Désignée comme le principal ennemi par Aqmi, la France a fait de la menace terroriste dans le Sahel l'un de ses grands sujets de préoccupation en politique étrangère. «La menace est devenue pressante, immédiate et multiforme», commente un diplomate français. Elle s'est même, au fil des ans, transformée en «un problème de sécurité nationale.»
Les trois principaux groupes islamistes - Aqmi, Ansar Dine et Mujao (Mouvement pour l'unicité du djihad en Afrique de l'Ouest) - appartenant à la nébuleuse terroriste al-Qaida menacent désormais directement les intérêts français, en Afrique et dans l'Hexagone. Le premier est le rejeton islamiste de la guerre civile qui a ensanglanté l'Algérie dans les années 1990. Aqmi a été progressivement marginalisé sur le sol algérien. Il n'est opérationnel que dans les montagnes de Kabylie et au nord du Mali. Le deuxième, Ansar Dine, est la version touarègue de la poussée intégriste constatée dans le Sahel comme en Afrique du Nord. Son chef, Iyad Ag Ghali, bénéficie de stocks d'armes devenus disponibles lors de la chute du régime libyen de Mouammar Kadhafi. Le troisième, le Mujao, est une excroissance de mouvements financés par la contrebande, le trafic de drogue et la vente de captifs occidentaux.
Des djihadistes européens pour le «Malistan»
Aux prises d'otages - six ressortissants français détenus dans le Sahel - s'est récemment ajouté le risque d'attentats contre les intérêts nationaux. Une attaque à l'explosif d'envergure a ainsi récemment été déjouée in extremis contre l'ambassade de France à Nouakchott, en Mauritanie. Selon une source proche du dossier, plusieurs opérations de ce type auraient été évitées de justesse depuis 2009 sur le territoire français, à Paris notamment.
Un phénomène nouveau inquiète aussi les autorités françaises: le départ de djihadistes européens pour le «Malistan». «C'est une nouvelle filière: depuis quelques mois, des islamistes quittent la France ou d'autres pays européens pour rejoindre le nord du Mali, une région où est appliquée la charia, pour défendre la terre d'islam», précise un enquêteur français. C'est au moment de leur retour en France, après avoir établi des contacts dans le Sahel et fomenté des projets d'attentat, qu'ils représentent le plus grand danger. «Le but est de ne pas les laisser trop longtemps dans la nature, pour éviter une nouvelle affaire Merah. Mais il est très difficile de leur mettre la main dessus car ils jouent de la porosité des frontières dans la région et reviennent souvent par le Sénégal», un pays stable et touristique.
Des missiles sol-air récupérés dans les stocks d'armes libyens
Le spécialiste n'exclut pas qu'Aqmi soit désormais capable de perpétrer des attentats sur le territoire national. L'apparition de cette nouvelle filière ne remet cependant pas en cause l'ancienne route, celle du Waziristan, au nord-ouest du Pakistan, à la frontière afghane, par où transite une grande partie des djihadistes et apprentis terroristes.
Autre sujet d'inquiétude, le retour au pays, «avec armes et bagages», des mercenaires sahéliens recrutés par Kadhafi pendant la guerre de Libye. La circulation d'armes s'est accélérée dans la région avec le pillage des arsenaux libyens au moment de la chute du régime de Kadhafi, à l'été 2011. Certes, la nébuleuse terroriste ne s'est pas encore servie des missiles sol-air récupérés dans les stocks d'armes libyens. «Ils n'ont visiblement pas encore appris à s'en servir», se félicite un diplomate, espérant que les équipements seront «périmés» avant de pouvoir être utilisés. Mais le marché libyen, prévient-il, «ne s'est pas encore tari» et les stocks d'armes n'ont pas encore été épuisés.
Les six otages français localisés
Tout en devenant plus pressante, la menace terroriste sahélienne a aussi acquis des «capacités d'attractivité régionale». Elle est désormais devenue transversale. Aqmi et les organisations qui lui sont affiliées recrutent désormais au Mali des djihadistes venus du Sénégal, du Burkina Faso, du Niger ou de Côte d'Ivoire. «Or, dix ou vingt types bien formés peuvent faire des dégâts considérables en rentrant à Abidjan ou à Dakar», prévient un magistrat. Une opération coup-de-poing des djihadistes à Bamako, la capitale malienne, fait également partie des scénarios redoutés.
Quant aux otages, ils sont détenus, selon un proche du MNLA, le mouvement touareg indépendantiste non religieux, dans les contreforts du massif de Tigharghar, près de la localité d'Intabdogh. «Ils sont divisés en deux groupes et naviguent dans un rayon de 50 kilomètres sous la surveillance d'une trentaine d'hommes équipés de RPG7», assure cette source.
