Vous avez marqué 14 buts et encaissé seulement 2. Comment avez-vous su allier efficacité offensive et rigueur défensive ?
Dans ces éliminatoires, les statistiques sont là. Et j’aime bien la phrase de De Gaulle qui disait que les statistiques, c’est comme la minijupe. Ça cache l’essentiel, mais ça ne cache pas tout. Il faut résumer le parcours comme ça. Les statistiques sont là, sont satisfaisantes. Mais il y a encore des choses à parfaire. Vous savez, le sélectionneur est un créateur de résultats. On ne gère jamais une sélection comme un club. Dans le club, l’entraîneur a le temps. Maintenant, avec ce qui se passe en club, l’entraîneur n’a même pas le temps. Quand on regarde en tout et pour tout, en termes de vie d’ensemble, j’ai fait deux mois avec les joueurs. Dans le club, l’entraîneur est avec les joueurs pendant 365 ou 366 jours. Donc là, on peut faire beaucoup de choses.
Coacher un club semble donc plus aisé ?
Une sélection ne jouera jamais comme le Barcelone. Le Barça c’est un club avec l’équipe qui part des petites catégories, des débutants jusqu’aux seniors. Avec les télévisions, les matches du Barça, tout le monde rêve. Maintenant il faut revenir à la réalité. J’ai regardé les 64 matches de la Coupe du monde. Et la Coupe du monde c’est une référence. Les tendances sortent toujours de la Coupe du monde. Elles sont là avec moi. Je regarde tout le temps, je réfléchis et je conçois. Et c’est partant de là qu’on définit les tendances. Et moi, j’essaie d’être un concepteur.
Quand tu regardes ces matches-là, ça te conforte dans tes convictions. Et souvent quand je regarde les matches de la Coupe du monde, la moyenne de passes de l’Espagne qui est championne du monde, dans la phase offensive, c’est 6 à 7 passes au maximum. Après l’adversaire reprend le ballon et rejoue. Ensuite, vous récupérez. Et c’est comme ça la moyenne. Je veux dire par là on parle beaucoup de fond de jeu. Et moi je ne connais pas le fond de jeu, mais je connais le fond de bouteille.
Donc il faut faire attention à certaines généralités. Aujourd’hui, les chiffres sont là, on a 13 points, 14 buts marqués et 2 encaissés. Vous savez le bon système c’est quoi, c’est le système qui gagne. Tout système qui ne gagne pas, l’entraîneur doit le changer. Au bout de trois à quatre matches, il faut changer quand ça ne marche pas. Nous, on dit que le plus simple, quand ça ne gagne pas, non seulement il faut changer de système, mais il faut reprendre les fondamentaux. A savoir la passe simple, les dribles simples, tous les fondamentaux.
Vous avez quand même des objectifs
Après la non-qualification de 2010, on s’est fixé des objectifs de reconstruction de l’équipe nationale qui est la locomotive. Dans cette reconstruction, c’est Amsata Fall qui a commencé la démarche et moi j’ai pris l’équipe en décembre 2009 pour booster vraiment la reconstruction. N’oublions pas que depuis ça, on a fait des matches amicaux. Il y a des matches amicaux qui préparent les rencontres officielles. Pendant les matches amicaux, on ne marque pas de points, on ne gagne pas de points. Et comme on ne gagne pas de points, on ne marque pas de points, il faut essayer beaucoup de choses. Maintenant, pendant les matches officiels où l’on marque et gagne des points, là on ne peut pas essayer. Voilà un peu, en parlant de chiffes et de parcours, plus tard on va revenir sur certaines choses.
Vous venez de dire comment vous avez géré la chose. Maintenant, on vous pose la question de savoir le pourquoi du comment ?
Le pourquoi du comment ? c’est ça qui se pose chez Amara. Même à la Linguère, j’ai fait trois ans, mais les gens n’arrivent pas à décortiquer ce que je fais. Et c’est la même chose qui se pose avec l’équipe nationale. Et je ne veux pas le dire. C’est aux autres de décortiquer comment je fais pour marquer des buts et ne pas en encaisser. Cela veut dire qu’Amara, c’est un entraîneur avec une méthode. Peut-être que plus tard, les gens vont découvrir ce que je fais. Ce sera peut-être une conception.
Après la qualification, les gens cogitent sur la préparation des matches et la gestion des hommes.
Ce qui a conforté ça d’abord, c’est la reprise des fondamentaux de cette équipe-là. Sur le plan de la qualité de vie, la gestion du groupe, les goûts des joueurs, les attitudes. Maintenant, comprendre qu’on n’a rien gagné. Et que pour gagner, il faut avoir un certain comportement, des attitudes et faire des efforts. Aujourd’hui, je pense que quand je dis qu’on reconstruit, qu’on est très loin d’avoir fini la reconstruction, je savais de quoi je parlais. Une équipe de football, c’est d’abord de bonnes attitudes, de bons comportements. Partant de là, la vie du groupe aura un meilleur gage de vie. Et cela permet maintenant d’être enthousiaste pour pouvoir développer son potentiel. Après, il y a la réceptivité des joueurs, leur engagement, la complicité entre les joueurs et le staff technique, la complicité entre le staff technique et la Fédération, la complicité entre la Fédération et le ministère. Aujourd’hui, je pense que c’est une victoire collective. Toutes ces composantes ont compris qu’ils ont le même objectif. Et que très sincèrement, ça a été bénéfique pour l’équipe. Même par moments, comme dans tout parcours, il y a eu des tiraillements. C’est parce que dans le sport de haut niveau, il y a beaucoup de logiques. Parfois, le ministère tire de son côté, c’est normal. Je dis qu’on va dans un tel hôtel, ils ne veulent pas. Ça se comprend. C’est la logique économique qui veut ça. Ce n’est pas la Fédération qui est contre nous. Et nous, on est guidés par la logique sportive. Chaque fois que ça se passe, il ne faut pas que les gens s’inquiètent. C’est quelque chose qui est normal et naturel dans le sport de haut niveau. On voit ça tout le temps dans beaucoup d’équipes. Mais si on peut éviter ça, c’est encore mieux. C’est normal, mais il faut l’éviter. Parce que dans une équipe de haut niveau, les joueurs ne doivent pas entendre certaines choses.
Et les joueurs dans tout ça ?
Après, il y a aussi le talent des joueurs. Au même moment, on a des joueurs qui jouent un peu partout et qui deviennent compétitifs. En équipe nationale, l’entraîneur n’a pas le temps de faire du quotidien. Maintenant, ça dépend de ce que les joueurs font dans leurs clubs. Nous, on les regroupe en essayant d’optimiser la performance de chacun.
Et le discours du coach qu’on dit déterminant dans la vie du groupe ?
