Hissé au rang d'exemple, symbole achevé du self-made man qui a marqué de son empreinte la politique infrastructurelle du Sénégal de cette dernière décennie, Bara Tall a subitement dégringolé de la créte pour se retrouver dans les abysses. Agneau pris en otage dans un cycle de règlements de comptes politiques géniteurs de scandales à répétition qui ont fini par ravaler le Sénégal au rang de république bananiére. Mais depuis une demi décennie que dure cette histoire des «Chantiers de Thiès» qui ont dévasté l'empire bâti par ce polytechnicien, pur produit de l'école sénégalaise, une question taraudait le Sénégalais : pourquoi Bara Tall s'est emmuré dans un silence... assourdissant ? Hier; en exclusivité sur la télévision «2Stv», l'intéressé a répondu à cette question et à d'autres assaisonnées de révélations fracassantes qui renseignent un peu plus à quel point au Sénégal, le manteau de la bonne gouvernance s'est consumé sous le regime de l’ alternance. Un entretien dirigé par Pape Ale Niang que nous reproduisons in extenso.
Pourquoi avoir décidé, aujourd'hui, de parler des difficultés auxquelles votre entreprise, Talix Group, est confrontée ?
On peut dire que ce qui se passe à Talix est à l'imagé de qui se passe dans le pays. Pourquoi j'ai décidé de parler aujourd'hui ? La semaine dernière, un de vos confrères, Abdou Latif Coulibaly, un grand journaliste et vaillant patriote sénégalais, écrivait que ce qui s'est passé avec Talix fait partie des plus gros scandales de l'Alternance, mais qu'on entend peu de personnes en parler. Alors, après avoir parcouru cet article, je me suis dit : « les Sénégalais ne sont peut-être pas à blâmer, parce que je n'ai pas parlé, j'ai une part de responsabilité dans la persistance de cette indifférence que dénonce Latif»: C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de rompre le silence. Et puis, c'est l'heure de parler, parce que Talix, qui comporté en son sein Jean Lefebvre, est ma création. Je suis parti de très loin pour faire de ce groupe ce qu'il est devenu aujourd'hui : une entreprise qui a enfanté d'autres entreprises. Et lorsque survient une situation créée de toutes pièces, qui remet en cause tous ces acquis, les Sénégalais doivent en être informés. Mais, à vrai dire, ce n'est pas la situation dans laquelle Talix se trouve présentement qui devrait intéresser, en premier, les Sénégalais, mais les causes. Voilà une autre raison qui m'a poussé à parler.
Comme vous avez décidé de parler. Est-ce que vous pouvez nous faire la situation de Jean lefebvre. C'est-à-dire les difficultés auxquelles elle est confrontée ?
Jean Lefebvre est aujaurd'hui dans une situation périlleuse qui nous a obligés à la mettre sous règlement préventif. Qu'est-ce que cela signifie ? C'est une disposition légale permettant à une entreprise qui a un volume de dettes qu'il ne parvient plus à honorer- non pas parce qu'elle n’a plus les capacités techniques de continuer à travailler, mais qu'elle est plutôt confrontée à des difficultés conjoncturelles -, à se réfugier derrière la loi. Ainsi, elle est protégée des créanciers durant un temps déterminé qu'elle pourrait mettre à profit pour rebondir et rembourser ses dettes. Une formule qui est même à l'avantage des créanciers. Car, l'autre hypothèse aurait consisté à fermer tout simplement l'entreprise. Et dans ce cas de figure, il n'est absolument pas garanti que le fruit de la liquidation permette de payer tous les créanciers. Pour la bonne et simple raison que dans l'ordre de priorité, les travailleurs seront premiers servis, ensuite l'État et enfin les fournisseurs.
Combien d'employés travaillent pour Jean Lefebvre ?
Faire un décompte exhaustif n'est pas chose aisée. Mais une estimation du nombre d'employés liés aux activités de l'entreprise, donnerait trois mille personnes.
Avant la survenue de nos difficulté tous les employés de Jean Lefebvre percevaient entre le 27 et le 30 du mois. Aujourd'hui, ceux qui sont dans l'entreprise sont restés sept (07) mois sans salaire. Et c'est l'occasion pour moi de les remercier, encore une fois, pour l'abnégation et la foi en Dieu dont ils font preuve. Pour moins que ça, un seul retard de salaire, nous voyons dans d'autres entreprises des travailleurs occuper l'espace public pour protester. A jean Lefebvre, manifestement, les employés ont compris que cette situation terrible qu’ils vivent ne résulte pas de l’incurie de ceux qui dirigent l’entreprise. Elle nous a été imposée.
Cette situation n'a-t-elle pas entamé la crédibilité de Jean Lefebvre au niveau des institutions financières ?
Il ne faut pas se voiler la face, c'est sûr que la crédibilité de Jean Lefebvre s'est effritée. Et cela ne date pas d'aujourd'hui. La perte de crédibilité, c'est le fait de ne plus pouvoir respecter ses engagements contractuels vis-à-vis de ses partenaires, en ne se conformant pas aux délais de livraison des ouvrages, parce que derrière les fournisseurs, vous sachant peu solvables, deviennent réticents.
Cette perte de crédibilité est aussi ressentie au niveau des banques qui nous prêtaient de l'argent. La crédibilité, dans notre domaine d'activités, c'est l'une de nos matières premières. A part cette crédibilité, qui est un bien immatériel, ce sur quoi nous nous adossons pour faire notre travail, c'est d'abord notre savoir-faire et nos compétences humaines. Une entreprise qui ne respecte pas ses engagements vis-à-vis des institutions et de ses employés, est irrémédiablement condamnée. C'est une perte immatérielle inestimable.
Est-ce que la crédibilité de Jean Lefebvre, au moment de sa splendeur, lui permetait par exemple d’avoir un emprunt de dix (10) milliards de francs Cfa ?
Dix milliards, c’est exactement un montant que nous avons eu à emprunter à une banque, en 2004, lorsqu'il a fallu démarrer des travaux (ndlr : les chantiers de Thiès). Et vous savez quoi ? La crédibilité de Jean Lefebvre était telle que nombre de banques nous en ont voulu, d'avoir choisi une seule pour emprunter dix (10) milliards de francs Cfa. Ceci résume de manière éloquente la crédibilité dont nous jouissions : les banques se bousculaient à nos portes pour nous prêter de l'argent. Aujourd'hui, la pudeur ne me permet pas de décrire la situation dans laquelle se trouve Jean Lefebvre.
Peut-on avoir une idée du chiffre d'affaires annuel que Jean Lefebvre réalisait ?
En tant qu'entreprise principale, sans Taux, elle réalisait un chiffre d'affaires de vingt-cinq (25) milliards de francs Cfa.
Et aujourd'hui ?
Avant de réaliser un chiffre d'affaires, il faut d'abord pouvoir travailler. Au Sénégal, nous avons un chiffre d'affaires de zéro franc Cfa.
Bara Tall, les Sénégalais ont besoin de savoir : qu'est-ce qui est à l'origine de cette situation ? Comment une entreprise qui était une référence, jouissant d'une énorme crédibilité, en est-elle arrivée à cette situation ?
Nous étions très loin d'une entreprise délinquante. Nous étions plutôt un modèle.
Étiez-vous en règle avec les institutions sociales ?
Nous ne devions aucun sou à l’Ipres, au fisc. Ils peuvent en témoigner car ils nous écoutent. Nous étions des contribuables modèles qui ont payé des milliards de francs Cfa de taxes, contribuant ainsi à alimenter le budget national.
Peut-on savoir le montant des taxes que vous payiez à l'État ?
Je ne souhaite pas qu'on parle de chiffre. Mais sachez que ce sont des milliards de francs Cfa, même si, aujourd'hui, le mot milliard est devenu banal dans ce pays.
