Elle était présentée comme la première élection présidentielle libre de l'histoire de l'Égypte et devait conduire à la remise des clés du pays aux civils et au retour des militaires dans leurs casernes. Cependant le second tour du scrutin, qui se déroule aujourd'hui et demain, a un goût amer après les arrêts de la Haute Cour constitutionnelle. «Retournez d'où vous venez», titrait vendredi matin le journal indépendant el-Shorouq.
L'avenir reste flou
Jeudi, la plus haute instance juridique du pays a annoncé l'invalidation d'un tiers de la Chambre basse du Parlement, composé de députés indépendants au motif que leur élection serait illégale. Cette décision devrait entraîner la dissolution du Parlement dans son ensemble, qui sera alors annoncée soit par le Conseil suprême des forces armées, qui dirige le pays depuis la chute de Moubarak, soit par le futur président.
Dans un autre arrêt, la Haute Cour a validé la candidature d'Ahmed Chafiq, qualifié pour le second tour. Ancien général, dernier premier ministre de Moubarak, acculé à la démission sous la pression de Tahrir, l'homme est présenté communément comme le candidat de l'armée.
Alors que le processus de transition démocratique devait toucher à sa fin dans moins de deux semaines, ces décisions de justice rebattent les cartes et entraînent l'Égypte en terre inconnue. La dissolution du Parlement devrait logiquement entraîner la dissolution de l'Assemblée constituante, nommée par les députés. Le conseil militaire devrait endosser le pouvoir législatif et certainement piloter la rédaction de la future Constitution. Mais dans les faits, personne ne peut aujourd'hui prévoir avec certitude ce qui va se passer. «C'est un retour à la case départ. Si le Parlement est dissous, il va falloir organiser de nouvelles élections. Selon quelle loi électorale, avec quels partis, quand?», s'interroge Clément Steuer, chercheur en sciences politiques au Caire. «Le président élu est censé prêter serment devant le Parlement. Devant qui va-t-il le faire?»
Coup d'État institutionnel
Prononcés à quarante-huit heures du second tour de la présidentielle, ces arrêts auront des conséquences politiques immédiates. Chacun spécule. Beaucoup avancent la crainte des militaires de voir Mohammed Morsi, le candidat des Frères musulmans, première force au Parlement, gagner la présidentielle, et s'emparer ainsi de tous les pouvoirs politiques. «En leur ôtant le législatif, l'armée empêche les Frères musulmans d'avoir la main sur l'écriture de la Constitution», précise Clément Steuer. Autre scénario possible: le verrouillage de l'échiquier politique en vue d'une victoire d'Ahmed Chafiq.
Sans clairement dénoncer un coup d'État institutionnel, les Frères musulmans ont déclaré que la transition politique entamée depuis la chute de Moubarak était anéantie et avait pris le chemin inverse. Ahmed Chafiq s'est au contraire satisfait de l'arrêt de la Haute Cour. La bataille entre la confrérie et les militaires se joue désormais dans les urnes.
Par Marion Guénard
L'avenir reste flou
Jeudi, la plus haute instance juridique du pays a annoncé l'invalidation d'un tiers de la Chambre basse du Parlement, composé de députés indépendants au motif que leur élection serait illégale. Cette décision devrait entraîner la dissolution du Parlement dans son ensemble, qui sera alors annoncée soit par le Conseil suprême des forces armées, qui dirige le pays depuis la chute de Moubarak, soit par le futur président.
Dans un autre arrêt, la Haute Cour a validé la candidature d'Ahmed Chafiq, qualifié pour le second tour. Ancien général, dernier premier ministre de Moubarak, acculé à la démission sous la pression de Tahrir, l'homme est présenté communément comme le candidat de l'armée.
Alors que le processus de transition démocratique devait toucher à sa fin dans moins de deux semaines, ces décisions de justice rebattent les cartes et entraînent l'Égypte en terre inconnue. La dissolution du Parlement devrait logiquement entraîner la dissolution de l'Assemblée constituante, nommée par les députés. Le conseil militaire devrait endosser le pouvoir législatif et certainement piloter la rédaction de la future Constitution. Mais dans les faits, personne ne peut aujourd'hui prévoir avec certitude ce qui va se passer. «C'est un retour à la case départ. Si le Parlement est dissous, il va falloir organiser de nouvelles élections. Selon quelle loi électorale, avec quels partis, quand?», s'interroge Clément Steuer, chercheur en sciences politiques au Caire. «Le président élu est censé prêter serment devant le Parlement. Devant qui va-t-il le faire?»
Coup d'État institutionnel
Prononcés à quarante-huit heures du second tour de la présidentielle, ces arrêts auront des conséquences politiques immédiates. Chacun spécule. Beaucoup avancent la crainte des militaires de voir Mohammed Morsi, le candidat des Frères musulmans, première force au Parlement, gagner la présidentielle, et s'emparer ainsi de tous les pouvoirs politiques. «En leur ôtant le législatif, l'armée empêche les Frères musulmans d'avoir la main sur l'écriture de la Constitution», précise Clément Steuer. Autre scénario possible: le verrouillage de l'échiquier politique en vue d'une victoire d'Ahmed Chafiq.
Sans clairement dénoncer un coup d'État institutionnel, les Frères musulmans ont déclaré que la transition politique entamée depuis la chute de Moubarak était anéantie et avait pris le chemin inverse. Ahmed Chafiq s'est au contraire satisfait de l'arrêt de la Haute Cour. La bataille entre la confrérie et les militaires se joue désormais dans les urnes.
Par Marion Guénard