Dix ans sont passés depuis. Beaucoup d'eau a coulé sous le pont. Que reste-t-il de tout cela ? Une chose demeure sûre, sur beaucoup de domaines, notamment sur le plan social, de la santé, de l'éducation, de la sécurité, des avancées ont été certes notées.
Toutefois, il y a des pages noires qui ont entaché cette décennie avec notamment l'assassinat de l'étudiant Balla Gaye, la tragédie du Diola avec son lot de morts, l'émigration clandestine avec la disparition de près de deux mille jeunes sénégalais, l'insécurité galopante et entre autres, l'échauffement périodique du front social.
Le régime du libéral Abdoulaye Wade a bouclé ses 10 ans aujourd'hui. En une décennie, sur le plan social, de l'éducation, de la santé, etc., le Sénégal a changé plusieurs fois de visage, si on peut s'exprimer ainsi. En effet, à la joie et à l'espoir qui ont accueilli l'avènement de l'alternance, a suivi une liste de tragédies et de désolation.
Mort de l’étudiant Balla Gaye
La mort de l'étudiant Balla Gaye est sans nul doute la première tragédie du genre, de l'alternance. Elle a été enregistrée à l'occasion d'une grève d'étudiants réclamant de meilleures conditions de vie et de travail. Au matin du 31 janvier 2001, Balla Gaye en compagnie de ses camarades reçoit une balle, d'une arme d'un (policier), dans le dos, alors qu'il manifestait avec ces derniers dans l'enceinte du campus universitaire.
Cette mort tragique, de cet étudiant de première année de Droit, lors de la grève mémorable, n'est pas encore élucidée. Moins d'un mois après la commémoration du 5e anniversaire de ce meurtre de l'étudiant Balla Gaye, l'histoire semble se répéter de fort affreuse manière.
En effet, le 20 février 2006, Mademba Sané, 27 ans, étudiant à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis, reçoit d'une balle d'origine policière au cours d'affrontements entre étudiants et forces de l'ordre dans cette ville du nord. Cela lui a valu d'être dans un coma et amputé d'une jambe.
Le naufrage du "Joola", 1853 morts et 64 rescapés
Immobilisé depuis le 13 septembre 2001, pour la réparation d'avaries mécaniques et le remplacement de son moteur bâbord, "Le Joola" avait repris la liaison Dakar-Ziguinchor le 10 septembre 2002. À sa troisième rotation depuis sa réparation, le jeudi 26 septembre 2002 à 13h30, les voyageurs, qui étaient montés à son bord, étaient loin de s'imaginer que c'était leur dernier voyage.
Le bateau avait quitté le port de Ziguinchor avec officiellement 809 passagers à bord en possession d'un billet en plus des 52 militaires membres de l'équipage.
Comme à son habitude, il avait fait escale à Carabane où l'on indique que 185 passagers et des marchandises ont été embarqués après 3 heures de descente du fleuve Casamance. À cette étape du voyage déjà, "Joola" s'inclinait fortement à tribord au départ de cette île. Prévu pour transporter 580 personnes, à 18h après cette escale, il y avait officiellement suivant la vente des billets 1046 personnes à bord.
À ce nombre, se sont ajoutés les passagers montés sans billets et les nombreux enfants de moins de 5 ans qui ne paye pas. "Le Joola" a chaviré brutalement en moins de cinq minutes. Tout, c'est passé très vite. Des bourrasques de vent ont accentué l'inclinaison du ferry.
Pour s'abriter du vent et de la pluie beaucoup de passagers se sont précipités en masse du côté bâbord, ce qui a accentué le déséquilibre du navire. Tout le monde a glissé vers le même côté en tombant les uns sur les autres. L'inclinaison du bateau étant trop forte, il s'est renversé sur le côté et l'eau s'est engouffrée par les hublots, etc. Les passagers sur le pont se sont jetés à l'eau.
Ceux qui sont restés à l'intérieur, surpris ou saisis dans leur sommeil, n'ont pas eu le temps de s'équiper de gilets de sauvetage. Dans l'obscurité seulement quelques personnes ont pu s'extraire du bateau en brisant les hublots.
Seuls 22 passagers ont pu grimper sur la coque du bateau retourné. Parmi eux, la seule femme rescapée du naufrage, Mariama Diouf qui était enceinte.
Les pirogues de la mort
L'émigration clandestine constitue un autre point noir de cette première décennie de l'alternance du régime libéral. On avance que plus de dix mille jeunes Sénégalais ont fini au fond de la mer pour échapper à l'enfer qu'ils vivaient dans leur pays.