Bara Tall, concrètement qu'est-ce qui est à l'origine de la crise que traverse Jean Lefebvre ?
Tout le monde le sait. Seulement, je peux camprendre que les Sénégalais aient une exigence légitime que l'explication sorte de ma bouche. Et je vais me plier à cet exercice. Les difficultés de Jean Lefebvre sont liées aux «Chantiers de Thiès». Tout est parti de là. Je ne dirai pas que ce sont uniquement les «Chantiers de Thiès», mais la cause principale. Il y a énormément de choses dans ces «Chantiers de Thiès» que l'opinion publique ignore. En vérité, les «Chantiers de Thiès» n'ont été qu'un prétexte saisi par des gens pour régler beaucoup de comptes politiques. On connaît l'identité des personnes qui s'opposaient dans cette affaire et les soubassements. Ils avaient des préalables politiques qu'ils devaient régler Ça, c'est leur affaire ! Mais parce que nous n'avons pas choisi de faire la politique, nous ne devrions pas faire les frais de ces règlements de comptes. Hélas, nous avons été mêlés à cette affaire.
Comment ?
Quant ils ont décidé d'accuser Idrissa Seck de détournement de deniers publics, via des surfacturations, dans le cadre de l'exécution des «Chantiers de Thiés», ils ont mis en cause toutes les entreprises ayant participé à ces travaux, comme étant les complices de celui qui occupait alors le poste de Premier ministre. Les surfacturations évoquées se justifiaient à leurs yeux par le fait que le coût des travaux - sur la base de chiffres qu'ils ont sortis de nulle part - sur le terrain n'équivaut pas aux montants d'argent pris par Idrissa Seck, qu'il jette en prison pour l'obliger à dire où est passée la différence. Ensuite, ils allaient discuté avec Idrissa Seck, avant de le sortir de prison. Ce qu'ils se sont dit pour en arriver là ne m'intéressant pas, j'ai continué mon travail. Une preuve qu'à ce stade de l'affaire, leur cible n'était pas en vérité la quarantaine d'entreprises indexées : ils nous remboursaient une partie de l'argent que nous avions emprunté dans les banques pour exécuter les travaux, Mais, ils vont réactiver le dossier pour, non pas s'attaquer à toutes les entreprises, mais à une seule : Jean Lefebvre.
Pourquoi ?
Ce qui m'étonne aujourd'hui encore dans cette affaire, c'est comment le X visé dans la plainte de l'État est devenu brusquement... Bara Tall. Alors que nous étions quarante-trois (43) entreprises dans les Chantiers de Thiès. L'autre chose qui m'a beaucoup étonné, c'est quand il s'est agi d'inculper, ils m'ont indexé en me demandant de rembourser tout l'écart relevé dans les «Chantiers de Thies». Et pour ce faire, il fallait que je dépose une caution ou que j'aille en prison. Ce que j'ai catégoriquement refusé.
Il se dit qu'on vous a même proposé de vous «prêter» le montant de la caution. Vous confirmez ?
Vous savez, il y a des choses que la décence m'interdit de dire, surtout sur un plateau de télévision. Notez simplement qu’à ce jour, ils n’ont pas démenti ce plan qu’on leur a prêté.
On vous aurez dit : «Bara arrangez-nous, l'argent est là, tout ce qu’on veut, c'est que vous déposez la caution pour qu'on règle notre différend. Après tu peux même prendre la caution. Est-ce vrai ?
Je vous ai tantôt dit que des articles de presse ont soulevé cette affaire. Ce n'est pas parce que j'ai peur d'en parler, mais c'est une question de «kersa» (ndlr : pudeur) et de «sutura» (ndlr : décence). Tout ce que j’ai eu à dire, je l'ai écrit et apposé là-dessus ma signature. Il y a des choses qui se passent à certains niveaux... Franchement, je ne pensais pas que les choses pouvaient en arriver là.
Qu'ils ne pouvaient pas en arriver là avec toi ?
Pas moi, mais tout simplement qu'ils ne pouvaient pas en arriver là même avec quelqu'un d'autre.
Bara Tall combien de kilomètres fait la Voie de contournement Nord (ndlr : Vcn de Thiès) qui a été la principale cause du dossier des « Chantier de Thiès » ?
Elle n'est pas la principale cause, mais l'aspect le plus médiatisé de ce dossier. C'est aussi un exemple assez intéressant, mais je ne veux pas entrer dans les détails. Parce que si vous voulez parler des «Chantiers de Thiès », il vous faudra organiser un débat rien que sur la question.
Mais, il vous faut entrer dans les détails pour nous permettre d'aborder un autre sujet ?
Donc, je vais en parler, parce que le dossier des «Chantiers de Thiès» n'est pas encore clos : je n'ai pas encore un non-lieu.
Mais, Bara, pourquoi refusez-vous de parler de la surfacturation et de la Voie de contournement Nord ?
Ce n'est pas un refus. Je peux même en parler parce que le rapport a été déclassifié. La Vcn fait dix kilomètres et demi de route neuve. Dans une zone où il n'y a jamais eu de route. C'était un marché de sept (07) milliards de francs Cfa. A l'achèvement des travaux, nous avons constaté n'avoir dépensé que six (06)milliards huit cent (800) millions de francs Cfa. Alors, nous avons restituer la monnaie. Et c'est moi qui ai financé et exécuté les travaux dans un délai de six (06) mois : nous avons commencé en septembre 2003 et livré l'ouvrage en avril 2004.
Vous avez passé combien de temps en prison ?
Deux mois et demi. Alors que je refusais toujours de payer une caution - la raison de mon incarcération -, un bon jour, on m'a dit de sortir. J'ai été libéré sans caution, ni demande de liberté provisoire que j'avais formellement interdit à mes avocats alors, j’ai demandé pourquoi on m’a libéré. On m’a dit : « Vous êtes libéré d’office ».
Pourquoi Bara Tall a été l'entrepreneur le plus engagé dans les « Chantiers de Thiès » ?
Plus de temps m'aurait permis de revisiter l'histoire de Jean Lefebvre, qui était une société française.
Je suis né à Thiès, j'y ai grandi et fait toutes mes études. J'ai quitté cette ville à l'âge de vingtquatre (24) ans pour venir à Dakar travailler à Jean Lefebvre. J'y ai travaillé, gagné de l'argent, j'y ai réinvesti, avant que la boite ne me revienne. En 2003, étant aux commandes d'une entreprise comme Jean Lefebvre, je ne pouvais resté en dehors d'un programme comme les «Chantiers de Thiès», qui ambitionnait de changer la face de la ville qui m'a tout donné. C'était quoi les «Chantiers de Thiès» ? On me demandait de faire ce que personne n'acceptait :construire une maison, l’équiper, avant d'être payé. J'ai accepté ce risque considérable, pour ma ville et mon pays. Je me suis rendu sur le terrain pour voir ce que je devais faire. Ensuite, je leur ai dit que le coût des travaux, en prenant sur moi de ne pas l'augmenter pour couvrir mon emprunt bancaire devant me permettre d'exécuter ces chantiers. C'est dans ce contexte qu'ils ont signé les marchés. Et c'est ce rôle de locomotive que j'ai joué dans les «Chantiers de Thiès» au moment où les wagons (ndlr : les autres entreprises) rechignaient à suivre ma cadence. Et cet engagement citoyen ne date pas de cette époque ; nous étions toujours les premiers à répondre à l'appel de la Nation. Lorsque la sécheresse menaçait sérieusement le Sénégal, le chef de l'État a convoqué un Conseil présidentiel consacré à la question. Il a dit aux entrepreneurs : «Je peux vous réquisitionner, mais je préfère faire appel à votre esprit citoyen pour voir comment vous pouvez nous aider, en construisant par exemple des bassins de rétention pour que le bétail puisse avoir de l'eau». Avant de sortir de la salle, Jean Lefebvre a pris l'engagement de construire sur fonds propre trois bassins de rétention d'un coût global de six cent (600) millions de francs Cfa. Nous avons tenu parole et construit ces bassins de rétention. C'est cet esprit citoyen et mon attachement à la ville de Thiès qui ont été à l'origine de mon engagement. Et si c'était à refaire, je le referais.
