Un tribunal égyptien a reporté jeudi son verdict dans le nouveau procès de trois journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera, une affaire qui a provoqué un tollé international.
Le verdict est attendu le 2 août, a indiqué l'agence officielle MENA, après que des proches et des avocats ont évoqué dans un premier temps la date du 8 août.
L'Australien Peter Greste, le Canadien Mohamed Fahmy et l'Egyptien Baher Mohamed, arrêtés en décembre 2013 et détenus pendant des mois, sont accusés d'avoir "diffusé de fausses informations" pour soutenir le mouvement interdit des Frères musulmans dont est issu l'ancien président Mohamed Morsi destitué par l'armée en 2013.
Les journalistes, employés par l'antenne anglophone d'Al-Jazeera, étaient également accusés de travailler sans les autorisations nécessaires. Pendant leur premier procès en juin 2014, MM. Fahmy et Greste avaient écopé de sept ans de prison et M. Mohamed de dix ans, mais la Cour de cassation avait annulé les condamnations et ordonné un nouveau procès.
Jeudi, l'audience n'a pas eu lieu. Sortant du tribunal, l'avocat de la défense a expliqué qu'il avait été notifié de son report.
"Nous sommes outrés par le report du procès alors qu'aujourd'hui était censé être la dernière audience pour nos collègues", a déclaré le directeur général d'Al-Jazeera, Mostefa Souag, dans un communiqué publié à Doha, siège de la chaîne. M. Souag a aussi souhaité la "fin rapide de l'épreuve" des trois journalistes.
Le verdict était très attendu, l'ONG Reporters sans frontières (RSF) affirmant la veille que "le monde entier a les yeux rivés sur l'Egypte avec ce procès décisif en matière de liberté de la presse".
A l'ouverture de leur nouveau procès le 12 février, MM. Fahmy et Mohamed avaient été remis en liberté conditionnelle après plus de 400 jours de détention. M. Greste est lui jugé par contumace après avoir été expulsé vers l'Australie le 1er février en vertu d'un décret présidentiel.
- 'Un cauchemar' -
M. Mohamed a jugé "très étrange" le report. "C'est troublant que l'audience ait été reportée sans en informer nos avocats", a-t-il dit à l'AFP à l'extérieur du tribunal.
Le frère de M. Fahmy, Adel, a dénoncé "une insulte, pour nos familles et nos avocats car personne ne nous a informés officiellement" du report. "Nous avons passé une semaine très difficile, à attendre le verdict. Nous vivons un cauchemar depuis 19 mois".
S'ils sont de nouveau condamnés, les journalistes pourront interjeter appel devant la Cour de cassation, qui pourra confirmer le jugement ou l'annuler. En cas d'annulation, elle devra elle-même examiner l'affaire.
"Si ce procès est équitable, nous devons être innocentés", a estimé M. Fahmy, qui détient la nationalité canadienne et a renoncé à sa citoyenneté égyptienne dans l'espoir d'être lui aussi expulsé. Sans succès.
Il a précisé qu'un comité technique chargé d'analyser les vidéos produites par les journalistes avait exclu toute "falsification".
- 18 reporters en prison -
M. Fahmy a assigné en justice Al-Jazeera pour lui réclamer 100 millions de dollars de dommages, l'accusant d'avoir fait preuve de "négligence" en "sponsorisant les Frères musulmans", classés groupe "terroriste" par les autorités égyptiennes, au mépris de la sécurité de ses journalistes.
L'affaire, qui a été dénoncée par les Etats-Unis, l'Union européenne et les défenseurs des droits de l'Homme et de la liberté de la presse, avait débuté en pleine crise entre l'Egypte et le Qatar, à couteaux tirés depuis l'éviction de M. Morsi par l'ex-chef de l'armée et actuel président Abdel Fattah al-Sissi.
Le Caire reprochait à Doha de soutenir les Frères musulmans, notamment via Al-Jazeera, dont les antennes arabophones ont dénoncé la destitution de M. Morsi et la répression contre ses partisans qui a fait plus de 1.400 morts.
Le tribunal devait également jeudi prononcer son verdict à l'encontre de cinq co-accusés égyptiens, condamnés en première instance de sept à dix ans de prison pour appartenance aux Frères musulmans et avoir cherché à "nuire à l'image de l'Egypte".
Selon le Committee to Protect Journalists, au moins 18 journalistes, essentiellement accusés d'appartenir aux Frères musulmans, sont en prison, un nombre "record" depuis 1990.
Le gouvernement égyptien a récemment dû faire marche arrière après un projet de loi antiterroriste controversé: le texte prévoyait de la prison pour les journalistes publiant de "fausses informations sur des attaques terroristes qui contredisent les communiqués officiels". Les journalistes seront désormais condamnés à une amende très lourde.
Afp