Un certain nombre d’entre elles ont été inspirées par le besoin de moderniser davantage la gouvernance en l’ajustant définitivement aux principes de l’Etat de droit, d’une part et d’autre part, d’abreuver la réforme à la source des valeurs sociétales et d’éthique.
C’est dans cette perspective que je comprends cette proposition d’inéligibilité pour une période déterminée par la loi, de tous ceux et toutes celles qui seraient reconnus coupables d’enrichissement illicite.
Autrement dit, les personnalités ayant exercé des fonctions publiques et qui en ont abusé pour détourner les deniers ou s’enrichir par des subterfuges et des moyens illégaux, seront tenues à l’écart de la gouvernance, le temps du repentir et de la réforme personnelle. Dans un langage plus prosaïque, il s’agit de retirer la confiance à tous ceux et à toutes celles qui ont confondu délibérément, dans des proportions graves, entre le mandat du peuple et l’intérêt personnel, entre servir le peuple et se servir au détriment du peuple.
Cette proposition, à mes yeux, est salutaire et doit être soutenue par tous les citoyens, tous les militants des droits humains et acteurs de la démocratie et de la bonne gouvernance. Elle reflète une demande antérieure à l’élection du Président Macky Sall et elle lui survivra, vu le caractère essentiel et universel de ses finalités. Par ailleurs, elle prend ses racines dans la mémoire politique de notre nation. Car, dans la charte de gouvernement établie par les Almamis du Fouta au 18e siècle, il était bien inscrit que l’autorité au sein du gouvernement, auteur d’enrichissement illicite, devait être chassée du pouvoir, exilée et en cas d’entêtement, elle était passible de la peine capitale. Même si la sentence peut sembler être sévère, replacée dans son contexte, mutatis mutandis, on peut l’assimiler à la haute trahison.
Ceci dit, il est légitime que des acteurs politiques puissent émettre des doutes et des réserves sur cette proposition. Ils peuvent craindre qu’elle ne soit faite que pour écarter des rivaux du jeu politique et des compétitions électorales. Ce qui serait inéquitable voire même cynique. Et c’est justement là où se situe l’enjeu pour les démocrates et partisans de l’Etat de droit, de la transparence et de la bonne gouvernance. Il s’agit, à mon avis, d’appuyer la proposition, de se mobiliser pour son effectivité, tout en restant vigilants afin qu’elle ne soit pas un instrument pour écarter de futurs adversaires.
Pour nous, la solution n’est pas d’empêcher une hypothétique ruse politique en rejetant simplement la proposition du gouvernement; ce serait faire preuve de ‘’la duplicité du lézard qui, en fermant les yeux, croit que tout le monde est dans l’incapacité d’y voir claire’’, comme dit Serigne Cheikh. L’équation est, à mes yeux, dans le fait de rendre opérationnelle une demande des Assises et d’une bonne frange de la population, et de l’intégrer dans l’esprit qui nous avait fait nous mobiliser: la justice et l’équité, sans parti-pris. Le Coran nous enseigne cette attitude équitable envers tout le monde, dans la sourate La Table au verset 8 :‘’Ô vous les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour des gens ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et craignez Allah car Allah est certes parfaitement connaisseur de que vous faites ‘’
C’est dans la sens de l’établissement d’un Etat juste, un Etat de droit, dans la volonté de construire un Etat vertueux, en un mot, et de l’inscrire dans la durabilité, que les populations se sont mobilisées. Je crois que leur rêve mérite d’être transformé en réalité, en réalité durable, comme disait Serigne Touba : ‘’ L’Etat injuste dure une heure et l’Etat vertueux dure jusqu’à l’Heure [le dernier jour]- dawlatu al-bâtil sâ’ah wa dawlatu al-Haq ilâ al-Sâ’ah’’
Posant autrement les termes du problème, la question est de savoir si l’hypothèse, non encore vérifiée, de vouloir écarter des adversaires est suffisante pour réfuter une mesure qui milite pour l’installation d’une culture et d’une tradition de bonne gouvernance dans nos pays. Si nous autres citoyens sénégalais aspirons à une gouvernance éthique et à un Etat de droit, il nous faut aussi faire le sacrifice de soutenir la promotion d’une élite qui s’inscrit dans cette dynamique. Or, il ne suffit pas de le vouloir et de le proclamer pour l’obtenir. Nous tous nous savons, qu’il faut manifester cette volonté et cette foi en l’Etat de droit, en la gouvernance vertueuse, par une reconversion catégorielle et collective, en nous mêmes et dans nos institutions. Cela a certainement un coût et cela va coïncider fatalement avec un contexte. Mais telle est la voie, comme indiquée dans le Coran : ‘’En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que [les individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes ; inallah lâ yughayyiru mâ bi-Qawin hattâ yughayyirû mâ bi-Anfusihim.’’ [Sourate le Tonnerre, verset 11]
En parlant de changement de l’état social, notre pays a besoin d’une véritable reconversion, d’un changement de paradigme dans la gouvernance et dans le rapport aux gouvernants. L’érection de l’avoir et de l’apparat en valeurs suprêmes n’a-t-elle pas incité à l’éloignement par rapport au devoir et à l’être ? N’a-t-elle pas favorisé la quête effrénée des richesses y compris l’accaparement des biens de l’Etat, c’est à dire de la nation, et l’entretien d’une clientèle sous prétexte d’une redistribution, et de circulation de l’argent ? Est-ce à cela que nous aspirons ? Est-ce cela notre seul rêve de grandeur pour notre pays ?
