« C'est très concret la solitude. Il y a des gens qui disent n'avoir que deux conversations sur leur vie personnelle par an », rappelle Dominique Lemaistre directrice du mécénat à la Fondation de France.
Selon une étude de la TNS Sofres, 33% des Français de moins de 25 ans disent souffrir de solitude. Le mécanisme qui y conduit est connu, explique Bruno Dardelet, président de la société Saint Vincent-de-Paul :
« Il y a une rupture, un accident qui survient. De là, d'autres ruptures s'enchaînent immédiatement suivies de ruptures familiales, financières, amicales… »
Dominique Lemaistre évoque les cinq réseaux sociaux qui structurent la vie en
France :
la famille,
le travail,
les amis,
les associations,
le voisinage.
« Ce qui est très inquiétant c'est qu'un Français sur quatre est susceptible un jour de devenir seul parce qu'il ne fréquente qu'un seul de ces réseaux sociaux. Il suffit que celui-ci s'écroule, pour tomber dans la solitude. »
Trois jeunes âgés entre 22 et 27 ans ont accepté de nous raconter leur histoires. Leurs prénoms ont été changés.
Jean-François, 27 ans : « Des amis, on en a quand on a de l'argent »
Il est un peu sur ses gardes.
« Je ne parle de ma vie privée à presque personne, alors à vous j'ai encore moins envie de la raconter. Je n'ai confiance en personne. »
L'histoire est finalement lâchée.
« J'ai été licencié abusivement. Je suis en procédure aux prud'hommes, mais ça prend du temps. J'ai perdu mon appart, je ne pouvais plus payer mon loyer. Ensuite, la rue. Des amis on en a quand on a de l'argent. Moi, on m'a zappé. »
Impossible de ne pas le sentir : Jean-François est en colère. Il répète plusieurs fois : « Moi je n'ai personne. »
« Je ne suis pas non plus du genre à me faire prier. J'ai une grande fierté. Aujourd'hui je choisis un peu aussi ma solitude. Mieux vaut être seul que mal accompagné. »
Sur son compte Facebook, il a 160 amis. Je lui demande comment c'est possible de souffrir de solitude avec un tel réseau.
« Parce que vous trouvez que c'est marrant d'être derrière un PC ? Raconter sa vie sur le Net, ça ne m'intéresse pas. »
Selon une étude de la TNS Sofres, 33% des Français de moins de 25 ans disent souffrir de solitude. Le mécanisme qui y conduit est connu, explique Bruno Dardelet, président de la société Saint Vincent-de-Paul :
« Il y a une rupture, un accident qui survient. De là, d'autres ruptures s'enchaînent immédiatement suivies de ruptures familiales, financières, amicales… »
Dominique Lemaistre évoque les cinq réseaux sociaux qui structurent la vie en
France :
la famille,
le travail,
les amis,
les associations,
le voisinage.
« Ce qui est très inquiétant c'est qu'un Français sur quatre est susceptible un jour de devenir seul parce qu'il ne fréquente qu'un seul de ces réseaux sociaux. Il suffit que celui-ci s'écroule, pour tomber dans la solitude. »
Trois jeunes âgés entre 22 et 27 ans ont accepté de nous raconter leur histoires. Leurs prénoms ont été changés.
Jean-François, 27 ans : « Des amis, on en a quand on a de l'argent »
Il est un peu sur ses gardes.
« Je ne parle de ma vie privée à presque personne, alors à vous j'ai encore moins envie de la raconter. Je n'ai confiance en personne. »
L'histoire est finalement lâchée.
« J'ai été licencié abusivement. Je suis en procédure aux prud'hommes, mais ça prend du temps. J'ai perdu mon appart, je ne pouvais plus payer mon loyer. Ensuite, la rue. Des amis on en a quand on a de l'argent. Moi, on m'a zappé. »
Impossible de ne pas le sentir : Jean-François est en colère. Il répète plusieurs fois : « Moi je n'ai personne. »
« Je ne suis pas non plus du genre à me faire prier. J'ai une grande fierté. Aujourd'hui je choisis un peu aussi ma solitude. Mieux vaut être seul que mal accompagné. »
Sur son compte Facebook, il a 160 amis. Je lui demande comment c'est possible de souffrir de solitude avec un tel réseau.
