C’est pourquoi, c’est un véritable cri du cœur que M. Baïdy Agne a lancé à l’ouverture des assises du CNP en faveur de la préférence nationale dans les appels d’offres publics ainsi que dans les délégations de service publics. « Il faut le faire car c’est précisément là que nous parlons d’instruments et de leviers, aussi bien de compétitivité que de présence du secteur privé national sur le marché intérieur » a-t-il notamment imploré les autorités.
Rencontré mardi dernier au siège du CNP, le patron de l’organisation patronale la plus représentative explique que sans clauses de sauvegarde et une sorte de discrimination positive en faveur de l’entreprise nationale, celle-là ne pourra guère soutenir la concurrence des grandes sociétés européennes et chinoises de BTP, pour ne prendre que ce seul secteur. En effet, du fait de la terrible crise qui sévit sur le plan international, les entreprises européennes sont à la recherche de nouveaux débouchés et l’Afrique constitue, justement, pour elles un relais de croissance idéal. De plus, elles bénéficient aussi de subventions de la part de leurs gouvernements dont les membres n’hésitent pas à se transformer en VRP en leur faveur, histoire de leur permettre de gagner des marchés sur le continent. Quant à la Chine, l’Afrique constitue un nouvel Eldorado pour elle, pour ne pas parler de terre promise. Sans règles discriminatoires en faveur des entreprises sénégalaises dans les passations de marchés publics et les concessions de services publics, il est évident qu’elles ne pourront guère remporter de marchés face à d’aussi redoutables concurrents. M. Baïdy Agne et les membres de son syndicat demandent donc que, s’agissant de la commande publique, surtout, et pour tous les projets financés par le Budget consolidé d’investissement (BCI), la préférence nationale soit appliquée. « La commande publique fait plus de 1000 milliards de francs chaque année et l’on devrait pouvoir réserver certains marchés aux entreprises nationales, histoire de leur permettre de se consolider » plaide-t-il. Le président du groupe Somicoa et de l’entreprise de travaux publics Sinco donne l’exemple du mobilier du gouvernement et de l’Administration d’une manière générale. Un marché qui s’élève à 160 milliards de francs par année. « Il suffirait que l’on réserve 10 % seulement de ce marché à l’entreprise nationale, soit 16 milliards, pour permettre à ce secteur de se développer » explique M. Baïdy Agne. Renvoyant à son discours lors de la cérémonie d’ouverture des Assises de l’Entreprise, il rappelle la déclaration « patriotique » de M. Arnaud Montebourg, le ministre français du redressement productif : « J’ai demandé aux grandes enseignes de la distribution de mettre du tricolore dans leur linéaire pour que les consommateurs s’y retrouvent… » Il en profite pour prêcher et expliquer qu’à chaque fois que nous achetons des biens et services importés « nous créons des emplois à l’étranger, nous contribuons au déficit de la balance commerciale de notre pays, nous générons des bénéfices rapatriés à l’étranger. »
Cheval de Troie des entreprises françaises ?
A propos d’entreprise nationale, justement, certains, dans le milieu patronal, reprochent au président du CNP de se faire le porte-voix — ou le cheval de Troie — des entreprises françaises dont ce syndicat défendrait avant tout les intérêts. M. Baïdy Agne rejette cette accusation. « Je plaide pour l’entreprise sénégalaise d’abord. Je ne peux pas faire tout ce plaidoyer en faveur des entreprises françaises. Ce qui m’intéresse, ce sont les entreprises de droit sénégalais qu’elles soient à capitaux étrangers, nationaux ou mixtes. Cela dit, c’est vrai que le débat se pose et que certains auraient préféré que je parle de capital national. En tant que président d’une organisation patronale, je me bats surtout pour qu’il y ait davantage d’investissements directs étrangers dans notre pays car le capital national est trop faible pour booster la croissance. Or, les Ide peuvent être une chance pour toutes nos entreprises en favorisant des partenariats ou la sous-traitance, en fonctionnant comme des locomotives en quelque sorte. Le plus important se trouve là, à mon avis » se défend le patron du CNP.
Prié de lister les principale contraintes qui pèsent sur l’entreprise nationale et la brident, M. Agne cite l’approvisionnement irrégulier en énergie, notamment électrique, la rigidité du marché du travail, la lourdeur des procédures bureaucratiques, l’étroitesse du marché intérieur, la pression fiscale. Sans compter la crise au Mali qui a pour effet de fermer de précieux débouchés pour l’industrie sénégalaise. Autant de choses qui entravent l’entreprise sénégalaise dont il reconnaît, citant un rapport consacré à la question, qu’elle n’est guère compétitive. Donnant l’exemple du secteur touristique, il énumère des contraintes liées aux infrastructures, à la cherté du prix des billets d’avion, mais aussi à la crise internationale. Mais aussi, et surtout, la dette intérieure qui pèse comme une chape de plomb sur la plupart de ces entreprises. « En fait, à chaque secteur ses propres contraintes » résume-t-il.