Barça (diminutif de Barcelone, capitale de l'Espagne) ou Barsakh, (le pays des morts), était leur devise. Quittant parents et familles et bravant l'océan et le mauvais temps, ces Sénégalais ne veulent qu'une chose aller en Europe quel qu'en soit le prix.
Ils quittent le plus souvent les côtes sénégalaises à bord de pirogues de fortune pour ne plus jamais revenir. Après la tragédie du « Joola », c'est le fléau qui a enregistré le plus de morts, ces dix dernières années au Sénégal.
Front social en ébullition
Sur le plan syndical, des manifestations de mécontentement avec le port de brassards rouges a fait voir rouge le Président Abdoulaye Wade ces dernières années.
Le secteur de l'éducation a connu des avancées notoires avec l'alternance, avec le budget de ce secteur qui a connu une hausse de 40 %.
Cela est aussi matérialisé par la création, entre autres, de nouveaux lycées et collèges de proximités sur l'ensemble du territoire national et la généralisation des bourses. Toutefois, c'est dans ce secteur, qu'on a le plus enregistré de grève notamment des syndicats d'enseignants qui ont beaucoup perturbé l'enseignement ces dix dernières années au Sénégal.
On se souvient même que le Cadre unitaire des syndicats de l'enseignement du moyen et du secondaire (Cusems) a eu à opter pour la rétention de notes. Après des débrayages et grèves, cette stratégie a été dégagée pour pousser le gouvernement à leur payer des indemnités.
La grève de la faim a été aussi utilisée comme un moyen de pression par des syndicalistes pour obtenir gain de cause auprès du régime de Me Abdoulaye Wade. On peut citer, à ce propos, celle observée par la centaine de grévistes de la faim de la société de pêche Africamer et ceux aussi du personnel de l'Hôtel Indépendance.
Avant eux, plusieurs dizaines de travailleurs avaient mené des grèves de la faim dans les secteurs du nettoyage, dans les transports publics et l'enseignement. Les conflits tournent en général autour du paiement d'arriérés de salaire, de licenciements abusifs, de mauvaise gestion, de corruption, etc.
Forme radicale de revendication, la grève de la faim a été payante pour bon nombre de ces travailleurs.
Les secteurs comme celui de la santé, malgré des réformes, n'ont été épargnés par des mouvements de grève pendant les dix ans d'alternance.
Cela a été accentué par l'instabilité du Ministère de tutelle qui a connu le plus de ministres, dix au total, à sa tête depuis le 19 mars 2000. À noter, toutefois, les points positifs de ce secteur avec le plan Sésame qui vise la gratuité des soins médicaux pour les personnes du troisième âge.
La révolte des marchands ambulants
Des manifestations violentes ont opposé, on s'en souvient, le 21 novembre 2007 à Dakar, les forces de l'ordre et de jeunes commerçants ambulants, mécontents de la décision du gouvernement sénégalais d'interdire la vente d'articles aux abords des voies et le long des trottoirs du centre-ville.
Elles ont débuté dans les premières heures de la matinée avant de s'étendre aux quartiers populaires périphériques de la Médina et de la Gueule Tapée. Les manifestants, qui jetaient des pierres aux forces de l'ordre, ont incendié des pneus au niveau des grands carrefours et renversé des bacs à ordures sur plusieurs avenues de la capitale, avant d'y mettre le feu.
Sur tout le long des avenues Blaise Diagne et Emille Badiane, qui mènent directement au marché principal de Sandaga situé au centre-ville de Dakar, les jeunes ont saccagé les feux de signalisation des différents carrefours et démoli plusieurs panneaux publicitaires, avant de s'en prendre à la mairie d'arrondissement de la Médina. Le bâtiment de la mairie a été pillé et un véhicule, qui se trouvait dans la cour au moment des faits, incendié.
Meurtres et assassinats à la pelle
Les meurtres et autres assassinats horribles plus les actes d'agressions ont été nombreux pendant les dix ans de l'alternance. Sur les listes macabres de ces crimes de sang, figurent le nom de Fama Niane, Maïmouna Ndione et Rougui Bâ tuée à Linguère, toutes retrouvées mortes et découpées en morceaux par leurs assassins respectifs.
La première a été découverte sur la corniche au petit matin au lendemain de son assassinat, son assassin court toujours. Les violences de toutes sortes telles que les viols, les séquestrations, le rapt d'enfants etc. font légion.
Il en est de même pour les assassinats enregistrés au cours de braquages ou de vols en réunion avec des armes à feu utilisées par des malfaiteurs, qui ont le plus souvent réussi à prendre la fuite après leur sale besogne, malgré le travail à saluer de nos forces de l'ordre.
Diaw MBODJ
Source Le Matindelafrique.com