L'un des bateau qui relie Dakar et Ziguinchor porte le nom de la reine de Kabrousse, Aline Sitoé Diatta. Qui est-elle ? La réponse n’est pas évidente. Son parcours atypique ne permet pas de percer tout le mystère de cette dame qui a façonné le culte diola et fait face aux autorités coloniales qui l’ont accusée ‘d’avoir entraîné la province d’Oussouye à une désobéissance systématique’. Pour cela, elle fut condamnée à dix ans de prison ferme avec internement à Kayes, avant d’être transférée à Toumbouctou. Là, selon Jean Girard, auteur du livre ‘Genèse du pouvoir charismatique en Casamance’, la Reine y a vécu jusqu’en 1946. Alors que l’enquête commanditée par le président Abdou Diouf en 1989, la donnait morte en 1944. Où se trouve la vérité ? Les Historiens, les enquêteurs qui ont été envoyés à Toumbouctou par Abdou Diouf doivent éclairer la lanterne des Sénégalais.
Au moment de son arrestation, Aline Sitoé Diatta avait environ 23 ans. Elle vient juste de franchir l’adolescence pour aborder l’âge adulte. Mais ce sont 23 ans aussi bien remplis qu’atypiques ! Atypique parce qu’Aline Sitoé a exercé des activités qui ne devaient pas, a priori, la conduire à devenir l’héroïne de la résistance en Casamance. Elle est né vers 1920 à Nialou, un quartier de Kabrousse, comme son père Silosia. Sa mère, Assameyo Diatta est, elle, originaire de Mossor, autre quartier de Kabrousse. Aline Sitoé Diatta (qui veut dire celle qui n’a pas de frère) est appelée ainsi parce qu’elle n’a justement pas de frère.
Comment Aline Sitoé a-t-elle passé son enfance ? Quelles étaient ses activités de jeune fille ? Sur toutes ces questions, presque pas de réponses. Pas de biographie sur l’une des plus importantes figures historiques du Sénégal. C’est pourquoi généralement, on saute cette étape pour plonger directement sur sa biographie d’héroïne qui n’est pas non plus bien fournie.
Seulement, ce qu’on retient d’elle, c’est qu’elle a été domestique à Ziguinchor et à Dakar. Elle fut également commerçante ambulante, notamment à Ziguinchor. Elle navigua entre Dakar et Ziguinchor pour gagner son pain. Tantôt comme commerçante, tantôt comme domestique. Elle avait environ 20 ans au moment où la plupart des filles de son âge sont déjà mariées à cette période. Elle préféra vivre en concubinage avec un certain Thomas Diatta. ‘De leur union naquit une fille, Seynabou Diatta, que l’on nomma Gnaoulène et qui travaille actuellement comme ouvrière à Ziguinchor et à Bathurst (devenu Banjul, Ndlr)’, écrivait en 1969 Jean Girard dans son ouvrage ‘Genèse du pouvoir charismatique en Basse Casamance’ publié par l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan). Voilà tout ce que l’on sait de sa situation matrimoniale, sauf que lors de son arrestation, on signale que son mari l’a été également. Il s’appelait Alougaye. Ce qui laisse entendre une séparation avec le père de sa fille qui est certes âgée, mais encore vivante.
On raconte qu’elle était infirme. Certains disent à cause d’une maladie ‘divine’. D’autres comme Tété Diédhiou, rencontré par Jean Girard, estiment que c’est à l’issue d’un accident de jeunesse. Sans autres précisions. En tous les cas, on ne sait pas l’origine de son handicap, mais elle n’est pas née handicapée, comme le faisaient croire les autorités coloniales.
C’est à Dakar que Aline Sitoé va recevoir ses révélations qui ont commencé en 1941. ‘La première se produisit en 1941 au marché Sandaga où des génies lui prirent par la main, la conduisirent face à la mer et lui dire : ‘Nous sommes envoyés par Dieu auprès de toi. Il faut faire comprendre aux hommes qu’ils doivent faire la ‘charité’ que nous t’indiquons. Ainsi ils auront la pluie’. C’est le début d’un parcours royal. Elle doit quitter Dakar pour aller mettre en pratique la parole divine. Ce fut un contexte où la population sénégalaise en général, casamançaise en particulier, souffrait de la mauvaise saison des pluies. Celles-ci tardaient à arroser les champs. Et puisque la Casamance et la Basse Casamance en particulier est tributaire de l’eau de pluies pour les cultures, on comprend pourquoi la question est importante.