« Parce que vous trouvez que c'est marrant d'être derrière un PC ? Raconter sa vie sur le Net, ça ne m'intéresse pas. »
Sophie, 24 ans : « Personne ne vient me voir »
Sa plus jeune fille est une petite tornade. Elle gambade tétine en bouche dans l'appartement, touche le chat du bout du doigt, attend sa réaction, s'en éloigne effrayée. Son autre fille, l'aînée est à l'école. Sophie est mère célibataire.
« Je suis seule tous les jours, tous les soirs. Je dépose mes filles à l'école puis chez la nourrice et de 8h30 à 18h30, je suis seule. Quand elles ne sont pas là, j'ai envie qu'elles reviennent pour qu'elles fassent du bruit dans la maison. A 20 heures, quand je les couche, je me dis : “T'as l'air bien conne”. »
Contrairement à d'autres personnes souffrant de solitude, Sophie explique « être bien entourée ».« Ici, je connais tout le monde, je suis la maquerelle du quartier », dit-elle en riant.
« J'ai 24 ans, je sors, j'ai des amis, j'ai ma mère, j'ai mes enfants. Mais ça ne fait deux ans que je ne partage ma vie qu'avec moi. Finalement, une personne âgée a plus de chance de recevoir du monde que moi. Personne ne vient me voir. »
La plupart de ses amis ne sont pas au courant de ce que ressent Sophie.
« La solitude on a l'impression que c'est une forme de faiblesse. On se dit : “Si je suis seule, c'est que je ne dois pas être très intéressante.” Alors bien sûr, je sors, je vais en boîte, on me drague, on rigole, mais je trouve ça hypocrite un peu. Parce qu'une fois rentrée à la maison je serai seule. »
Sophie sort un album. Elle veut me prouver qu'elle est une fille comme les autres. Sur les photos, on la voit posant, maquillée, avec ses copines. Elle est jolie, a de beaux yeux en amande, sourit, parle de ses problèmes sans tristesse. Ne pas s'y fier pourtant.
« Pour moi, la solitude c'est une vraie maladie. Je pense que j'ai perdu 10 kilos à cause de ça. »
Au moment de prendre une photo, Sophie insiste pour que je prenne son tatouage.
« S'il y a une image que je veux qu'on voit de moi c'est celle là, une fille recroquevillée dans une flaque d'eau, avec des ailes. »
Depuis deux mois Sophie va mieux. Elle a repris un peu de poids. Une amélioration qu'elle doit, pense-t-elle, à la présence d'une copine qu'elle héberge.
« Ça fait plaisir le matin de se réveiller et d'entendre qu'il y a quelqu'un sous la douche. »
Kévin 22 ans : « Tu ne te sens pas aimé »
Au téléphone, Kevin parle par petits bouts de phrases. Il est réservé, porte un bagage douloureux. Un père alcoolique mort pendant l'adolescence du jeune homme.
« Ça va mieux grâce aux associations. Je n'ai pas beaucoup d'amis, mais j'en ai au moins dix. »
« Chez ma mère, on vivait avec mes deux frères. J'avais l'impression d'être mis à l'écart, personne ne communiquait. L'ambiance à la maison, c'était vite fait. Il n'y avait personne à qui parler. Je sortais beaucoup. A 17 ans, ça s'est empiré : je suis entré dans la drogue. »
Kevin a l'impression d'avoir été abandonné.
« A 13 ans, je sortais le soir, et personne ne me disait de rester à la maison. Tu ne te sens pas aimé. »
Il dit souvent : « Je ne sais pas comment l'expliquer », et donne l'impression de n'avoir toujours par pas compris ce qui lui était arrivé.