Ce qui est intéressant, j’essaie d’optimiser les conditions psychologiques de cette équipe. Parce qu’il faut beaucoup jouer sur le mental des joueurs. Il faut qu’ils soient confiants, qu’ils connaissent la valeur de l’équipe. Car, il n’y a rien de plus important que l’équipe nationale. Et puis, il faut respecter les règles qu’on fixe. Si on n’a pas de vision et qu’on ne fixe pas les règles, les choses ne vont pas marcher. La première qualité de ce groupe, c’est le respect des règles. De deux, personne n’est important. La preuve, moi j’étais dans les tribunes, l’autre jour, et l’équipe a gagné. Donc il y a l’interchangeabilité des joueurs. Et c’est une bonne question, le discours du coach est un élément central, qui est le plus important. Et qui connaît Amara, sait que moi je suis un entraîneur avec une méthode. Une méthode dans laquelle je définis un cadre avec beaucoup de libertés. Mais il faut faire attention pour ne pas sortir du cadre. J’ai dit à mes joueurs, si j’exclus un joueur de la sélection pour X raison, cela veut dire que j’ai échoué. Donc notre rôle c’est d’anticiper, de parler aux joueurs et de leur dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Comme la plupart d’entre eux sont nés en France, c’est de leur expliquer un peu les règles des Sénégalais. Et j’ai la chance d’avoir des garçons pieux. C’est impressionnant de les voir, quand ils viennent en regroupement, qu’ils se réveillent à 6 heures du matin pour prier ensemble. C’est Jacques Doudou Faty ou Souleymane Camara qui dirige les prières. Tout ça facilite le travail.
Est-ce qu’on peut dire qu’on vient d’achever la reconstruction ?
(Il coupe) Il reste beaucoup de choses. On vient de commencer (rires).
Pourquoi, il y a un objectif intermédiaire ?
Oui ! Parce que le problème, aujourd’hui, c’était d’abord de parler en termes d’équipe nationale. Parce que quand on veut gagner une compétition, il faut être présent pour apprendre, pour sentir, pour toucher et pour voir ce qui se passe. C’est pourquoi je dis qu’on vient de finir les fondations. Cela veut dire que le chantier vient de commencer.
Est-ce que le fondement est solide ?
Si on a fait une fondation pour ériger un immeuble de 20 étages. Parce que c’est solide. On a reposé sur des valeurs (il se répète). Parce que sans cela, on ne peut pas avancer. Et le futur bâtiment ne sera pas solide. Aujourd’hui, comme je l’ai dit, le chantier vient de commencer. L’objectif c’était de se qualifier pour pouvoir arriver en Afrique et que les gens reconsidèrent cette équipe nationale avec les possibilités de conquête.
Parlons maintenant de votre contrat. Est-ce que vous allez le renouveler en revoyant les prétentions à la hausse ?
On va faire quelques rappels pour que les gens soient imprégnés. On a signé un contrat, mais n’oubliez pas qu’on est restés dix mois sans salaire. Et l’on a fait notre travail, parce que c’est notre pays. On n’avait pas le choix. C’est notre pays. Si on fait la grève et que je veux aller à Saint-Louis. Mais je ne vais pas arriver à destination. Je serais lynché en cours de chemin. C’est impossible et je ne peux pas prendre l’avion pour partir. Maintenant l’entraîneur étranger a la possibilité de dire que maintenant qu’on ne me paie pas, je vais partir.
Est-ce que ce n’est pas parce que vous manquez de personnalité ?
Non, ce n’est pas parce qu’on n’a pas de personnalité que je l’ai rappelé. C’est aux autorités de crédibiliser l’expertise locale. Parce que cette expertise est là. Nous, on a souffert. Que ce soit moi ou Ferdi, on a eu beaucoup de partenaires extérieurs. Et les gens demandent : qu’est-ce que vous faites là ? Mais ils ne pouvaient pas comprendre. Moi j’ai eu tellement de sollicitations à l’étranger. Mais le soulagement, c’est lorsqu’on a gagné contre la Rdc et que Ferdi est venu vers moi, m’a embrasse et ma dit ‘coach, on l’a fait avec la souffrance et tout ce qu’on a vécu’. C’est ça notre satisfaction, notre bonheur. Mais ce sont des choses sur lesquelles il faut beaucoup faire attention à l’avenir. Je pense que dans ce pays, il y a beaucoup d’expertise. Mais ce n’est pas motivant pour la suite. Si on avait un certain comportement, ça pouvait nous créer des problèmes et qu’on ne se qualifie pas. Après on va dire qu’ils ne sont pas compétents. Et je pense que, par moments, on n’était pas dans les meilleures conditions psychologiques. Alors que c’était dur, c’était très, très dur. On n’était pas dans les meilleures conditions psychologiques pour aborder certains matches.
Maintenant, une fois que ça a été réglé, ça s’est bien passé avec quelques couacs. Et là jusqu’à présent, ça se passe bien.
A l’heure du bilan, quels seront les termes du nouveau contrat ?
Là, il y a des discussions par rapport au contrat. C’est vrai que mon contrat finit au mois de décembre. Je crois qu’il y a des discussions qui seront engagées de part et d’autre. Après la victoire, on n’a pas le choix. Je pense que les deux parties sont animées de bonne volonté de continuer ensemble. Maintenant, entre l’envie de continuer et la vérité du terrain, ça c’est autre chose. Ce sont des échanges qu’on va voir.
Y aura-t-il revalorisation du salaire ?
C’est pourquoi, je dis qu’il y aura des discussions entre les deux parties. Ça fait longtemps que mon avocat n’a pas eu de touches. Je ne vous le cache pas. Je l’ai dit qu’on a commencé un boulot.
Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que la collaboration ne continue pas ?
Pour être honnête et clair avec vous, je ne le pense pas. J’aime tellement mon pays et la priorité pour moi, c’est le Sénégal. Mais comme je l’ai dit, ça dépendra des discussions. Parce qu’un entraîneur sérieux essaie de donner le plus de moyens possibles à son équipe. J’ai toujours dit que l’adversaire du Sénégal, ce sont les moyens de travail. J’insiste beaucoup sur les moyens. Il y a les moyens et les conditions de travail. Mais si on n’a pas les moyens de travail et que les conditions sont extraordinaires, tu n’arriveras pas à des résultats. Aujourd’hui, plus que jamais, il nous faut des moyens de travail pour ce football.
Etes-vous prêts à travailler avec le même salaire ?
Pour être honnête, ce n’est pas possible. A un moment donné, on se sacrifie parce que la nation est plus importante que toi. Mais si les gens insistent, parce qu’il y a un manque d’ambition. Cela veut dire que ce n’est pas possible. Après maintenant, on va engager le pays. Ce n’est plus moi. Parce que moi j’ai toujours dit qu’il faut engager les Sénégalais sur des choses sérieuses. Et si on n’a pas les moyens de continuer, moi je pense que je fais faire autre chose.
Mais à quel moment avez-vous senti que la qualification était possible ?