A Kabrousse, elle s’installa à Mossor au bord de la mer. ‘Un beau matin, elle réunit le village et lui annonça que chaque année, il devrait faire la charité d’un bœuf noir pour obtenir la pluie. Elle expliqua aux habitants ses rêves et justifia l’obligation dans laquelle elle se trouvait pour prophétiser par un ordre impérial émanant de Dieu’, explique Jean Girard. C’est une nouvelle étape dans la vie de la bonne de Ziguinchor, puis de Dakar. Pour mieux coordonner son action de prêtresse et l’accomplir en respectant la volonté divine déclinée à Dakar, Aline Sitoé crée des associations féminines dont les cheftaines sont élues démocratiquement. Non seulement au sein de la communauté diola, mais aussi au sein des autres communautés habitant la Basse-Casamance, mais qui ne sont pas forcément de la même religion. Mais cela ne signifie pas que les hommes sont marginalisés. Ils ont été au cœur de son action. Ce qui fera écrire à Jean Girard que ‘non seulement elle fut le guide du monde féminin, mais de la population diola, baynunk, mancagne, manjak tant masculin que féminin, appartenant au bukut, au kahat, à l’islam et au christianisme’. Puisque la ‘charité’ qu’elle ordonna apporta de la pluie aux populations, cela lui donne une certaine autorité. Elle fut ‘reconnue, acceptée par chaque collectivité villageoise, plébiscitée par les délégations apportant leurs offrandes au sacrifice commun’. Excellente stratège et habile tacticienne, elle en profitait pour agir et ‘modifier la coutume, (en) créant de nouvelles obligations et interdits et surtout orienter la tendance culturelle diola vers une nouvelle vision cosmogonique’. Comment les conservateurs de la tradition diola ont-ils accueilli ces transformations ? ‘Elle fut suivie, aimée et non redoutée ; c’est là le fait remarquable qui se dégage de l’ensemble des témoignages. Un langage neuf, d’émancipation, aspirant à la paix, à l’amour et à la miséricorde emporta les champs baliba’, répond Jean Girard, dans son ouvrage. Pourtant, cet appel à la paix, à l’amour et à la miséricorde n’a pas empêché que la reine de Kabrousse soit victime de la barbarie coloniale.
L’on remarque que le mouvement d’Aline Sitoé constitue ‘le passage de la pluralité chtonienne à l’unité céleste réalisée en commun par les hommes et les femmes dans la ligne de l’évolution ancienne qui, du masque social, conduit à la statue de fécondité, au fétiche de fertilité’. Avec Aline Sitoé, c’est ‘la fin de l’hégémonie en Basse Casamance du roi bouc-émissaire, du roi-pivot, du roi dilambaj et témoigne de la communion universelle autour d’un chef charismatique marqué par la grâce divine’. Un culte où la charité occupe une place centrale. Elle joue un ‘rôle cosmique : elle attire la pluie bienfaisante sur les rizière asséchée’.
Source: Walfadjri
Au moment de son arrestation, Aline Sitoé Diatta avait environ 23 ans. Elle vient juste de franchir l’adolescence pour aborder l’âge adulte. Mais ce sont 23 ans aussi bien remplis qu’atypiques ! Atypique parce qu’Aline Sitoé a exercé des activités qui ne devaient pas, a priori, la conduire à devenir l’héroïne de la résistance en Casamance. Elle est né vers 1920 à Nialou, un quartier de Kabrousse, comme son père Silosia. Sa mère, Assameyo Diatta est, elle, originaire de Mossor, autre quartier de Kabrousse. Aline Sitoé Diatta (qui veut dire celle qui n’a pas de frère) est appelée ainsi parce qu’elle n’a justement pas de frère.
Comment Aline Sitoé a-t-elle passé son enfance ? Quelles étaient ses activités de jeune fille ? Sur toutes ces questions, presque pas de réponses. Pas de biographie sur l’une des plus importantes figures historiques du Sénégal. C’est pourquoi généralement, on saute cette étape pour plonger directement sur sa biographie d’héroïne qui n’est pas non plus bien fournie.
Seulement, ce qu’on retient d’elle, c’est qu’elle a été domestique à Ziguinchor et à Dakar. Elle fut également commerçante ambulante, notamment à Ziguinchor. Elle navigua entre Dakar et Ziguinchor pour gagner son pain. Tantôt comme commerçante, tantôt comme domestique. Elle avait environ 20 ans au moment où la plupart des filles de son âge sont déjà mariées à cette période. Elle préféra vivre en concubinage avec un certain Thomas Diatta. ‘De leur union naquit une fille, Seynabou Diatta, que l’on nomma Gnaoulène et qui travaille actuellement comme ouvrière à Ziguinchor et à Bathurst (devenu Banjul, Ndlr)’, écrivait en 1969 Jean Girard dans son ouvrage ‘Genèse du pouvoir charismatique en Basse Casamance’ publié par l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan). Voilà tout ce que l’on sait de sa situation matrimoniale, sauf que lors de son arrestation, on signale que son mari l’a été également. Il s’appelait Alougaye. Ce qui laisse entendre une séparation avec le père de sa fille qui est certes âgée, mais encore vivante.