Les Sénégalais veulent savoir la vérité relativement à ce qui arrive à Jean Lefebvre : est-ce qu'on vous combat en vous privant de marchés ? Qui vous combat ?
ça c’est clair, et nous allons le dire.
Par exempte, parlons des marchés de l’Anoci.
Ce qui est arrivé à ce niveau à Jean Lefepvre est lié aux «Chantiers de Thies ». Ils m'ont mis en prison pour avoir refusé de faire ce qu'ils voulaient. Lorsqu'ils m'ont élargi, j'ai lavé mon honneur pour me remettre au travail. Car, la seule chose qui importe pour moi, c'est mon honneur, et non l'argent que j'ai perdu. Je l'ai dit dans ma lettre ouverte. Et le président Wade qui m'a reçu en audience après ma sortie de prison avait l'intention de tourner la page. Il a dit à ses collaborateurs qui assistaient à cette audience : « Laissez-le travailler ! » Mais, ce n'était pas possible. Parce qu'il y avait un agenda global qui comportait des obstacles politiques et économiques. Et je faisais partie de ces obstacles économiques. Et je ne l'ai compris qu'après. Je ne pouvais même pas m'imaginer quelqu'un croire que ldrissa Seck pouvait avoir des intérêts dans mon entreprise. Idrissa Seck me connaît très bien, «te yabu ma» (ndlr : il ne manque pas de considération à mon égard) jusqu'à songer un seul instant que je vais travailler pour ensuite lui donner mon argent. Mais, ils se sont dits : «Comme Bara Tall habite Thiès, s'il a trop de moyens, il peut soutenir Idrissa Seck que nous combattons. Donc, il faut le détruire à tout prix». C'est ça la motivation première qui m'a causé beaucoup de dommages. A cette période, dans le domaine des Btp, je ne dis pas que nous étions les meilleurs, mais nous étions parmi les meilleurs. A chaque appel d’offres, nous gagnions avec de bons prix, et livrons de très bons ouvrages. Après ils nous écartaient des appels d’offres où nous étions le moins-disant.
Donnez-nous quelques marchés que Jean lefebvre a gagnés et qui lui ont été par la suite arrachés...
Ils sont nombreux. Je peux vous citer l'élargissement de la Corniche Ouest où nous étions de loin le moins-disant. Et cet exemple nous permet de revenir aux «Chantiers de Thiès». Aussi incroyable que cela puisse paraître, sachez que j'ai soumissionné dans les chantiers de la Corniche en prenant les prix des «Chantiers de Thiès» majorés de vingt pour cent (20%), et j'étais cinquante pour cent (50%) moins cher.
Résumons : pour participer à l'appel d'offres des chantiers de l’Anoci sur la Corniche, vous avez pris les prix qui vous ont valu la prison dans les «Chantiers de Thiès », vous y avez ajouté 20%, pour être le moins cher de 50%. Mais on vous écarte. Pourquoi ?
Parce que je n'entrais pas dans le schéma économique.
Quel schéma économique ?
Ils m'accusaient maintenant d'être pas cher. C'est comme quelqu'un qui va au marché pour se quereller avec le marchand parce que ce dernier lui a vendu des produits pas chers.
Citez un autre marché...
La route de Ouakam qui devait être élargie, toujours dans le cadre des chantiers de l'Anoci. Quand j'ai soumissionné et qu'ils se sont rendu compte que j'étais encore le moins-disant, ils ont annulé l'appel d'offres, pour ensuite le relancer.
Même chose pour la route Linguère-Matam. Que ceux qui sont dans cette zone sachent que la deuxième tranche de la route Linguére Matam, c'est moi qui devais le réaliser depuis 2006. Ils ont trouvé des prétextes pour bloquer le projet. Pour me résumer, sachez que nous avons gagné des marchés d'une hauteur de cent (100) milliards de francs Cfa, qu'ils nous ont arrachés. Nous les aurions réalisés que nos travailleurs et nos familles en aurait bénéficié.
Mais, tout ça n’a pas d’importance.
Si, c'est important, parce que nous sommes dans un État de droit Donc vous devez nous parler des chantiers de l’Anoci réalisés avec l'argent du contribuable.
Je peux vous dire une seule chose concernant les routes dans les chantiers de l'Anoci : les entreprises qui avaient fait les études ont gagné les marchés. Quiconque connaît les lois de passation de marchés publics sait que le procédé est une infraction, au regard des dispositions du Code des marchés. Nous avons écrit aux services compétents (ndlr : Agence de régulation des marchés publics), qui nous ont répondu. Mais apparemment, ils n’ont pas l'intention d'aller au fond des choses.
Bara Tall, est-ce que vous avez un problème personnel avec une autorité du pays au point d'être écarté des chantiers de l’Anoci ?
Non. Il n’y a pas de problémes personnels. Parce que l’intérêt public doit prendre le dessus sur les problèmes personnels. Le problème est un problème économique : personne ne peut m'obliger à dire que telle chose qui vaut cent. (100) francs coûte deux cent (200) francs. Parce que cet argent que mon pays emprunte pour financer ses projets, ce sont nos fils qui vont le rembourser. Ça personne ne peut m'obliger à le faire. Je préfère prendre mes bagages et aller ailleurs. D'abord, ils m'ont accusé de surfacturations, mais comme le dit «Waaji» (ndlr : Idrissa Seck) : « Ba jant bi di fay, manu nu ko prouvee » (ndir : Jusqu'à l'extinction du soleil, ils ne pourront le prouver). Ensuite, ils veulent que je rentre dans des choses qui ne convainquent pas.
On m’a rapporté les propos d’une personne qui a juré de détruire mon entreprise. En m’empêchant de travailler au Sénégal, et de rentrer dans les fonds que l’Etat me doit, histoire peut être de m'empêcher d'avoir le prix de la traversée vers Barcelone à bord d'une pirogue. Et l'auteur de ces propos est connu, c'est Karim Wade. Dernièrement, lorsque son père recevait les patrons de presse, il lui a glissé une note racontant des bobards sur moi. Pour ensuite dire sur la base de ces mêmes bobards que désormais, il me déclarait la guerre. Mais la guerre, il me l'a déclarée depuis longtemps.
Quand ?
Je n'exclut même pas que le fait qu'on m'ait ciblée parmi les entrepreneurs des «Chantiers de Thiès», pour m'inculper, fasse partie de cette guerre. Parce que fougerolles de mon ami Gérard Sénac, pourquoi elle n'a pas été inquiétée ? Parce que , sa maison-mère française est derrière elle. Pourquoi je suis partie en Gambie ? «Yoonu jamm soriwul» (ndlr : Trouver un havre de paix). J'y vais avec mes amis pour que nous puissions avoir des revenus. Puis, Yaya Jammeh est un Africain. Avant tous ces problèmes, le président Wade m’avait trouvé là-bas, et il a dit à Yaya Jammeh : «Ki limu fi liggey, mako garanti» (ndlr : Je suis garant de tout ce qu'il construira ici).
Donc, ils vous ont demandé de faire des surfacturations dans les marchés de l’Anoci ?
Je n'irai pas jusqu'à dire ça. Mais; ce que je dis est constant. Ce sont les entreprises qui ont fait les études qui ont gagné les marchés. Et nous détenons des documents.
Comment on s'est partagé les marchés ?
