L’administration locale peut-elle ignorer les réalités du terrain ? Le fameux slogan « rapprocher l’administration des administrés » ne suppose-t-il pas une imprégnation réelle de la situation, par exemple, du monde rural ? Les services de renseignement, à la compétence tant redoutée, sont-ils si indifférents face à la clameur des zones déshéritées ? Est-ce seulement la chose politique qui les met en branle ? Quand une collectivité locale se débat, se démène en vain pour venir à bout de ses multiples problèmes de survie, à qui doit-elle s’adresser et comment?
Sous l’ancien régime, les populations avaient trouvé la parade : faire sauter tous les verrous de l’administration locale en s’adressant frontalement au Président Wade qui se faisait d’ailleurs plaisir à les recevoir de façon surmédiatisée ; tous les problèmes se réglaient au palais, à un rythme et dans un vacarme tels que l’institution en a subi une désacralisation au point que certains ont pu lui coller la métaphore blasphématoire du marché Sandaga ! Le Sénégalais a fini par se convaincre qu’il suffit de franchir les grilles du palais pour en ressortir millionnaire ou pour voir ses doléances entièrement satisfaites. A défaut de traverser les mailles du filet politico-protocolaire du palais de la République, l’autre recours, avec l’appui salutaire des médias, c’est de manifester, de barrer routes et ruelles, de brûler des pneus, de faire la grève de la faim…pour se faire entendre des autorités, pour susciter la compassion des concitoyens. En brûlant ainsi les étapes de la communication, le Sénégalais est convaincu de l’inanité de ses doléances auprès de l’administration locale : du Gouverneur au chef de village en passant par les conseillers régionaux, municipaux et ruraux, sans oublier les préfets et sous-préfets, et ces multiples services déconcentrés de l’état, tout ce beau monde semble éloigné de la demande sociale ! Ou alors, quand elle parvient à s’exprimer, elle devient évanescente dans les dédales politico-administratifs du système…
Dites au Président que mon village a soif ! Dites –lui que depuis quatre ans notre forage est en arrêt et que nos puits ont tari depuis belle lurette ; dites-lui que nos braves femmes ont réinventé la corvée et la palabre nocturnes, guettant le moindre glouglou au tréfonds du puits cinquantenaire ; les charretiers munis de bidons et le bétail assoiffé vont s’approvisionner à 7 km de là, dans une harassante routine quotidienne. Mon village a soif dans ces excavations de l’ancienne mine de phosphate d’alumine : en le précisant, le géologue ingénieur des mines qu’il est sait aussitôt qu’il s’agit du village de Pallo, dans la communauté rurale de Mont-Rolland, gisement unique au monde de phosphate d’alumine que la Société des phosphates de Thiès a exploité des décennies durant. Que de milliards sortis des entrailles de notre terroir ! Mais quelles retombées pour les populations locales? Mis à part le décor chaotique à nous légué, RIEN ! La seule réalisation gouvernementale, une école de deux salles !
Mon village a soif et la communauté rurale de Mont-Rolland, pendant ce temps, continue d’alimenter Dakar avec ses 13 forages ! Ne me dites surtout pas que les services de renseignement ne sont pas au courant de cette dramatique et paradoxale situation ! Ils ont dû rendre compte à qui de droit mais apparemment il y a court-circuit quelque part, pour ne pas dire un désintérêt à un certain niveau du labyrinthe politico-administratif ; nos autorités locales non plus ne peuvent pas ne pas savoir ce qui se passe dans ces collectivités. Doivent-elles attendre que les populations montent au créneau, par les médias, les manifestations et la violence pour ensuite jouer au sapeur pompier ? Evidemment, quand tout est politisé à outrance dans ce pays, on passe malheureusement à coté de l’essentiel : la promotion intégrale de l’homme, sans exclusive. Prioriser les besoins exprimés, c’est une bonne stratégie mais y a-t-il plus urgent que l’eau potable, l’électricité, une structure de santé, une piste de production, une école… ?