Vous avez, pour être précis, c’est le premier match contre la Grèce. Quand j’ai vu la qualité du groupe et le match qu’on a fait avec un stage de deux jours, j’ai dit que c’est possible. Après, il y a eu le tirage au sort dans une poule avec le Cameroun, la Rdc et l’Ile Maurice. Je me suis dit qu’avec le premier, et je ne savais pas qui serait le premier, que ce sera 15 points-15 points. C’est par rapport à la stratégie, je bats le premier du groupe à domicile et il me gagne chez lui. On aura donc 15 points chacun. Et là, c’est sûr qu’au pire des cas, tous les deux, on sort. Quand on a joué et gagné contre la Rdc, je me suis dit qu’on va se qualifier. Parce qu’après la Rdc, on doit jouer tout de suite contre l’Ile Maurice et ça fera 6 points. Dans ce genre de tournoi, quand on a un bon départ, on se dit qu’il y a espoir. Mais le match le plus déterminant, c’était contre le Cameroun. Après le Cameroun, on était qualifié. C’était quasiment impossible de ne pas se qualifier. Même si on perdait au Cameroun, il y avait une autre marge. Maintenant, il fallait consolider.
La rupture est nette et brutale. Après on devient un incompris.
Vous savez, c’est comme ça, les héros sont toujours des gens ennuyeux au départ. Les héros ennuient tout le monde. Parce qu’il y a des habitudes, du conservatisme qui est là et beaucoup d’autres choses. Après il y a le fou du village qui vient pour essayer d’influer sur certains comportements, sur certaines analyses et d’autres choses. Au départ, il est toujours incompris. Je comprends dès fois l’attitude des gens et certains commentaires. Mais si on veut (il hésite). Depuis longtemps, on fait du football en Afrique et on n’a pas gagné. Est-ce qu’on va continuer à faire la même chose. Non ! C’est-à-dire que si on fait la même chose, le résultat est connu. Donc il faut essayer de se baser sur ce qui se faisait pour changer. Puisque je suis un témoin privilégié, qui essaie d’apporter une certaine rupture dans la gestion. Ce problème est profond, c’est culturel.
Pouvez-vous être pour explicite dans votre raisonnement ?
Vous savez, quand la France tousse, le Sénégal éternue. Quand vous regardez l’Equipe de France, on voit des commentaires sur le jeu ou ceci. C’est la même chose. C’est le même débat qui est là au Sénégal et posé par certains observateurs. La France a toujours essayé de faire du football plaisant, mais ils n’ont rien gagné avec ça. Après qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont fait de la résultante entre le football hollandais qui est technique, le football Italien qui est tactique, le football allemand qui endurant. Ils ont fait la résultante de ces trois formes de football pour sortir ce qu’on appelle l’entraînement intégré. Par rapport à ça, ils ont commencé à gagner.
Et nous, malgré tout, on n’a pas changé. Pendant longtemps, on est restés les mêmes. Moi je suis témoin. Le football que les gens veulent qu’on fasse, ça fait 20 ans que je n’ai pas vu ça ici. Contre la Gambie, on ne s’est pas qualifié. On n’a pas gagné contre le Liberia. A un moment donné, on a mis les gammes pour se qualifier. Maintenant, on gagne des matches pour sa qualifier, on dit oui on gagne, mais il faut faire autre chose. Il y a un problème.
Qu’est-ce qui caractérise le modèle d’Amara ?
Le modèle d’Amara (il se tord de rires). Vous voyez, chaque année, vous vous interrogez sur tout ce que j’ai fait depuis 2006. L’équipe était partie jusqu’en demi-finale, en 2006.
Comme à la Linguère, avec le deuxième ballon ?
Il y a beaucoup de similitudes. Mais il y a des gens qui se trompent sur mon jeu. Il n’y a que Pape Camara qui a touché après la finale contre le Casa dans un article à Walf (…) A la Linguère, dire qu’il y a un deuxième ballon, moi je réponds que c’est non. J’ai beaucoup de choses qu’on faisait à la fois. Je n’ai jamais demandé à mon équipe de balancer et d’avoir un deuxième ballon. Jamais (catégorique) ! Regardez comment la Linguère joue maintenant. Est-ce que vous avez regardé Mourinho jouer ?
Donc vous jouez comme le Real ou le Barça ?
Je fais un mélange.
Parlant maintenant du 4-4-2 ou 4-3-3, donc de ce fameux débat ?
Je vais vous faire une révélation. On est les premiers entraîneurs au Sénégal à faire jouer en équipe nationale en 3-5-2. C’était le premier match de Souleymane Diawara, lors du Trophée Mandela. Dans l’axe, il y avait Souleymane Diawara, Lamine Diatta et Pape Malickou. La deuxième fois, c’était après 2006, quand on a fini le contrat et qu’on a amené l’équipe en Corée. Avec Lamine Diatta, Malickou Diakhaté et Nguirane Ndao.
Vous savez, l’équipe nationale du Sénégal a joué en 4-4-2 avec Metsu, sauf en Coupe du monde. Le dernier match contre l’Equateur, on a joué en 4-4-2 pratiquement. Elle a joué le 4-4-2 avec Guy Stéphan sauf contre le Togo et le Liberia. Avec Kasperczak, l’équipe nationale a joué en 4-4-2. Même sous Lamine Ndiaye, l’équipe nationale a joué en 4-4-2, sauf contre la Gambie. Donc avec moi, jusqu’à maintenant, l’équipe joue en 4-4-2, sauf lors du match contre la Rdc. Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas. J’ai l’impression que dans ce pays, les gens pensent que le 4-4-2, c’est nouveau. Alors que depuis 2000, on a joué avec le 4-4-2.
J’essaie de tirer avec le maximum de mon système d’organisation pour poser un problème à l’adversaire. J’ai l’impression que toutes les équipes qui jouent en 4-3-3 gagnent toujours (…) Le bon système, c’est l’animation que les joueurs vont mettre à l’intérieur. Souvent, dans la conception des uns et des autres, c’est deux milieux. Moi, le 4-2-4, je ne connais pas. Maintenant, dans notre fameux 4-4-2, dans le replacement défensif, par moments, on est en surnombre. Mais si on ne met pas de pression sur le porteur du ballon. Il peut y avoir de perte de balle, mais il n’y a pas de danger à la fin. La preuve, on n’a encaissé que deux buts.
N’est-ce pas jouer de chance ?
Mais je vous donne un exemple, on a joué contre le Maroc en match amical. C’était flagrant le marquage sur le porteur du ballon, à l’image du premier but. Regardez le match contre la Rdc, on a corrigé ça. Sur le premier but, c’est toute la ligne de milieu qui monte sur le porteur du ballon et Ndiaye Dème pique le ballon. Parce qu’on a travaillé ça, toute la semaine, pour mettre la pression sur le porteur du ballon. Souvent, on était en surnombre, mais on est attentistes. Et les gars, ils jouent. Le match amical sert à ça. On a vu Ndiaye Dème prendre le ballon qu’il a remis à Papiss et on a fait une attaque rapide. Ce n’est pas un système de 4-4-2. Non, non ! ça dépend de l’animation qu’on met, le comportement d’un tel compartiment par rapport aux objectifs définis dans le match à certaines choses.
En définitive, êtes-vous satisfait du parcours ?
