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Enrichissement des «Messieurs Casamance», lettre à Wade,… : Atépa balance ses pierres

Samedi, dans un hôtel parisien, Pierre Goudiaby Atépa rencontrait la communauté casamançaise. A cette occasion, il leur a annoncé le lancement d’un grand mouvement, La Casamance Debout, le 21 décembre prochain et qui aura pour principales occupations la résolution de la crise casamançaise et le développement de cette région. L’architecte a saisi l’occasion pour revenir sur l’histoire du Collectif des cadres, ses relations avec le Mfdc. Sans oublier les menaces de mort à son encontre. Mais il a surtout insisté sur ces «gens» qui trouvent intérêt à ce que le conflit au sud du pays perdure. Extraits de sa conférence.


Rédigé par leral.net le Mardi 2 Décembre 2008 à 06:20 | | 0 commentaire(s)|

Enrichissement des «Messieurs Casamance», lettre à Wade,… : Atépa balance ses pierres
GENESE DE LA CRISE CASAMANcAISE
«Il y a un groupe qui s’était constitué au lendemain des évènements qui ont conduits nos frères à entrer dans le maquis. C’est nous mêmes qui Imageavions interpellé à l’époque le Pr Assane Seck. Il nous avait convoqués dans son bureau pour nous informer. Nous l’avions dit que cela ne suffisait pas, et qu’il fallait peut-être que les Casamançais se retrouvent au sein d’une association pour essayer de cerner les racines du mal. C’est à la suite de ça que nous avions tenus une réunion à la foire de Dakar qui avait regroupé beaucoup de monde. C’est là où nous avions créé une cellule qui à l’époque était dirigé par le Pr Corréa pour réfléchir sur ce qui était à l’origine du problème et également sur les esquisses de solutions. Il y a eu, à l’époque, un livre blanc qui avait été fait sur la Casamance. Il avait été déposé auprès du Président Diouf. Mais, ou le président ne l’a pas lu, ou il l’a mal lu. Parce qu’aucune des recommandations du livre blanc n’a été suivie. Et si le livre devait être réécrit aujourd’hui, à mon avis on ne changerait pas une virgule de ce qui avait été écrit et remis au Président Diouf il y a 24 ans. Le livre disait en substance qu’il fallait reconnaître la spécificité de la Casamance dans le Sénégal bien sûr. Le texte disait également, et surtout, que le ras-le-bol de nos frères qui ont pris le maquis c’était plus pour dénoncer le fait qu’ils étaient des Sénégalais entièrement à part plutôt que d’être des Sénégalais à part entière. Vingt quatre ans après ce manifeste, force est de constater que les choses n’ont pas changé.»

QUAND ATEPA ECRIT A WADE
«Après la formation de l’avant-dernier gouvernement, j’ai dû prendre ma plume et écrire au Président pour lui dire que, sauf erreur de ma part, il n’y a pas de Casamançais dans un gouvernement de 38 membres. C’est là où il a appelé Sina Diatta pour le mettre dans le gouvernement, le jour où il a reçu ma lettre. Je l’ai écris et je n’ai pas peur de le dire : «C’est ou de l’inconscience, ou de l’insouciance, ou du mépris. Et je n’ose pas penser que c’est le dernier.» Ils n’ont peut-être pas fait attention. Mais c’est un problème devenu difficile, depuis qu’il y a la rébellion car d’aucuns diront que c’est vrai, la Casamance on s’en est pas bien occupée, mais maintenant que nous souhaitons nous en occuper, comment voulez-vous que nous puissions le faire puisque les investisseurs ne peuvent pratiquement pas y accéder à cause de l’insécurité. Ce à quoi nous répondons : «Ecoutez, l’insécurité est là certes, mais n’attendez pas qu’il y ait l’insécurité zéro pour commencer à intervenir. Il faut qu’on sache que vous êtes conscients du fait qu’il faut que les choses changent et que vous êtes en train de prendre les dispositions pour qu’effectivement les choses puissent changer.» C’est là où nous en sommes actuellement (…)»