Je n'ai été partie prenante à aucun partage. Nous avons fait une offre de seize (16) milliards de francs Cfa. Ils ont octroyé le marché à celui qui proposait vingt-deux (22) milliards de francs Cfa. Quand on auditera les chantiers de l’Anoci...
Mais, c'est toi qui a gagné le marché d'élargissement de Malick Sy avec les Chinois.
Ça c'est un autre débat, si on restait là à parler de toutes les anecdotes, on allait pas en finir. Et puis, je ne suis pas un homme de détails. Je dis ce qui me tient à cœur : le fruit de vingt neuf (29) années de travail qu'on piétine, ça je ne l'accepte pas. J’ai eu à perdre des marchés pour ensuite en gagner d'autres. Même s'il m'avait laissé en paix, je leur laisserais leur pays pour aller travailler ailleurs. « Li nuy def ci man def na nu ko ci man ba paree » (Ndlr : le mal est déjà fait). J'ai eu la chance d’être bien éduqué et d'en être arrivé à ce niveau, On m'a inculqué des valeurs « ngor, jub, fulë ak fayda ». C’est ainsi que j'ai conduit ma vie, jusqu'à 1'obtention de mes diplômes et que Jean Lefebvre me revienne. J’ai bénéficié d’une des meilleures formations que le Sénégal puisse donner à ses fils. Tout ça ils n'en veulent pas, Donc, nous allons vendre notre savoir-faire ailleurs. On ne peut prendre quelqu'un, le trainer dans la boue pendant des années, l'envoyer en prison, lui devoir de l'argent et refuser de le payer. Il veut continuer de faire son travail, vous l’en empêchez sous le prétexte qu'il propose des prix pas... chers. II prend ses bagages pour aller ailleurs, vous le poursuivez pour casser du sucre sur son dos. Ça moi je ne l'accepterai pas.
Entre l'État et vous, qui doit de l'argent à l'autre ?
L'État me doit plus de dix (10) milliards de francs Cfa. Et le refus de payer ne repose sur rien. Parce que, tôt ou tard, ils paieront. À moi ou à mes fils. J'ai entendu le ministre des Finances dire qu'il n'y a pas une décision de justice qui lui demande de me payer mon argent. Je lui pose la question de savoir : est-ce qu’il y’a une décision de justice lui demandant de ne pas me payer mon argent ? Il m’ont envoyé en prison pour détournement de deniers publics via des surfacturations dans les «Chantiers de Thiès». Je leur ai demandé des preuves qu’ils n'ont pas parce que moi, je ne gère pas de caisse; encore moins de deniers publics. Alors, je leur ai dit que s'ils détruisent la prison de rebeuss, et que tous les prisonniers s'enfuient je resterais là-bas, assis sur une pierre jusqu'à ce qu’ils me brandissent des preuves de ma culpabilité. Je peux justifier l'origine de ma fortune, fruit de vingt-six (26) ans de travail.
Quel est le problème sur l'axe Fatick Kaolack ?
Tout se tient, la route Fatick-kaolack, c'est le même fondement. C'est un problème technique, Nous avons finalisé la route Dianamalary-Carrefour 22 parce que l'Etat n'avait pas d'argent. Et quand l'argent a été mis dans le budget, l'Etat a pris un arrêté de report de crédit pour prendre ces fonds et les affecter à la construction de villas présidentielles pour l'Anoci. En d'autres termes, Bara Tall, il ne faut pas le payer. J'ai écrit au ministre de l'Equipement pour lui demander comment expliquer que le budget voté par l'Assemblée nationale pour me payer soit reversé ailleurs ? Ils se sont réunis pour trouver un subterfuge permettant de justifier la rétention de mes fonds : aller voir le Juge pour qu'ils disent que la route Fatick-Kaolack a été mal faite en avril 2008 avec une astreinte d'un million par jour. Mais, ils ont été déboutés. Pourquoi ? En 2003, lorsque nous avons gagné le marché, nos techniciens ont refait l’étude pour se rendre compte que l'État s'est trompé dans la solution pour refaire cette route. Ils ont fait un rapport pour leur dire que la solution proposée n’est pas viable avant de leur proposer la solution qui s'impose. Ils nous ont dit : «C'est ça que nous voulons, faites-le». Un an après la livraison des travaux, la route s'est détériorée. Nous leur avons écrit pour tirer la sonnette d’alarme. Ils ont répliqué pour dire que la route est sous garantie. Sur la base de ces documments, le Juge les a déboutés.
Le Palais vous accuse d’avoir une société de communication dans un paradis fiscal, dans le but de déstabiliser le pouvoir.
« Waxu kasaw kasaw la » (ndlr : roupies de sansonnet). Mais, quand le chef de l'Etat s’en mêle, ce ne sont plus des futilités. Cette entreprise dont i1 parle s'appelle Talix. international, c'est moi qui l'ai créé au Luxembourg. Je l'ai porté sur les fonts baptismaux, parce qu'on m’a persécuté et trainé dans la boue dans mon pays. Car, si Jean Lefebvre était toujours dans le giron de la France, ils n'allaient pas toucher à un seul de mes cheveux : les entreprises françaises de la place n'ont pas été persécutées.
Alors, lorsque j'ai décidé d'aller travailler dans les autres pays d'Afrique, j'ai créé un holding : Talix international. Et il n'y a rien d'obscur là-dans. L’argent qu'ils ont pris pour envoyer des détectives au Luxembourg pouvait servir à autre chose. Parce que s'il m'avait demandé, je les aurai informés. Ce holding publie ses résultats à la Chambre de commerce du Luxembourg avec un compte régulièrement tenu et une adresse connue. Puis, l'argent que j'y ai investi, c'est mon propre argent. Ce ne sont pas des fonds politiques, encore moins de l'argent venu de Taïwan. Donc, moi, je n'ai pas besoin de créer une société off-shore dans des paradis fiscaux. L’objectif, c'est la protection juridique. Et si je m’étais fait parrainer, ce qui m'est arrivé n'arrait pas eu lieu. Tout ce que j'ai gagné, le l'ai investi au Sénégal. Je mets au défi quiconque disposer de moyens d'investigation appropriés de trouver ailleurs qu'au Sénégal un seul mètre carré de terre m'appartenant. Ce que j'ai fait au Sénégal, je l'ai fait pour ma descendance.
Pour revenir à Karim Wade, s'il veut construire des infrastructures au Sénégal, en tuant d'entrée une entreprise qui s'active dans ce secteur, qu'il sache qu'il a échoué dès le départ. Parce que la finalité, ce n’est pas de construire des infrastructures. La vraie richesse, c'est d'avoir un tissu économique qui permettra aux nationaux de rester et résister si les canons tonnent. Si Sarkozy et Obama essaient de relancer leurs industries automobiles, c'est par conviction : ces sociétés doivent continuer à exister. La vraie finalité, ce n’est pas l'objet, mais ceux qui font l'objet. Mais ici, on essaye de tuer ceux qui font cet objet, ce qui fait qu’on échoue dès le départ.
Quelles sont vos relations avec, Souleymane Jules Diop ?
Mes relations avec Souleymane, Jules Diop, je pouvais ne pas en parler, parce que je suis un homme libre qui a le droit d’avoir les relations qu’il veut. Je l’ai vu pour la première fois en août 2008 lors d’un voyage au Canada. Je me suis dit que je devais le voir parce qu’il avait pris sa plume pour me soutenir lorsque j’ai été emprisonné. En discutant avec lui, j’ai su qu’il voulait publier un livre sur Obama, le président américain qui n’était pas encore élu. Il m’a alors dit qu’il ne voulait pas aller dans les maisons d’édition classiques car avec ces dernières, il ne pouvait pas gagner beaucoup d’argent. C’est alors que je suis décidé à l’appuyer en créant une société d’édition. Et ce n’est pas la première fois que je m’intéresse à l’édition. Je suis actionnaire dans 7Editions S.a. qui publie « Le Populaire ». En 2002, avec une autre de mes sociétés d’édition, j’ai produit le Dvd intitulé « La Taniere des Lions »
Le dernier mot…
Encore je dis chapeau bas aux employés de Jean Lefebvre, le terme est même impropre, car ils sont mes partenaires, qui traversent avec nous une situation terrible, sans broncher, faisant preuve d'une dignité peu commune.