Je suis satisfait. Mais comme je suis exigeant et je sais que nous on veut aller très loin, j’essaie de parfaire. Il y a beaucoup de choses à parfaire. Il y a des relations et des comportements à huiler. Il y a des exigences techniques mêmes qu’il faut régler. Et ça, c’est depuis contre le Cameroun. Mais les gens ont vu, contre la Rdc, on a fait un gros match et contre l’Ile Maurice aussi, on a fait un gros match. Et contre le Cameroun, entre deux bonnes équipes, le match se jouera toujours sur les détails. Aujourd’hui, on ne verra pas le Cameroun dominer tout le monde. On ne verra pas aussi le Sénégal dominer durant toute la partie.
Contre le Maroc, on a dit qu’on a été ballottés. Mais le Maroc n’est rentré dans notre surface que deux fois. Et j’ai regardé dix fois la cassette. Et la moyenne de passes, par moments, c’est cinq passes quand ils avaient le ballon. Ça se voit qu’on n’a pas les mêmes analyses. C’est pourquoi je dis que je suis satisfait du point de vue des résultats. Parce qu’un entraîneur, c'est des résultats. Si on n’avait pas travaillé, on n’allait pas avoir ces résultats. Mais, les Sénégalais regardent les matches avec beaucoup de crainte. J’ai vécu ça dans les tribunes. Mais c’est bien (…) Aujourd’hui, ce n’est pas 14 ou 15 passes comme contre la Grèce. On a une équipe qui est très jeune, où il n’y a que 3 à 4 joueurs qui ont fait la Can. Ce sont des données qu’il faut aussi prendre en compte.
Comment avez-vous vécu ce match contre la Rdc sur les gradins ?
C’était bizarre et très difficile. Pour la première fois, je m’étais séparé de mes joueurs dans un match important où je devais leur apporter beaucoup de choses sur le banc. Mais le plus difficile, c’est quand on est descendu du bus et que je suis parti de l’autre côté. Je n’ai jamais vécu cela dans ma carrière. Je ne pouvais pas descendre sur le terrain pour aider mon équipe ni entrer dans les vestiaires. J’avais perdu tous ces repères. C’était vraiment une punition.
Qu’est-ce que cela vous a fait de voir Pape Malickou Diakhaté hué par le public ?
Tout entraîneur rêve d’avoir un Malickou Diakhaté dans son équipe. C’est un garçon professionnel, sérieux, discipliné, travailleur. Il ne rechigne pas à la tâche. C’est un leader. C’est un modèle de coéquipier. Jamais en retard à l’entraînement, aux repas, aux causeries. Il est toujours le premier à être là. Tout entraîneur rêve de l’avoir dans ses rangs. Depuis que je suis là, il n’a fait que de gros matches en équipe nationale. Je n’ai pas compris ce qui s’est passé samedi et je trouve cela injuste. Il a toujours répondu à l’appel de l’équipe nationale. Il a toujours mouillé le maillot national. Il a tout donné. Mais un public, c’est un public. C’est parti de deux ou trois personnes, mais je ne pense pas qu’on l’ait sifflé à cause de ses qualités de footballeur. On va lui parler parce que c’est un garçon sur qui l’on compte. C’est un garçon qui, même en dehors du football, va aller très loin. Il a un mental très fort. Ça va l’aider, le motiver davantage. Mais, les gens doivent faire attention. Pour ce match, on devait se qualifier. Le coach, en fonction du résultat, fait un changement pour renforcer son milieu. A ce moment, les joueurs avaient plus besoin de soutien qu’autre chose. Il n’y a rien qui explique les huées sur Malickou.
Avez-vous déjà votre groupe pour la Can ?
Sincèrement, à un ou deux éléments près, on a le groupe. Tous les joueurs appelés jusqu’ici vont constituer le noyau dur, mais dans le groupe des Olympiques, il y a des garçons qui se montrent, à l’image d’Idrissa Gana Guèye et Pape Ndiaye Souaré. Ce n’est pas parce qu’un joueur n’est pas appelé jusqu’ici qu’il ne viendra pas. L’équipe nationale, c’est les meilleurs du moment.
Par rapport aux choix des hommes, vous avez toujours dit que l’indice de rayonnement du championnat serait déterminant. Niang est parti au Qatar, cela peut-il avoir des conséquences pour lui ?
Niang, c’est le capitaine de l’équipe. Je ne pense pas que d’ici là, il va perdre son football. Ce n’est pas parce qu’un joueur joue en Arabie Saoudite, Abou Dhabi, en Norvège ou en Espagne qu’il ne viendra pas en équipe nationale. La preuve, je prends des joueurs locaux. La convocation dépend de beaucoup de choses : indices de rayonnement du championnat et du joueur en club. Si Niang part au Qatar et marque des buts, on est preneur. Maintenant, il y a une concurrence très rude. Ce que je conseille à tout le monde, c’est de faire le maximum de matches d’ici à la Can, être très compétitif.
Auriez-vous conseillé ce choix à Niang ?
Oui ! Niang a 32 ans, il faut penser à la famille aussi. C’est le capitaine, un homme formidable, mais c’est un incompris. Il aime l’équipe nationale. La preuve, récemment, il devait signer dans un club, dont je ne dirais pas le nom, mais on lui a demandé de renoncer à la Coupe d’Afrique. Il a dit non ! Il faut aimer son pays pour le faire.
Khadim Ndiaye était annoncé en Afrique du Sud…
Ce choix n’est plus d’actualité. Il n’y va plus.
Depuis le match contre le Cameroun, vous mettez régulièrement Bouna Coundoul. Avez-vous trouvé votre numéro un ?
Il n’y a pas encore de numéro un. Khadim a fait trois matches, Coundoul en a fait deux. Laissons le parcours se terminer. Après Oumar Diallo, il n’y avait que Tony Sylva. Il faut éviter ces erreurs du passé en mettant une concurrence saine partout dans l’équipe. Aujourd’hui, j’aurais aimé que Cheikh Ndiaye joue à Rennes, que Pape Laye Coulibaly (de Saint-Étienne) se montre. Une grande équipe, c’est celle qui a l’embarras du choix. On ne doit pas être limité dans le poste des gardiens de but. Khadim Ndiaye a montré de bonnes choses, Coundoul pareil, Latyr Ndiaye est en train de faire de belles choses avec l’Uso. Il a été très bon en Colombie.
Parmi les joueurs que vous avez sous la main, quel est celui qui incarne le plus votre philosophie ?
Je ne veux pas faire des jaloux, mais il y en a. Je vois un joueur comme Mangane qui a beaucoup de personnalité. C’est un exemple. On ne l’entend pas, mais il a beaucoup d’influence dans le groupe. Il est très respecté et écouté. Il peut apporter en tant que joueur et dans le futur. Il incarne beaucoup de choses. C’est à la fois un leader tactique et un leader moral.
Coach, savez-vous ce que les gens attendent de vous à la Can ?
Qu’est-ce qu’ils attendent de moi ?
La Coupe !
Quand j’aurai signé mon contrat, je répondrai. Il faut être lucide et ne pas brûler les étapes. Je ne suis pas un magicien, mais un entraîneur. Dans cette équipe, il n’y a que trois ou quatre joueurs qui ont fait la Coupe d’Afrique.