RENAISSANCE DU COLLECTIF DES CADRES CASAMANcAIS
«Le Collectif (des cadres casamançais) est une espèce en voie de renaître de ses cendres. En effet, après le livre blanc, les autorités n’avaient pas répondu pendant presque dix ans. C’est par une petite histoire très banale qu’on a réussi à faire fonctionner à nouveau le Collectif. Tout le monde sait que je suis très ami avec le Président Diouf et sa famille. Un jour, je discutais avec sa fille Fabienne - ça je ne l’ai jamais raconté d’ailleurs, vous allez donc avoir la primeur - dont je suis le parrain de mariage. Je lui ai dit : «Dis à ton père qu’il se moque de nous…» Elle me répond : «Ecoute Pierre, tu es proche de papa, tu es libre parce que tu ne dépends pas du gouvernement pour vivre. Pourquoi tu ne fais pas quelque chose, parce que toi au moins on sait que si tu fais quelque chose, tu ne le fais pas pour l’argent. Vas lui dire, ce n’est pas lui qui te fera arrêter.» J’ai dit à des proches : «On ne peut pas rester comme ça, nous allons essayer de parler.» En fait, à l’époque, entre 1982 et 1990, il ne faisait pas bon de parler de la Casamance. Si vous étiez fonctionnaire vous perdez votre emploi, si vous aviez un contrat avec l’administration il était annulé, et si vous n’aviez pas de chance vous êtes enfermé à Rebeuss. Donc les gens ne parlaient pas. Et quand nous avons décidé de parler, nous leur avons dit clairement. La première chose que nous avions faite, c’était de porter plainte contre l’armée. Il fallait le faire car à l’époque, on avait des frères qui disparaissaient au camp militaire de Ziguinchor. On a porté plainte contre l’Etat, son Président et son chef d’Etat-major. A partir de ce jour-là, il n’y a plus eu une seule disparition. Ensuite, nous avons animé beaucoup de réunions.»

RELATION DES CADRES AVEC LE MFDC
«Nous avons pris contact avec les gens du Mfdc, d’abord pour les rassurer. C’était pour leur dire que, quand bien même nous n’étions pas d’accord avec leur souhait de couper la Casamance du reste du Sénégal et à demander l’indépendance de la Casamance - nous l’avons dit très clairement - nous comprenons parfaitement qu’ils aient pris les armes. Mais nous leur avions dit que nous pensions qu’il y avait mieux que l’indépendance de la Casamance : c’est le développement de la Casamance (…) Que nous souhaitions discuter de leur retour. C’est là où il y a eu beaucoup d’incompréhensions. Ils étaient en effet d’accord pour le retour, mais le Mfdc souhaitait d’abord négocier avec l’Etat du Sénégal. C’est là où nous avons eu la deuxième incompréhension qui est en fait la plus importante. Nous avons dit au Mfdc que nous ne pensons pas qu’il vous appartient à vous seuls Mfdc, de négocier l’avenir de la Casamance, parce que vous n’avez pas été élu, on ne vous a pas mandaté. Mais nous leur avons répété en même temps que nous comprenions leurs raisons. Nous leur avons dit qu’il n’était pas acceptable que nous restions les bras croisés et les regarder négocier avec l’Etat du Sénégal. Nous leur avons dit que nous souhaitions d’abord discuter avec eux en tant que Casamançais et, ensemble, nous trouvons une solution (…)»

HOMME DU SYSTEME
«Même après avoir démissionné de mon poste de conseiller du président je suis dans le système. Tous les jours, je suis au Palais. Donc je suis dans le système tout en gardant mon indépendance. Mais c’est suspect auprès de beaucoup. Je le comprends. Quelqu’un d’autre aurait été à ma place je l’aurais certainement jugé de la même manière. Mais ceux qui me connaissent savent ce que je fais au Palais.»

LE CONFLIT, SOURCE D’ENRICHISSEMENT
«Encore une fois, le collectif c’est des gens qui sont venus spontanément et qui ne sont pas payés. C’est ça la grande différence. Vous devez vous souvenir qu’avant la création du collectif. Il y avait un comité de réflexion mis en place par le gouvernement-il y avait Jules Bocandé et beaucoup d’autres gens dont je ne me souviens pas. L’Etat leur payait des billets d’avion, ils allaient dans des hôtels, faisaient des réunions à Ziguinchor, ils avaient des per diem, etc. Jai toujours dis que c’est l’argent qui a gâté cette affaire-là. Quand vous fonctionnarisez des gens pour leur dire allez régler un problème, certains se diront que le jour où le problème va se régler, il n’y aura plus de salaire. C’est aussi simple que ça. Nous, tout ce que nous faisons, c’est de nous-mêmes. Personne ne nous aide (…) Quand on envoie une mission à Ziguinchor, c’est notre argent. Donc nous sommes libres. Le fait que le collectif ait dénoncé ça, nous a valu les menaces de qui vous connaissez. La cassette est très claire : «Le dossier de la Casamance. Pourquoi vous voulez prendre le dossier de la Casamance ? Il faut le laisser à Farba Senghor.» Pour eux, ce dossier-là il faut le donner à un tel afin qu’il puisse prendre des milliards, les distribuer et en prendre un peu pour lui. Pour nous, ce n’est pas un dossier, c’est une réalité. Votre vie n’est pas un dossier (…) Ils ont pensé qu’en donnant des millions pour ne pas dire des milliards à des gens qui vont porter les valises pour aller voir des pseudos rebelles que cela allait se régler (…)

