Interdit de remettre en cause la laïcité, ni de défendre la Charia. Dans le contexte des débats de la résurgence de l’islam politique au Sénégal, Iba Der Thiam notait que «même si la Constitution reprend pratiquement le texte français, l’histoire et la culture sénégalaises ne permettent pas une application à la française de la laïcité, avec une exclusion totale du religieux des sphères politiques». Or à présent, nos marabouts sont devenus pour la cause les soldats des valeurs inaliénables de «Liberté, fraternité, égalité».
Les grands idéaux de «Liberté, Egalité, Fraternité» nés de la pensée de Rousseau font aujourd’hui école, chez les marabouts. Ceux-ci, défendant l’islam «religion de paix», soutiennent l’envoi de soldats sénégalais à côté des Occidentaux, et la guerre contre les «partisans de la guerre» («jihadistes»). Les marabouts, soutiennent l’envoi des troupes contre les «Salafistes» (les musulmans qui appellent à l’orthodoxie) pour exiger la «laïcité». Il faut vaille que vaille chasser hors du nord-Mali, une partie de sa population, les rebelles Touareg, habitant le nord «par devoir de solidarité» au Mali. Il faut soutenir les Armées étrangères aux côtés de l’Armée française contre la rébellion malienne infiltrée par des «Etrangers».
L’instrumentalisation les marabouts par les pouvoirs en place est congénitale à la naissance douloureuse du pays. En 1944, le gouverneur général du Sénégal Cournarie utilise les marabouts pour empêcher aux femmes sénégalaises d’accéder au droit de vote. Les années 50 et 60, avant comme après l’indépendance, furent un âge d’or dans les relations clientélistes entre le pouvoir politique et les confréries, les uns protégeant les intérêts maraboutiques, les autres perpétuant leur rôle d’auxiliaires de l’administration. Les marabouts s’insurgent contre les mouvements syndicalistes et indépendantistes. Une correspondance est adressée au haut-commissaire Barthes où la grève des cheminots est condamnée en imputant la responsabilité à une minorité d’agitateurs plus «soucieux de leurs intérêts que de ceux de la masse des travailleurs».
Aussi, dès l’indépendance, le Président Léopold Sédar Senghor, bénéficie, contre Lamine Gueye et contre Mamadou Dia, des soutiens des marabouts. Aux élections de 1988, les marabouts ont appelé leurs talibés à voter pour M. Abdou Diouf : «Celui qui ne votera pas pour Abdou Diouf pendant les élections de février 1988 aura trahi Cheikh Ahmadou Bamba.» Au moment où les Sénégalais voulaient le changement, un Cheikh appellera aussi à voter pour Abdou Diouf, et dira, en 2000, «que celui qui ne vote pas pour Abdou Diouf est un imbécile».
Le Président Wade, longtemps opposant, au lendemain de sa victoire contre les Ndiguel des marabouts de tous côtés, révèle, à travers ce témoignage de son agent de liaison, le surprenant retournement des marabouts détracteurs. «En 2000, j’étais l’agent de liaison de Wade dans sa maison du Point E. Au lendemain de sa victoire sur Abdou Diouf, Serigne M. K… a appelé, j’ai décroché et je suis allé dans ses appartements privés pour le lui dire. Il m’a demandé de raccrocher courtoisement en me disant : «Monsieur Ndiaye, c’est la première fois qu’un Président est élu contre le ndiguel de tous les marabouts du Sénégal. C’est une chance inouïe qu’il ne faut pas bousiller».» (L’Observateur n°2556, mardi 27 mars 2012, p.5)
Ces mêmes marabouts ont soutenu, contre les soulèvements populaires, le Président Wade qu’ils avaient vertement dénigré à la faveur du pouvoir en place. En 2007, lors de la pose de première pierre d’un institut, le marabout d’adresser ses prières au Président Wade, «…Dieu fasse que vous ayez la victoire comme vous le voulez…». Relativement à la situation trouble du pays, le marabout dira qu’«il y aura toujours beaucoup de bruits, mais c’est le Sénégalais qui est comme ça. Le Sénégalais ne fait que parler, mais il s’en arrête à ça. Quand il se fatigue, il va se reposer et dormir». Le marabout s’en était ensuite violemment défoulé sur la corporation des journalistes lors de la cérémonie officielle du Gamou de Tivaouane, traitant ces derniers d’avoir menti en relayant que le Président Wade avait essuyé des huées de la population. Le Bureau exécutif national du Synpics s’était offusqué de cette sortie. «Cela consiste presque à livrer gratuitement, je pèse bien mes mots, gratuitement la presse à la vindicte populaire. Nous pensons que nous devons prendre des mesures urgentes et rigoureuses pour nous protéger en tant que corporation, pour que cessent tous ces procès en sorcellerie contre la presse», affirmait Diatou Cissé, Sg du Synpics.