Le cri de détresse d’El H. Malik est encore perceptible, vu les agissements de nos élites et de nous-mêmes, les populations :
‘‘On est contemporain d’une époque
La vertu y est peu considérée
Leurs préoccupations ne sont
Que superposition d'immeubles
Une époque, les désirs n’y ont pas de limites
Leur religion est seulement l’accumulation de richesse
Ce qui était vice est devenu vertu, tous s’y sont accorés
[…]’’
Quelle actualité ! Mais aussi quelle interpellation pour qu’on change !
Construire un Etat qui dure le temps d’une rose ou construire un Etat qui dure l’éternité de la vertu, tels sont les choix qui s’offrent devant nous autres sénégalais. Inverser l’échelle des valeurs et ajuster notre choix sur l’être et non le paraître, sur le devoir et non l’avoir, surtout lorsqu’il est indu, c’est ce qui est bien mis en exergue et non en filigrane dans les principes de gouvernement des Almamis du Fouta comme dans les enseignements de nos illustres ancêtres qui nous ont guidés en religion. C’est aussi ce que les populations ont clairement exprimé en répondant à l’appel des Assises nationales bien même avant l’élection du Président de la république, M. Macky Sall. C’est aussi ce que l’on attend du projet de gouvernance vertueuse qu’il a exposé aux populations qui l’ont validé par le vote.
Cette proposition d’inéligibilité, qui vise à réconcilier l’éthique à la gouvernance, les valeurs de notre société à l’aspiration de modernité, peut contribuer à rendre nos gouvernants dignes de confiance, d’affection et de soutien. Elle contribue par ailleurs à restaurer la crédibilité de nos autorités temporelles et spirituelles en inventant des types de rapports susceptibles de rompre avec l’instrumentalisation consistant à associer certains de leurs secteurs à une ‘’redistribution’’ aux parfums de corruption. Elle configure les lignes d’une citoyenneté responsable et digne, inventive et participative. Une citoyenneté qui croit à l'effort et au travail, au jëf jël, ñaqq jariñu et non à la circulation d'une quelconque rente de fidélité partisane ou d'allégeance.
Il est alors juste que l’on rêve de grandeur pour notre pays. Il est alors juste qu'on rêve d’un changement de l’état de notre société en modifiant nos comportements, en les ajustant aux valeurs dont nous nous réclamons aussi bien au niveau culturel, religieux que démocratique, en inventant et renforçant les mécanismes qui y aident. Sur ce chemin, les menaces et les interprétations erronées ne manqueront pas mais, la persévérance dans la vérité et la justice est la voie du succès, dans la grandeur. Le Coran nous le rappelle : ‘‘Certes ceux auxquels l’on disait : « les gens se sont rassemblés contre vous ; craignez-les » - cela accrut leur foi – et ils dirent : « Allah nous suffit ; Il est notre meilleur garant.
Ils revinrent donc avec bienfait de la part d’Allah et une grâce. Nul mal ne les toucha et ils suivirent ce qui satisfait Allah. Et Allah est Détenteur d’une grâce immense.
C’est le Diable qui vous fait peur de ses adhérents. N’ayez-donc pas peur d’eux. Mais ayez-peur de Moi, si vous êtes croyants’’
Sourate La famille d’Imrân, versets 173-174-175.
