Le Caire
Faut-il y voir la fin d'un «printemps arabe» porté par un désir de liberté, de justice et de paix? Plus d'un an et demi après la révolution qui mena à la chute de Moubarak, des voix inquiètes s'élèvent pour dénoncer l'ascension fulgurante des extrémistes islamistes en Égypte.
Interdits sous Moubarak, les salafistes, qui occupent près d'un quart des sièges au nouveau parlement, ont désormais pignon sur rue. Leurs messages (diffusés dans les mosquées ou sur l'Internet) prônent un retour aux «valeurs pures de l'islam».
Accusés de pratiques hérétiques, plusieurs sanctuaires soufis ont été récemment attaqués dans le Sinaï. Il y a quinze jours, un centre culturel du Caire s'est, lui, retrouvé dans le collimateur des salafistes qui l'accusaient de faire la promotion de la culture «satanique» après la tenue d'un concert de musique où de jeunes gens arboraient des tee-shirts noirs et des croix. Cette fois-ci, c'est un film israélo-américain (L'innocence des musulmans, dont les extraits inondent YouTube) décrivant l'islam comme un «cancer» qui est à l'origine de cette nouvelle explosion de colère.
Pourtant, il convient de ne pas conclure trop hâtivement à un «hiver arabe». D'abord parce que le phénomène n'est pas nouveau. Les attaques de mardi soir ne sont, en effet, pas sans rappeler la vague de colère que suscitèrent, en 2005, les caricatures du prophète. De plus, bien que condamnable, la manifestation qui s'est tenue ce mardi au Caire doit être replacée dans son contexte: quelque 2000 participants à tout casser - dans un pays de plus de 80 millions d'habitants -, parmi lesquels des barbus, mais aussi de jeunes ultras de football, abonnés traditionnels aux manifestations en tout genre (comme le rappelle ce mercredi le journal Al Masry al Youm). Une mobilisation donc relative comparée aux déluges d'appels à la dénonciation du film lancés préalablement sur l'Internet par plusieurs cheikhs salafistes - un film, faut-il également rappeler, dont la grande majorité des Égyptiens n'a jamais entendu parler.
L'attention médiatique portée à l'attaque contre l'ambassade américaine ne doit pas non plus occulter d'autres formes de mobilisation, plus pacifiques, comme cette petite manifestation contre le film qui s'est tenue, au même moment, sur la place Tahrir, à l'initiative de plusieurs associations chrétiennes, proches des révolutionnaires. L'une des pancartes arborée y représentait une Croix et un Croissant, dans un objectif délibéré d'éviter un regain de tension intercommunautaire. Pour se distinguer des producteurs d'origine copte de ce long métrage, la communauté copte d'Égypte a également appelé à un nouveau rassemblement pacifique, ce mercredi soir, devant l'ambassade des États-Unis du Caire.
Par Delphine Minoui
Faut-il y voir la fin d'un «printemps arabe» porté par un désir de liberté, de justice et de paix? Plus d'un an et demi après la révolution qui mena à la chute de Moubarak, des voix inquiètes s'élèvent pour dénoncer l'ascension fulgurante des extrémistes islamistes en Égypte.
Interdits sous Moubarak, les salafistes, qui occupent près d'un quart des sièges au nouveau parlement, ont désormais pignon sur rue. Leurs messages (diffusés dans les mosquées ou sur l'Internet) prônent un retour aux «valeurs pures de l'islam».
Accusés de pratiques hérétiques, plusieurs sanctuaires soufis ont été récemment attaqués dans le Sinaï. Il y a quinze jours, un centre culturel du Caire s'est, lui, retrouvé dans le collimateur des salafistes qui l'accusaient de faire la promotion de la culture «satanique» après la tenue d'un concert de musique où de jeunes gens arboraient des tee-shirts noirs et des croix. Cette fois-ci, c'est un film israélo-américain (L'innocence des musulmans, dont les extraits inondent YouTube) décrivant l'islam comme un «cancer» qui est à l'origine de cette nouvelle explosion de colère.
Pourtant, il convient de ne pas conclure trop hâtivement à un «hiver arabe». D'abord parce que le phénomène n'est pas nouveau. Les attaques de mardi soir ne sont, en effet, pas sans rappeler la vague de colère que suscitèrent, en 2005, les caricatures du prophète. De plus, bien que condamnable, la manifestation qui s'est tenue ce mardi au Caire doit être replacée dans son contexte: quelque 2000 participants à tout casser - dans un pays de plus de 80 millions d'habitants -, parmi lesquels des barbus, mais aussi de jeunes ultras de football, abonnés traditionnels aux manifestations en tout genre (comme le rappelle ce mercredi le journal Al Masry al Youm). Une mobilisation donc relative comparée aux déluges d'appels à la dénonciation du film lancés préalablement sur l'Internet par plusieurs cheikhs salafistes - un film, faut-il également rappeler, dont la grande majorité des Égyptiens n'a jamais entendu parler.
L'attention médiatique portée à l'attaque contre l'ambassade américaine ne doit pas non plus occulter d'autres formes de mobilisation, plus pacifiques, comme cette petite manifestation contre le film qui s'est tenue, au même moment, sur la place Tahrir, à l'initiative de plusieurs associations chrétiennes, proches des révolutionnaires. L'une des pancartes arborée y représentait une Croix et un Croissant, dans un objectif délibéré d'éviter un regain de tension intercommunautaire. Pour se distinguer des producteurs d'origine copte de ce long métrage, la communauté copte d'Égypte a également appelé à un nouveau rassemblement pacifique, ce mercredi soir, devant l'ambassade des États-Unis du Caire.
Par Delphine Minoui