Source: Le Populaire
Pourquoi avoir décidé, aujourd'hui, de parler des difficultés auxquelles votre entreprise, Talix Group, est confrontée ?
On peut dire que ce qui se passe à Talix est à l'imagé de qui se passe dans le pays. Pourquoi j'ai décidé de parler aujourd'hui ? La semaine dernière, un de vos confrères, Abdou Latif Coulibaly, un grand journaliste et vaillant patriote sénégalais, écrivait que ce qui s'est passé avec Talix fait partie des plus gros scandales de l'Alternance, mais qu'on entend peu de personnes en parler. Alors, après avoir parcouru cet article, je me suis dit : « les Sénégalais ne sont peut-être pas à blâmer, parce que je n'ai pas parlé, j'ai une part de responsabilité dans la persistance de cette indifférence que dénonce Latif»: C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de rompre le silence. Et puis, c'est l'heure de parler, parce que Talix, qui comporté en son sein Jean Lefebvre, est ma création. Je suis parti de très loin pour faire de ce groupe ce qu'il est devenu aujourd'hui : une entreprise qui a enfanté d'autres entreprises. Et lorsque survient une situation créée de toutes pièces, qui remet en cause tous ces acquis, les Sénégalais doivent en être informés. Mais, à vrai dire, ce n'est pas la situation dans laquelle Talix se trouve présentement qui devrait intéresser, en premier, les Sénégalais, mais les causes. Voilà une autre raison qui m'a poussé à parler.
Comme vous avez décidé de parler. Est-ce que vous pouvez nous faire la situation de Jean lefebvre. C'est-à-dire les difficultés auxquelles elle est confrontée ?
Jean Lefebvre est aujaurd'hui dans une situation périlleuse qui nous a obligés à la mettre sous règlement préventif. Qu'est-ce que cela signifie ? C'est une disposition légale permettant à une entreprise qui a un volume de dettes qu'il ne parvient plus à honorer- non pas parce qu'elle n’a plus les capacités techniques de continuer à travailler, mais qu'elle est plutôt confrontée à des difficultés conjoncturelles -, à se réfugier derrière la loi. Ainsi, elle est protégée des créanciers durant un temps déterminé qu'elle pourrait mettre à profit pour rebondir et rembourser ses dettes. Une formule qui est même à l'avantage des créanciers. Car, l'autre hypothèse aurait consisté à fermer tout simplement l'entreprise. Et dans ce cas de figure, il n'est absolument pas garanti que le fruit de la liquidation permette de payer tous les créanciers. Pour la bonne et simple raison que dans l'ordre de priorité, les travailleurs seront premiers servis, ensuite l'État et enfin les fournisseurs.
Combien d'employés travaillent pour Jean Lefebvre ?
Faire un décompte exhaustif n'est pas chose aisée. Mais une estimation du nombre d'employés liés aux activités de l'entreprise, donnerait trois mille personnes.
Avant la survenue de nos difficulté tous les employés de Jean Lefebvre percevaient entre le 27 et le 30 du mois. Aujourd'hui, ceux qui sont dans l'entreprise sont restés sept (07) mois sans salaire. Et c'est l'occasion pour moi de les remercier, encore une fois, pour l'abnégation et la foi en Dieu dont ils font preuve. Pour moins que ça, un seul retard de salaire, nous voyons dans d'autres entreprises des travailleurs occuper l'espace public pour protester. A jean Lefebvre, manifestement, les employés ont compris que cette situation terrible qu’ils vivent ne résulte pas de l’incurie de ceux qui dirigent l’entreprise. Elle nous a été imposée.
Cette situation n'a-t-elle pas entamé la crédibilité de Jean Lefebvre au niveau des institutions financières ?
Il ne faut pas se voiler la face, c'est sûr que la crédibilité de Jean Lefebvre s'est effritée. Et cela ne date pas d'aujourd'hui. La perte de crédibilité, c'est le fait de ne plus pouvoir respecter ses engagements contractuels vis-à-vis de ses partenaires, en ne se conformant pas aux délais de livraison des ouvrages, parce que derrière les fournisseurs, vous sachant peu solvables, deviennent réticents.
Cette perte de crédibilité est aussi ressentie au niveau des banques qui nous prêtaient de l'argent. La crédibilité, dans notre domaine d'activités, c'est l'une de nos matières premières. A part cette crédibilité, qui est un bien immatériel, ce sur quoi nous nous adossons pour faire notre travail, c'est d'abord notre savoir-faire et nos compétences humaines. Une entreprise qui ne respecte pas ses engagements vis-à-vis des institutions et de ses employés, est irrémédiablement condamnée. C'est une perte immatérielle inestimable.
Est-ce que la crédibilité de Jean Lefebvre, au moment de sa splendeur, lui permetait par exemple d’avoir un emprunt de dix (10) milliards de francs Cfa ?
Dix milliards, c’est exactement un montant que nous avons eu à emprunter à une banque, en 2004, lorsqu'il a fallu démarrer des travaux (ndlr : les chantiers de Thiès). Et vous savez quoi ? La crédibilité de Jean Lefebvre était telle que nombre de banques nous en ont voulu, d'avoir choisi une seule pour emprunter dix (10) milliards de francs Cfa. Ceci résume de manière éloquente la crédibilité dont nous jouissions : les banques se bousculaient à nos portes pour nous prêter de l'argent. Aujourd'hui, la pudeur ne me permet pas de décrire la situation dans laquelle se trouve Jean Lefebvre.
Peut-on avoir une idée du chiffre d'affaires annuel que Jean Lefebvre réalisait ?
En tant qu'entreprise principale, sans Taux, elle réalisait un chiffre d'affaires de vingt-cinq (25) milliards de francs Cfa.
Et aujourd'hui ?
Avant de réaliser un chiffre d'affaires, il faut d'abord pouvoir travailler. Au Sénégal, nous avons un chiffre d'affaires de zéro franc Cfa.
Bara Tall, les Sénégalais ont besoin de savoir : qu'est-ce qui est à l'origine de cette situation ? Comment une entreprise qui était une référence, jouissant d'une énorme crédibilité, en est-elle arrivée à cette situation ?
Nous étions très loin d'une entreprise délinquante. Nous étions plutôt un modèle.
Étiez-vous en règle avec les institutions sociales ?
Nous ne devions aucun sou à l’Ipres, au fisc. Ils peuvent en témoigner car ils nous écoutent. Nous étions des contribuables modèles qui ont payé des milliards de francs Cfa de taxes, contribuant ainsi à alimenter le budget national.
Peut-on savoir le montant des taxes que vous payiez à l'État ?
Je ne souhaite pas qu'on parle de chiffre. Mais sachez que ce sont des milliards de francs Cfa, même si, aujourd'hui, le mot milliard est devenu banal dans ce pays.
Bara Tall, concrètement qu'est-ce qui est à l'origine de la crise que traverse Jean Lefebvre ?
