Depuis la publication des résultats du premier tour qui a retenu Abdoulaye Wade (entré par la force et par effraction diraient certains dans le scrutin) et Macky Sall (qui a trouvé en Wade un allié objectif) comme les deux qualifiés au second tour, j’ai rencontré, lu ou parlé à beaucoup de personnes désemparées qui ne savent pas quoi faire (abstention, vote blanc ou autre) pour ce second tour. Ce désarroi est compréhensible car malgré les raisons illimitées de ne pas vouloir la réélection de Wade, certains n’ont pas envie de voter Macky Sall pour des raisons certes moins nombreuses mais parfois qui ne sont pas si éloignées, notamment à cause de son rôle et de ses pratiques au sein du régime Wade jusqu’en 2008 même si le niveau et la nature de la responsabilité des deux protagonistes est différents. Ces griefs de part et d’autres sont largement connus et nous épargnerons les lecteurs d’y revenir ici. Les citoyens ont donc l’impression de se retrouver dans une situation où il leur est demandé de choisir dans le cadre d’un « non-choix » car d’une certaine façon Abdoulaye Wade nous impose son successeur (lui-même ou un de ses « enfants », en l’occurrence Macky Sall). Et pourtant, nous sommes aujourd’hui à quelques jours du second tour de l’élection présidentielle qui aura lieu le 25 mars prochain et il faudra bien choisir peut être par défaut mais choisir quand même que nous le voulions ou non. Et cela, quelles que soit la validité de nos postures principielles.
Nous connaissons tous cet enseignement de Socrate selon lequel « entre deux maux, il faut choisir le moindre ». Cette maxime relève du bon sens commun ; nul besoin d’être philosophe pour se rendre compte que nous sommes dans une situation adaptée ! Pourtant, ce n’est pas ce discours là qui a cours ces derniers temps puisque beaucoup ont des états d’âme légitimes. C’est ainsi, par exemple, que la semaine dernière, la contribution « Mais pour qui voter ?», d’Albert Ndiaye parue sur le site Leral.net assez pertinente dans une grande partie se termine par ce qu’il pense être un « choix libre et lucide (…) le bulletin blanc de la paix ». Un tel choix a certes l’avantage de soulager la conscience, de ne pas avoir à se reprocher plus tard d’avoir participé directement au choix du candidat qui sera élu, mais il s’agit d’une erreur politique majeure malgré une dose suffisante de bonne foi qui a pu en être la cause. Le choix n’est plus libre dès l’instant où Wade s’est incrusté dans la course. En outre, le problème avec un tel raisonnement c’est que malgré sa logique principielle empreinte de valeurs, il est déconnecté du réel politique à affronter. En effet, il est illusoire de continuer à penser qu’une élection est l’occasion de faire un choix politique clair qui soit totalement en accord avec nos valeurs, notre morale, nos idées économiques, etc. Cet idéal politique n’a peut être même pas existé dans le cadre du premier tour malgré la pléthore de candidats. C’est d’ailleurs ce type de situation qui a justifié, à juste titre, la défaite du Président Diouf en 2000, où les électeurs ont plus voté contre lui que pour Wade même si les promesses, douze ans plus tard, ont déçu à un niveau rarement égalé. Il va donc falloir déchanter et c’est cela le côté dramatique de la politique car elle fait disparaître souvent le choix à porter sur un candidat de cœur et nous met dans des situations qui nous obligent plutôt à essayer d’éliminer le ou les candidats que nous estimons le(s) plus dangereux au regard de nos aspirations au changement. Bien sûr, il s’agit d’un dilemme car beaucoup de gens qui ont voté différemment au premier tour, malgré leur opposition irréversible à Wade, ne se voient pas pour l’instant voter Macky Sall pour des raisons qui peuvent se justifier et qui leur sont propres. Et pourtant, il faut se le dire, s’abstenir ou voter blanc, c’est devenir, malgré soi, un allié objectif du candidat Wade, qui d’ailleurs n’aurait jamais dû concourir. De manière mécanique et arithmétique, s’abstenir ou voter blanc c’est, de facto, votez Wade puisque les abstentionnistes et les votants blanc ne sont pas décomptés à l’heure du verdict final. C’est donc participer, sans le vouloir, à faire élire au-delà des griefs liés à sa gouvernance chaotique et despotique un candidat illégitime à un âge canonique pour un mandat de sept (7) ans alors qu’il ne souhaite en exécuter que trois (3) pour « terminer ses chantiers » dit-il et tenter de passer la main … à qui il voudra et quand il voudra.
