, du nombre de personnes infectées. “Plus il y a d’individus atteints, plus on peut connaître avec certitude le nombre de personnes qu’ils vont contaminer à leur tour. Le virus a alors un comportement exponentiel et l’épidémie explose. C’est la loi mathématique des grands nombres”, détaille Jean-Stéphane Dhersin.
Autrement dit : “On ne peut agir qu’en début d’épidémie en essayant de faire baisser la moyenne de personnes contaminées par un porteur du virus, en instaurant des mesures comme la mise en quarantaine ou en poussant les gens à mettre des masques [pour les virus qui, comme le coronavirus, se transmettent par voie respiratoire, NDLR]. Après, il est trop tard”, note ce mathématicien.
L’Italie et l’Iran constituent un “tournant de l’épidémie”
Le moment où cette bascule risque d’intervenir dans le cas du Covid-19 reste une grande inconnue. Certes, le virus n’a fait son apparition qu’il y a un peu moins de deux mois et on peut encore estimer être au début de l’épidémie. Mais avec près de 80 000 infectés, il a déjà fait des dégâts considérables. Pour un chercheur basé en Chine, qui a préféré garder l’anonymat, “si le point de non-retour n’est pas encore atteint, ce n’est qu’une question de jours avant que ce cap soit franchi”.
En fait, “nous en sommes à un tournant de l’épidémie et la manière dont la situation va être gérée en Italie et en Iran est critique pour la suite”, affirme Frédéric Tangy, directeur du laboratoire d'innovation vaccinale à l'Institut Pasteur, contacté par France 24.
Pour ce spécialiste, l’OMS a raison de dire qu’il reste du temps. L’écrasante majorité des cas recensés se trouvent en Chine, “et il faut vraiment remercier Pékin pour les mesures prises” afin de ralentir la propagation au niveau mondial. Il ajoute que "si on suit la courbe chinoise, on est actuellement au sommet du pic et l'augmentation des cas ralentit".
Reste la situation à l'international où “chaque nouveau foyer d’infection peut être perçu comme le début d’une nouvelle épidémie, et la pandémie ne sera réellement déclarée que lorsque les services sanitaires seront débordés par le nombre de foyers d’infection dans le monde”, précise Frédéric Tangy.
Il estime qu’il faudrait que la liste des États confrontés au coronavirus s’allonge encore de trois ou quatre pays aussi fortement touchés que la Corée du Sud ou l'Iran avant d’atteindre le point de non-retour. D’où l’importance de l’Italie qui risque de devenir la porte d’entrée du virus en Europe.
Les porteurs sans symptomes
Tous les experts interrogés s’accordent à dire que le meilleur rempart contre la propagation du Covid-19 est constitué par le personnel hospitalier. “Ce sont eux qui protègent actuellement le monde extérieur”, assure Frédéric Tangy.
Mais l’agent pathogène dispose aussi d’une arme qui le distingue des autres coronavirus, comme le SRAS (Syndrome respiratoire aiguë sévère) et le Mers (coronavirus du Moyen-Orient) et rend la lutte contre la propagation plus difficile. “Il y a davantage de cas de porteurs du virus qui ne présentent aucun symptôme mais peuvent tout de même transmettre le virus, ce qui rend le dépistage plus difficile”, souligne Jean-Stéphane Dhersin.
C’est ce qui explique peut-être, d’après les experts interrogés, l'absence de cas recensé dans des zones du globe ayant pourtant des liens commerciaux ou touristiques forts avec la Chine. “Je trouve très étonnant, par exemple, qu’on ne voit absolument aucun cas de coronavirus en Amérique latine ou en Europe de l’Est, deux régions pourtant économiquement très liées à la Chine”, note Frédéric Tangy.
Et si malgré les efforts de la communauté internationale, l’épidémie venait à franchir le point de non-retour ? “Ce sera alors exactement comme pour une épidémie de grippe, on ne pourra rien faire sauf attendre que cela passe”, conclut Jean-Stéphane Dhersin. Concrètement, Frédéric Tangy s’attend à ce que, dans ce scénario, “les mesures prises en Italie ou en Chine, c’est-à-dire des mises en quarantaine essentiellement, se produisent un peu partout”. Le risque ne serait plus alors tant sanitaire - le taux de letalité du coronavirus reste faible (aux alentours de 2 %) - que social et économique engendré par la panique.
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