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En Égypte, la surprenante percée de Hamdine Sabahi

Rédigé par leral.net le Mercredi 30 Mai 2012 à 09:20 | | 0 commentaire(s)|

Inconnu il y a encore quelques mois, le candidat nassérien est arrivé en troisième position du scrutin présidentiel.


En Égypte, la surprenante percée de Hamdine Sabahi
Le Caire

Le sursaut a été immédiat et la réaction épidermique. Lundi soir, plusieurs milliers de révolutionnaires se sont rassemblés place Tahrir et dans les grandes villes du pays, après l'annonce officielle des résultats du premier tour de la présidentielle. Leur colère ciblait les deux finalistes: le candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, arrivé en tête avec 24,3 % des suffrages, et son adversaire Ahmed Chafiq, éphémère premier ministre nommé pendant la révolution, qui a obtenu 23,3 % des voix. Refusant de choisir entre un candidat islamiste incarnant la rigidité et l'avidité de pouvoir de la confrérie et un «feloul», fidèle du régime autoritaire de Moubarak, beaucoup de jeunes exigent le retour dans la course à la présidentielle de Hamdine Sabahi, arrivé troisième en remportant plus de 20 % des suffrages.

Encore inconnu du grand public il y a quelques mois, le candidat nassérien a fait une percée inattendue. Opposant de longue date au régime de Moubarak, fondateur aux côtés de Mohamed ElBaradei de l'Association nationale pour le changement en 2010, Hamdine Sabahi est très apprécié des révolutionnaires pour avoir participé dès le premier jour au soulèvement de janvier 2011. L'homme a ensuite su gagner les faveurs de l'opinion avec un discours inspiré de son modèle, Gamal Abdel Nasser, socialiste et nationaliste, qui séduit encore beaucoup en Égypte.

«Il met les mains dans le cambouis»
Sa personnalité plaît encore davantage que son programme. Avec son slogan «Wahed menena» (Un de chez nous), il apparaît proche des Égyptiens et de leurs préoccupations. «Il n'a aucune expérience politique, ce n'est pas un candidat sérieux. Mais les gens le voient comme un ami, avec qui ils iraient discuter autour d'un café», estime Tewfik Aclimandos, chercheur au Collège de France. Un trait qui force l'admiration. «Au début de la révolution, il était avec nous, sur la ligne de front. Il ne se positionne pas en leader qui donne des ordres depuis l'arrière. Il met les mains dans le cambouis», souligne Nizar, jeune révolutionnaire.

Toutefois, l'ascension fulgurante d'Hamdine Sabahi n'est pas à mettre sur le seul compte de ses qualités morales. Entre des Frères musulmans en perte de vitesse après quatre mois d'exercice parlementaire et des candidats au message peu audible, l'homme a su tirer son épingle du jeu. «Aboul Fotouh, islamiste modéré, s'est perdu en essayant de rassembler libéraux et salafistes. Plus on avançait dans la campagne, moins on comprenait ce qu'il disait. Sabahi, lui, a adopté un message très clair: patriotisme, justice sociale… C'est ça qui a plu», explique Moaaz el-Zoughby, chercheur en sciences politiques au Caire.

Plainte pour fraude
Pour les plus septiques, la clé du score réalisé par Hamdine Sabahi est à chercher ailleurs. Adel Iskandar, éditorialiste pour le quotidien en ligne Egypt Independent, a du mal à ne pas y voir la main du Conseil militaire, embarrassé par une éventuelle victoire d'Ahmed Chafiq, qui pourrait conduire à un nouvel embrasement. «S'il est révolutionnaire, saura-t-il aller à l'encontre de l'armée? S'il est un véritable nassérien, va-t-il faire en sorte de protéger l'armée [le régime militaire égyptien tel qu'il existe encore aujourd'hui a été mis en place par Nasser en 1952] ? C'est certainement le meilleur scénario pour les militaires. Ils font ainsi d'une pierre deux coups, faisant taire les révolutionnaires, les islamistes et les anciens du régime tout en mettant fin à la dissidence», avance le journaliste.

Après avoir porté plainte pour fraudes dans le processus électoral, Hamdine Sabahi a finalement reconnu sa défaite lundi soir, alors que ses militants l'appelaient depuis la placeTahrir. Il ne figurera pas donc au second tour, prévu les 16 et 17 juin. À moins d'un coup de théâtre. Le 11 juin, la Cour constitutionnelle doit statuer sur la validité de la candidature d'Ahmed Chafiq, qui est menacée par la loi interdisant aux anciens du système Moubarak de briguer des fonctions politiques. Hamdine Sabahi pourrait bien, à ce moment, refaire parler de lui.


Par Marion Guénard