Selon Seydina Issa Diop, qui a été dans la cour des khalifes. «Au Sénégal, les confréries ont beaucoup contribué à dénaturer l’islam. Mourides, Layènes, Tidianes… sont tous des groupes de pression qui ne disent pas leur nom (….). Je dis ça en connaissance de cause parce que j’ai passé plus de trente ans dans l’état-major d’une confrérie», Seydina Issa Diop, Directeur de l’industrie et de l’Artisanat sous Senghor, (Week-End magazine, semaine du 22 au 28 février 2008, P.55)
Explication : «Ils sont pressés de s’enrichir», estime Serigne Abdou Aziz Sy Al Ibn qui accuse certains fils et petits-fils des grandes familles religieuses du Sénégal d’«exploiter la religion pour s’enrichir illicitement». Il reconnaissait ainsi, en février 2011, que certains jeunes marabouts s’adonnent à la vente de choses prohibées par la religion. A Ndiobène Ngounta dans le département de Louga, lors de la pose de la première pierre d’un institut islamique, Serigne Abdou Aziz Sy accusait les jeunes marabouts d’exploiter la religion pour se faire de l’argent, suite à la sentence mortelle dans une prison au Maroc d’un petit-fils de marabout qui voulut arnaquer un général à la retraite de l’Armée marocaine.
Le magazine Station 1 note : «Les nouveaux Cheikh sont presque tous passés par des interdits de l’islam avant d’être intronisés. Tant la pratique de la lutte que l’enivrement ou la musique profane ne sont pas tolérés par notre religion, mais curieusement, tous ceux qui ont été élevés récemment à la dignité de Cheikh ont un petit passé et même un présent. Un Cheikh lutteur, un Cheikh politicien, un Cheikh rockeur (…)» (Station 1, n°3, mars 2008, p.22)
Marx critique fortement le rôle joué par les clercs religieux pour le maintien au pouvoir des classes dominantes. Les marabouts sénégalais ont fini d’en être des exemples illustratifs, au-delà de toute logique !
Ibrahima MBENGUE - Sociologue
Les grands idéaux de «Liberté, Egalité, Fraternité» nés de la pensée de Rousseau font aujourd’hui école, chez les marabouts. Ceux-ci, défendant l’islam «religion de paix», soutiennent l’envoi de soldats sénégalais à côté des Occidentaux, et la guerre contre les «partisans de la guerre» («jihadistes»). Les marabouts, soutiennent l’envoi des troupes contre les «Salafistes» (les musulmans qui appellent à l’orthodoxie) pour exiger la «laïcité». Il faut vaille que vaille chasser hors du nord-Mali, une partie de sa population, les rebelles Touareg, habitant le nord «par devoir de solidarité» au Mali. Il faut soutenir les Armées étrangères aux côtés de l’Armée française contre la rébellion malienne infiltrée par des «Etrangers».
L’instrumentalisation les marabouts par les pouvoirs en place est congénitale à la naissance douloureuse du pays. En 1944, le gouverneur général du Sénégal Cournarie utilise les marabouts pour empêcher aux femmes sénégalaises d’accéder au droit de vote. Les années 50 et 60, avant comme après l’indépendance, furent un âge d’or dans les relations clientélistes entre le pouvoir politique et les confréries, les uns protégeant les intérêts maraboutiques, les autres perpétuant leur rôle d’auxiliaires de l’administration. Les marabouts s’insurgent contre les mouvements syndicalistes et indépendantistes. Une correspondance est adressée au haut-commissaire Barthes où la grève des cheminots est condamnée en imputant la responsabilité à une minorité d’agitateurs plus «soucieux de leurs intérêts que de ceux de la masse des travailleurs».
Aussi, dès l’indépendance, le Président Léopold Sédar Senghor, bénéficie, contre Lamine Gueye et contre Mamadou Dia, des soutiens des marabouts. Aux élections de 1988, les marabouts ont appelé leurs talibés à voter pour M. Abdou Diouf : «Celui qui ne votera pas pour Abdou Diouf pendant les élections de février 1988 aura trahi Cheikh Ahmadou Bamba.» Au moment où les Sénégalais voulaient le changement, un Cheikh appellera aussi à voter pour Abdou Diouf, et dira, en 2000, «que celui qui ne vote pas pour Abdou Diouf est un imbécile».
