Quand l’ancien président israélien Moshé Katzav, 66 ans, reconnu coupable à l’encontre de deux de ses collaboratrices de viols, de harcèlements sexuels, de subornation de témoins et d'entraves à la justice condamné à sept ans de prison ferme pour viols, a été écroué mercredi 7 décembre 2011, le Premier ministre Benjamin Nétanyahu s’est exprimé en ces termes : « C’est un jour triste pour l'Etat d’Israël et ses citoyens, mais le tribunal a adressé aujourd'hui un message très clair sur l’égalité de tous devant la loi ». Naturellement Moshé Katzav, qui récusait les faits qui lui étaient reprochés, n’a pas empêché le glaive de Dame Justice de s’abattre sur lui. Si nous avons jugé nécessaire d’évoquer cette affaire judiciaire qui s’est tenue très loin de nos frontières, c’est pour rappeler un principe de justice universel : «Dura lex, sed lex ». Autrement dit, la loi est dure, mais c’est la loi.
Le 26 septembre dernier à Dakar, à des milliers de kilomètres de la prison de Tel Aviv où est écrouée cette personnalité israélienne, un célèbre journaliste du nom de Cheikh Yérim Seck, accusé de viol sur une jeune fille, a été condamné à trois ans ferme assortis d’une amende de trois millions de francs CFA. Au sein de l’opinion sénégalaise, une telle sentence n’a fait que soulever les passions et attiser le débat contradictoire sur la culpabilité ou l’innocence de CYS depuis le jour de ses coucheries à l’auberge Keur Madamel. La contradiction est le propre d’une conversation démocratique où personne ne peut prétendre avoir le dernier mot, les Sénégalais ont livré des opinions divergentes sur cette affaire. Dès lors les deux camps qui se sont dessinés en pro-Yérim et anti-Aïssata ou anti-Yérim et pro-Aïssata se sont tiré la bourre. Pourtant, dans cette dualité féroce, les journalistes que les avocats de Yérim ont accusés à tort d’avoir lynché leur client avant le prononcé de la sentence se sont abstenus prudemment de prendre position quand bien même chacun aurait une opinion propre sur cette affaire de mœurs. Chaque camp, tapi dans le tribunal populaire des fora des sites internet ou des places publiques, avait déjà condamné ou blanchi le journaliste libertin. C’est la cruelle confrontation entre justice et jugement moral dans laquelle se perdent les deux parties antagoniques.
Mais si les Sénégalais ne se sont pas limités à juger trivialement un simple concitoyen victime de ses pulsions libidinales, c’est parce que le patron du site dakaractu.com, depuis son retour définitif au Sénégal, ne s’est plus limité à son rôle de journaliste. Il a fini, avec ses passages télévisuels fréquents aux allures de prêcheries, par enfiler la toge d’un pontife moralisateur, d’un journaliste-businessman sans souci pécuniaire, d’un saint jeûneur qui voue un culte à la fidélité conjugale, d’un khalife doctissime dans la profession journalistique ainsi que dans d’autres domaines. Cette prétention, pour ne pas dire cette folie médiatique ostentatoire qui tranche avec l’humilité et la prudence qu’exige la profession journalistique, a fini par l’exposer à un jeune public qui, fasciné par le monde glamour de la célébrité, du vedettariat ou de l’idolâtrie, pense que la vie de star est toute de rose. Ce public candide ou pervers est très enclin à nouer des relations avec ces as de la rhétorique qu’il déifie à travers leur grandiloquence, leurs prestations médiatiques voire leur prestance physique. Et parmi ce public se trouve une pléiade de nymphettes profanes ou expérimentées semblables à Aïssata Tall qui, guidées par leurs toquades ou foucades, souhaitent vivre des sensations fortes avec leur star ou idole. L’envie est exquise mais la tentation est généralement périlleuse et les conséquences souvent désastreuses. Bruno Masure, ex-journaliste de TF1, a dit dans un ouvrage que « la télé rend fou ». Cette folie, Yérim en a été victime ne serait-ce qu’un peu. Comme quoi, « la Roche Tarpéienne n’est pas loin du Capitole ».
