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Découverte de gaz à Saint-Louis: Le village de Tassinère entre espoir et craintes

Rédigé par leral.net le Vendredi 23 Février 2024 à 20:16 | | 0 commentaire(s)|

À Saint-Louis, du gaz a été découvert depuis janvier 2016 et son exploitation commerciale va incessamment démarrer. Tassinère, village côtier situé dans le Gandiolais, dans la région de Saint-Louis, en attend les retombées. Cependant, les populations s’inquiètent de leur non implication dans les démarches liées à l’exploitation du gaz et ont peur des impacts […]

À Saint-Louis, du gaz a été découvert depuis janvier 2016 et son exploitation commerciale va incessamment démarrer. Tassinère, village côtier situé dans le Gandiolais, dans la région de Saint-Louis, en attend les retombées. Cependant, les populations s’inquiètent de leur non implication dans les démarches liées à l’exploitation du gaz et ont peur des impacts environnementaux sur leurs activités

SAINT-LOUIS – Sur la plage de Tassinère, une localité de la région de Saint Louis, on aperçoit les installations de la plateforme gazière en haute mer. Si pour les autorités territoriales cette découverte et son exploitation augurent des lendemains meilleurs pour les localités comme Tassinère, les populations, elles, sont moins convaincues. Le chef de village regrette qu’elles ne soient impliquées dans aucune des démarches et discussions autour de l’exploitation du gaz. « Nous entendons parler de gaz, mais nous n’en savons pas grand-chose. Les gens vont et reviennent. Nous voyons les bateaux et infrastructures dans nos eaux », a déploré M. Fall. Un des jeunes, trouvé au salon de coiffure, nous explique qu’ils ont été une fois sélectionnés pour une formation en rapport avec l’exploitation du gaz mais, c’est, selon lui, une expérience décevante. « Nous n’avons rien fait qui ait un rapport avec le gaz lors de cette formation », a-t-il expliqué. Des Gie de femmes ont été également cooptés mais pas de retour jusque-là.  À la question de savoir si l’exploitation du gaz à Saint-Louis pourrait constituer une solution à la migration irrégulière, le jeune maçon est catégorique : « Le gaz ne pourra pas régler la situation parce que, depuis, on en entend parler mais il n’y a rien. Moi qui vous parle, si j’ai, dès demain, l’opportunité de partir dans une des embarcations, je n’hésiterais pas ». Mokhtar est guide touristique à Gandiol. Sa crainte à lui, c’est l’impact environnemental de l’exploitation du gaz. Tassinère est un village de pêcheurs et d’agriculteurs. Cependant, les changements climatiques et la salinisation des sols font que les populations ont du mal à s’en sortir. Mokhtar craint que l’exploitation du gaz vienne empirer les choses. « Je ne sais pas si assez d’études de risques ont été faites concernant l’exploitation du gaz. On sait que là où se trouve la plateforme est une zone très poissonneuse et qu’il sera désormais difficile d’y pêcher. On sait tous que les déchets rejetés peuvent être très dangereux pour les poissons, les sols et nous-mêmes », a alerté Mokhtar. Le chef de village, lui, espère que des jeunes de Tassinère seront employés pour travailler dans les différentes structures en lien avec l’exploitation du gaz et que le village profitera pleinement des retombés.

Jeanne SAGNA (Correspondante) 