Propos recueillis par Youssouph BADJI
Source Le Populaire
Dans ces éliminatoires, les statistiques sont là. Et j’aime bien la phrase de De Gaulle qui disait que les statistiques, c’est comme la minijupe. Ça cache l’essentiel, mais ça ne cache pas tout. Il faut résumer le parcours comme ça. Les statistiques sont là, sont satisfaisantes. Mais il y a encore des choses à parfaire. Vous savez, le sélectionneur est un créateur de résultats. On ne gère jamais une sélection comme un club. Dans le club, l’entraîneur a le temps. Maintenant, avec ce qui se passe en club, l’entraîneur n’a même pas le temps. Quand on regarde en tout et pour tout, en termes de vie d’ensemble, j’ai fait deux mois avec les joueurs. Dans le club, l’entraîneur est avec les joueurs pendant 365 ou 366 jours. Donc là, on peut faire beaucoup de choses.
Coacher un club semble donc plus aisé ?
Une sélection ne jouera jamais comme le Barcelone. Le Barça c’est un club avec l’équipe qui part des petites catégories, des débutants jusqu’aux seniors. Avec les télévisions, les matches du Barça, tout le monde rêve. Maintenant il faut revenir à la réalité. J’ai regardé les 64 matches de la Coupe du monde. Et la Coupe du monde c’est une référence. Les tendances sortent toujours de la Coupe du monde. Elles sont là avec moi. Je regarde tout le temps, je réfléchis et je conçois. Et c’est partant de là qu’on définit les tendances. Et moi, j’essaie d’être un concepteur.
Quand tu regardes ces matches-là, ça te conforte dans tes convictions. Et souvent quand je regarde les matches de la Coupe du monde, la moyenne de passes de l’Espagne qui est championne du monde, dans la phase offensive, c’est 6 à 7 passes au maximum. Après l’adversaire reprend le ballon et rejoue. Ensuite, vous récupérez. Et c’est comme ça la moyenne. Je veux dire par là on parle beaucoup de fond de jeu. Et moi je ne connais pas le fond de jeu, mais je connais le fond de bouteille.
Donc il faut faire attention à certaines généralités. Aujourd’hui, les chiffres sont là, on a 13 points, 14 buts marqués et 2 encaissés. Vous savez le bon système c’est quoi, c’est le système qui gagne. Tout système qui ne gagne pas, l’entraîneur doit le changer. Au bout de trois à quatre matches, il faut changer quand ça ne marche pas. Nous, on dit que le plus simple, quand ça ne gagne pas, non seulement il faut changer de système, mais il faut reprendre les fondamentaux. A savoir la passe simple, les dribles simples, tous les fondamentaux.
Vous avez quand même des objectifs
Après la non-qualification de 2010, on s’est fixé des objectifs de reconstruction de l’équipe nationale qui est la locomotive. Dans cette reconstruction, c’est Amsata Fall qui a commencé la démarche et moi j’ai pris l’équipe en décembre 2009 pour booster vraiment la reconstruction. N’oublions pas que depuis ça, on a fait des matches amicaux. Il y a des matches amicaux qui préparent les rencontres officielles. Pendant les matches amicaux, on ne marque pas de points, on ne gagne pas de points. Et comme on ne gagne pas de points, on ne marque pas de points, il faut essayer beaucoup de choses. Maintenant, pendant les matches officiels où l’on marque et gagne des points, là on ne peut pas essayer. Voilà un peu, en parlant de chiffes et de parcours, plus tard on va revenir sur certaines choses.
Vous venez de dire comment vous avez géré la chose. Maintenant, on vous pose la question de savoir le pourquoi du comment ?
Le pourquoi du comment ? c’est ça qui se pose chez Amara. Même à la Linguère, j’ai fait trois ans, mais les gens n’arrivent pas à décortiquer ce que je fais. Et c’est la même chose qui se pose avec l’équipe nationale. Et je ne veux pas le dire. C’est aux autres de décortiquer comment je fais pour marquer des buts et ne pas en encaisser. Cela veut dire qu’Amara, c’est un entraîneur avec une méthode. Peut-être que plus tard, les gens vont découvrir ce que je fais. Ce sera peut-être une conception.
Après la qualification, les gens cogitent sur la préparation des matches et la gestion des hommes.
Ce qui a conforté ça d’abord, c’est la reprise des fondamentaux de cette équipe-là. Sur le plan de la qualité de vie, la gestion du groupe, les goûts des joueurs, les attitudes. Maintenant, comprendre qu’on n’a rien gagné. Et que pour gagner, il faut avoir un certain comportement, des attitudes et faire des efforts. Aujourd’hui, je pense que quand je dis qu’on reconstruit, qu’on est très loin d’avoir fini la reconstruction, je savais de quoi je parlais. Une équipe de football, c’est d’abord de bonnes attitudes, de bons comportements. Partant de là, la vie du groupe aura un meilleur gage de vie. Et cela permet maintenant d’être enthousiaste pour pouvoir développer son potentiel. Après, il y a la réceptivité des joueurs, leur engagement, la complicité entre les joueurs et le staff technique, la complicité entre le staff technique et la Fédération, la complicité entre la Fédération et le ministère. Aujourd’hui, je pense que c’est une victoire collective. Toutes ces composantes ont compris qu’ils ont le même objectif. Et que très sincèrement, ça a été bénéfique pour l’équipe. Même par moments, comme dans tout parcours, il y a eu des tiraillements. C’est parce que dans le sport de haut niveau, il y a beaucoup de logiques. Parfois, le ministère tire de son côté, c’est normal. Je dis qu’on va dans un tel hôtel, ils ne veulent pas. Ça se comprend. C’est la logique économique qui veut ça. Ce n’est pas la Fédération qui est contre nous. Et nous, on est guidés par la logique sportive. Chaque fois que ça se passe, il ne faut pas que les gens s’inquiètent. C’est quelque chose qui est normal et naturel dans le sport de haut niveau. On voit ça tout le temps dans beaucoup d’équipes. Mais si on peut éviter ça, c’est encore mieux. C’est normal, mais il faut l’éviter. Parce que dans une équipe de haut niveau, les joueurs ne doivent pas entendre certaines choses.
Et les joueurs dans tout ça ?
Après, il y a aussi le talent des joueurs. Au même moment, on a des joueurs qui jouent un peu partout et qui deviennent compétitifs. En équipe nationale, l’entraîneur n’a pas le temps de faire du quotidien. Maintenant, ça dépend de ce que les joueurs font dans leurs clubs. Nous, on les regroupe en essayant d’optimiser la performance de chacun.
Et le discours du coach qu’on dit déterminant dans la vie du groupe ?
