Le groupe Etat islamique (EI) a diffusé dimanche une vidéo montrant la décapitation d'hommes qu'il présente comme 21 Egyptiens de confession chrétienne copte récemment kidnappés enLibye, poussant le président égyptien à faire planer la menace de représailles "adéquates."
Avec ces exécutions revendiquées par sa branche libyenne, l'organisation jihadiste démontre qu'elle a exporté ses méthodes d'extrême brutalité en dehors des régions qu'elle contrôle en Syrie et en Irak et où elle a multiplié les atrocités.
Le Caire a annoncé un deuil national de sept jours et le président Abdel Fattah al-Sissi a convoqué d'urgence le Conseil national de la Défense, réunissant outre le chef de l'Etat, son Premier ministre, les ministres de la Défense et de l'Intérieur et les plus hauts gradés de l'armée.
M. Sissi a averti que son pays se réservait "le droit de répliquer de la manière et au moment adéquat, pour punir ces assassins."
L'Egypte avait été accusée en 2014 d'avoir mené des frappes aériennes en Libye mais les autorités ont nié. Des responsables américains avaient affirmé que les Emirats Arabes Unis avaient conduit ces frappes, en utilisant des bases militaires égyptiennes.
- Condamnations internationales -
Sur la vidéo diffusée sur internet, des hommes portant des combinaisons oranges, semblables à celles d'autres otages exécutés ces derniers mois en Syrie, sont alignés sur une plage les mains menottées dans le dos, avant que leurs bourreaux ne les décapitent au couteau.
En janvier, la branche libyenne de l'EI avait affirmé avoir kidnappé 21 coptes égyptiens et Le Caire avait confirmé que 20 de ses ressortissants avaient été enlevés en Libye voisine.
L'Eglise copte orthodoxe s'est dite "confiante" que les autorités égyptiennes ne laisseraient pas s'échapper les auteurs de "ce crime abominable." Al-Azhar, l'une des plus prestigieuses institutions théologiques de l'islam sunnite basée au Caire, a qualifié ces exécutions de "barbares."
Et tandis que Washington a condamné "le meurtre abject et lâche de 21 citoyens égyptiens", estimant que "la barbarie de l'EI n'a pas de limites", le président français François Hollande, dont le gouvernement doit signer lundi la vente de Rafale avec l'Egypte, a "exprimé sa préoccupation face à l'extension des opérations" du groupe jihadiste en Libye.
Le Parlement libyen reconnu par la communauté internationale a condamné "un acte terroriste", affirmant que ces "opérations terroristes n'affecteront pas les relations" entre les deux voisins.
De son côté, la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul) a appelé "tous les Libyens" à dénoncer "ce crime terroriste".
- 'Le corps de Ben Laden' -
Une incrustation au début de la vidéo situe la scène dans la province de Tripoli ("Wilayat Tarabulus" pour l'EI) et un autre message écrit explique que les victimes sont "des gens de la Croix fidèles à l'Eglise égyptienne ennemie".
Un homme habillé en treillis militaire s'exprime en anglais avec un couteau à la main alors que les autres bourreaux, un derrière chaque prisonnier, sont intégralement vêtus de noir et silencieux. Tous sont masqués.
"Aujourd'hui, nous sommes au sud de Rome, sur la terre musulmane de la Libye (...) cette mer dans laquelle vous avez caché le corps du cheikh Oussama ben Laden, nous jurons devant Allah que nous allons la mêler à votre sang", assène-t-il.
Le groupe jihadiste dit agir en représailles à d'anciens incidents sectaires en Egypte, durant lesquels l'Eglise avait été accusée d'avoir empêché la conversion à l'islam des épouses de deux prêtres coptes.
La dernière vidéo d'exécution diffusée par l'EI remontait au 3 février, lorsque le groupe avait montré un pilote jordanien brûlé vif dans une cage. Il avait été capturé en Syrie en décembre après le crash de son avion alors qu'il effectuait une mission dans le cadre de la coalition internationale antijihadistes menée par Washington.
Accusée de nettoyage ethnique et crimes contre l'Humanité, l'EI a reçu l'allégeance de plusieurs groupes jihadistes, notamment en Libye et en Algérie, exportant ses méthodes brutales et ses pratiques médiatiques.
Le premier groupe jihadiste d'Egypte, Ansar Beït al-Maqdess, s'est rallié à l'EI et revendique régulièrement des attentats spectaculaires contre les forces de l'ordre, publiant des vidéos-chocs tournées durant ces attaques ou filmant des décapitations.
Depuis l'été dernier, le groupe a décapité cinq otages occidentaux enlevés en Syrie, trois Américains et deux Britanniques. Il a également exécuté deux otages japonais en janvier.
La Libye est plongée dans le chaos depuis la chute en 2011 de Mouammar Kadhafi, les autorités ne parvenant pas à contrôler les dizaines de milices formées d'ex-insurgés qui font la loi face à une armée et une police régulières affaiblies.