Tout le monde le sait. Seulement, je peux camprendre que les Sénégalais aient une exigence légitime que l'explication sorte de ma bouche. Et je vais me plier à cet exercice. Les difficultés de Jean Lefebvre sont liées aux «Chantiers de Thiès». Tout est parti de là. Je ne dirai pas que ce sont uniquement les «Chantiers de Thiès», mais la cause principale. Il y a énormément de choses dans ces «Chantiers de Thiès» que l'opinion publique ignore. En vérité, les «Chantiers de Thiès» n'ont été qu'un prétexte saisi par des gens pour régler beaucoup de comptes politiques. On connaît l'identité des personnes qui s'opposaient dans cette affaire et les soubassements. Ils avaient des préalables politiques qu'ils devaient régler Ça, c'est leur affaire ! Mais parce que nous n'avons pas choisi de faire la politique, nous ne devrions pas faire les frais de ces règlements de comptes. Hélas, nous avons été mêlés à cette affaire.
Comment ?
Quant ils ont décidé d'accuser Idrissa Seck de détournement de deniers publics, via des surfacturations, dans le cadre de l'exécution des «Chantiers de Thiés», ils ont mis en cause toutes les entreprises ayant participé à ces travaux, comme étant les complices de celui qui occupait alors le poste de Premier ministre. Les surfacturations évoquées se justifiaient à leurs yeux par le fait que le coût des travaux - sur la base de chiffres qu'ils ont sortis de nulle part - sur le terrain n'équivaut pas aux montants d'argent pris par Idrissa Seck, qu'il jette en prison pour l'obliger à dire où est passée la différence. Ensuite, ils allaient discuté avec Idrissa Seck, avant de le sortir de prison. Ce qu'ils se sont dit pour en arriver là ne m'intéressant pas, j'ai continué mon travail. Une preuve qu'à ce stade de l'affaire, leur cible n'était pas en vérité la quarantaine d'entreprises indexées : ils nous remboursaient une partie de l'argent que nous avions emprunté dans les banques pour exécuter les travaux, Mais, ils vont réactiver le dossier pour, non pas s'attaquer à toutes les entreprises, mais à une seule : Jean Lefebvre.
Pourquoi ?
Ce qui m'étonne aujourd'hui encore dans cette affaire, c'est comment le X visé dans la plainte de l'État est devenu brusquement... Bara Tall. Alors que nous étions quarante-trois (43) entreprises dans les Chantiers de Thiès. L'autre chose qui m'a beaucoup étonné, c'est quand il s'est agi d'inculper, ils m'ont indexé en me demandant de rembourser tout l'écart relevé dans les «Chantiers de Thies». Et pour ce faire, il fallait que je dépose une caution ou que j'aille en prison. Ce que j'ai catégoriquement refusé.
Il se dit qu'on vous a même proposé de vous «prêter» le montant de la caution. Vous confirmez ?
Vous savez, il y a des choses que la décence m'interdit de dire, surtout sur un plateau de télévision. Notez simplement qu’à ce jour, ils n’ont pas démenti ce plan qu’on leur a prêté.
On vous aurez dit : «Bara arrangez-nous, l'argent est là, tout ce qu’on veut, c'est que vous déposez la caution pour qu'on règle notre différend. Après tu peux même prendre la caution. Est-ce vrai ?
Je vous ai tantôt dit que des articles de presse ont soulevé cette affaire. Ce n'est pas parce que j'ai peur d'en parler, mais c'est une question de «kersa» (ndlr : pudeur) et de «sutura» (ndlr : décence). Tout ce que j’ai eu à dire, je l'ai écrit et apposé là-dessus ma signature. Il y a des choses qui se passent à certains niveaux... Franchement, je ne pensais pas que les choses pouvaient en arriver là.
Qu'ils ne pouvaient pas en arriver là avec toi ?
Pas moi, mais tout simplement qu'ils ne pouvaient pas en arriver là même avec quelqu'un d'autre.
Bara Tall combien de kilomètres fait la Voie de contournement Nord (ndlr : Vcn de Thiès) qui a été la principale cause du dossier des « Chantier de Thiès » ?
Elle n'est pas la principale cause, mais l'aspect le plus médiatisé de ce dossier. C'est aussi un exemple assez intéressant, mais je ne veux pas entrer dans les détails. Parce que si vous voulez parler des «Chantiers de Thiès », il vous faudra organiser un débat rien que sur la question.
Mais, il vous faut entrer dans les détails pour nous permettre d'aborder un autre sujet ?
Donc, je vais en parler, parce que le dossier des «Chantiers de Thiès» n'est pas encore clos : je n'ai pas encore un non-lieu.
Mais, Bara, pourquoi refusez-vous de parler de la surfacturation et de la Voie de contournement Nord ?
Ce n'est pas un refus. Je peux même en parler parce que le rapport a été déclassifié. La Vcn fait dix kilomètres et demi de route neuve. Dans une zone où il n'y a jamais eu de route. C'était un marché de sept (07) milliards de francs Cfa. A l'achèvement des travaux, nous avons constaté n'avoir dépensé que six (06)milliards huit cent (800) millions de francs Cfa. Alors, nous avons restituer la monnaie. Et c'est moi qui ai financé et exécuté les travaux dans un délai de six (06) mois : nous avons commencé en septembre 2003 et livré l'ouvrage en avril 2004.
Vous avez passé combien de temps en prison ?
Deux mois et demi. Alors que je refusais toujours de payer une caution - la raison de mon incarcération -, un bon jour, on m'a dit de sortir. J'ai été libéré sans caution, ni demande de liberté provisoire que j'avais formellement interdit à mes avocats alors, j’ai demandé pourquoi on m’a libéré. On m’a dit : « Vous êtes libéré d’office ».
Pourquoi Bara Tall a été l'entrepreneur le plus engagé dans les « Chantiers de Thiès » ?
Plus de temps m'aurait permis de revisiter l'histoire de Jean Lefebvre, qui était une société française.
Je suis né à Thiès, j'y ai grandi et fait toutes mes études. J'ai quitté cette ville à l'âge de vingtquatre (24) ans pour venir à Dakar travailler à Jean Lefebvre. J'y ai travaillé, gagné de l'argent, j'y ai réinvesti, avant que la boite ne me revienne. En 2003, étant aux commandes d'une entreprise comme Jean Lefebvre, je ne pouvais resté en dehors d'un programme comme les «Chantiers de Thiès», qui ambitionnait de changer la face de la ville qui m'a tout donné. C'était quoi les «Chantiers de Thiès» ? On me demandait de faire ce que personne n'acceptait :construire une maison, l’équiper, avant d'être payé. J'ai accepté ce risque considérable, pour ma ville et mon pays. Je me suis rendu sur le terrain pour voir ce que je devais faire. Ensuite, je leur ai dit que le coût des travaux, en prenant sur moi de ne pas l'augmenter pour couvrir mon emprunt bancaire devant me permettre d'exécuter ces chantiers. C'est dans ce contexte qu'ils ont signé les marchés. Et c'est ce rôle de locomotive que j'ai joué dans les «Chantiers de Thiès» au moment où les wagons (ndlr : les autres entreprises) rechignaient à suivre ma cadence. Et cet engagement citoyen ne date pas de cette époque ; nous étions toujours les premiers à répondre à l'appel de la Nation. Lorsque la sécheresse menaçait sérieusement le Sénégal, le chef de l'État a convoqué un Conseil présidentiel consacré à la question. Il a dit aux entrepreneurs : «Je peux vous réquisitionner, mais je préfère faire appel à votre esprit citoyen pour voir comment vous pouvez nous aider, en construisant par exemple des bassins de rétention pour que le bétail puisse avoir de l'eau». Avant de sortir de la salle, Jean Lefebvre a pris l'engagement de construire sur fonds propre trois bassins de rétention d'un coût global de six cent (600) millions de francs Cfa. Nous avons tenu parole et construit ces bassins de rétention. C'est cet esprit citoyen et mon attachement à la ville de Thiès qui ont été à l'origine de mon engagement. Et si c'était à refaire, je le referais.