Le Président Wade, longtemps opposant, au lendemain de sa victoire contre les Ndiguel des marabouts de tous côtés, révèle, à travers ce témoignage de son agent de liaison, le surprenant retournement des marabouts détracteurs. «En 2000, j’étais l’agent de liaison de Wade dans sa maison du Point E. Au lendemain de sa victoire sur Abdou Diouf, Serigne M. K… a appelé, j’ai décroché et je suis allé dans ses appartements privés pour le lui dire. Il m’a demandé de raccrocher courtoisement en me disant : «Monsieur Ndiaye, c’est la première fois qu’un Président est élu contre le ndiguel de tous les marabouts du Sénégal. C’est une chance inouïe qu’il ne faut pas bousiller».» (L’Observateur n°2556, mardi 27 mars 2012, p.5)
Ces mêmes marabouts ont soutenu, contre les soulèvements populaires, le Président Wade qu’ils avaient vertement dénigré à la faveur du pouvoir en place. En 2007, lors de la pose de première pierre d’un institut, le marabout d’adresser ses prières au Président Wade, «…Dieu fasse que vous ayez la victoire comme vous le voulez…». Relativement à la situation trouble du pays, le marabout dira qu’«il y aura toujours beaucoup de bruits, mais c’est le Sénégalais qui est comme ça. Le Sénégalais ne fait que parler, mais il s’en arrête à ça. Quand il se fatigue, il va se reposer et dormir». Le marabout s’en était ensuite violemment défoulé sur la corporation des journalistes lors de la cérémonie officielle du Gamou de Tivaouane, traitant ces derniers d’avoir menti en relayant que le Président Wade avait essuyé des huées de la population. Le Bureau exécutif national du Synpics s’était offusqué de cette sortie. «Cela consiste presque à livrer gratuitement, je pèse bien mes mots, gratuitement la presse à la vindicte populaire. Nous pensons que nous devons prendre des mesures urgentes et rigoureuses pour nous protéger en tant que corporation, pour que cessent tous ces procès en sorcellerie contre la presse», affirmait Diatou Cissé, Sg du Synpics.
Selon Seydina Issa Diop, qui a été dans la cour des khalifes. «Au Sénégal, les confréries ont beaucoup contribué à dénaturer l’islam. Mourides, Layènes, Tidianes… sont tous des groupes de pression qui ne disent pas leur nom (….). Je dis ça en connaissance de cause parce que j’ai passé plus de trente ans dans l’état-major d’une confrérie», Seydina Issa Diop, Directeur de l’industrie et de l’Artisanat sous Senghor, (Week-End magazine, semaine du 22 au 28 février 2008, P.55)
Explication : «Ils sont pressés de s’enrichir», estime Serigne Abdou Aziz Sy Al Ibn qui accuse certains fils et petits-fils des grandes familles religieuses du Sénégal d’«exploiter la religion pour s’enrichir illicitement». Il reconnaissait ainsi, en février 2011, que certains jeunes marabouts s’adonnent à la vente de choses prohibées par la religion. A Ndiobène Ngounta dans le département de Louga, lors de la pose de la première pierre d’un institut islamique, Serigne Abdou Aziz Sy accusait les jeunes marabouts d’exploiter la religion pour se faire de l’argent, suite à la sentence mortelle dans une prison au Maroc d’un petit-fils de marabout qui voulut arnaquer un général à la retraite de l’Armée marocaine.
Le magazine Station 1 note : «Les nouveaux Cheikh sont presque tous passés par des interdits de l’islam avant d’être intronisés. Tant la pratique de la lutte que l’enivrement ou la musique profane ne sont pas tolérés par notre religion, mais curieusement, tous ceux qui ont été élevés récemment à la dignité de Cheikh ont un petit passé et même un présent. Un Cheikh lutteur, un Cheikh politicien, un Cheikh rockeur (…)» (Station 1, n°3, mars 2008, p.22)
Marx critique fortement le rôle joué par les clercs religieux pour le maintien au pouvoir des classes dominantes. Les marabouts sénégalais ont fini d’en être des exemples illustratifs, au-delà de toute logique !
Ibrahima MBENGUE - Sociologue