Leral.net a tenté de replonger dans l’histoire d’hier et d’aujourd’hui pour poser une grande question : A qui profitaient ces crimes «politiques», s’il était réellement avéré que Clédor Sène et Barthélémy Dias n’étaient pas les auteurs de ces meurtres révoltants.
L’histoire politique contemporaine du Sénégal a été émaillée de deux crimes nébuleux. Amadou Clédor Sène et Barthélémy Dias ont-ils tué véritablement respectivement Babacar Sèye et Ndiaga Diouf. Tous les deux s’en sont lavés à grande eau, sans convaincre toute l’opinion. Malgré tout, avec la tournure qu’est en train de prendre l’affaire Ndiaga Diouf, avec la levée de l’immunité parlementaire et la réouverture du dossier, Leral.net a tenté de replonger dans l’histoire d’hier et d’aujourd’hui pour poser une grande question : A qui profitaient ces crimes «politiques», s’il était réellement avéré que Clédor Sène et Barthélémy Dias n’étaient pas les auteurs de ces meurtres révoltants.
Qui avait un mobile pour éliminer Me Babacar Sèye et Ndiaga Diouf?
L’affaire Me Babacar Sèye Ndiaga Diouf auraient pu servir de matière pour un roman SAS d’espionnage pour Gérard de Villiers, sous le titre de «Meurtres politiques à Dakar». Tellement, les scénarios ont été sombres et les modus operandi nébuleux dans un brouillard d’indices maigres, avec des scènes de crimes pas encore élucidés, le tout couronné dans un foisonnement de non-dit et d’associations d’idées. Qui a tué Me Babacar Sèye et Ndiaga Diouf? Qui avait un mobile pour le crime politique de tuer Babacar Sèye avant la proclamation des résultats des législatives de 1993 et Ndiaga Diouf à quelques «jours» de l’élection Présidentielle de 2012.
Une chose reste sûre : Barthélémy Dias lui, n’a pas d’alibi, puisqu’il était sur les lieux du crime et il avait tiré des coups de feu. Pour Clédor Sène et sa bande, c’est plus compliqué et aléatoire. Mais, pour autant, est ce que c’est fils de Jean Paul Dias qui a tiré la balle fatale et mortelle ? Mystère et boule de gomme. Qui va donner sa langue au chat ? Intrigant. Les propos à chaud de Barth avec un vocabulaire ordurier et vindicatif digne d’un cowboy du Far West, ivre de plomb, ont laissé présager qu’il était le présumé coupable. Barth Dias est ainsi devenu le «Lucky Luke» politique sénégalais, voire le leader politique qui a dégainé le plus de fois et tiré avec une arme à feu au Sénégal.
«Bienvenue au far West», avait-il d’ailleurs clamé à Abdoulaye Wade, après les échauffourées de 2011 .Ce qui corrobore davantage son instinct de «tireur» en puissance.
Mais, seul Dieu l’Omniscient maîtrise les tenants et les aboutissants de cette affaire. D’ailleurs, Jean Paul Dias a aussi posé une question de taille. «Et si Barthéméy Dias était tué» ou encore «Tirer ne veut pas dire que c’est Barthélémy qui a tué». Dias père pose deux postulats. Soit, c’est Bart qui l’a tué et c’est de la légitime défense. Soit, ce n’est pas lui et il faudra chercher ailleurs l’auteur de cet acte infâme. Or, il reste à prouver que c’est son fils qui a tué. Même si ces paroles peuvent être rangés dans le placard du papa protecteur envers et contre tous, il n’en demeure pas moins que ces propos éveillent des soupçons chez les plus sceptiques et incrédules des Sénégalais.
Même chose pour meurtre de Me Babacar Sèye qui intéresse toujours les gens, avec toujours la même envie de comprendre ce qui s’est réellement passé en mai 1993.
Flash-back : Qu’est ce qui s’est passé en 1993 sur la Corniche-Ouest avec la course poursuite avec la 505 ?
Récemment, Clédor Sène a fait sa seule sortie en date dans la presse pour proclamer son innocence dans ce qu’il considère toujours comme une accusation de meurtre. Pour l’histoire, Maitre Babacar Sèye, alors vice-président du Conseil Constitutionnel a été assassiné le 15 mai 1993, six jours après la tenue des élections (9 mai 1993).