En conséquence de ce diagnostic, les remèdes que M. Baïdy Agne préconise pour fouetter la compétitivité de l’entreprise nationale tournent autour de la nécessité de régler au plus vite la dette intérieure, de résoudre définitivement les problèmes de l’électricité, d’introduire plus de flexibilité dans la législation du travail. Last but not least, et il insiste là-dessus, il s’agit de favoriser l’accès du secteur privé national à la commande publique.
S’agissant de pression fiscale, le président du CNP déplore le relèvement du taux de l’impôt sur les sociétés de 25 % à 30 % dans le cadre de la réforme du Code des Impôts. « Nous avons dit que cette augmentation ne se justifie pas. Nous sommes d’autant plus fondés à le dire que des études ont montré que durant le passage de 30 à 25 % — intervenu sous le magistère du président Abdoulaye Wade, Ndlr — l’Etat a gagné plus d’argent qu’avant. Surtout, cette augmentation intervient au moment où beaucoup de pays de l’Uemoa, s’inspirant de notre exemple, baissent leur impôt sur les sociétés ! » Cela dit, M. Baïdy Agne ne jette pas pour autant le bébé avec l’eau du bain puisqu’il reconnaît que l’essentiel des réformes contenues dans le nouveau Code — qui va entrer en vigueur le mois prochain — vont dans le bon sens. Et d’ailleurs, rappelle-t-il, « nous sommes fortement impliqués depuis 2010 dans les travaux visant à réformer l’ancien Code. Et dans le nouveau, il y a des mesures que nous avons fortement saluées ». Pour terminer, l’organisateur des « Assises de l’entreprise » se félicite de la décision prise par le président de la République, au cours du Conseil présidentiel de l’Investissement de vendredi dernier, de maintenir tous les avantages accordés aux entreprises franches d’exportation (Efe). Et ce alors que leur suppression était presque acquise. Même satisfaction concernant le précompte de la Tva. Sur ces deux questions importantes, d’ailleurs, les experts du CNP étaient en train de travailler mardi avec ceux de la Direction Générale des Impôts et des Domaines, histoire de mettre en musique les décisions du président de la République…
Pour autant, M. Agne ne boude pas son plaisir de voir l’entreprise faire enfin l’objet de toutes les attentions de la part des politiques qui nous dirigent. Une fois n’est pas coutume !
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1108 –Hebdomadaire Sénégalais ( DECEMBRE 2012)
Rencontré mardi dernier au siège du CNP, le patron de l’organisation patronale la plus représentative explique que sans clauses de sauvegarde et une sorte de discrimination positive en faveur de l’entreprise nationale, celle-là ne pourra guère soutenir la concurrence des grandes sociétés européennes et chinoises de BTP, pour ne prendre que ce seul secteur. En effet, du fait de la terrible crise qui sévit sur le plan international, les entreprises européennes sont à la recherche de nouveaux débouchés et l’Afrique constitue, justement, pour elles un relais de croissance idéal. De plus, elles bénéficient aussi de subventions de la part de leurs gouvernements dont les membres n’hésitent pas à se transformer en VRP en leur faveur, histoire de leur permettre de gagner des marchés sur le continent. Quant à la Chine, l’Afrique constitue un nouvel Eldorado pour elle, pour ne pas parler de terre promise. Sans règles discriminatoires en faveur des entreprises sénégalaises dans les passations de marchés publics et les concessions de services publics, il est évident qu’elles ne pourront guère remporter de marchés face à d’aussi redoutables concurrents. M. Baïdy Agne et les membres de son syndicat demandent donc que, s’agissant de la commande publique, surtout, et pour tous les projets financés par le Budget consolidé d’investissement (BCI), la préférence nationale soit appliquée. « La commande publique fait plus de 1000 milliards de francs chaque année et l’on devrait pouvoir réserver certains marchés aux entreprises nationales, histoire de leur permettre de se consolider » plaide-t-il. Le président du groupe Somicoa et de l’entreprise de travaux publics Sinco donne l’exemple du mobilier du gouvernement et de l’Administration d’une manière générale. Un marché qui s’élève à 160 milliards de francs par année. « Il suffirait que l’on réserve 10 % seulement de ce marché à l’entreprise nationale, soit 16 milliards, pour permettre à ce secteur de se développer » explique M. Baïdy Agne. Renvoyant à son discours lors de la cérémonie d’ouverture des Assises de l’Entreprise, il rappelle la déclaration « patriotique » de M. Arnaud Montebourg, le ministre français du redressement productif : « J’ai demandé aux grandes enseignes de la distribution de mettre du tricolore dans leur linéaire pour que les consommateurs s’y retrouvent… » Il en profite pour prêcher et expliquer qu’à chaque fois que nous achetons des biens et services importés « nous créons des emplois à l’étranger, nous contribuons au déficit de la balance commerciale de notre pays, nous générons des bénéfices rapatriés à l’étranger. »
Cheval de Troie des entreprises françaises ?