Ce qui est intéressant, j’essaie d’optimiser les conditions psychologiques de cette équipe. Parce qu’il faut beaucoup jouer sur le mental des joueurs. Il faut qu’ils soient confiants, qu’ils connaissent la valeur de l’équipe. Car, il n’y a rien de plus important que l’équipe nationale. Et puis, il faut respecter les règles qu’on fixe. Si on n’a pas de vision et qu’on ne fixe pas les règles, les choses ne vont pas marcher. La première qualité de ce groupe, c’est le respect des règles. De deux, personne n’est important. La preuve, moi j’étais dans les tribunes, l’autre jour, et l’équipe a gagné. Donc il y a l’interchangeabilité des joueurs. Et c’est une bonne question, le discours du coach est un élément central, qui est le plus important. Et qui connaît Amara, sait que moi je suis un entraîneur avec une méthode. Une méthode dans laquelle je définis un cadre avec beaucoup de libertés. Mais il faut faire attention pour ne pas sortir du cadre. J’ai dit à mes joueurs, si j’exclus un joueur de la sélection pour X raison, cela veut dire que j’ai échoué. Donc notre rôle c’est d’anticiper, de parler aux joueurs et de leur dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Comme la plupart d’entre eux sont nés en France, c’est de leur expliquer un peu les règles des Sénégalais. Et j’ai la chance d’avoir des garçons pieux. C’est impressionnant de les voir, quand ils viennent en regroupement, qu’ils se réveillent à 6 heures du matin pour prier ensemble. C’est Jacques Doudou Faty ou Souleymane Camara qui dirige les prières. Tout ça facilite le travail.
Est-ce qu’on peut dire qu’on vient d’achever la reconstruction ?
(Il coupe) Il reste beaucoup de choses. On vient de commencer (rires).
Pourquoi, il y a un objectif intermédiaire ?
Oui ! Parce que le problème, aujourd’hui, c’était d’abord de parler en termes d’équipe nationale. Parce que quand on veut gagner une compétition, il faut être présent pour apprendre, pour sentir, pour toucher et pour voir ce qui se passe. C’est pourquoi je dis qu’on vient de finir les fondations. Cela veut dire que le chantier vient de commencer.
Est-ce que le fondement est solide ?
Si on a fait une fondation pour ériger un immeuble de 20 étages. Parce que c’est solide. On a reposé sur des valeurs (il se répète). Parce que sans cela, on ne peut pas avancer. Et le futur bâtiment ne sera pas solide. Aujourd’hui, comme je l’ai dit, le chantier vient de commencer. L’objectif c’était de se qualifier pour pouvoir arriver en Afrique et que les gens reconsidèrent cette équipe nationale avec les possibilités de conquête.
Parlons maintenant de votre contrat. Est-ce que vous allez le renouveler en revoyant les prétentions à la hausse ?
On va faire quelques rappels pour que les gens soient imprégnés. On a signé un contrat, mais n’oubliez pas qu’on est restés dix mois sans salaire. Et l’on a fait notre travail, parce que c’est notre pays. On n’avait pas le choix. C’est notre pays. Si on fait la grève et que je veux aller à Saint-Louis. Mais je ne vais pas arriver à destination. Je serais lynché en cours de chemin. C’est impossible et je ne peux pas prendre l’avion pour partir. Maintenant l’entraîneur étranger a la possibilité de dire que maintenant qu’on ne me paie pas, je vais partir.
Est-ce que ce n’est pas parce que vous manquez de personnalité ?
Non, ce n’est pas parce qu’on n’a pas de personnalité que je l’ai rappelé. C’est aux autorités de crédibiliser l’expertise locale. Parce que cette expertise est là. Nous, on a souffert. Que ce soit moi ou Ferdi, on a eu beaucoup de partenaires extérieurs. Et les gens demandent : qu’est-ce que vous faites là ? Mais ils ne pouvaient pas comprendre. Moi j’ai eu tellement de sollicitations à l’étranger. Mais le soulagement, c’est lorsqu’on a gagné contre la Rdc et que Ferdi est venu vers moi, m’a embrasse et ma dit ‘coach, on l’a fait avec la souffrance et tout ce qu’on a vécu’. C’est ça notre satisfaction, notre bonheur. Mais ce sont des choses sur lesquelles il faut beaucoup faire attention à l’avenir. Je pense que dans ce pays, il y a beaucoup d’expertise. Mais ce n’est pas motivant pour la suite. Si on avait un certain comportement, ça pouvait nous créer des problèmes et qu’on ne se qualifie pas. Après on va dire qu’ils ne sont pas compétents. Et je pense que, par moments, on n’était pas dans les meilleures conditions psychologiques. Alors que c’était dur, c’était très, très dur. On n’était pas dans les meilleures conditions psychologiques pour aborder certains matches.
Maintenant, une fois que ça a été réglé, ça s’est bien passé avec quelques couacs. Et là jusqu’à présent, ça se passe bien.
A l’heure du bilan, quels seront les termes du nouveau contrat ?
Là, il y a des discussions par rapport au contrat. C’est vrai que mon contrat finit au mois de décembre. Je crois qu’il y a des discussions qui seront engagées de part et d’autre. Après la victoire, on n’a pas le choix. Je pense que les deux parties sont animées de bonne volonté de continuer ensemble. Maintenant, entre l’envie de continuer et la vérité du terrain, ça c’est autre chose. Ce sont des échanges qu’on va voir.
Y aura-t-il revalorisation du salaire ?
C’est pourquoi, je dis qu’il y aura des discussions entre les deux parties. Ça fait longtemps que mon avocat n’a pas eu de touches. Je ne vous le cache pas. Je l’ai dit qu’on a commencé un boulot.
Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que la collaboration ne continue pas ?
Pour être honnête et clair avec vous, je ne le pense pas. J’aime tellement mon pays et la priorité pour moi, c’est le Sénégal. Mais comme je l’ai dit, ça dépendra des discussions. Parce qu’un entraîneur sérieux essaie de donner le plus de moyens possibles à son équipe. J’ai toujours dit que l’adversaire du Sénégal, ce sont les moyens de travail. J’insiste beaucoup sur les moyens. Il y a les moyens et les conditions de travail. Mais si on n’a pas les moyens de travail et que les conditions sont extraordinaires, tu n’arriveras pas à des résultats. Aujourd’hui, plus que jamais, il nous faut des moyens de travail pour ce football.
Etes-vous prêts à travailler avec le même salaire ?
Pour être honnête, ce n’est pas possible. A un moment donné, on se sacrifie parce que la nation est plus importante que toi. Mais si les gens insistent, parce qu’il y a un manque d’ambition. Cela veut dire que ce n’est pas possible. Après maintenant, on va engager le pays. Ce n’est plus moi. Parce que moi j’ai toujours dit qu’il faut engager les Sénégalais sur des choses sérieuses. Et si on n’a pas les moyens de continuer, moi je pense que je fais faire autre chose.
Mais à quel moment avez-vous senti que la qualification était possible ?