On raconte qu’elle était infirme. Certains disent à cause d’une maladie ‘divine’. D’autres comme Tété Diédhiou, rencontré par Jean Girard, estiment que c’est à l’issue d’un accident de jeunesse. Sans autres précisions. En tous les cas, on ne sait pas l’origine de son handicap, mais elle n’est pas née handicapée, comme le faisaient croire les autorités coloniales.
C’est à Dakar que Aline Sitoé va recevoir ses révélations qui ont commencé en 1941. ‘La première se produisit en 1941 au marché Sandaga où des génies lui prirent par la main, la conduisirent face à la mer et lui dire : ‘Nous sommes envoyés par Dieu auprès de toi. Il faut faire comprendre aux hommes qu’ils doivent faire la ‘charité’ que nous t’indiquons. Ainsi ils auront la pluie’. C’est le début d’un parcours royal. Elle doit quitter Dakar pour aller mettre en pratique la parole divine. Ce fut un contexte où la population sénégalaise en général, casamançaise en particulier, souffrait de la mauvaise saison des pluies. Celles-ci tardaient à arroser les champs. Et puisque la Casamance et la Basse Casamance en particulier est tributaire de l’eau de pluies pour les cultures, on comprend pourquoi la question est importante.
A Kabrousse, elle s’installa à Mossor au bord de la mer. ‘Un beau matin, elle réunit le village et lui annonça que chaque année, il devrait faire la charité d’un bœuf noir pour obtenir la pluie. Elle expliqua aux habitants ses rêves et justifia l’obligation dans laquelle elle se trouvait pour prophétiser par un ordre impérial émanant de Dieu’, explique Jean Girard. C’est une nouvelle étape dans la vie de la bonne de Ziguinchor, puis de Dakar. Pour mieux coordonner son action de prêtresse et l’accomplir en respectant la volonté divine déclinée à Dakar, Aline Sitoé crée des associations féminines dont les cheftaines sont élues démocratiquement. Non seulement au sein de la communauté diola, mais aussi au sein des autres communautés habitant la Basse-Casamance, mais qui ne sont pas forcément de la même religion. Mais cela ne signifie pas que les hommes sont marginalisés. Ils ont été au cœur de son action. Ce qui fera écrire à Jean Girard que ‘non seulement elle fut le guide du monde féminin, mais de la population diola, baynunk, mancagne, manjak tant masculin que féminin, appartenant au bukut, au kahat, à l’islam et au christianisme’. Puisque la ‘charité’ qu’elle ordonna apporta de la pluie aux populations, cela lui donne une certaine autorité. Elle fut ‘reconnue, acceptée par chaque collectivité villageoise, plébiscitée par les délégations apportant leurs offrandes au sacrifice commun’. Excellente stratège et habile tacticienne, elle en profitait pour agir et ‘modifier la coutume, (en) créant de nouvelles obligations et interdits et surtout orienter la tendance culturelle diola vers une nouvelle vision cosmogonique’. Comment les conservateurs de la tradition diola ont-ils accueilli ces transformations ? ‘Elle fut suivie, aimée et non redoutée ; c’est là le fait remarquable qui se dégage de l’ensemble des témoignages. Un langage neuf, d’émancipation, aspirant à la paix, à l’amour et à la miséricorde emporta les champs baliba’, répond Jean Girard, dans son ouvrage. Pourtant, cet appel à la paix, à l’amour et à la miséricorde n’a pas empêché que la reine de Kabrousse soit victime de la barbarie coloniale.
L’on remarque que le mouvement d’Aline Sitoé constitue ‘le passage de la pluralité chtonienne à l’unité céleste réalisée en commun par les hommes et les femmes dans la ligne de l’évolution ancienne qui, du masque social, conduit à la statue de fécondité, au fétiche de fertilité’. Avec Aline Sitoé, c’est ‘la fin de l’hégémonie en Basse Casamance du roi bouc-émissaire, du roi-pivot, du roi dilambaj et témoigne de la communion universelle autour d’un chef charismatique marqué par la grâce divine’. Un culte où la charité occupe une place centrale. Elle joue un ‘rôle cosmique : elle attire la pluie bienfaisante sur les rizière asséchée’.
Source: Walfadjri