Les Sénégalais veulent savoir la vérité relativement à ce qui arrive à Jean Lefebvre : est-ce qu'on vous combat en vous privant de marchés ? Qui vous combat ?
ça c’est clair, et nous allons le dire.
Par exempte, parlons des marchés de l’Anoci.
Ce qui est arrivé à ce niveau à Jean Lefepvre est lié aux «Chantiers de Thies ». Ils m'ont mis en prison pour avoir refusé de faire ce qu'ils voulaient. Lorsqu'ils m'ont élargi, j'ai lavé mon honneur pour me remettre au travail. Car, la seule chose qui importe pour moi, c'est mon honneur, et non l'argent que j'ai perdu. Je l'ai dit dans ma lettre ouverte. Et le président Wade qui m'a reçu en audience après ma sortie de prison avait l'intention de tourner la page. Il a dit à ses collaborateurs qui assistaient à cette audience : « Laissez-le travailler ! » Mais, ce n'était pas possible. Parce qu'il y avait un agenda global qui comportait des obstacles politiques et économiques. Et je faisais partie de ces obstacles économiques. Et je ne l'ai compris qu'après. Je ne pouvais même pas m'imaginer quelqu'un croire que ldrissa Seck pouvait avoir des intérêts dans mon entreprise. Idrissa Seck me connaît très bien, «te yabu ma» (ndlr : il ne manque pas de considération à mon égard) jusqu'à songer un seul instant que je vais travailler pour ensuite lui donner mon argent. Mais, ils se sont dits : «Comme Bara Tall habite Thiès, s'il a trop de moyens, il peut soutenir Idrissa Seck que nous combattons. Donc, il faut le détruire à tout prix». C'est ça la motivation première qui m'a causé beaucoup de dommages. A cette période, dans le domaine des Btp, je ne dis pas que nous étions les meilleurs, mais nous étions parmi les meilleurs. A chaque appel d’offres, nous gagnions avec de bons prix, et livrons de très bons ouvrages. Après ils nous écartaient des appels d’offres où nous étions le moins-disant.
Donnez-nous quelques marchés que Jean lefebvre a gagnés et qui lui ont été par la suite arrachés...
Ils sont nombreux. Je peux vous citer l'élargissement de la Corniche Ouest où nous étions de loin le moins-disant. Et cet exemple nous permet de revenir aux «Chantiers de Thiès». Aussi incroyable que cela puisse paraître, sachez que j'ai soumissionné dans les chantiers de la Corniche en prenant les prix des «Chantiers de Thiès» majorés de vingt pour cent (20%), et j'étais cinquante pour cent (50%) moins cher.
Résumons : pour participer à l'appel d'offres des chantiers de l’Anoci sur la Corniche, vous avez pris les prix qui vous ont valu la prison dans les «Chantiers de Thiès », vous y avez ajouté 20%, pour être le moins cher de 50%. Mais on vous écarte. Pourquoi ?
Parce que je n'entrais pas dans le schéma économique.
Quel schéma économique ?
Ils m'accusaient maintenant d'être pas cher. C'est comme quelqu'un qui va au marché pour se quereller avec le marchand parce que ce dernier lui a vendu des produits pas chers.
Citez un autre marché...
La route de Ouakam qui devait être élargie, toujours dans le cadre des chantiers de l'Anoci. Quand j'ai soumissionné et qu'ils se sont rendu compte que j'étais encore le moins-disant, ils ont annulé l'appel d'offres, pour ensuite le relancer.
Même chose pour la route Linguère-Matam. Que ceux qui sont dans cette zone sachent que la deuxième tranche de la route Linguére Matam, c'est moi qui devais le réaliser depuis 2006. Ils ont trouvé des prétextes pour bloquer le projet. Pour me résumer, sachez que nous avons gagné des marchés d'une hauteur de cent (100) milliards de francs Cfa, qu'ils nous ont arrachés. Nous les aurions réalisés que nos travailleurs et nos familles en aurait bénéficié.
Mais, tout ça n’a pas d’importance.
Si, c'est important, parce que nous sommes dans un État de droit Donc vous devez nous parler des chantiers de l’Anoci réalisés avec l'argent du contribuable.
Je peux vous dire une seule chose concernant les routes dans les chantiers de l'Anoci : les entreprises qui avaient fait les études ont gagné les marchés. Quiconque connaît les lois de passation de marchés publics sait que le procédé est une infraction, au regard des dispositions du Code des marchés. Nous avons écrit aux services compétents (ndlr : Agence de régulation des marchés publics), qui nous ont répondu. Mais apparemment, ils n’ont pas l'intention d'aller au fond des choses.
Bara Tall, est-ce que vous avez un problème personnel avec une autorité du pays au point d'être écarté des chantiers de l’Anoci ?
Non. Il n’y a pas de problémes personnels. Parce que l’intérêt public doit prendre le dessus sur les problèmes personnels. Le problème est un problème économique : personne ne peut m'obliger à dire que telle chose qui vaut cent. (100) francs coûte deux cent (200) francs. Parce que cet argent que mon pays emprunte pour financer ses projets, ce sont nos fils qui vont le rembourser. Ça personne ne peut m'obliger à le faire. Je préfère prendre mes bagages et aller ailleurs. D'abord, ils m'ont accusé de surfacturations, mais comme le dit «Waaji» (ndlr : Idrissa Seck) : « Ba jant bi di fay, manu nu ko prouvee » (ndir : Jusqu'à l'extinction du soleil, ils ne pourront le prouver). Ensuite, ils veulent que je rentre dans des choses qui ne convainquent pas.
On m’a rapporté les propos d’une personne qui a juré de détruire mon entreprise. En m’empêchant de travailler au Sénégal, et de rentrer dans les fonds que l’Etat me doit, histoire peut être de m'empêcher d'avoir le prix de la traversée vers Barcelone à bord d'une pirogue. Et l'auteur de ces propos est connu, c'est Karim Wade. Dernièrement, lorsque son père recevait les patrons de presse, il lui a glissé une note racontant des bobards sur moi. Pour ensuite dire sur la base de ces mêmes bobards que désormais, il me déclarait la guerre. Mais la guerre, il me l'a déclarée depuis longtemps.
Quand ?
Je n'exclut même pas que le fait qu'on m'ait ciblée parmi les entrepreneurs des «Chantiers de Thiès», pour m'inculper, fasse partie de cette guerre. Parce que fougerolles de mon ami Gérard Sénac, pourquoi elle n'a pas été inquiétée ? Parce que , sa maison-mère française est derrière elle. Pourquoi je suis partie en Gambie ? «Yoonu jamm soriwul» (ndlr : Trouver un havre de paix). J'y vais avec mes amis pour que nous puissions avoir des revenus. Puis, Yaya Jammeh est un Africain. Avant tous ces problèmes, le président Wade m’avait trouvé là-bas, et il a dit à Yaya Jammeh : «Ki limu fi liggey, mako garanti» (ndlr : Je suis garant de tout ce qu'il construira ici).
Donc, ils vous ont demandé de faire des surfacturations dans les marchés de l’Anoci ?
Je n'irai pas jusqu'à dire ça. Mais; ce que je dis est constant. Ce sont les entreprises qui ont fait les études qui ont gagné les marchés. Et nous détenons des documents.
Comment on s'est partagé les marchés ?
Je n'ai été partie prenante à aucun partage. Nous avons fait une offre de seize (16) milliards de francs Cfa. Ils ont octroyé le marché à celui qui proposait vingt-deux (22) milliards de francs Cfa. Quand on auditera les chantiers de l’Anoci...
Mais, c'est toi qui a gagné le marché d'élargissement de Malick Sy avec les Chinois.