A propos d’entreprise nationale, justement, certains, dans le milieu patronal, reprochent au président du CNP de se faire le porte-voix — ou le cheval de Troie — des entreprises françaises dont ce syndicat défendrait avant tout les intérêts. M. Baïdy Agne rejette cette accusation. « Je plaide pour l’entreprise sénégalaise d’abord. Je ne peux pas faire tout ce plaidoyer en faveur des entreprises françaises. Ce qui m’intéresse, ce sont les entreprises de droit sénégalais qu’elles soient à capitaux étrangers, nationaux ou mixtes. Cela dit, c’est vrai que le débat se pose et que certains auraient préféré que je parle de capital national. En tant que président d’une organisation patronale, je me bats surtout pour qu’il y ait davantage d’investissements directs étrangers dans notre pays car le capital national est trop faible pour booster la croissance. Or, les Ide peuvent être une chance pour toutes nos entreprises en favorisant des partenariats ou la sous-traitance, en fonctionnant comme des locomotives en quelque sorte. Le plus important se trouve là, à mon avis » se défend le patron du CNP.
Prié de lister les principale contraintes qui pèsent sur l’entreprise nationale et la brident, M. Agne cite l’approvisionnement irrégulier en énergie, notamment électrique, la rigidité du marché du travail, la lourdeur des procédures bureaucratiques, l’étroitesse du marché intérieur, la pression fiscale. Sans compter la crise au Mali qui a pour effet de fermer de précieux débouchés pour l’industrie sénégalaise. Autant de choses qui entravent l’entreprise sénégalaise dont il reconnaît, citant un rapport consacré à la question, qu’elle n’est guère compétitive. Donnant l’exemple du secteur touristique, il énumère des contraintes liées aux infrastructures, à la cherté du prix des billets d’avion, mais aussi à la crise internationale. Mais aussi, et surtout, la dette intérieure qui pèse comme une chape de plomb sur la plupart de ces entreprises. « En fait, à chaque secteur ses propres contraintes » résume-t-il.
En conséquence de ce diagnostic, les remèdes que M. Baïdy Agne préconise pour fouetter la compétitivité de l’entreprise nationale tournent autour de la nécessité de régler au plus vite la dette intérieure, de résoudre définitivement les problèmes de l’électricité, d’introduire plus de flexibilité dans la législation du travail. Last but not least, et il insiste là-dessus, il s’agit de favoriser l’accès du secteur privé national à la commande publique.
S’agissant de pression fiscale, le président du CNP déplore le relèvement du taux de l’impôt sur les sociétés de 25 % à 30 % dans le cadre de la réforme du Code des Impôts. « Nous avons dit que cette augmentation ne se justifie pas. Nous sommes d’autant plus fondés à le dire que des études ont montré que durant le passage de 30 à 25 % — intervenu sous le magistère du président Abdoulaye Wade, Ndlr — l’Etat a gagné plus d’argent qu’avant. Surtout, cette augmentation intervient au moment où beaucoup de pays de l’Uemoa, s’inspirant de notre exemple, baissent leur impôt sur les sociétés ! » Cela dit, M. Baïdy Agne ne jette pas pour autant le bébé avec l’eau du bain puisqu’il reconnaît que l’essentiel des réformes contenues dans le nouveau Code — qui va entrer en vigueur le mois prochain — vont dans le bon sens. Et d’ailleurs, rappelle-t-il, « nous sommes fortement impliqués depuis 2010 dans les travaux visant à réformer l’ancien Code. Et dans le nouveau, il y a des mesures que nous avons fortement saluées ». Pour terminer, l’organisateur des « Assises de l’entreprise » se félicite de la décision prise par le président de la République, au cours du Conseil présidentiel de l’Investissement de vendredi dernier, de maintenir tous les avantages accordés aux entreprises franches d’exportation (Efe). Et ce alors que leur suppression était presque acquise. Même satisfaction concernant le précompte de la Tva. Sur ces deux questions importantes, d’ailleurs, les experts du CNP étaient en train de travailler mardi avec ceux de la Direction Générale des Impôts et des Domaines, histoire de mettre en musique les décisions du président de la République…
Pour autant, M. Agne ne boude pas son plaisir de voir l’entreprise faire enfin l’objet de toutes les attentions de la part des politiques qui nous dirigent. Une fois n’est pas coutume !
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1108 –Hebdomadaire Sénégalais ( DECEMBRE 2012)