ÉMIGRATION CLANDESTINE

Tassinère, « cimetière » des corps rejetés par la mer 

Lors de notre balade en pirogue, Amadou Ba nous a amené sur l’une des plages de Gandiol. Le lieu est calme, la mer aussi, le bruit des vagues est à peine audible. Cette plage est pourtant témoin de plusieurs drames de chavirement de pirogues de candidats à l’émigration irrégulière. « C’est souvent ici que nous retrouvons les corps. Quand une embarcation chavire, il est souvent difficile de retrouver les corps pendant les premiers jours. Mais, comme la mer rejette tout ce qui ne fait pas partie d’elle, nous assistons souvent à ce genre de triste spectacle. Alors, nous appelons les sapeurs-pompiers et, quand les corps sont en état de décomposition avancée, ils nous laissent le soin de les enterrer sur la plage », explique Amadou. Nous n’avons pas pu rallier « la plage cimetière de migrants » car elle est située tout près de l’embouchure particulièrement dangereuse en cette période à cause de la brèche ouverte en 2003 sur ordre de l’ancien Chef de l’État, Abdoulaye Wade, pour lutter contre les inondations à Saint-Louis. Depuis, elle ne cesse de s’élargir et est à l’origine de plusieurs accidents mortels en mer. On parle aujourd’hui de 500 morts depuis son ouverture.

Amadou nous explique que la plupart des corps ensevelis à la plage ne sont pas identifiés et sont enterrés dans l’anonymat. D’autres, par contre, sont identifiés et les familles viennent de temps en temps se recueillir. Ces derniers jours, la fièvre de la migration semble être un peu tombée. Depuis plus de deux mois pas d’annonce de chavirement, ni d’embarcations interceptées. Mais, ces jeunes rencontrés dans ce salon de coiffure pour homme soutiennent le contraire. « Les jeunes continuent de partir. C’est vrai que la fraîcheur freine un peu les choses mais je puis vous assurer que les départs se font toujours », a dit ce jeune maçon qui a préféré garder l’anonymat. J. SAGNA (Correspondante)

La rareté du poisson bouleverse le quotidien des populations 

Tassinère, en ce matin d’un jeudi du mois de novembre, on retrouve Amadou Ba, 63 ans, pêcheur de son état. Il pratique également l’agriculture. Amadou est né et a grandi dans ce village situé dans la commune de Ndiébéne Gandiol, à 30 kilomètres de la ville de Saint-Louis. Tassinère est considéré comme la capitale du Gandiol et compte près de 3000 âmes. Village côtier près de l’embouchure du fleuve Sénégal, Tassinère, en plus d’assister souvent au spectacle de rejet des corps de migrants par la mer, a aussi payé un lourd tribut de jeunes morts en tentant de rallier l’Europe. Ce matin, après un tour en pirogue avec Amadou, on va à la rencontre du chef du village de Tassinère depuis quatre mois, Lamine Fall, et d’autres fils du village autour du thé à la grande place du village devant la boutique de Baye Ba. Une dame, la soixantaine, teint noir, le visage sous un voile, s’active devant un fourneau où est posé un ustensile pour faire des cacahuètes avec du sable chaud. Des clients, elle n’en manque pas car, depuis quelques temps, le lieu reçoit toujours du monde surtout des pêcheurs. « Normalement, nous devrions être en mer à cette heure, mais le poisson est devenu très rare. nous passons des heures, parfois toute la nuit en mer sans rien pêcher. C’est compliqué », a expliqué Amadou, marié et père de famille. Il nous explique que ses enfants ont dû rallier la Gambie où les eaux seraient actuellement plus généreuses en poisson. Lui est resté à Tassinère et essaie, chaque matin, de trouver de quoi assurer la dépense quotidienne. Pour Amadou, les bateaux étrangers et les filets à mono-filament sont à l’origine de la rareté du poisson.

« Avant, nous arrivions à subvenir à nos besoins uniquement avec la pêche. Tous mes enfants ont été baptisés avec l’argent de la pêche. On n’avait pas de difficultés mais, aujourd’hui, on n’arrive même pas à payer les fournitures scolaires des enfants à temps », se désole Amadou.  Lamine Fall, chef de village de Tassinère, regrette que son terroir si proche de la mer soit laissé à elle-même et manque de tout. « Il n’y a pas d’infrastructures dans le village, les jeunes n’ont pas de travail et la pêche n’est plus productive. Donc, les jeunes n’ont plus d’alternative que de prendre la pirogue pour partir. Certains sont arrivés mais la majorité sont morts », a souligné M. Fall. J. SAGNA (Correspondante)

 



Source : https://lesoleil.sn/decouverte-de-gaz-a-saint-loui...