Quand les gens voient que leurs intérêts sont menacés, ils vont manger l’oreille de Wade pour lui dire : «Fais attention à Goudiaby, est-ce que ce n’est pas lui qui finance les rebelles, etc.» Voilà la réputation que j’aie. Je vous donne un petit aperçu de cette réputation afin que vous sachiez ce que je vis. Les bus Tata que vous voyez au Sénégal, c’est moi qui les ai fait venir. 80% de ce qu’on fait dans la coopération avec l’Inde viennent de moi. Je fais venir les bus Tata- je ne vous raconterai pas toute l’histoire. Je suis un opérateur économique et Tata, c’est mes fournisseurs, mes associés. Le jour où ils devaient me donner deux millions de dollars pour mes frais, l’Ambassadeur du Sénégal en Inde qui est un ami de Gadio (ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, Ndlr) est allé dire aux autorités indiennes que si on me paye mes honoraires, c’est pour alimenter la rébellion casamançaise (…) C’est vous dire ce que nous vivons. Et quand on vit ça et que les gens passent par nos parents pour nous attaquer, nous humilier, voire nous menacer, je dis c’est grave. La Casamance, il faut vous mettre debout ! (…)

Nous allons créer un mouvement qui soit plus large que le collectif des cadres, dans lequel tout le monde pourra se retrouver. Nous avons fait un site www.lacasamncedebout.com dans lequel on pourra vous donner toutes les informations sur la Casamance, mais également il sera une espèce de think-thank dans lequel les gens pourront échanger (…)»

«NON A UN MONSIEUR CASAMANCE»
«Nous avons dit aux autorités qu’il ne fallait plus de Monsieur Casamance (…) Ce problème-là, il faut que le gouvernement le règle en tant que gouvernement, en demandant, s’il le souhaite, des conseils à droite et à gauche (…) Il faut éviter de prendre quelqu’un, comme ils l’avaient fait à l’époque avec des colonels et des généraux, et lui dire voilà ton dossier, on va te donner deux, trois, quatre milliards pour le régler. Il bouffe les quatre milliards et il ne règle pas le problème. Alors quand les gens ont vu que le président commençaient à nous (le Collectif des cadres) faire confiance parce qu’il y avait des résultats, ils ont manipulé ce jeune-là (l’auteur des menaces de mort contre Atépa, Moustapha Bassène, Ndlr). J’ai même pitié de lui car on l’a instrumentalisé afin de pouvoir reprendre «le dossier». Je me dis que quand votre maison brûle, vous n’attendez pas qu’on vous dise de prendre de l’eau pour éteindre l’incendie. Et qu’on donne le dossier à qui on veut, personnellement, personne ne pourra m’interdire à m’intéresser aux problèmes de la Casamance. C’est chez moi. Même si certains pensent qu’il faudrait que je sois maire de Dakar.»

REFLEXION POUR LA MAIRIE DE DAKAR
«(…) J’ai un drame actuellement. Le truc de la mairie (de Dakar, Ndlr) dont on parle actuellement, c’est quelque chose d’extrêmement sérieux. Et le drame en moi, il est réel. Les jeunes le veulent, tout le monde le veut. Le jour où c’est paru dans les journaux, vous ne pouvez pas imaginer le nombre de personnalités qui ont défilé dans mon bureau pour me dire : «Pierre, si c’est toi, on est derrière toi.» Mais moi je dis attention, je ne suis pas un homme politique, je ne veux pas me mêler de ces histoires de politique (…) Par contre, malheureusement, je suis conscient qu’il y a quelque chose que je peux apporter à cette ville-là. A Ponty, ils ont cantinisé la rue (…) Si je le fais ce serait un sacrifice. Mais je réfléchis encore.»

ABSENCE D’INTERLOCUTEUR AU MFDC
«(…) Au Mfdc, on ne sait plus à qui parler. On ne sait pas si c’est à Jean-Marie, on ne sait pas si c’est Ansoumana, on ne sait pas si c’est mon cousin Nkrumah. On aimerait bien savoir à qui parler. Car il faut qu’on parle (…) Si parmi vous dans la salle il y a des gens qui pensent qu’ils peuvent apporter leur pierre pour l’édification de ce dialogue, ils peuvent se signaler. Car il faut bien qu’on leur parle. Qu’on leur dise voilà ce que vous avez voulu, voilà ce qui est possible. Il semblerait même que les gens du maquis veulent la paix, ils veulent sortir. Mais ils ne peuvent pas sortir n’importe comment. Et pour ne pas qu’ils sortent n’importe comment, on doit savoir avec qui discuter. Il y a des gens comme mon cousin (Nkrumah) qui ont parfois des solutions très radicales - je discute avec lui - je le respecte mais je pense qu’il faut beaucoup plus d’ouverture. On est arrivé à un point où il faut arrêter (…) Il faut que les uns et les autres se ressaisissent.»
source le quotidien

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