Ça c'est un autre débat, si on restait là à parler de toutes les anecdotes, on allait pas en finir. Et puis, je ne suis pas un homme de détails. Je dis ce qui me tient à cœur : le fruit de vingt neuf (29) années de travail qu'on piétine, ça je ne l'accepte pas. J’ai eu à perdre des marchés pour ensuite en gagner d'autres. Même s'il m'avait laissé en paix, je leur laisserais leur pays pour aller travailler ailleurs. « Li nuy def ci man def na nu ko ci man ba paree » (Ndlr : le mal est déjà fait). J'ai eu la chance d’être bien éduqué et d'en être arrivé à ce niveau, On m'a inculqué des valeurs « ngor, jub, fulë ak fayda ». C’est ainsi que j'ai conduit ma vie, jusqu'à 1'obtention de mes diplômes et que Jean Lefebvre me revienne. J’ai bénéficié d’une des meilleures formations que le Sénégal puisse donner à ses fils. Tout ça ils n'en veulent pas, Donc, nous allons vendre notre savoir-faire ailleurs. On ne peut prendre quelqu'un, le trainer dans la boue pendant des années, l'envoyer en prison, lui devoir de l'argent et refuser de le payer. Il veut continuer de faire son travail, vous l’en empêchez sous le prétexte qu'il propose des prix pas... chers. II prend ses bagages pour aller ailleurs, vous le poursuivez pour casser du sucre sur son dos. Ça moi je ne l'accepterai pas.
Entre l'État et vous, qui doit de l'argent à l'autre ?
L'État me doit plus de dix (10) milliards de francs Cfa. Et le refus de payer ne repose sur rien. Parce que, tôt ou tard, ils paieront. À moi ou à mes fils. J'ai entendu le ministre des Finances dire qu'il n'y a pas une décision de justice qui lui demande de me payer mon argent. Je lui pose la question de savoir : est-ce qu’il y’a une décision de justice lui demandant de ne pas me payer mon argent ? Il m’ont envoyé en prison pour détournement de deniers publics via des surfacturations dans les «Chantiers de Thiès». Je leur ai demandé des preuves qu’ils n'ont pas parce que moi, je ne gère pas de caisse; encore moins de deniers publics. Alors, je leur ai dit que s'ils détruisent la prison de rebeuss, et que tous les prisonniers s'enfuient je resterais là-bas, assis sur une pierre jusqu'à ce qu’ils me brandissent des preuves de ma culpabilité. Je peux justifier l'origine de ma fortune, fruit de vingt-six (26) ans de travail.
Quel est le problème sur l'axe Fatick Kaolack ?
Tout se tient, la route Fatick-kaolack, c'est le même fondement. C'est un problème technique, Nous avons finalisé la route Dianamalary-Carrefour 22 parce que l'Etat n'avait pas d'argent. Et quand l'argent a été mis dans le budget, l'Etat a pris un arrêté de report de crédit pour prendre ces fonds et les affecter à la construction de villas présidentielles pour l'Anoci. En d'autres termes, Bara Tall, il ne faut pas le payer. J'ai écrit au ministre de l'Equipement pour lui demander comment expliquer que le budget voté par l'Assemblée nationale pour me payer soit reversé ailleurs ? Ils se sont réunis pour trouver un subterfuge permettant de justifier la rétention de mes fonds : aller voir le Juge pour qu'ils disent que la route Fatick-Kaolack a été mal faite en avril 2008 avec une astreinte d'un million par jour. Mais, ils ont été déboutés. Pourquoi ? En 2003, lorsque nous avons gagné le marché, nos techniciens ont refait l’étude pour se rendre compte que l'État s'est trompé dans la solution pour refaire cette route. Ils ont fait un rapport pour leur dire que la solution proposée n’est pas viable avant de leur proposer la solution qui s'impose. Ils nous ont dit : «C'est ça que nous voulons, faites-le». Un an après la livraison des travaux, la route s'est détériorée. Nous leur avons écrit pour tirer la sonnette d’alarme. Ils ont répliqué pour dire que la route est sous garantie. Sur la base de ces documments, le Juge les a déboutés.
Le Palais vous accuse d’avoir une société de communication dans un paradis fiscal, dans le but de déstabiliser le pouvoir.
« Waxu kasaw kasaw la » (ndlr : roupies de sansonnet). Mais, quand le chef de l'Etat s’en mêle, ce ne sont plus des futilités. Cette entreprise dont i1 parle s'appelle Talix. international, c'est moi qui l'ai créé au Luxembourg. Je l'ai porté sur les fonts baptismaux, parce qu'on m’a persécuté et trainé dans la boue dans mon pays. Car, si Jean Lefebvre était toujours dans le giron de la France, ils n'allaient pas toucher à un seul de mes cheveux : les entreprises françaises de la place n'ont pas été persécutées.
Alors, lorsque j'ai décidé d'aller travailler dans les autres pays d'Afrique, j'ai créé un holding : Talix international. Et il n'y a rien d'obscur là-dans. L’argent qu'ils ont pris pour envoyer des détectives au Luxembourg pouvait servir à autre chose. Parce que s'il m'avait demandé, je les aurai informés. Ce holding publie ses résultats à la Chambre de commerce du Luxembourg avec un compte régulièrement tenu et une adresse connue. Puis, l'argent que j'y ai investi, c'est mon propre argent. Ce ne sont pas des fonds politiques, encore moins de l'argent venu de Taïwan. Donc, moi, je n'ai pas besoin de créer une société off-shore dans des paradis fiscaux. L’objectif, c'est la protection juridique. Et si je m’étais fait parrainer, ce qui m'est arrivé n'arrait pas eu lieu. Tout ce que j'ai gagné, le l'ai investi au Sénégal. Je mets au défi quiconque disposer de moyens d'investigation appropriés de trouver ailleurs qu'au Sénégal un seul mètre carré de terre m'appartenant. Ce que j'ai fait au Sénégal, je l'ai fait pour ma descendance.
Pour revenir à Karim Wade, s'il veut construire des infrastructures au Sénégal, en tuant d'entrée une entreprise qui s'active dans ce secteur, qu'il sache qu'il a échoué dès le départ. Parce que la finalité, ce n’est pas de construire des infrastructures. La vraie richesse, c'est d'avoir un tissu économique qui permettra aux nationaux de rester et résister si les canons tonnent. Si Sarkozy et Obama essaient de relancer leurs industries automobiles, c'est par conviction : ces sociétés doivent continuer à exister. La vraie finalité, ce n’est pas l'objet, mais ceux qui font l'objet. Mais ici, on essaye de tuer ceux qui font cet objet, ce qui fait qu’on échoue dès le départ.
Quelles sont vos relations avec, Souleymane Jules Diop ?
Mes relations avec Souleymane, Jules Diop, je pouvais ne pas en parler, parce que je suis un homme libre qui a le droit d’avoir les relations qu’il veut. Je l’ai vu pour la première fois en août 2008 lors d’un voyage au Canada. Je me suis dit que je devais le voir parce qu’il avait pris sa plume pour me soutenir lorsque j’ai été emprisonné. En discutant avec lui, j’ai su qu’il voulait publier un livre sur Obama, le président américain qui n’était pas encore élu. Il m’a alors dit qu’il ne voulait pas aller dans les maisons d’édition classiques car avec ces dernières, il ne pouvait pas gagner beaucoup d’argent. C’est alors que je suis décidé à l’appuyer en créant une société d’édition. Et ce n’est pas la première fois que je m’intéresse à l’édition. Je suis actionnaire dans 7Editions S.a. qui publie « Le Populaire ». En 2002, avec une autre de mes sociétés d’édition, j’ai produit le Dvd intitulé « La Taniere des Lions »
Le dernier mot…
Encore je dis chapeau bas aux employés de Jean Lefebvre, le terme est même impropre, car ils sont mes partenaires, qui traversent avec nous une situation terrible, sans broncher, faisant preuve d'une dignité peu commune.
Source: Le Populaire