ABDOUL AZIZE KEBE
Enseignant-chercheur
FLSH-UCAD
DAKAR
C’est dans cette perspective que je comprends cette proposition d’inéligibilité pour une période déterminée par la loi, de tous ceux et toutes celles qui seraient reconnus coupables d’enrichissement illicite.
Autrement dit, les personnalités ayant exercé des fonctions publiques et qui en ont abusé pour détourner les deniers ou s’enrichir par des subterfuges et des moyens illégaux, seront tenues à l’écart de la gouvernance, le temps du repentir et de la réforme personnelle. Dans un langage plus prosaïque, il s’agit de retirer la confiance à tous ceux et à toutes celles qui ont confondu délibérément, dans des proportions graves, entre le mandat du peuple et l’intérêt personnel, entre servir le peuple et se servir au détriment du peuple.
Cette proposition, à mes yeux, est salutaire et doit être soutenue par tous les citoyens, tous les militants des droits humains et acteurs de la démocratie et de la bonne gouvernance. Elle reflète une demande antérieure à l’élection du Président Macky Sall et elle lui survivra, vu le caractère essentiel et universel de ses finalités. Par ailleurs, elle prend ses racines dans la mémoire politique de notre nation. Car, dans la charte de gouvernement établie par les Almamis du Fouta au 18e siècle, il était bien inscrit que l’autorité au sein du gouvernement, auteur d’enrichissement illicite, devait être chassée du pouvoir, exilée et en cas d’entêtement, elle était passible de la peine capitale. Même si la sentence peut sembler être sévère, replacée dans son contexte, mutatis mutandis, on peut l’assimiler à la haute trahison.
Ceci dit, il est légitime que des acteurs politiques puissent émettre des doutes et des réserves sur cette proposition. Ils peuvent craindre qu’elle ne soit faite que pour écarter des rivaux du jeu politique et des compétitions électorales. Ce qui serait inéquitable voire même cynique. Et c’est justement là où se situe l’enjeu pour les démocrates et partisans de l’Etat de droit, de la transparence et de la bonne gouvernance. Il s’agit, à mon avis, d’appuyer la proposition, de se mobiliser pour son effectivité, tout en restant vigilants afin qu’elle ne soit pas un instrument pour écarter de futurs adversaires.
Pour nous, la solution n’est pas d’empêcher une hypothétique ruse politique en rejetant simplement la proposition du gouvernement; ce serait faire preuve de ‘’la duplicité du lézard qui, en fermant les yeux, croit que tout le monde est dans l’incapacité d’y voir claire’’, comme dit Serigne Cheikh. L’équation est, à mes yeux, dans le fait de rendre opérationnelle une demande des Assises et d’une bonne frange de la population, et de l’intégrer dans l’esprit qui nous avait fait nous mobiliser: la justice et l’équité, sans parti-pris. Le Coran nous enseigne cette attitude équitable envers tout le monde, dans la sourate La Table au verset 8 :‘’Ô vous les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour des gens ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et craignez Allah car Allah est certes parfaitement connaisseur de que vous faites ‘’
C’est dans la sens de l’établissement d’un Etat juste, un Etat de droit, dans la volonté de construire un Etat vertueux, en un mot, et de l’inscrire dans la durabilité, que les populations se sont mobilisées. Je crois que leur rêve mérite d’être transformé en réalité, en réalité durable, comme disait Serigne Touba : ‘’ L’Etat injuste dure une heure et l’Etat vertueux dure jusqu’à l’Heure [le dernier jour]- dawlatu al-bâtil sâ’ah wa dawlatu al-Haq ilâ al-Sâ’ah’’
Posant autrement les termes du problème, la question est de savoir si l’hypothèse, non encore vérifiée, de vouloir écarter des adversaires est suffisante pour réfuter une mesure qui milite pour l’installation d’une culture et d’une tradition de bonne gouvernance dans nos pays. Si nous autres citoyens sénégalais aspirons à une gouvernance éthique et à un Etat de droit, il nous faut aussi faire le sacrifice de soutenir la promotion d’une élite qui s’inscrit dans cette dynamique. Or, il ne suffit pas de le vouloir et de le proclamer pour l’obtenir. Nous tous nous savons, qu’il faut manifester cette volonté et cette foi en l’Etat de droit, en la gouvernance vertueuse, par une reconversion catégorielle et collective, en nous mêmes et dans nos institutions. Cela a certainement un coût et cela va coïncider fatalement avec un contexte. Mais telle est la voie, comme indiquée dans le Coran : ‘’En vérité, Allah ne modifie point l’état d’un peuple, tant que [les individus qui le composent] ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes ; inallah lâ yughayyiru mâ bi-Qawin hattâ yughayyirû mâ bi-Anfusihim.’’ [Sourate le Tonnerre, verset 11]
En parlant de changement de l’état social, notre pays a besoin d’une véritable reconversion, d’un changement de paradigme dans la gouvernance et dans le rapport aux gouvernants. L’érection de l’avoir et de l’apparat en valeurs suprêmes n’a-t-elle pas incité à l’éloignement par rapport au devoir et à l’être ? N’a-t-elle pas favorisé la quête effrénée des richesses y compris l’accaparement des biens de l’Etat, c’est à dire de la nation, et l’entretien d’une clientèle sous prétexte d’une redistribution, et de circulation de l’argent ? Est-ce à cela que nous aspirons ? Est-ce cela notre seul rêve de grandeur pour notre pays ?