«C’est aux environs de 15 heures, après une séance de travail, que Maître Babacar Sèye avait quitté son bureau au Conseil constitutionnel, pour rejoindre son domicile à Dieuppeul. Il avait emprunté la Corniche-Ouest à bord de son véhicule de fonction R25 immatriculée DK-9110-G. Il y’avait également son chauffeur Abdou Aziz Ngom et à la droite de Me Sèye, le brigadier-chef de police Momar Niang, qui assurait sa protection rapprochée. La scène s’est passée sur la route de la Corniche Ouest où elle était prise en chasse par une 505. A hauteur de l’intersection de l’avenue Martin Luther King et celle des Ambassadeurs. Me Babacar Sèye était touché mortellement à la tempe gauche ainsi qu’au genou gauche. Selon toujours le communiqué du gouvernement publié par Le Soleil du 17 mai 1993, Me Sèye a été admis au bloc opératoire de l’hôpital Principal où le médecin n’a pu que constater son décès à 15h 35». Quel crime surréaliste et odieux?...au service de quel mobile politique? Pourtant, on était au Sénégal avec comme Président, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, chef incontesté de l’opposition.
Dans le cadre de l’enquête pour retrouver les bourreaux de Me Sèye, Me Abdoulaye Wade, Me Ousmane Ngom, Jean Paul Dias et Pape Samba Mboup furent interpellés dans l’après-midi du dimanche 16 mai 19930. Mais, finalement c’est Clédor Sène et sa «bande» qui furent arrêtés. Au cours de leur procès en septembre 1994, la Cour d’assises de Dakar condamna Amadou Clédor Sène à 20 ans de travaux forcés, Assane Diop et Pape Ibrahima Diakhaté à 18 ans de travaux forcés. Le trio sera finalement libéré en janvier 2002. Et plus tard, le 7 janvier 2005, la loi Ezzan fut votée par l’Assemblée nationale du Sénégal pour une amnistie générale… sur air de Vérité-Réconciliation.
Cledor Sène : l’affaire Me Sèye : « un grand complot ourdi qui n’a pas encore révélé tous ses secrets»
Pourtant 20 ans après, tout est encore opaque et Cledor Sène l’explique. «Et Pourquoi au Sénégal, il sera difficile de percer le mystère de l’affaire Me Sèye, c’est qu’on se focalise trop sur les faits avec des questions de ce genre : qui était dans la voiture, qui a tiré ? Il faut toujours remonter aux causes profondes pour tenter de comprendre cette affaire. On nous a jugés et condamnés et l’affaire ne s’est pas toujours éteinte. Il y a 13 ans que je suis sorti de prison et l’affaire, c’était en 1993 et ça intéresse toujours les Sénégalais, car, le jugement n’était pas clair. Et c’est pourquoi l’opinion publique veut toujours comprendre l’affaire», explique Clédor Sène.
«C’est un grand complot ourdi qui n’a pas encore révélé tous ses secrets. Comment se fait-il que les présumés meurtriers de l’une des plus grandes instances judiciaires du pays, ne soient pas condamnés à perpétuité, alors qu’en Cour d’assises, même les tueurs sont condamnés à perpétuité, alors qu’ils n’ont pas tué de magistrats. On n’écope ni de la perpétuité, ni de la peine de mort, alors qu’elle existait, car, elle a été abolie par Abdoulaye Wade. On a même parlé même de circonstances atténuantes. Donc, les raisons de ce procès devaient être trouvées ailleurs. Ceux qui savent quelque chose de l’affaire Me Babacar Sèye n’en parlent jamais. Est-ce que vous avez remarqué Tanor Dieng parler de cette affaire, Djibo Kâ (ministère de l’Intérieur) ou encore Madieng Khary Dieng qui avait tenu la balle, est ce vous l’avez entendu en parler. Seul Djibo Kâ en a parlé brièvement parce qu’il n’était pas content du livre autobiographique que Diouf avait sorti lors de la Francophonie », s’était dédouané Clédor dans l’émission Sen Jotay.