Vous avez, pour être précis, c’est le premier match contre la Grèce. Quand j’ai vu la qualité du groupe et le match qu’on a fait avec un stage de deux jours, j’ai dit que c’est possible. Après, il y a eu le tirage au sort dans une poule avec le Cameroun, la Rdc et l’Ile Maurice. Je me suis dit qu’avec le premier, et je ne savais pas qui serait le premier, que ce sera 15 points-15 points. C’est par rapport à la stratégie, je bats le premier du groupe à domicile et il me gagne chez lui. On aura donc 15 points chacun. Et là, c’est sûr qu’au pire des cas, tous les deux, on sort. Quand on a joué et gagné contre la Rdc, je me suis dit qu’on va se qualifier. Parce qu’après la Rdc, on doit jouer tout de suite contre l’Ile Maurice et ça fera 6 points. Dans ce genre de tournoi, quand on a un bon départ, on se dit qu’il y a espoir. Mais le match le plus déterminant, c’était contre le Cameroun. Après le Cameroun, on était qualifié. C’était quasiment impossible de ne pas se qualifier. Même si on perdait au Cameroun, il y avait une autre marge. Maintenant, il fallait consolider.
La rupture est nette et brutale. Après on devient un incompris.
Vous savez, c’est comme ça, les héros sont toujours des gens ennuyeux au départ. Les héros ennuient tout le monde. Parce qu’il y a des habitudes, du conservatisme qui est là et beaucoup d’autres choses. Après il y a le fou du village qui vient pour essayer d’influer sur certains comportements, sur certaines analyses et d’autres choses. Au départ, il est toujours incompris. Je comprends dès fois l’attitude des gens et certains commentaires. Mais si on veut (il hésite). Depuis longtemps, on fait du football en Afrique et on n’a pas gagné. Est-ce qu’on va continuer à faire la même chose. Non ! C’est-à-dire que si on fait la même chose, le résultat est connu. Donc il faut essayer de se baser sur ce qui se faisait pour changer. Puisque je suis un témoin privilégié, qui essaie d’apporter une certaine rupture dans la gestion. Ce problème est profond, c’est culturel.
Pouvez-vous être pour explicite dans votre raisonnement ?
Vous savez, quand la France tousse, le Sénégal éternue. Quand vous regardez l’Equipe de France, on voit des commentaires sur le jeu ou ceci. C’est la même chose. C’est le même débat qui est là au Sénégal et posé par certains observateurs. La France a toujours essayé de faire du football plaisant, mais ils n’ont rien gagné avec ça. Après qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont fait de la résultante entre le football hollandais qui est technique, le football Italien qui est tactique, le football allemand qui endurant. Ils ont fait la résultante de ces trois formes de football pour sortir ce qu’on appelle l’entraînement intégré. Par rapport à ça, ils ont commencé à gagner.
Et nous, malgré tout, on n’a pas changé. Pendant longtemps, on est restés les mêmes. Moi je suis témoin. Le football que les gens veulent qu’on fasse, ça fait 20 ans que je n’ai pas vu ça ici. Contre la Gambie, on ne s’est pas qualifié. On n’a pas gagné contre le Liberia. A un moment donné, on a mis les gammes pour se qualifier. Maintenant, on gagne des matches pour sa qualifier, on dit oui on gagne, mais il faut faire autre chose. Il y a un problème.
Qu’est-ce qui caractérise le modèle d’Amara ?
Le modèle d’Amara (il se tord de rires). Vous voyez, chaque année, vous vous interrogez sur tout ce que j’ai fait depuis 2006. L’équipe était partie jusqu’en demi-finale, en 2006.
Comme à la Linguère, avec le deuxième ballon ?
Il y a beaucoup de similitudes. Mais il y a des gens qui se trompent sur mon jeu. Il n’y a que Pape Camara qui a touché après la finale contre le Casa dans un article à Walf (…) A la Linguère, dire qu’il y a un deuxième ballon, moi je réponds que c’est non. J’ai beaucoup de choses qu’on faisait à la fois. Je n’ai jamais demandé à mon équipe de balancer et d’avoir un deuxième ballon. Jamais (catégorique) ! Regardez comment la Linguère joue maintenant. Est-ce que vous avez regardé Mourinho jouer ?
Donc vous jouez comme le Real ou le Barça ?
Je fais un mélange.
Parlant maintenant du 4-4-2 ou 4-3-3, donc de ce fameux débat ?
Je vais vous faire une révélation. On est les premiers entraîneurs au Sénégal à faire jouer en équipe nationale en 3-5-2. C’était le premier match de Souleymane Diawara, lors du Trophée Mandela. Dans l’axe, il y avait Souleymane Diawara, Lamine Diatta et Pape Malickou. La deuxième fois, c’était après 2006, quand on a fini le contrat et qu’on a amené l’équipe en Corée. Avec Lamine Diatta, Malickou Diakhaté et Nguirane Ndao.
Vous savez, l’équipe nationale du Sénégal a joué en 4-4-2 avec Metsu, sauf en Coupe du monde. Le dernier match contre l’Equateur, on a joué en 4-4-2 pratiquement. Elle a joué le 4-4-2 avec Guy Stéphan sauf contre le Togo et le Liberia. Avec Kasperczak, l’équipe nationale a joué en 4-4-2. Même sous Lamine Ndiaye, l’équipe nationale a joué en 4-4-2, sauf contre la Gambie. Donc avec moi, jusqu’à maintenant, l’équipe joue en 4-4-2, sauf lors du match contre la Rdc. Ce n’est pas parce qu’on ne sait pas. J’ai l’impression que dans ce pays, les gens pensent que le 4-4-2, c’est nouveau. Alors que depuis 2000, on a joué avec le 4-4-2.
J’essaie de tirer avec le maximum de mon système d’organisation pour poser un problème à l’adversaire. J’ai l’impression que toutes les équipes qui jouent en 4-3-3 gagnent toujours (…) Le bon système, c’est l’animation que les joueurs vont mettre à l’intérieur. Souvent, dans la conception des uns et des autres, c’est deux milieux. Moi, le 4-2-4, je ne connais pas. Maintenant, dans notre fameux 4-4-2, dans le replacement défensif, par moments, on est en surnombre. Mais si on ne met pas de pression sur le porteur du ballon. Il peut y avoir de perte de balle, mais il n’y a pas de danger à la fin. La preuve, on n’a encaissé que deux buts.
N’est-ce pas jouer de chance ?
Mais je vous donne un exemple, on a joué contre le Maroc en match amical. C’était flagrant le marquage sur le porteur du ballon, à l’image du premier but. Regardez le match contre la Rdc, on a corrigé ça. Sur le premier but, c’est toute la ligne de milieu qui monte sur le porteur du ballon et Ndiaye Dème pique le ballon. Parce qu’on a travaillé ça, toute la semaine, pour mettre la pression sur le porteur du ballon. Souvent, on était en surnombre, mais on est attentistes. Et les gars, ils jouent. Le match amical sert à ça. On a vu Ndiaye Dème prendre le ballon qu’il a remis à Papiss et on a fait une attaque rapide. Ce n’est pas un système de 4-4-2. Non, non ! ça dépend de l’animation qu’on met, le comportement d’un tel compartiment par rapport aux objectifs définis dans le match à certaines choses.
En définitive, êtes-vous satisfait du parcours ?