Le cri de détresse d’El H. Malik est encore perceptible, vu les agissements de nos élites et de nous-mêmes, les populations :
‘‘On est contemporain d’une époque
La vertu y est peu considérée
Leurs préoccupations ne sont
Que superposition d'immeubles
Une époque, les désirs n’y ont pas de limites
Leur religion est seulement l’accumulation de richesse
Ce qui était vice est devenu vertu, tous s’y sont accorés
[…]’’
Quelle actualité ! Mais aussi quelle interpellation pour qu’on change !
Construire un Etat qui dure le temps d’une rose ou construire un Etat qui dure l’éternité de la vertu, tels sont les choix qui s’offrent devant nous autres sénégalais. Inverser l’échelle des valeurs et ajuster notre choix sur l’être et non le paraître, sur le devoir et non l’avoir, surtout lorsqu’il est indu, c’est ce qui est bien mis en exergue et non en filigrane dans les principes de gouvernement des Almamis du Fouta comme dans les enseignements de nos illustres ancêtres qui nous ont guidés en religion. C’est aussi ce que les populations ont clairement exprimé en répondant à l’appel des Assises nationales bien même avant l’élection du Président de la république, M. Macky Sall. C’est aussi ce que l’on attend du projet de gouvernance vertueuse qu’il a exposé aux populations qui l’ont validé par le vote.
Cette proposition d’inéligibilité, qui vise à réconcilier l’éthique à la gouvernance, les valeurs de notre société à l’aspiration de modernité, peut contribuer à rendre nos gouvernants dignes de confiance, d’affection et de soutien. Elle contribue par ailleurs à restaurer la crédibilité de nos autorités temporelles et spirituelles en inventant des types de rapports susceptibles de rompre avec l’instrumentalisation consistant à associer certains de leurs secteurs à une ‘’redistribution’’ aux parfums de corruption. Elle configure les lignes d’une citoyenneté responsable et digne, inventive et participative. Une citoyenneté qui croit à l'effort et au travail, au jëf jël, ñaqq jariñu et non à la circulation d'une quelconque rente de fidélité partisane ou d'allégeance.
Il est alors juste que l’on rêve de grandeur pour notre pays. Il est alors juste qu'on rêve d’un changement de l’état de notre société en modifiant nos comportements, en les ajustant aux valeurs dont nous nous réclamons aussi bien au niveau culturel, religieux que démocratique, en inventant et renforçant les mécanismes qui y aident. Sur ce chemin, les menaces et les interprétations erronées ne manqueront pas mais, la persévérance dans la vérité et la justice est la voie du succès, dans la grandeur. Le Coran nous le rappelle : ‘‘Certes ceux auxquels l’on disait : « les gens se sont rassemblés contre vous ; craignez-les » - cela accrut leur foi – et ils dirent : « Allah nous suffit ; Il est notre meilleur garant.
Ils revinrent donc avec bienfait de la part d’Allah et une grâce. Nul mal ne les toucha et ils suivirent ce qui satisfait Allah. Et Allah est Détenteur d’une grâce immense.
C’est le Diable qui vous fait peur de ses adhérents. N’ayez-donc pas peur d’eux. Mais ayez-peur de Moi, si vous êtes croyants’’
Sourate La famille d’Imrân, versets 173-174-175.
ABDOUL AZIZE KEBE
Enseignant-chercheur
FLSH-UCAD
DAKAR