L'écrivain Alaa El Aswany, l'une des figures clés de la révolution égyptienne de 2011, commente la victoire de l'islamiste Mohammed Morsi à la première élection présidentielle libre post-Moubarak.
LE FIGARO.- Que représente pour vous la victoire de l'islamiste Mohammed Morsi, issu des Frères musulmans?
Alaa EL ASWANI.-Je considère ce résultat comme une victoire pour la révolution. Le vote des islamistes représente au maximum 5 millions de personnes, tandis que Mohammed Morsi a été élu avec 13 millions de voix. Cela signifie que 8 millions d'électeurs ont voté pour les Frères musulmans, non parce qu'ils adhèrent aux thèses de la confrérie, mais parce qu'ils souhaitent donner une nouvelle impulsion à la révolution. L'option Ahmed Chafiq était exclue, car il portait l'héritage de la dictature de Moubarak. Voter pour les Frères était donc le prix à payer.
Le nouveau président aurait pris langue avec Mohamed ElBaradei, Prix Nobel de la paix, pour lui proposer le poste de premier ministre. Qu'en pensez-vous?
Mohamed ElBaradei est un homme honnête, qui incarne la révolution. Ce qui est important aujourd'hui, c'est que les Frères, qui ont été portés au pouvoir par une majorité de personnes non-islamistes, mettent en place un gouvernement qui reflète cette diversité. M. Morsi ne doit pas s'entourer uniquement de partisans des Frères musulmans ; il ne doit pas reproduire les erreurs commises ces derniers mois. L'élaboration de la nouvelle Constitution a déjà pris beaucoup de retard par la faute de la confrérie.
Que voulez-vous dire?
Dès le début de la révolution, fin janvier 2011, les hiérarques de l'organisation ont engagé des tractations avec les militaires. À l'époque, l'armée ne souhaitait pas supprimer dans l'urgence la Constitution de 1971, car cela revenait à changer de régime. En incitant le peuple à voter oui pour le maintien de ce texte, amendé de quelques nouveaux articles, lors du référendum de mars 2011, les islamistes ont accepté de lui apporter son soutien. En échange, les généraux ont permis aux Frères d'obtenir la majorité au Parlement. Depuis sa fondation en 1928 par Hassan el-Banna, la confrérie n'a jamais cessé de nouer des accords secrets avec les dirigeants du pays. Par son vote, le peuple donne aux Frères une chance d'évoluer.
La marge de manœuvre de Mohammed Morsi ne sera-t-elle pas limitée?
C'est sûr. M. Morsi se trouve dans une situation très délicate, plus qu'aucun autre président égyptien avant lui. Il est contraint de composer avec l'institution policière et le Conseil suprême des forces armées, qui sont contre lui. Il doit faire table rase de l'ère Moubarak, notamment en arrêtant les généraux qui ont commis des crimes atroces. Il ne pourra jamais s'acquitter de cette tâche sans le soutien du peuple, qu'il ne pourra obtenir que s'il agit en président, en évitant de rester prisonnier du carcan idéologique des Frères musulmans.
Quelle est, selon vous, la sensibilité politique de la Confrérie?
Les Frères musulmans ne sont pas des révolutionnaires «naturels», mais plutôt des réformateurs. Les Frères sont clairement de droite. Si vous regardez attentivement leur programme économique, vous constaterez qu'il ne se démarque guère de celui de Moubarak. Certes, ils aident les pauvres, mais ils le font par devoir moral plus qu'autre chose. La politique globale de la confrérie pourrait évoluer vers le modèle prôné par des partis islamistes modérés, à l'instar de la Turquie, ou des partis politiques chrétiens, comme en Allemagne. Ce serait une véritable avancée pour l'Égypte et, plus largement, pour tout le monde arabe.
Par Fatiha Temmouri
LE FIGARO.- Que représente pour vous la victoire de l'islamiste Mohammed Morsi, issu des Frères musulmans?
Alaa EL ASWANI.-Je considère ce résultat comme une victoire pour la révolution. Le vote des islamistes représente au maximum 5 millions de personnes, tandis que Mohammed Morsi a été élu avec 13 millions de voix. Cela signifie que 8 millions d'électeurs ont voté pour les Frères musulmans, non parce qu'ils adhèrent aux thèses de la confrérie, mais parce qu'ils souhaitent donner une nouvelle impulsion à la révolution. L'option Ahmed Chafiq était exclue, car il portait l'héritage de la dictature de Moubarak. Voter pour les Frères était donc le prix à payer.
Le nouveau président aurait pris langue avec Mohamed ElBaradei, Prix Nobel de la paix, pour lui proposer le poste de premier ministre. Qu'en pensez-vous?
Mohamed ElBaradei est un homme honnête, qui incarne la révolution. Ce qui est important aujourd'hui, c'est que les Frères, qui ont été portés au pouvoir par une majorité de personnes non-islamistes, mettent en place un gouvernement qui reflète cette diversité. M. Morsi ne doit pas s'entourer uniquement de partisans des Frères musulmans ; il ne doit pas reproduire les erreurs commises ces derniers mois. L'élaboration de la nouvelle Constitution a déjà pris beaucoup de retard par la faute de la confrérie.
Que voulez-vous dire?
Dès le début de la révolution, fin janvier 2011, les hiérarques de l'organisation ont engagé des tractations avec les militaires. À l'époque, l'armée ne souhaitait pas supprimer dans l'urgence la Constitution de 1971, car cela revenait à changer de régime. En incitant le peuple à voter oui pour le maintien de ce texte, amendé de quelques nouveaux articles, lors du référendum de mars 2011, les islamistes ont accepté de lui apporter son soutien. En échange, les généraux ont permis aux Frères d'obtenir la majorité au Parlement. Depuis sa fondation en 1928 par Hassan el-Banna, la confrérie n'a jamais cessé de nouer des accords secrets avec les dirigeants du pays. Par son vote, le peuple donne aux Frères une chance d'évoluer.
La marge de manœuvre de Mohammed Morsi ne sera-t-elle pas limitée?
C'est sûr. M. Morsi se trouve dans une situation très délicate, plus qu'aucun autre président égyptien avant lui. Il est contraint de composer avec l'institution policière et le Conseil suprême des forces armées, qui sont contre lui. Il doit faire table rase de l'ère Moubarak, notamment en arrêtant les généraux qui ont commis des crimes atroces. Il ne pourra jamais s'acquitter de cette tâche sans le soutien du peuple, qu'il ne pourra obtenir que s'il agit en président, en évitant de rester prisonnier du carcan idéologique des Frères musulmans.
Quelle est, selon vous, la sensibilité politique de la Confrérie?
Les Frères musulmans ne sont pas des révolutionnaires «naturels», mais plutôt des réformateurs. Les Frères sont clairement de droite. Si vous regardez attentivement leur programme économique, vous constaterez qu'il ne se démarque guère de celui de Moubarak. Certes, ils aident les pauvres, mais ils le font par devoir moral plus qu'autre chose. La politique globale de la confrérie pourrait évoluer vers le modèle prôné par des partis islamistes modérés, à l'instar de la Turquie, ou des partis politiques chrétiens, comme en Allemagne. Ce serait une véritable avancée pour l'Égypte et, plus largement, pour tout le monde arabe.
Par Fatiha Temmouri