Xinhua : Quel est l'impact de la crise économique sur le volume des sommes transférées par les migrants chaque année vers le Sénégal?
Tall : Cette crise financière, si elle persiste dans les pays où les migrants sont établis en majorité (Europe, Etats-Unis), va se traduire par une paupérisation des ménages parce qu'il y aura certainement du chômage technique, c'est-à-dire du chômage qui va entraîner le retour de certains migrants. Cette crise aura un impact réel: nous allons voir des ménages qui vont se précariser davantage. Cela dit, les émigrés ont eu quelques amortisseurs: certains avaient déjà investi, et leurs envois sont essentiellement l'argent du loyer des familles qu'ils entretiennent au Sénégal. Les transferts d'argent des travailleurs migrants ont permis de réduire la pauvreté. D'après les statistiques de la Direction de prévision et des études économiques, les transferts d'argent ont permis de réduire la pauvreté de près de 30%, au sein des ménages sénégalais.
Xinhua : Y a-t-il d'autres domaines qui seront touchés par la crise?
Tall : La crise se traduira par un impact certain sur le chiffre d'affaires des banques. Toutes les banques se réfugient derrière le secret bancaire pour ne pas donner le montant exact des transferts d'argent. Mais les économistes savent qu'ils représentent une part importante de leur chiffre d'affaires, d'autant plus que la pénétration bancaire est élevée au Sénégal. Prenez la plus petite ville dans la vallée du fleuve (nord) : on y trouvera tout de même une agence bancaire avec un guichet Western Union. Et c'est précisément ce guichet qui fait vivre et justifie la présence de la banque.
Par ailleurs, il y aura probablement un impact sur le secteur de la micro-finance. A cela s'ajoute un risque pour les secteurs spécialisés, notamment le commerce de seconde main, c'est-à-dire tous les frigos, les voitures et meubles que les commerçants collectent d'Europe et revendent à Dakar, etc. Avec la crise cette activité ne pourra prospérer davantage. De manière générale cela va se traduire par un ralentissement de l'activité des changes entre les migrants car bien souvent ils alimentent le commerce entre plusieurs pays.
Xinhua : Ce ralentissement que vous décrivez sera-t-il durable?
Tall : Nous observons que l'impact de la crise est différé car la crise "date" de près d'un an et que les impacts ne sont pas encore très perceptibles, parce que souvent les migrants ont montré une bonne capacité d'adaptation. Malgré tout nous commençons déjà à ressentir les effets de la crise, notamment par un espacement de la fréquence des envois.
Xinhua : Quel est le poids des transferts des travailleurs migrants sur l'économie sénégalaise?
Tall : Selon les statistiques des Sénégalais de l'extérieur, on estime à 2 à 3 millions le nombre de migrants sénégalais dans le monde. Et d'après les études de l'agence nationale de la statistique et de la démographie, on estime à près de 500 milliards de francs cfa le montant des fonds rapatriés par les migrants en 2007. C'est presque un milliard de dollars. Cela représente trois fois plus que le montant consacré aux importations de riz. Il s'agit de ressources qui ont le propre d'aller directement vers les destinataires: l'argent envoyé par le travailleur migrant arrive directement dans sa famille, dans le panier de la ménagère et est utilisé pour améliorer les conditions de vie.
De manière générale, la contribution des migrants dépasse les 500 milliards de F cfa, qui ne représente que la filière officielle(des transferts). Tous les spécialistes reconnaissent que la filière officielle ne constitue que la moitié de tous les envois. Donc leur ampleur représente 1 000 milliards de F cfa.
Et si on y ajoute les investissements que les migrants ont mis en place ici au Sénégal et qui doivent servir de budget pour leurs familles, on s'aperçoit que la contribution des migrants pour la survie des ménages est énorme.
Xinhua : Outre le secteur bancaire, y a-t-il d'autres branches de l'économie qui ont bénéficié de ces fonds?
Tall : Les domaines foncier et de l'habitat sont les secteurs dans lesquels les émigrés ont eu l'empreinte la plus visible. La création du foncier est liée en grande partie à l'action des émigrés. Au début ce secteur n'était pas aussi dynamique. Il y avait beaucoup d'occupations spontanées. Mais dès lors que les émigrés ont commencé à investir dans l'immobilier, ce secteur a connu un véritable engouement. Ils (les émigrés) jouent un rôle prépondérant dans l'investissement foncier, le logement, les équipements de proximité, la construction immobilière, surtout dans la promotion immobilière privée : les émigrés ont mis à la disposition des populations des appartements à titre locatif jusque dans la lointaine banlieue et cela a beaucoup contribué à moderniser la ville en général, jusque dans les zones oubliées par les pouvoirs publics.