Au-delà de cette décision difficile - voter Macky Sall - pour certains, mais ô combien nécessaire, ce qui est important c’est que les citoyens, dans les partis politiques, dans la société civile, dans la presse et dans toute autre forme d’organisation démocratique, s’assurent qu’une fois élu, Macky Sall soit dans une situation où il change de lui-même ou soit forcé de changer. Cela nécessite la création de rapports de forces tels qu’il ne soit plus possible pour un Président quel qu’il soit de gérer le pays comme il le voudrait. Et l’expérience récente vécue avec Wade doit être riche d’enseignements pour le futur proche. En effet, à l’échelle de la société sénégalaise dans sa généralité nous avons été incapables de traduire dans le réel ce sentiment diffus que j’avais exprimé en 1997, dans un poème d’étudiant à rimes simples, peut être naïf, dans lequel j’écrivais :
« Pousser un ouf !
A chaque départ d’un Diouf
Et trouver une parade
A chaque arrivée d’un Wade »
En ce sens, les élections législatives à venir prévues en juin 2012, moins de trois (3) moins après l’installation du nouveau président joueront un rôle majeur dans la structuration d’un espace public plus démocratique par l’existence de nouveaux rapports de forces. Il est donc important que ces élections législatives se tiennent à date échue sans qu’aucun prétexte ou cause de quelque nature que ce soit ne serve à justifier leur report. Elles seront a priori les élections législatives les plus ouvertes jusqu’ici de l’histoire politique du Sénégal indépendant car elles devront permettre une recomposition politique inédite sous la vigilance et la surveillance républicaines des citoyens de tous horizons. Cette vigilance doit être étendue au delà de périodes électorales et doit devenir permanente. En perspective de toutes ces possibilités (création de nouveaux rapports de forces, assemblée nationale équilibrée, etc.) qui peuvent et doivent s’offrir à ceux qui ont soif de changement, il convient en toute responsabilité de voter et d’inciter à voter Macky Sall même si certains estiment qu’ils doivent se pincer le nez et le combattre, au besoin plus tard, pour participer à la création et au maintien des conditions d’une véritable démocratie ainsi que d’un meilleur vivre ensemble. En effet, il est des moments où la responsabilité commande de faire des choses que nous n’aimons pas afin de sauvegarder des valeurs et construire des perspectives qui sont supérieures au confort théorique de nos consciences individuelles. Ce moment est là devant nous, saisissions le ensemble !
Momar Mbengue / Juriste-Fiscaliste (Bamako)
Nous connaissons tous cet enseignement de Socrate selon lequel « entre deux maux, il faut choisir le moindre ». Cette maxime relève du bon sens commun ; nul besoin d’être philosophe pour se rendre compte que nous sommes dans une situation adaptée ! Pourtant, ce n’est pas ce discours là qui a cours ces derniers temps puisque beaucoup ont des états d’âme légitimes. C’est ainsi, par exemple, que la semaine dernière, la contribution « Mais pour qui voter ?», d’Albert Ndiaye parue sur le site Leral.net assez pertinente dans une grande partie se termine par ce qu’il pense être un « choix libre et lucide (…) le bulletin blanc de la paix ». Un tel choix a certes l’avantage de soulager la conscience, de ne pas avoir à se reprocher plus tard d’avoir participé directement au choix du candidat qui sera élu, mais il s’agit d’une erreur politique majeure malgré une dose suffisante de bonne foi qui a pu en être la cause. Le choix n’est plus libre dès l’instant où Wade s’est incrusté dans la course. En outre, le problème avec un tel raisonnement c’est que malgré sa logique principielle empreinte de valeurs, il est déconnecté du réel politique à affronter. En effet, il est illusoire de continuer à penser qu’une élection est l’occasion de faire un choix politique clair qui soit totalement en accord avec nos valeurs, notre morale, nos idées économiques, etc. Cet idéal politique n’a peut être même pas existé dans le cadre du premier tour malgré la pléthore de candidats. C’est d’ailleurs ce type de situation