« Mon meilleur ami passait de temps en temps, mais il a dû quitter la ville. Je n'ai plus voulu voir mes amis, je ne sais pas pourquoi. Ça me dégoûte ce qui s'est passé. »
Photos : Sophie, 24 ans, et son tatouage (Renée Greusard).
Sa plus jeune fille est une petite tornade. Elle gambade tétine en bouche dans l'appartement, touche le chat du bout du doigt, attend sa réaction, s'en éloigne effrayée. Son autre fille, l'aînée est à l'école. Sophie est mère célibataire.
« Je suis seule tous les jours, tous les soirs. Je dépose mes filles à l'école puis chez la nourrice et de 8h30 à 18h30, je suis seule. Quand elles ne sont pas là, j'ai envie qu'elles reviennent pour qu'elles fassent du bruit dans la maison. A 20 heures, quand je les couche, je me dis : “T'as l'air bien conne”. »
Contrairement à d'autres personnes souffrant de solitude, Sophie explique « être bien entourée ».« Ici, je connais tout le monde, je suis la maquerelle du quartier », dit-elle en riant.
« J'ai 24 ans, je sors, j'ai des amis, j'ai ma mère, j'ai mes enfants. Mais ça ne fait deux ans que je ne partage ma vie qu'avec moi. Finalement, une personne âgée a plus de chance de recevoir du monde que moi. Personne ne vient me voir. »
La plupart de ses amis ne sont pas au courant de ce que ressent Sophie.
« La solitude on a l'impression que c'est une forme de faiblesse. On se dit : “Si je suis seule, c'est que je ne dois pas être très intéressante.” Alors bien sûr, je sors, je vais en boîte, on me drague, on rigole, mais je trouve ça hypocrite un peu. Parce qu'une fois rentrée à la maison je serai seule. »
Sophie sort un album. Elle veut me prouver qu'elle est une fille comme les autres. Sur les photos, on la voit posant, maquillée, avec ses copines. Elle est jolie, a de beaux yeux en amande, sourit, parle de ses problèmes sans tristesse. Ne pas s'y fier pourtant.
« Pour moi, la solitude c'est une vraie maladie. Je pense que j'ai perdu 10 kilos à cause de ça. »
Au moment de prendre une photo, Sophie insiste pour que je prenne son tatouage.
« S'il y a une image que je veux qu'on voit de moi c'est celle là, une fille recroquevillée dans une flaque d'eau, avec des ailes. »
Depuis deux mois Sophie va mieux. Elle a repris un peu de poids. Une amélioration qu'elle doit, pense-t-elle, à la présence d'une copine qu'elle héberge.
« Ça fait plaisir le matin de se réveiller et d'entendre qu'il y a quelqu'un sous la douche. »
Kévin 22 ans : « Tu ne te sens pas aimé »
Au téléphone, Kevin parle par petits bouts de phrases. Il est réservé, porte un bagage douloureux. Un père alcoolique mort pendant l'adolescence du jeune homme.
« Ça va mieux grâce aux associations. Je n'ai pas beaucoup d'amis, mais j'en ai au moins dix. »
« Chez ma mère, on vivait avec mes deux frères. J'avais l'impression d'être mis à l'écart, personne ne communiquait. L'ambiance à la maison, c'était vite fait. Il n'y avait personne à qui parler. Je sortais beaucoup. A 17 ans, ça s'est empiré : je suis entré dans la drogue. »
Kevin a l'impression d'avoir été abandonné.
« A 13 ans, je sortais le soir, et personne ne me disait de rester à la maison. Tu ne te sens pas aimé. »
Il dit souvent : « Je ne sais pas comment l'expliquer », et donne l'impression de n'avoir toujours par pas compris ce qui lui était arrivé.
« Mon meilleur ami passait de temps en temps, mais il a dû quitter la ville. Je n'ai plus voulu voir mes amis, je ne sais pas pourquoi. Ça me dégoûte ce qui s'est passé. »
Photos : Sophie, 24 ans, et son tatouage (Renée Greusard).