À la veille du huitième anniversaire du massacre, Human Rights Watch, Amnesty International et l'Association des Victimes, Parents et Ami-e-s du 28 Septembre 2009 demande à la Guinée de "s’employer à rendre justice, à établir la vérité et dédommager les victimes pour les crimes graves commis".
Cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest a été régie par des pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux, jusqu'à l'élection en 2010 de l'ancien opposant historique Alpha Condé, qui n'a pas mis fin aux violences politiques souvent meurtrières.
Le 28 septembre 2009, des militaires avaient tué au moins 157 personnes et violé 109 femmes, dans un stade de Conakry où étaient rassemblés des milliers d'opposants à la candidature à l'élection présidentielle du chef de la junte de l'époque, Moussa Dadis Camara, selon une commission internationale d'enquête de l'ONU.
L'enquête sur les crimes menée par un groupe de juges d'instruction guinéens a été lancée en février 2010 mais elle n'a pas encore été finalisée, huit ans après que les crimes ont été commis.
"Les juges enquêtant sur le massacre du 28 septembre 2009 ont fait des progrès impressionnants", a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch.
"Mais l'enquête doit être terminée afin que les responsables du massacre du stade puissent être jugés sans plus tarder".
Mis en accusation de protagonistes
L'enquête a progressé, surmontant les obstacles politiques, financiers et logistiques.
Des responsables de haut niveau, dont certains sont encore en fonction, ont été mis en accusation, notamment Moussa Dadis Camara, l'ancien chef de la junte du Conseil national de la démocratie et du développement qui gouvernait la Guinée en septembre 2009.
Son vice-président, Mamadouba Toto Camara. Abubakar "Toumba" Diakité, aide-de-camp de Moussa Dadis Camara, a également été inculpé et il a été extradé en Guinée en mars, après avoir été en fuite pendant plus de cinq ans.
Toutefois, plusieurs personnes qui font face à des accusations conservent encore des postes officiels influents en Guinée.
"Que des personnes soupçonnées de responsabilité pénale pour le massacre du stade continuent à occuper des postes officiels de haut niveau et de pouvoir est un affront envers les victimes et leurs familles et cela envoie le message négatif selon lequel l'impunité est tolérée en Guinée", a déclaré François Patuel, chercheur sur l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International.
"Toute personne faisant l’objet d’accusations devrait être mise en congé administratif jusqu’à ce qu'un jugement d'innocence ou de culpabilité soit rendu, afin d’assurer qu’elles n’utilisent pas leur position et leur influence pour porter atteinte aux procédures".
Témoignages de 400 victimes
Les juges ont entendu le témoignage de plus de 400 victimes et des membres de leur famille et ils ont également interrogé des témoins, notamment des membres des services de sécurité.
Certains aspects de l'enquête sont en suspens, comme la localisation de fosses communes censées contenir les corps d'une centaine de victimes qui demeurent disparues à ce jour.
Plusieurs personnes ayant exercé des fonctions de haut niveau à l’époque n’ont été ni entendues ni poursuivies. Mais cela ne devrait pas être un motif pour que les autorités judiciaires guinéennes retardent l'achèvement de l'enquête.
"Les autorités guinéennes devraient également veiller à ce que les violations des droits humains et les abus commis depuis le massacre du stade, notamment environ 70 morts lors de manifestations, soient examinés de manière adéquate et que les responsables soient traduits en justice dans des procès équitables", déclarent les organisations dans un communiqué.
La Cour pénale internationale (CPI), qui a ouvert un examen préliminaire sur la situation en Guinée en octobre 2009, a régulièrement rappelé au gouvernement guinéen son obligation de rendre justice pour les crimes de 2009.
La Commission internationale d'enquête, créée par le Secrétaire général des Nations Unies et chargée d'enquêter sur les événements de Conakry, a conclu que les massacres et autres actes de violence commis le 28 septembre et les jours suivants constituent des "crimes contre l’humanité".
"Je n’arrive pas à surmonter ma souffrance", a confié à Amnesty International l’une des victimes de viol. "Ma vie a volé en éclats. Le jour après que les soldats m’ont violée, mon mari nous a abandonnées ma fille et moi. La justice doit être rendue et les victimes doivent obtenir des réparations".
"Les victimes des événements du 28 septembre ont subi les pires formes de brutalité et réclament des poursuites judiciaires depuis huit ans", a déclaré Asmaou Diallo, de l'Association des Victimes, Parents et Ami-e-s du 28 Septembre 2009. "Les victimes méritent de voir progresser les rouages de la justice".