Satisfaire la demande sociale, c’est un credo des tenants du nouveau pouvoir ; or tout semble converger vers les grands centres urbains ou religieux au détriment des villages et hameaux de la brousse profonde. Quand l’on apprend que c’est à coup de milliards que l’Etat compte rénover ou moderniser telle ville ou tel chef lieu de département c’est à se demander si le monde rural fait réellement partie des priorités en matière de développement ; l’exemple le plus patent c’est la concentration des infrastructures routières dans la seule capitale pendant que la campagne s’étouffe dans l’enclavement, dans l’absence de pistes de production, sans électricité et sans eau potable…De même, l’option affichée pour la relance de l’agriculture n’aura de sens que si elle intègre les petits producteurs et que les moyens dégagés n’aillent pas dans l’escarcelle des gros bonnets de l’agrobusiness ou des grands propriétaires terriens. Quand une collectivité locale ne présente aucun intérêt politique du fait de la faiblesse de son électorat, peut-elle espérer se faire entendre des décideurs ? Ne disposant d’aucun ressortissant dans l’attelage gouvernemental, d’aucun représentant dans les instances de décision du pays, à quel saint se vouer ? Le partenariat, heureusement, est là pour atténuer le sentiment d’abandon ou de mépris éprouvé par les populations des zones déshéritées.
Chaque jour que Dieu fait, l’on entend les mêmes types de doléances à travers la presse, particulièrement à la radio : absence d’infrastructures routières, sanitaires, scolaires, manque d’eau et d’électricité, litiges fonciers etc. Et c’est toujours la même détermination, le même cri de révolte des jeunes et des femmes face aux multiples urgences de l’heure. Et l’on n’a plus peur de la grève de la faim, de l’immolation ou du suicide, on est prêt à tout, quitte à se faire marcher sur le cadavre…Dans cette litanie de récriminations, le Président de la république est très souvent nommément apostrophé, lui à qui l’on prête le pouvoir de tout résoudre hic et nunc. Aussi le chantage n’est –il pas loin entre le rappel des promesses de campagne et l’exigence de satisfaction de la demande sociale : la durée du mandat présidentiel en dépend !
Pour le pouvoir en place le dilemme réside, semble-t-il, dans la communication : entre faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait ; dans le contexte actuel du pays, choisir de communiquer sur les réalisations du gouvernement ne suffit certainement pas, il faudra bien accepter que les populations communiquent à leur manière sur l’immensité et l’imminence de ce qu’il reste à réaliser : le minimum d’aisance pour un pays en voie de développement.
Albert FAYE
Alfa592000@yahoo.fr
Sous l’ancien régime, les populations avaient trouvé la parade : faire sauter tous les verrous de l’administration locale en s’adressant frontalement au Président Wade qui se faisait d’ailleurs plaisir à les recevoir de façon surmédiatisée ; tous les problèmes se réglaient au palais, à un rythme et dans un vacarme tels que l’institution en a subi une désacralisation au point que certains ont pu lui coller la métaphore blasphématoire du marché Sandaga ! Le Sénégalais a fini par se convaincre qu’il suffit de franchir les grilles du palais pour en ressortir millionnaire ou pour voir ses doléances entièrement satisfaites. A défaut de traverser les mailles du filet politico-protocolaire du palais de la République, l’autre recours, avec l’appui salutaire des médias, c’est de manifester, de barrer routes et ruelles, de brûler des pneus, de faire la grève de la faim…pour se faire entendre des autorités, pour susciter la compassion des concitoyens. En brûlant ainsi les étapes de la communication, le Sénégalais est convaincu de l’inanité de ses doléances auprès de l’administration locale : du Gouverneur au chef de village en passant par les conseillers régionaux, municipaux et ruraux, sans oublier les préfets et sous-préfets, et ces multiples services déconcentrés de l’état, tout ce beau monde semble éloigné de la demande sociale ! Ou alors, quand elle parvient à s’exprimer, elle devient évanescente dans les dédales politico-administratifs du système…
Dites au Président que mon village a soif ! Dites –lui que depuis quatre ans notre forage est en arrêt et que nos puits ont tari depuis belle lurette ; dites-lui que nos braves femmes ont réinventé la corvée et la palabre nocturnes, guettant le moindre glouglou au tréfonds du puits cinquantenaire ; les charretiers munis de bidons et le bétail assoiffé vont s’approvisionner à 7 km de là, dans une harassante routine quotidienne. Mon village a soif dans ces excavations de l’ancienne mine de phosphate d’alumine : en le précisant, le géologue ingénieur des mines qu’il est sait aussitôt qu’il s’agit du village de Pallo, dans la communauté rurale de Mont-Rolland, gisement unique au monde de phosphate d’alumine que la Société des phosphates de Thiès a exploité des décennies durant. Que de milliards sortis des entrailles de notre terroir ! Mais quelles retombées pour les populations locales? Mis à part le décor chaotique à nous légué, RIEN ! La seule réalisation gouvernementale, une école de deux salles !