qui a justifié, à juste titre, la défaite du Président Diouf en 2000, où les électeurs ont plus voté contre lui que pour Wade même si les promesses, douze ans plus tard, ont déçu à un niveau rarement égalé. Il va donc falloir déchanter et c’est cela le côté dramatique de la politique car elle fait disparaître souvent le choix à porter sur un candidat de cœur et nous met dans des situations qui nous obligent plutôt à essayer d’éliminer le ou les candidats que nous estimons le(s) plus dangereux au regard de nos aspirations au changement. Bien sûr, il s’agit d’un dilemme car beaucoup de gens qui ont voté différemment au premier tour, malgré leur opposition irréversible à Wade, ne se voient pas pour l’instant voter Macky Sall pour des raisons qui peuvent se justifier et qui leur sont propres. Et pourtant, il faut se le dire, s’abstenir ou voter blanc, c’est devenir, malgré soi, un allié objectif du candidat Wade, qui d’ailleurs n’aurait jamais dû concourir. De manière mécanique et arithmétique, s’abstenir ou voter blanc c’est, de facto, votez Wade puisque les abstentionnistes et les votants blanc ne sont pas décomptés à l’heure du verdict final. C’est donc participer, sans le vouloir, à faire élire au-delà des griefs liés à sa gouvernance chaotique et despotique un candidat illégitime à un âge canonique pour un mandat de sept (7) ans alors qu’il ne souhaite en exécuter que trois (3) pour « terminer ses chantiers » dit-il et tenter de passer la main … à qui il voudra et quand il voudra.
Au-delà de cette décision difficile - voter Macky Sall - pour certains, mais ô combien nécessaire, ce qui est important c’est que les citoyens, dans les partis politiques, dans la société civile, dans la presse et dans toute autre forme d’organisation démocratique, s’assurent qu’une fois élu, Macky Sall soit dans une situation où il change de lui-même ou soit forcé de changer. Cela nécessite la création de rapports de forces tels qu’il ne soit plus possible pour un Président quel qu’il soit de gérer le pays comme il le voudrait. Et l’expérience récente vécue avec Wade doit être riche d’enseignements pour le futur proche. En effet, à l’échelle de la société sénégalaise dans sa généralité nous avons été incapables de traduire dans le réel ce sentiment diffus que j’avais exprimé en 1997, dans un poème d’étudiant à rimes simples, peut être naïf, dans lequel j’écrivais :
« Pousser un ouf !
A chaque départ d’un Diouf
Et trouver une parade
A chaque arrivée d’un Wade »
En ce sens, les élections législatives à venir prévues en juin 2012, moins de trois (3) moins après l’installation du nouveau président joueront un rôle majeur dans la structuration d’un espace public plus démocratique par l’existence de nouveaux rapports de forces. Il est donc important que ces élections législatives se tiennent à date échue sans qu’aucun prétexte ou cause de quelque nature que ce soit ne serve à justifier leur report. Elles seront a priori les élections législatives les plus ouvertes jusqu’ici de l’histoire politique du Sénégal indépendant car elles devront permettre une recomposition politique inédite sous la vigilance et la surveillance républicaines des citoyens de tous horizons. Cette vigilance doit être étendue au delà de périodes électorales et doit devenir permanente. En perspective de toutes ces possibilités (création de nouveaux rapports de forces, assemblée nationale équilibrée, etc.) qui peuvent et doivent s’offrir à ceux qui ont soif de changement, il convient en toute responsabilité de voter et d’inciter à voter Macky Sall même si certains estiment qu’ils doivent se pincer le nez et le combattre, au besoin plus tard, pour participer à la création et au maintien des conditions d’une véritable démocratie ainsi que d’un meilleur vivre ensemble. En effet, il est des moments où la responsabilité commande de faire des choses que nous n’aimons pas afin de sauvegarder des valeurs et construire des perspectives qui sont supérieures au confort théorique de nos consciences individuelles. Ce moment est là devant nous, saisissions le ensemble !
Momar Mbengue / Juriste-Fiscaliste (Bamako)