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Échange d’alliance entre Macky Sall et Moustapha Niasse : les progressistes se marient aux républicains

Rédigé par leral.net le Vendredi 29 Juin 2012 à 12:08 | | 0 commentaire(s)|

Une Alliance pour la Majorité Présidentielle (AMP) ou une Alliance Présidentielle (AP). C’est l’ambition discrète, mais tenace, de très hauts cadres de l’Alliance pour la République (APR) de Macky Sall et de l’Alliance des Forces du Progrès (AFP) de Moustapha Niasse. Deux formations politiques aux parcours singuliers avec l’ «alliance» en partage, la «République» pour l’un et le «Progrès» pour l’autre. «Le Pays au Quotidien» s’est discrètement invité au coeur des tractations.


Échange d’alliance entre Macky Sall et Moustapha Niasse : les progressistes se marient aux républicains
La Coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) a porté Macky Sall au pouvoir le 25 mars dernier et semble pouvoir lui donner une majorité lors des élections législatives de ce dimanche.

Formée au second tour de la présidentielle 2012 par des candidats malheureux du premier tour, cette «coalition yéyé» va signer son certificat de genre de mort, au soir du 1er juillet 2012. Pour être plus explicite : Macky Sall et son parti l’Apr ne peuvent pas freiner longtemps les pulsions électorales et les appétits politiques de Youssou Ndour, Cheikh Bamba Dièye, Idrissa Seck, Cheikh Tidiane Gadio, entre autres. En conséquence, il est évident que BBY va disparaître et ne portera plus l’espoir (Yaakaar) de ces candidats à la prochaine sénatoriale d’août, aux élections locales de mai 2014 et à la présidentielle de 2017 (2019 ?). Pourtant, sur ces cendres, les uns vont déclarer leur flamme pour les autres. C’est le cas de l’APR et de l’AFP. A l’image de ce qu’était l’Union pour la majorité présidentielle (UMP) en France. Au Sénégal, on court, tout droit, vers une Alliance pour la majorité présidentielle puisqu’une mouvance présidentielle n’est pas forcément une majorité présidentielle.

Si à l’AFP, des responsables abordent la question avec prudence, à l’APR, l’idée suit son bonhomme de chemin. Moustapha Cissé Lo, ministre-conseiller à la présidence et membre fondateur de l’APR, approuve le sujet sans ambigüité. «Je suis à l’aise pour parler de cette idée, que j’ai théorisée avant l’élection de Macky Sall à la présidence.

Je souhaite vivement une fusion entre l’AFP et l’APR. Je suis contre les micro partis. Le Président de la République a besoin d’un grand parti fort», s’est enflammé le truculent Moustapha Cissé Lô, au bout du fil.

Le candidat à la présidence de l’Assemblée nationale, pressé de danser au son de «vive les mariés», prend le micro et déclare : «Je lance un appel solennel pour que nos deux partis fusionnent le plus rapidement possible. La preuve, tous mes amis à l’AFP, parmi lesquels Malick Gakou (N°2 de l’AFP, ministre des Sports), Mata Sy Diallo (responsable des femmes de l’AFP, ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat), Madièyna Diouf (membre fondateur de l’AFP, maire de Kaoloack) et Moustapha Niasse lui-même (patron de l’AFP) ne sont pas contre l’idée. Car, il y va de notre intérêt commun». Toutefois, il précise que le fait qu’il ait déclaré sa volonté de déposer sa candidature pour le perchoir de l’Assemblée nationale n’a rien à voir avec cette idée de fusion. «Au regard de mon plan de carrière politique et de mon profil, j’ai le droit de dire que je veux devenir le président de l’Assemblée nationale. Je souhaite qu’un militant de l’APR soit élu à la présidence de l’Assemblée nationale. Or, à l’APR, je suis l’actionnaire majoritaire », fait-il dans un tonnerre de rires bruyants mais contagieux. Moustapha Cissé Lo rappelle que Macky Sall et Moustapha Niasse sont deux valeureux et dignes fils du Sénégal qui doivent travailler ensemble pour le bien-être des Sénégalais.

Et à partir du moment où des opinions dissidentes ne sont pas ouvertement notées, Cissé Lô a décidé de travailler d’arrache-pied pour convaincre tous les responsables de l’APR afin de réaliser cette fusion dans les plus brefs délais.

«Servir le Sénégal» Responsable des jeunes de l’APR, Abdou Mbow a indiqué qu’il n’est pas au courant de cette idée de fusion mais l’approuve. «Je serai très heureux si ça arrive, cette fusion entre l’APR et l’AFP. Il y a des responsables de qualité à l’AFP avec qui nous serons très heureux de travailler pour servir le Sénégal.