Ainsi, CYS restera en prison pour trois ans pendant lesquels il devra se résoudre à porter sa croix avec stoïcisme. Sa mésaventure nous offre l’occasion d’engager une réflexion dont la finalité est de juger le citoyen CYS sur les faits et non sur son nom ou renom. Qu’un citoyen comme CYS (et nous avons eu des positions similaires dans l’affaire Cheikh Béthio Thioune) se retrouve derrière les barreaux d’une cellule de prison ne devrait pas choquer si le droit est dit. «Dura lex, sed lex ». La justice doit être la même pour tous les citoyens d’un pays qui aspire à être un Etat de droit. Et cela, sans tenir compte de leur rang social et de tous titres dont ils peuvent se prévaloir. Cette posture indépendante de la justice bat en brèche une tendance qui s’est développée dans notre pays pendant le magistère du président Abdoulaye Wade. Elle consiste à ne plus faire de la prison la destination quasi exclusive et le centre d’accueil prioritaire des gueux, des miséreux, des impécunieux ou des adversaires politiques. Elle disqualifie cette maxime de la Fontaine qui dit que « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous laisseront blanc ou noir ».
NE PAS TOMBER DANS LES AMALGAMES
Ainsi, dans l’affaire CYS, il y a lieu de faire preuve d’objectivité pour ne pas tomber dans les amalgames. Ce n’est la pas pensée qui est au banc des accusés, mais le bas de la ceinture. Aussi serait-il subjectif de se pencher sur le cas de l’homme journaliste pour gloser sur les raisons qui l’ont conduit en prison. Tout ce qui pourrait donner à penser à de l’acharnement contre un journaliste professionnel, un empêcheur de tourner en rond ou un dénonciateur de magouilles et malversations financières doit être écarté. Il ne faut pas dire qu’il y a un réseau de forces obscures et perverses qui s’est constitué pour orchestrer la chute humiliante d’un talentueux journaliste. Il ne faut pas non plus insinuer que c’est dans la poubelle puante des considérations extrajudiciaires que la justice, incarnée par le juge Adiyatou Guèye, a cherché la justification de sa sentence. Dans cette affaire, il ne faut pas confondre la justice et l’aspect moral de l’inconduite de CYS et de sa victime. Que CYS trompe ses femmes et qu’il soit même coutumier des sorties libertines, qu’Aïssata Tall ait passé outre l’éducation morale inculquée par son père très conservateur jusqu’à se faire déniaiser, cela ne regarde pas le juge chargé de dire le droit sur une affaire de viol mais plutôt les jugeurs du tribunal populaire. Et sur la base des faits de viol, le juge Adiyatou Guèye, selon son intime conviction, a prononcé la sentence qui privera CYS de trois ans de liberté. C’est mon intime conviction.
Serigne Saliou GUEYE
Le Témoin N° 1010 –Hebdomadaire Sénégalais (Octobre 2012)
Le 26 septembre dernier à Dakar, à des milliers de kilomètres de la prison de Tel Aviv où est écrouée cette personnalité israélienne, un célèbre journaliste du nom de Cheikh Yérim Seck, accusé de viol sur une jeune fille, a été condamné à trois ans ferme assortis d’une amende de trois millions de francs CFA. Au sein de l’opinion sénégalaise, une telle sentence n’a fait que soulever les passions et attiser le débat contradictoire sur la culpabilité ou l’innocence de CYS depuis le jour de ses coucheries à l’auberge Keur Madamel. La contradiction est le propre d’une conversation démocratique où personne ne peut prétendre avoir le dernier mot, les Sénégalais ont livré des opinions divergentes sur cette affaire. Dès lors les deux camps qui se sont dessinés en pro-Yérim et anti-Aïssata ou anti-Yérim et pro-Aïssata se sont tiré la bourre. Pourtant, dans cette dualité féroce, les journalistes que les avocats de Yérim ont accusés à tort d’avoir lynché leur client avant le prononcé de la sentence se sont abstenus prudemment de prendre position quand bien même chacun aurait une opinion propre sur cette affaire de mœurs. Chaque camp, tapi dans le tribunal populaire des fora des sites internet ou des places publiques, avait déjà condamné ou blanchi le journaliste libertin. C’est la cruelle confrontation entre justice et jugement moral dans laquelle se perdent les deux parties antagoniques.