Je suis satisfait. Mais comme je suis exigeant et je sais que nous on veut aller très loin, j’essaie de parfaire. Il y a beaucoup de choses à parfaire. Il y a des relations et des comportements à huiler. Il y a des exigences techniques mêmes qu’il faut régler. Et ça, c’est depuis contre le Cameroun. Mais les gens ont vu, contre la Rdc, on a fait un gros match et contre l’Ile Maurice aussi, on a fait un gros match. Et contre le Cameroun, entre deux bonnes équipes, le match se jouera toujours sur les détails. Aujourd’hui, on ne verra pas le Cameroun dominer tout le monde. On ne verra pas aussi le Sénégal dominer durant toute la partie.
Contre le Maroc, on a dit qu’on a été ballottés. Mais le Maroc n’est rentré dans notre surface que deux fois. Et j’ai regardé dix fois la cassette. Et la moyenne de passes, par moments, c’est cinq passes quand ils avaient le ballon. Ça se voit qu’on n’a pas les mêmes analyses. C’est pourquoi je dis que je suis satisfait du point de vue des résultats. Parce qu’un entraîneur, c'est des résultats. Si on n’avait pas travaillé, on n’allait pas avoir ces résultats. Mais, les Sénégalais regardent les matches avec beaucoup de crainte. J’ai vécu ça dans les tribunes. Mais c’est bien (…) Aujourd’hui, ce n’est pas 14 ou 15 passes comme contre la Grèce. On a une équipe qui est très jeune, où il n’y a que 3 à 4 joueurs qui ont fait la Can. Ce sont des données qu’il faut aussi prendre en compte.
Comment avez-vous vécu ce match contre la Rdc sur les gradins ?
C’était bizarre et très difficile. Pour la première fois, je m’étais séparé de mes joueurs dans un match important où je devais leur apporter beaucoup de choses sur le banc. Mais le plus difficile, c’est quand on est descendu du bus et que je suis parti de l’autre côté. Je n’ai jamais vécu cela dans ma carrière. Je ne pouvais pas descendre sur le terrain pour aider mon équipe ni entrer dans les vestiaires. J’avais perdu tous ces repères. C’était vraiment une punition.
Qu’est-ce que cela vous a fait de voir Pape Malickou Diakhaté hué par le public ?
Tout entraîneur rêve d’avoir un Malickou Diakhaté dans son équipe. C’est un garçon professionnel, sérieux, discipliné, travailleur. Il ne rechigne pas à la tâche. C’est un leader. C’est un modèle de coéquipier. Jamais en retard à l’entraînement, aux repas, aux causeries. Il est toujours le premier à être là. Tout entraîneur rêve de l’avoir dans ses rangs. Depuis que je suis là, il n’a fait que de gros matches en équipe nationale. Je n’ai pas compris ce qui s’est passé samedi et je trouve cela injuste. Il a toujours répondu à l’appel de l’équipe nationale. Il a toujours mouillé le maillot national. Il a tout donné. Mais un public, c’est un public. C’est parti de deux ou trois personnes, mais je ne pense pas qu’on l’ait sifflé à cause de ses qualités de footballeur. On va lui parler parce que c’est un garçon sur qui l’on compte. C’est un garçon qui, même en dehors du football, va aller très loin. Il a un mental très fort. Ça va l’aider, le motiver davantage. Mais, les gens doivent faire attention. Pour ce match, on devait se qualifier. Le coach, en fonction du résultat, fait un changement pour renforcer son milieu. A ce moment, les joueurs avaient plus besoin de soutien qu’autre chose. Il n’y a rien qui explique les huées sur Malickou.
Avez-vous déjà votre groupe pour la Can ?
Sincèrement, à un ou deux éléments près, on a le groupe. Tous les joueurs appelés jusqu’ici vont constituer le noyau dur, mais dans le groupe des Olympiques, il y a des garçons qui se montrent, à l’image d’Idrissa Gana Guèye et Pape Ndiaye Souaré. Ce n’est pas parce qu’un joueur n’est pas appelé jusqu’ici qu’il ne viendra pas. L’équipe nationale, c’est les meilleurs du moment.
Par rapport aux choix des hommes, vous avez toujours dit que l’indice de rayonnement du championnat serait déterminant. Niang est parti au Qatar, cela peut-il avoir des conséquences pour lui ?
Niang, c’est le capitaine de l’équipe. Je ne pense pas que d’ici là, il va perdre son football. Ce n’est pas parce qu’un joueur joue en Arabie Saoudite, Abou Dhabi, en Norvège ou en Espagne qu’il ne viendra pas en équipe nationale. La preuve, je prends des joueurs locaux. La convocation dépend de beaucoup de choses : indices de rayonnement du championnat et du joueur en club. Si Niang part au Qatar et marque des buts, on est preneur. Maintenant, il y a une concurrence très rude. Ce que je conseille à tout le monde, c’est de faire le maximum de matches d’ici à la Can, être très compétitif.
Auriez-vous conseillé ce choix à Niang ?
Oui ! Niang a 32 ans, il faut penser à la famille aussi. C’est le capitaine, un homme formidable, mais c’est un incompris. Il aime l’équipe nationale. La preuve, récemment, il devait signer dans un club, dont je ne dirais pas le nom, mais on lui a demandé de renoncer à la Coupe d’Afrique. Il a dit non ! Il faut aimer son pays pour le faire.
Khadim Ndiaye était annoncé en Afrique du Sud…
Ce choix n’est plus d’actualité. Il n’y va plus.
Depuis le match contre le Cameroun, vous mettez régulièrement Bouna Coundoul. Avez-vous trouvé votre numéro un ?
Il n’y a pas encore de numéro un. Khadim a fait trois matches, Coundoul en a fait deux. Laissons le parcours se terminer. Après Oumar Diallo, il n’y avait que Tony Sylva. Il faut éviter ces erreurs du passé en mettant une concurrence saine partout dans l’équipe. Aujourd’hui, j’aurais aimé que Cheikh Ndiaye joue à Rennes, que Pape Laye Coulibaly (de Saint-Étienne) se montre. Une grande équipe, c’est celle qui a l’embarras du choix. On ne doit pas être limité dans le poste des gardiens de but. Khadim Ndiaye a montré de bonnes choses, Coundoul pareil, Latyr Ndiaye est en train de faire de belles choses avec l’Uso. Il a été très bon en Colombie.
Parmi les joueurs que vous avez sous la main, quel est celui qui incarne le plus votre philosophie ?
Je ne veux pas faire des jaloux, mais il y en a. Je vois un joueur comme Mangane qui a beaucoup de personnalité. C’est un exemple. On ne l’entend pas, mais il a beaucoup d’influence dans le groupe. Il est très respecté et écouté. Il peut apporter en tant que joueur et dans le futur. Il incarne beaucoup de choses. C’est à la fois un leader tactique et un leader moral.
Coach, savez-vous ce que les gens attendent de vous à la Can ?
Qu’est-ce qu’ils attendent de moi ?
La Coupe !
Quand j’aurai signé mon contrat, je répondrai. Il faut être lucide et ne pas brûler les étapes. Je ne suis pas un magicien, mais un entraîneur. Dans cette équipe, il n’y a que trois ou quatre joueurs qui ont fait la Coupe d’Afrique.
Propos recueillis par Youssouph BADJI
Source Le Populaire