C’est une idée formidable», s’est exalté le futur jeune parlementaire. Même son cloche du côté de la cellule féminine de l’APR. Néné Fatoumata Tall renseigne que l’idée est certes agitée à l’APR, mais pas de façon officielle dans les instances du parti. «Tout ce qui peut grandir le parti emporte mon adhésion. Mais, pour cette fusion, tout dépendra des conditions dans lesquelles elle se réalisera.

Je suis très favorable au principe de la fusion», a ajouté Mme Tall, par ailleurs PCA de la Lonase.

Joint par téléphone, le jeune responsable de l’AFP, Mbaye Dione, surpris et inquiet, esquive la question. «Je ne suis ... euh [il observe un minute de silence comme si c’était les funérailles de l’AFP], pas informé. Je préfère ne pas me prononcer sur des rumeurs. Veuillez m’excuser, mais je ne peux pas en dire plus». Apparemment, ce n’est pas le ravi de la crèche... Le porte-parole adjoint del’AFP, Dr Malick Diop, par ailleurs maire de Point E, de souligner : «Si des voix autorisées évoquent cette question relative à la fusion entre l’AFP et l’APR, en ma qualité de porte-parole adjoint du parti, je donnerai ma position. Pour l’instant, je ne peux rien dire ». Comme quoi, «le poisson et l’oiseau peuvent bien s’aimer, mais où vont-ils faire leur nid ?»

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Deux ambitions, une cause !

L’AFP et l’APR sont deux partis aux parcours qui se croisent. Ils sont tous nés des flancs du parti au pouvoir. Victimes d’ostracisme, leurs leaders respectifs Niasse et Sall ont décidé de prendre en main leur destin politique.

Deux dissidents, deux ambitions et une identité de vue.

L’appel de Moustapha Niasse, depuis l’Afrique du Sud, le 19 juin 1999, pour annoncer la création d’un parti politique, est toujours d’actualité.

L’Alliance des Forces de Progrès (AFP) est portée sur les fonds baptismaux par les dissidents du Parti socialiste (PS) au pouvoir depuis 1960. A l’image de son ex-camarade Djibo Leyti Ka (Urd), senghoriste et ancien baron socialiste, Niasse a décidé de prendre son destin politique en main, après plusieurs mois d’hésitation. A la lumière des frustrations enregistrées lors du congrès sans débat de 1996, la séparation était inévitable entre Niasse et Diouf. La promotion d’Ousmane Tanor Dieng comme second en chef des socialistes a semé des graines de la division au sein du parti de Senghor. Quelques mois après son départ du PS, l’ancien directeur de cabinet de Léopold Sédar Senghor et Premier ministre d’Abdou Diouf, participe aux élections présidentielles de 2000 sous la bannière de l’AFP. A l’issue du premier tour, il arrive troisième, avec 16,8 %, après le candidat de la «Coalition 2000», dirigée par le doyen de l’opposition d’alors, Me Abdoulaye Wade. Toujours fidèle à ses convictions et engagements, aucun report de voix n’est envisageable en faveur de Abdou Diouf. Niasse contribua à mettre fin aux 40 ans de règne de sa formation politique d’origine. Le Sénégal réalise sa première alternance démocratique.

«Il arrive des moments, dans l’histoire d’un pays, qui ne laissent pas de choix aux femmes et aux hommes de bonne volonté. Alors, l’unique choix, authentique et urgent, est celui d’un engagement vers un nouvel horizon plus porteur d’espoir», a clamé Macky Sall à l’entame de son «discours de rupture».

Il a tenu ses propos après avoir démissionné de toutes les fonctions électives (président Assemblée nationale, maire de Fatick) sous les couleurs du Pds qu’il a quitté définitivement. La rupture est consommée entre Wade et Macky lorsque le dernier, président de l’Assemblée nationale, a décidé d’auditionner Karim Wade sur les travaux de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (Anoci). Wade le contraint à la démission, mais il refuse.

Ainsi, son poste de numéro deux du PDS est supprimé et son mandat de président de l’Assemblée nationale réduit de cinq à un an. Blessé dans son orgueil, il a décidé de s’émanciper, plutôt que de se soumettre à la volonté de Wade. Et le 9 novembre 2008, Macky Sall annonce son divorce avec le PDS.

Comme Niasse, il a pris son destin politique en main. Arrivé deuxième aux dernières élections présidentielles de février-mars 2012, Macky Sall est élu quatrième président de la République du Sénégal, grâce à la Coalition BBY.

Comme en 2000, Moustapha Niasse, troisième derrière, après Macky au premier tour, est, une seconde fois, faiseur de roi.

Le Pays au Quotidien