Mais si les Sénégalais ne se sont pas limités à juger trivialement un simple concitoyen victime de ses pulsions libidinales, c’est parce que le patron du site dakaractu.com, depuis son retour définitif au Sénégal, ne s’est plus limité à son rôle de journaliste. Il a fini, avec ses passages télévisuels fréquents aux allures de prêcheries, par enfiler la toge d’un pontife moralisateur, d’un journaliste-businessman sans souci pécuniaire, d’un saint jeûneur qui voue un culte à la fidélité conjugale, d’un khalife doctissime dans la profession journalistique ainsi que dans d’autres domaines. Cette prétention, pour ne pas dire cette folie médiatique ostentatoire qui tranche avec l’humilité et la prudence qu’exige la profession journalistique, a fini par l’exposer à un jeune public qui, fasciné par le monde glamour de la célébrité, du vedettariat ou de l’idolâtrie, pense que la vie de star est toute de rose. Ce public candide ou pervers est très enclin à nouer des relations avec ces as de la rhétorique qu’il déifie à travers leur grandiloquence, leurs prestations médiatiques voire leur prestance physique. Et parmi ce public se trouve une pléiade de nymphettes profanes ou expérimentées semblables à Aïssata Tall qui, guidées par leurs toquades ou foucades, souhaitent vivre des sensations fortes avec leur star ou idole. L’envie est exquise mais la tentation est généralement périlleuse et les conséquences souvent désastreuses. Bruno Masure, ex-journaliste de TF1, a dit dans un ouvrage que « la télé rend fou ». Cette folie, Yérim en a été victime ne serait-ce qu’un peu. Comme quoi, « la Roche Tarpéienne n’est pas loin du Capitole ».
Ainsi, CYS restera en prison pour trois ans pendant lesquels il devra se résoudre à porter sa croix avec stoïcisme. Sa mésaventure nous offre l’occasion d’engager une réflexion dont la finalité est de juger le citoyen CYS sur les faits et non sur son nom ou renom. Qu’un citoyen comme CYS (et nous avons eu des positions similaires dans l’affaire Cheikh Béthio Thioune) se retrouve derrière les barreaux d’une cellule de prison ne devrait pas choquer si le droit est dit. «Dura lex, sed lex ». La justice doit être la même pour tous les citoyens d’un pays qui aspire à être un Etat de droit. Et cela, sans tenir compte de leur rang social et de tous titres dont ils peuvent se prévaloir. Cette posture indépendante de la justice bat en brèche une tendance qui s’est développée dans notre pays pendant le magistère du président Abdoulaye Wade. Elle consiste à ne plus faire de la prison la destination quasi exclusive et le centre d’accueil prioritaire des gueux, des miséreux, des impécunieux ou des adversaires politiques. Elle disqualifie cette maxime de la Fontaine qui dit que « selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous laisseront blanc ou noir ».
NE PAS TOMBER DANS LES AMALGAMES
Ainsi, dans l’affaire CYS, il y a lieu de faire preuve d’objectivité pour ne pas tomber dans les amalgames. Ce n’est la pas pensée qui est au banc des accusés, mais le bas de la ceinture. Aussi serait-il subjectif de se pencher sur le cas de l’homme journaliste pour gloser sur les raisons qui l’ont conduit en prison. Tout ce qui pourrait donner à penser à de l’acharnement contre un journaliste professionnel, un empêcheur de tourner en rond ou un dénonciateur de magouilles et malversations financières doit être écarté. Il ne faut pas dire qu’il y a un réseau de forces obscures et perverses qui s’est constitué pour orchestrer la chute humiliante d’un talentueux journaliste. Il ne faut pas non plus insinuer que c’est dans la poubelle puante des considérations extrajudiciaires que la justice, incarnée par le juge Adiyatou Guèye, a cherché la justification de sa sentence. Dans cette affaire, il ne faut pas confondre la justice et l’aspect moral de l’inconduite de CYS et de sa victime. Que CYS trompe ses femmes et qu’il soit même coutumier des sorties libertines, qu’Aïssata Tall ait passé outre l’éducation morale inculquée par son père très conservateur jusqu’à se faire déniaiser, cela ne regarde pas le juge chargé de dire le droit sur une affaire de viol mais plutôt les jugeurs du tribunal populaire. Et sur la base des faits de viol, le juge Adiyatou Guèye, selon son intime conviction, a prononcé la sentence qui privera CYS de trois ans de liberté. C’est mon intime conviction.
Serigne Saliou GUEYE
Le Témoin N° 1010 –Hebdomadaire Sénégalais (Octobre 2012)