Clédor déclare qu’il n’a pas tué Me Sèye. «J’ai fait dix ans de prison. J’ai vu là-bas des personnes qui ont tué, mais, ils ne sont plus normaux, ils crient la nuit, parfois, on les menotte, car, ils sont même un danger pour eux-mêmes. L’âme est sacrée et Me Babacar Sèye était, de surcroit, un Musulman et beaucoup de personnes ont oublié ce qu’Abdoul Aziz Dabakh avait dit à propos des meurtriers qui n’auraient jamais la paix avec ce qu’ils ont fait. Or, Abdoulaye Wade est devenu président et moi Alhamdoulilah, je me porte bien, malgré le mauvais œil. Le jugement reste très nébuleux et c’est pourquoi les Sénégalais restent sur leurs faim et les politiciens de tout bord se rejettent l’affaire avec le PDS d’une part et le PS d’autre part. On a dit que ce n’est ni le PS, ni le PDS, mais, quelle raison avions nous pour faire un attentat. Ce n’était pas plausible. Abdou Diouf voulait même nous amnistier en 1996 avec les rebelles et c’est Abbé Diamacoune qui a, à la télé, avait parlé d’indépendance de la Casamance et ça a fait capoter l’affaire. Aucun gouvernement ne pouvait nous maintenir en prison. Après nous avoir jugés, on a supplié pour qu’on ne fasse pas de pourvoi en cassation. Si on n’avait tué Me Sèye, on n’allait pas venir nous demander cela», a ajouté Amadou Clédor Sène. Mais, qui a donc a donc tué Me Sèye ? Le même voile d’incertitude recouvre aussi l’affaire Ndiaga Diouf.
Barth : «La balle qui a atteint Ndiaga Diouf a été tirée par quelqu’un qui était soit couché, soit accroupi, alors que moi j'étais debout»
Barthélémy Dias, qui a vu son immunité parlementaire être levée, vendredi a déjà clamé son innocence…sans convaincre ceux qui l’ont vu, tirer comme Jessy James, à la télé. Malgré tout, Barth a plus d’une corde à son arc. Ces derniers jours en conférence de presse, le Maire de Mermoz a déclaré que « s’il n’y a pas de procès, ma carrière politique peut tomber à l’eau. La balle qui a atteint le défunt Ndiaga Diouf a été tirée par quelqu’un qui était soit couché, soit accroupi, alors que moi j'étais debout quand je tirais», a-t-il révélé.
« La presse a sorti des archives du Président de la République et du Secrétaire général du Parti Socialiste et ce qui en ressort, c’est qu’on ne peut pas faire ce procès sans les commanditaires. L’ancien procureur Ousmane Diagne sait que j’ai toujours refusé le non-lieu, le cas échéant, et ça va me poursuivre durant toute ma carrière politique. J’ai tiré ne veut pas dire que j’ai tué. Celui qui a fait l’autopsie sera présent à ce procès, et il y a des éléments de preuves. Il y a des gens qui ne veulent pas que le procès se tienne avec de grandes personnalités de ce pays. Au moment venu, nous vous donnerons le nom du commanditaire », a ajouté le fils de Jean Paul Dias.
Bref, autant de suspicion dans ces deux affaires crapuleuses de l’histoire politique contemporaine du Sénégal qui ne révéleront peut-être jamais leur vraie vérité. Si pour la réouverture de du dossier Me Babadar Sèye, il faudra abroger la loi Ezzan, ce n’est le cas pour Barthélémy Dias qui pourrait prochainement être jugé. Peut-être que les langues se délieront et la police sénégalaise réputée pour être excellente en enquête, va certainement percer le mystère de l’affaire de l’attaque de la Mairie de Mermoz Sacré Cœur de décembre 2011. Pour l’affaire Me Babacar Sèye de 1993, il faudra certainement attendre le Jugement Dernier… à moins que la prédiction d’Abdoul Aziz Dabakh se réalise, avec, le cas échéant, une mauvaise fin au vu et au su de tout le monde des présumés assassins de l’ancien vice-président du Conseil Constitutionnel. Wait and see.
Massène DIOP Leral.net