Mon village a soif et la communauté rurale de Mont-Rolland, pendant ce temps, continue d’alimenter Dakar avec ses 13 forages ! Ne me dites surtout pas que les services de renseignement ne sont pas au courant de cette dramatique et paradoxale situation ! Ils ont dû rendre compte à qui de droit mais apparemment il y a court-circuit quelque part, pour ne pas dire un désintérêt à un certain niveau du labyrinthe politico-administratif ; nos autorités locales non plus ne peuvent pas ne pas savoir ce qui se passe dans ces collectivités. Doivent-elles attendre que les populations montent au créneau, par les médias, les manifestations et la violence pour ensuite jouer au sapeur pompier ? Evidemment, quand tout est politisé à outrance dans ce pays, on passe malheureusement à coté de l’essentiel : la promotion intégrale de l’homme, sans exclusive. Prioriser les besoins exprimés, c’est une bonne stratégie mais y a-t-il plus urgent que l’eau potable, l’électricité, une structure de santé, une piste de production, une école… ?
Satisfaire la demande sociale, c’est un credo des tenants du nouveau pouvoir ; or tout semble converger vers les grands centres urbains ou religieux au détriment des villages et hameaux de la brousse profonde. Quand l’on apprend que c’est à coup de milliards que l’Etat compte rénover ou moderniser telle ville ou tel chef lieu de département c’est à se demander si le monde rural fait réellement partie des priorités en matière de développement ; l’exemple le plus patent c’est la concentration des infrastructures routières dans la seule capitale pendant que la campagne s’étouffe dans l’enclavement, dans l’absence de pistes de production, sans électricité et sans eau potable…De même, l’option affichée pour la relance de l’agriculture n’aura de sens que si elle intègre les petits producteurs et que les moyens dégagés n’aillent pas dans l’escarcelle des gros bonnets de l’agrobusiness ou des grands propriétaires terriens. Quand une collectivité locale ne présente aucun intérêt politique du fait de la faiblesse de son électorat, peut-elle espérer se faire entendre des décideurs ? Ne disposant d’aucun ressortissant dans l’attelage gouvernemental, d’aucun représentant dans les instances de décision du pays, à quel saint se vouer ? Le partenariat, heureusement, est là pour atténuer le sentiment d’abandon ou de mépris éprouvé par les populations des zones déshéritées.
Chaque jour que Dieu fait, l’on entend les mêmes types de doléances à travers la presse, particulièrement à la radio : absence d’infrastructures routières, sanitaires, scolaires, manque d’eau et d’électricité, litiges fonciers etc. Et c’est toujours la même détermination, le même cri de révolte des jeunes et des femmes face aux multiples urgences de l’heure. Et l’on n’a plus peur de la grève de la faim, de l’immolation ou du suicide, on est prêt à tout, quitte à se faire marcher sur le cadavre…Dans cette litanie de récriminations, le Président de la république est très souvent nommément apostrophé, lui à qui l’on prête le pouvoir de tout résoudre hic et nunc. Aussi le chantage n’est –il pas loin entre le rappel des promesses de campagne et l’exigence de satisfaction de la demande sociale : la durée du mandat présidentiel en dépend !
Pour le pouvoir en place le dilemme réside, semble-t-il, dans la communication : entre faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait ; dans le contexte actuel du pays, choisir de communiquer sur les réalisations du gouvernement ne suffit certainement pas, il faudra bien accepter que les populations communiquent à leur manière sur l’immensité et l’imminence de ce qu’il reste à réaliser : le minimum d’aisance pour un pays en voie de développement.
Albert FAYE
Alfa592000@yahoo.fr