Rebondissement au Canada après la plainte déposée par Sherpa dans le cadre de l’affaire dite des « condos » acquis par des dignitaires africains pour un montant global provisoire de 30 millions d’euros.
Selon les informations de Libération, la Gendarmerie royale canadienne (Gcrc) a ouvert une enquête préliminaire pour y voir de plus près dans ces opérations immobilières. «Après la réception des informations, la GRC fait ce qu’on appelle une enquête préliminaire. On creuse pour aller plus loin, avoir plus d’informations », confirme Philip Zigayer de la redoutée Division des enquêtes de nature délicate et internationale de la GRC non sans ajouter : « Il y a des informations qui doivent arriver sur mon bureau d’un jour à l’autre puisque nous avons envoyé des demandes d’informations au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada ».
Le Canafe est l’équivalent sénégalais de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif). Sherpa qui se réjouit de ce développement qui intervient en plein sommet du G7, encourage les autorités judiciaires canadiennes à aller plus loin. Dans la foulée, l’organisme dirigé par Me William Bourdon a demandé aux enquêteurs d’étendre les investigations à l’assistant financier de Joseph Kabila, Emmanuel Adrupiako qui a investi pas moins de 3 millions de dollars dans des biens immobiliers au Canada.
Dans le collimateur, Me Madické Niang assurait pour sa défense n’avoir pas attendu de faire la politique pour gagner de l’argent. Ce que personne ne nie. Le seul problème est que ces deux biens ont été achetés alors qu’il était dans l’appareil d’Etat comme l’atteste les statuts de toutes les transactions obtenues par Libération. Mieux, des intermédiaires et «mandataires » sont apparus dans ces opérations dont la dernière a été la revente d’un des appartements lors de la période coïncidant, au Sénégal, avec les enquêtes tous azimuts de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei).
En effet, Me Madické Niang alors ministre des Mines et de l’Energie, a réalisé un premier achat le 7 décembre 2006 auprès de True north properties Ltd, une corporation ayant son siege social au 1388 Weber Centre, Calgary Trail, dans la ville d’Edmonton. La transaction portait sur la partie privative du lot numéro 3696175 du registre du Cadastre de Québec; correspondant à l’appartement 1609 du numéro 650, rue Jean- d’Estrées. Coût de l’opération : 232.558 dollars. Fait assez curieux, le président du groupe parlementaire de l’opposition avait mandaté, dans le cadre de cette transaction, le nommé Karim Chraïbi.
Cet appartement a été revendu devant Me Rosana Gabriela Ber le 18 mars 2013 à Damien Cussac et Alexandra Grenier. Poiur cette transaction qui tournait autour de 288.000 dollairs, Me Madické Niang « domicilié et résident à la Route des Almadies dans la ville de Dakar était représenté par Madické Gueye, son representant dûment autorisé, en vertu d’une procuration sous seing privé signé à Dakar, Sénégal le huitième jour de mars deux mille treize, non révoquée ni amendée, laquelle demeure annexée aux présentes après avoir été́ reconnue véritable et signée pour identification », selon les écrits du notaire.
Quid du deuxième bien ? Il a été́ acquis le 9 mai 2008 alors que Me Madické Niang était Garde des Sceaux. Ce, pour la somme de 270.00 dollars. Dans cette opération, il était représenté́ par Alioune Abatalib Niang alors que Selma Tazi avait mandaté le nommé Mohamed Chraïbi. Comme on le constate, ce dernier a le même nom (Chraïbi) que le représentant de Me Madické Niang lors de la première transaction.
Selon nos informations, les Chraïbi ainsi que Selma Tazi seraient très connus au Maroc d’où̀ ils sont tous originaires.
Consternant Mamadou Pouye, présumé prête-nom de Karim Wade, tout commence en 2012, quelques jours après la défaite de Wade. Une compagnie contrôlée par lui et son épouse Mandy Moodley, achetait un appartement à la Rue Champagneur pour la somme de 478.700 dollars. Pour plus de discrétion, Papa Mamadou Pouye est passé par une vieille connaissance qui sera au début et à la fin de la transaction : l’avocate canadienne Me Helene Mathieux qui vit à Dubaï.
C'est d'ailleurs celle-ci qui a fait monter au Panama et à la demande de Pouye, Seabury et Latvae Group, les deux structures mises en cause dans le scandale des « Panama papers ».
Au Canada d'ailleurs, Hélène Mathieu est au cœur du scandale depuis qu'il a été découvert qu'elle a même monté des sociétés' pour le compte de criminels. Associé à l'enquête mondiale, le journal Toronto Star écrivait à ce propos : « De toutes les compagnies pour lesquelles la firme d'Hélène Mathieu a fourni des services, trois ont piqué notre curiosité : Pangates International Corporation Limited, Maxima Middle East Trading Co, Morgan Additives Manufacturing Co.
Les trois affichent une adresse aux Emirats arabes unis, avec une incorporation aux Seychelles. Toutes trois font l'objet de sanctions économiques internationales. Cette mise à l'index est venue de l'organisme de contrôle des avoirs étrangers qui relève du département américain du Trésor, l'Office of Foreign Assets Control (OFAC).
Washington affirme que Pangates a livré divers produits pétroliers au régime syrien de Bachar Al-Assad, notamment des centaines de tonnes de carburant pour avion, en 2013 et en 2014. » Grâce à l'entregent de cette avocate sulfureuse, M. Pouye a pu acheter son « condo » en toute tranquillité. Mais pour se faire discret et comme le révèle les statuts, le bien a été enregistré au nom de Mandy Moodley comme adresse 3 RUE de Ziguinchor, immeuble Bassari, Point E Dakar Sénégal.
C'est la même adresse qu'il a utiliseé pour monter Latvae et Seabury. Epouse de Papa Mamadou Pouye depuis octobre 2010, Mandy Moodley avait été interrogée par la CREI sur des virements de 1,3 milliard reçu de son époux entre 2006 et 2013. L'appartement du Canada a été acheté pendant cet intervalle, vers mars 2012.
Elle détenait aussi des parts dans la société 3Ag qui a accouché de la « pieuvre » ayant permis à Pouye et Bibo Bourgi de faire main basse sur AHS et Black Pearl Finance, entre autres. Mais le plus drôle est que Papa Mamadou Pouye qui avait mis son nom et celui de son épouse dans les statuts, s'est fait «effacer » le jour où il a su que des journalistes s'intéressaient à l'affaire. En effet, les statuts de la société ont été modifiés le 16 mars 2017.
Or, ce jour-là des confrères canadiens avaient passé des coups de fil pour en savoir plus sur cette structure... Et ce n’est pas tout. L’appartement en question a été vendu le 28 avril 2017 comme l’atteste la transaction enregistrée dans les minutes de Me Louise Vincent, notaire dans la province du Québec.
Cheikh Mbacké Guissé (Libération)