Des sacs de sable servent de marchepied aux habitants de la commune de Djeddah-Thiaroye Kaw, à la Une des média sénégalais depuis que les fortes pluies de lundi et mardi, habituelles durant l'hivernage, ont suffi à la transformer en cité-marécage.
Pagne ou pantalon retroussé, chacun traverse à gué l'étendue d'eau qui s'est formée devant les maisons où poussent par endroits des typhas et des algues vertes.
"Depuis au moins huit ans, cette eau stagne ici, obligeant de nombreuses familles à quitter les lieux. Une quarantaine sont encore parties dans une commune voisine après les dernières pluies", affirme Momar Diaw, chef du quartier Médina 5, debout près d'une mare verdâtre.
"En cette période de Ramadan (mois du jeûne musulman), nous n'avons même pas où prier", dit-il en désignant la mosquée impraticable.
"Chaque année, au mois d'août, les inondations reviennent. Les 62 quartiers (sur 66) de la commune de Djeddah-Thiaroye Kaw sont depuis des années sous les eaux", renchérit Ibrahima Diouck, adjoint au maire de Djeddah-Thiaroye Kaw.
Ici, les populations "se sont installées sur des zones inondables, des lacs naturels qu'ils ont remblayés mais la nappe remonte à chaque hivernage", explique Pape Goumbo Lô, géologue-environnementaliste à l'Institut des sciences de la terre de Dakar.
"Ca a commencé après la sécheresse des années 70", dit-il, et "c'est lié à l'accroissement naturel démographique de Dakar" dont la population est passée de 500.000 habitants en 1967 à plus de 2 millions aujourd'hui du fait principalement de l'exode rural.
Ancien employé d'un projet d'assainissement de la zone, Yacine Sagna, pointe aussi et surtout "l'absence de réseau d'assainissement" dans ce quartier, comme dans bien d'autres.
La solution est "que les populations libèrent les zones inhabitables qu'elles occupent", tranche Pape Goumbo Lô.
Mais, s'ils partent, d'autres - plus pauvres - viendront s'installer à leur place, estiment de nombreux habitants.
Jeudi, le gouvernement a déclenché le plan Orsec (organisation des secours) et annoncé que 3 millions d'euros seraient débloqués pour faire face aux inondations dans la capitale et dans d'autres régions.
Dans l'opposition, le Parti socialiste a appelé les autorités à ne pas se limiter à un "effet d'annonce et à mettre des moyens conséquents au profit des victimes". Et l'Alliance pour la République a accusé le président Abdoulaye Wade, "en villégiature en Europe", de "persister dans son mépris des souffrances collectives".
En 2005, après des inondations qui avaient fait des milliers de sans-abris, le gouvernement avait lancé un programme de relogement des populations de la banlieue, d'un coût de 52 milliards de FCFA (79 millions d'euros). Mais le PS réclame "une évaluation" de ce programme à l'efficacité contestée, qui aurait "englouti des milliards" de francs CFA selon lui.
Officiellement, 1.792 familles habitant des zones inondées ont été relogées ailleurs, selon le coordonnateur adjoint du programme, Mansour Ndoye. "D'autres phases sont prévues pour reloger entre 13.000 et 15.000 familles de Pikine et Guédiawaye" dans la banlieue de Dakar, a-t-il assuré à l'AFP.
(©AFP / 27 août 2009 13h55)