Par Isabelle Lasserre
Par Thierry Oberlé
Les trois principaux groupes islamistes - Aqmi, Ansar Dine et Mujao (Mouvement pour l'unicité du djihad en Afrique de l'Ouest) - appartenant à la nébuleuse terroriste al-Qaida menacent désormais directement les intérêts français, en Afrique et dans l'Hexagone. Le premier est le rejeton islamiste de la guerre civile qui a ensanglanté l'Algérie dans les années 1990. Aqmi a été progressivement marginalisé sur le sol algérien. Il n'est opérationnel que dans les montagnes de Kabylie et au nord du Mali. Le deuxième, Ansar Dine, est la version touarègue de la poussée intégriste constatée dans le Sahel comme en Afrique du Nord. Son chef, Iyad Ag Ghali, bénéficie de stocks d'armes devenus disponibles lors de la chute du régime libyen de Mouammar Kadhafi. Le troisième, le Mujao, est une excroissance de mouvements financés par la contrebande, le trafic de drogue et la vente de captifs occidentaux.
Des djihadistes européens pour le «Malistan»
Aux prises d'otages - six ressortissants français détenus dans le Sahel - s'est récemment ajouté le risque d'attentats contre les intérêts nationaux. Une attaque à l'explosif d'envergure a ainsi récemment été déjouée in extremis contre l'ambassade de France à Nouakchott, en Mauritanie. Selon une source proche du dossier, plusieurs opérations de ce type auraient été évitées de justesse depuis 2009 sur le territoire français, à Paris notamment.
Un phénomène nouveau inquiète aussi les autorités françaises: le départ de djihadistes européens pour le «Malistan». «C'est une nouvelle filière: depuis quelques mois, des islamistes quittent la France ou d'autres pays européens pour rejoindre le nord du Mali, une région où est appliquée la charia, pour défendre la terre d'islam», précise un enquêteur français. C'est au moment de leur retour en France, après avoir établi des contacts dans le Sahel et fomenté des projets d'attentat, qu'ils représentent le plus grand danger. «Le but est de ne pas les laisser trop longtemps dans la nature, pour éviter une nouvelle affaire Merah. Mais il est très difficile de leur mettre la main dessus car ils jouent de la porosité des frontières dans la région et reviennent souvent par le Sénégal», un pays stable et touristique.
Des missiles sol-air récupérés dans les stocks d'armes libyens
Le spécialiste n'exclut pas qu'Aqmi soit désormais capable de perpétrer des attentats sur le territoire national. L'apparition de cette nouvelle filière ne remet cependant pas en cause l'ancienne route, celle du Waziristan, au nord-ouest du Pakistan, à la frontière afghane, par où transite une grande partie des djihadistes et apprentis terroristes.
Autre sujet d'inquiétude, le retour au pays, «avec armes et bagages», des mercenaires sahéliens recrutés par Kadhafi pendant la guerre de Libye. La circulation d'armes s'est accélérée dans la région avec le pillage des arsenaux libyens au moment de la chute du régime de Kadhafi, à l'été 2011. Certes, la nébuleuse terroriste ne s'est pas encore servie des missiles sol-air récupérés dans les stocks d'armes libyens. «Ils n'ont visiblement pas encore appris à s'en servir», se félicite un diplomate, espérant que les équipements seront «périmés» avant de pouvoir être utilisés. Mais le marché libyen, prévient-il, «ne s'est pas encore tari» et les stocks d'armes n'ont pas encore été épuisés.
Les six otages français localisés
Tout en devenant plus pressante, la menace terroriste sahélienne a aussi acquis des «capacités d'attractivité régionale». Elle est désormais devenue transversale. Aqmi et les organisations qui lui sont affiliées recrutent désormais au Mali des djihadistes venus du Sénégal, du Burkina Faso, du Niger ou de Côte d'Ivoire. «Or, dix ou vingt types bien formés peuvent faire des dégâts considérables en rentrant à Abidjan ou à Dakar», prévient un magistrat. Une opération coup-de-poing des djihadistes à Bamako, la capitale malienne, fait également partie des scénarios redoutés.
Quant aux otages, ils sont détenus, selon un proche du MNLA, le mouvement touareg indépendantiste non religieux, dans les contreforts du massif de Tigharghar, près de la localité d'Intabdogh. «Ils sont divisés en deux groupes et naviguent dans un rayon de 50 kilomètres sous la surveillance d'une trentaine d'hommes équipés de RPG7», assure cette source.
Par Isabelle Lasserre
Par Thierry Oberlé