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En Syrie, la guerre passe aussi par les images

Rédigé par leral.net le Mardi 19 Juin 2012 à 10:27 | | 0 commentaire(s)|

Des blogueurs syriens postent chaque jour sur les réseaux sociaux des vidéos et images de la répression menée par le régime de Bachar el-Assad, contournant la censure et prenant des risques pour leur vie. Ils sont aidés par des relais à l'étranger.


En Syrie, la guerre passe aussi par les images
Des bombes qui tombent sur des immeubles en flammes sous un soleil de plomb. Sur le site de partage de vidéos en direct Bambuser, il est possible de regarder la guerre à Homs, en direct, depuis son écran d'ordinateur. Chaque jour sur YouTube, de nouvelles vidéos insoutenables de corps humains décharnés, de fosses communes et de familles éplorées sont postées. Derrière des pseudos comme Assad Crimes ou Souria2011 se cachent des militants, qui, au péril de leur vie, capturent et publient des images de la répression menée par le régime de Bachar el-Assad. «Car on ne gagne pas de guerre sans d'abord gagner la guerre des médias», explique Shakeeb al-Jabri, blogueur syrien exilé à Beyrouth, au Liban.

À mesure que la répression s'intensifie en Syrie, le contenu de ces vidéos se professionnalisent, les blogueurs comprenant les règles du jeu pour avoir plus de chances d'être repris par les chaînes de télévision internationales. Certaines vidéos sont dorénavant sous-titrées en anglais, et ceux qui les réalisent prennent le soin de filmer un journal du jour, afin d'en authentifier la date. Selon l'agence de presse pro-gouvernement Sana, ces blogueurs pratiquent eux-mêmes les exactions qu'ils filment afin de manipuler l'opinion.

«Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes»
La trentaine, Shakeeb al-Jabri s'occupe depuis un an de relayer sur Internet les informations qu'il recueille auprès de sa famille, de ses amis et de son réseau d'informateurs restés en Syrie. Interrogé sur la violence des images diffusées par les militants, où de nombreux gros plans sont réalisés sur des plaies ouvertes, sur des visages ravagés par la souffrance de la perte d'un proche, Shakeeb al-Jabri rétorque: «Nous sommes là pour montrer la réalité des choses, pas pour faire de l'humanitaire.»

«Comme le gouvernement a banni de Syrie les journalistes étrangers, nous n'avons pas d'autre choix que de compter sur nous-même», poursuit le militant. «Internet est censuré en Syrie, nous nous appuyons sur l'Internet par satellite, qui nous permet de contourner la censure d'el-Assad, de nous connecter et de publier des vidéos.» La chaîne de télévision al-Jazeera serait, selon l'agence de presse russe pro-Assad Ria Novosti, leur principal fournisseur. «La chaîne de télévision al-Jazeera approvisionne les terroristes en Syrie en moyens de liaison par satellite (téléphone et Internet), importés illégalement du Liban, de la Jordanie et de la Turquie», écrit l'agence. Ria Novosti présente ces blogueurs comme des terroristes car elle adopte la position du gouvernement syrien.

Au moins deux figures éminentes de la publication de vidéos y ont déjà laissé leur vie. Rami al-Sayed, connu sous le pseudo de Syria Pionner, 25 ans, est mort en février dernier. Son cousin du même âge, Basil al-Sayed, est lui décédé en janvier. Les deux hommes avaient chacun posté plus de 1000 vidéos, les deux ont succombé, selon les informations postées par d'autres blogueurs, à des blessures contractées alors qu'ils filmaient des bombardements.

Publier des vidéos n'est pas le seul moyen utilisé par ces militants pour faire entendre au reste du monde leur version des faits. Kareem Lailah, exilé en Europe, supervise l'édition d'un hebdomadaire d'opposition, Syrian Hurriyat, tiré à un millier d'exemplaires environ. «Nous écrivons et imprimons avec les moyens du bord, et nous le distribuons en cachette, principalement à Homs et à Damas», indique Kareem Lailah. La distribution est très dangereuse et obéit à des règles très strictes: les militants sonnent à la porte, déposent le journal et partent en courant, comme on peut le voir sur cette vidéo, fournie par le Syrian Hurryat.

Le journal est également distribué en dehors de la Syrie et possède une version en ligne. Shakeeb al-Jabri s'occupe aussi de traduire les articles en anglais. «Nous avons recueilli des réactions fantastiques, poursuit Kareem Lailah. Je me souviens d'avoir lu un tweet disant: “C'est beau de se lever et de trouver le Syrian Hurriyat devant sa porte...Je sens déjà venir l'odeur de la liberté!”»