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« Dictature, mode d’emploi ! » Par Amadou Tidiane Wone


Rédigé par leral.net le Mardi 20 Février 2024 à 19:05 | | 0 commentaire(s)|

« Séparer la morale de la politique, substituer à tout droit, la force et l’astuce, paralyser I‘esprit individuel, tromper le peuple avec des apparences, ne consentir de liberté que sous le poids de la terreur, flatter les préjugés nationaux, laisser ignorer au pays ce qui se passe dans le monde et à la capitale, ce qui se passe dans les provinces, transformer les instruments de la pensée en instruments du pouvoir…. avoir une police qui serve de clef de voûte au régime, se faire des fidèles au moyen de rubans et de hochets, ériger le culte de l’usurpateur en une espèce de religion, se rendre indispensable en créant le vide autour de soi, amollir I‘opinion au point qu’elle abdique dans l’apathie, marquer partout son nom comme la goutte d’eau creuse le granit, exploiter la facilité avec laquelle les hommes deviennent délateurs. Prendre la société par ses vices, parler le moins possible, dire le contraire de sa pensée, en venir à changer même le sens de mots… » Boris SOUVARINE.

Cette longue citation de Boris Souvarine (1895-1984), critique sévère du stalinisme, au point d’être exclu du Parti communiste français en 1924, est une photographie saisissante de tout pouvoir qui dérive vers la dictature. Toute ressemblance avec des faits et gestes, reconnus et contemporains, ne serait que le fait d’une illusion d’optique !

Mais enfin, qui ne voit pas des signes avant-coureurs d’une dérive dictatoriale en cette fin de…règne ( ?) du Président Macky Sall ? J’ai dit « règne ? » Fâcheuse qualification dans une République !

Mais est-il raisonnable de vouloir fermer volontairement les yeux sur une réalité douloureuse, inattendue et aux conséquences durables sur notre vivre-ensemble ?

A l’écoute des témoignages des centaines de femmes et d’enfants incarcérés sur des bases, plutôt légères ) pendant des mois et libérés sans… autre forme de procès, on doit vraiment s’interroger sur le niveau de garantie et de protection des droits humains dans notre pays. Lorsque l’on regarde les maltraitances policières, sans conséquences de droit sur leurs auteurs, violences exercées bien des fois sur des personnes faibles et sans défense, on doit se mettre un instant à leur place. Ne serait-ce que pour apprécier le ressenti d’un handicapé moteur, extrait sans ménagement de son fauteuil roulant, par 4 gaillards en tenue, armés jusqu’aux dents ! Ne serait-ce qu’au vu d’une femme seule, giflée, poussée à coups de godasses dans un pick-up ? Pourquoi ? Enseigne t-on cela dans notre prestigieuse École de Police ? Je ne le crois pas !

Ce sont là des dérives intolérables dans un pays civilisé. Pour être respectées les forces de l’ordre doivent être respectables. Par leurs tenues et leur retenue. Elles doivent maintenir l’ordre et non amplifier le désordre. Elles sont formées pour canaliser et maîtriser la violence civile, la contenir dans des proportions compatibles avec l’harmonie et l’équilibre des tensions sociales. C’est en cela qu’il faut déplorer la récurrence des interdictions de manifester, qui sont autant de déclencheurs de la violence. Aucune manifestation autorisée dans notre pays, n’a jamais donné l’occasion de violences. Cherchez l’erreur !

Le modèle démocratique sénégalais exige une meilleure formation des différents acteurs de la gestion de toutes les phases d’exercice et de jouissance, des droits et devoirs citoyens.

Les forces de l’ordre sont un élément essentiel de la vitalité démocratique. Elles ne doivent pas se transformer en ennemis des citoyens, qui seraient traités comme des envahisseurs de l’espace public. Bien au contraire ! Nos Forces de Défense et de Sécurité ont pour mission de nous protéger, à l’intérieur de nos frontières, afin de nous assurer de la quiétude indispensable, pour que nous puissions travailler à développer notre pays. “Le maintien de l’ordre repose sur la recherche d’un compromis préalable, entre les forces de police et les manifestants”, dit-on.

Cette culture de la relation entre des citoyens chargés d’une mission policière (assurer la sécurité) et des citoyens voulant jouir d’une liberté constitutionnelle (manifester), suppose une reconnaissance et un respect mutuels.

Que chacun s’attache à jouer son rôle, dans les limites de la bienséance et du respect strict des lois. Pour le plus grand bonheur de tous.

Il ne faut jamais oublier que les manifestants d’aujourd’hui, peuvent être les élus de demain ! Au Sénégal, plus qu’ailleurs, nous en avons une grande expérience !

Au demeurant, et m’adressant tout particulièrement à Maître Sidiki Kaba Ministre de l’Intérieur, dont la réputation internationale s’est bâtie sur la défense des droits de l’Homme et des peuples, en sa qualité de président de la FIDH, organisation réputée en la matière : j’espère, Monsieur le Ministre, que vous aurez à cœur de faire la lumière sur toutes les dénonciations de sévices, supposés ou réels, dont se plaignent tous ceux qui ont été en garde-à-vue ou incarcérés dans les prisons du pays.

Enfin, sachons donc raison garder, car « la vie a de longues jambes ».

Une démocratie se construit, et se préserve, par des démocrates.







Amadou Tidiane Wone

Ousmane Wade