Par Bineta Diagne
Xinhua
Tall : Cette crise financière, si elle persiste dans les pays où les migrants sont établis en majorité (Europe, Etats-Unis), va se traduire par une paupérisation des ménages parce qu'il y aura certainement du chômage technique, c'est-à-dire du chômage qui va entraîner le retour de certains migrants. Cette crise aura un impact réel: nous allons voir des ménages qui vont se précariser davantage. Cela dit, les émigrés ont eu quelques amortisseurs: certains avaient déjà investi, et leurs envois sont essentiellement l'argent du loyer des familles qu'ils entretiennent au Sénégal. Les transferts d'argent des travailleurs migrants ont permis de réduire la pauvreté. D'après les statistiques de la Direction de prévision et des études économiques, les transferts d'argent ont permis de réduire la pauvreté de près de 30%, au sein des ménages sénégalais.
Xinhua : Y a-t-il d'autres domaines qui seront touchés par la crise?
Tall : La crise se traduira par un impact certain sur le chiffre d'affaires des banques. Toutes les banques se réfugient derrière le secret bancaire pour ne pas donner le montant exact des transferts d'argent. Mais les économistes savent qu'ils représentent une part importante de leur chiffre d'affaires, d'autant plus que la pénétration bancaire est élevée au Sénégal. Prenez la plus petite ville dans la vallée du fleuve (nord) : on y trouvera tout de même une agence bancaire avec un guichet Western Union. Et c'est précisément ce guichet qui fait vivre et justifie la présence de la banque.
Par ailleurs, il y aura probablement un impact sur le secteur de la micro-finance. A cela s'ajoute un risque pour les secteurs spécialisés, notamment le commerce de seconde main, c'est-à-dire tous les frigos, les voitures et meubles que les commerçants collectent d'Europe et revendent à Dakar, etc. Avec la crise cette activité ne pourra prospérer davantage. De manière générale cela va se traduire par un ralentissement de l'activité des changes entre les migrants car bien souvent ils alimentent le commerce entre plusieurs pays.
Xinhua : Ce ralentissement que vous décrivez sera-t-il durable?
Tall : Nous observons que l'impact de la crise est différé car la crise "date" de près d'un an et que les impacts ne sont pas encore très perceptibles, parce que souvent les migrants ont montré une bonne capacité d'adaptation. Malgré tout nous commençons déjà à ressentir les effets de la crise, notamment par un espacement de la fréquence des envois.
Xinhua : Quel est le poids des transferts des travailleurs migrants sur l'économie sénégalaise?
Tall : Selon les statistiques des Sénégalais de l'extérieur, on estime à 2 à 3 millions le nombre de migrants sénégalais dans le monde. Et d'après les études de l'agence nationale de la statistique et de la démographie, on estime à près de 500 milliards de francs cfa le montant des fonds rapatriés par les migrants en 2007. C'est presque un milliard de dollars. Cela représente trois fois plus que le montant consacré aux importations de riz. Il s'agit de ressources qui ont le propre d'aller directement vers les destinataires: l'argent envoyé par le travailleur migrant arrive directement dans sa famille, dans le panier de la ménagère et est utilisé pour améliorer les conditions de vie.
De manière générale, la contribution des migrants dépasse les 500 milliards de F cfa, qui ne représente que la filière officielle(des transferts). Tous les spécialistes reconnaissent que la filière officielle ne constitue que la moitié de tous les envois. Donc leur ampleur représente 1 000 milliards de F cfa.
Et si on y ajoute les investissements que les migrants ont mis en place ici au Sénégal et qui doivent servir de budget pour leurs familles, on s'aperçoit que la contribution des migrants pour la survie des ménages est énorme.
Xinhua : Outre le secteur bancaire, y a-t-il d'autres branches de l'économie qui ont bénéficié de ces fonds?
Tall : Les domaines foncier et de l'habitat sont les secteurs dans lesquels les émigrés ont eu l'empreinte la plus visible. La création du foncier est liée en grande partie à l'action des émigrés. Au début ce secteur n'était pas aussi dynamique. Il y avait beaucoup d'occupations spontanées. Mais dès lors que les émigrés ont commencé à investir dans l'immobilier, ce secteur a connu un véritable engouement. Ils (les émigrés) jouent un rôle prépondérant dans l'investissement foncier, le logement, les équipements de proximité, la construction immobilière, surtout dans la promotion immobilière privée : les émigrés ont mis à la disposition des populations des appartements à titre locatif jusque dans la lointaine banlieue et cela a beaucoup contribué à moderniser la ville en général, jusque dans les zones oubliées par les pouvoirs publics.
Par Bineta Diagne
Xinhua