Comment êtes-vous parvenu à être à la tête de Google en Afrique francophone ?
Quand je suis rentré au Sénégal, je voulais accompagner les PME pour mutualiser les ressources et les permettre de bénéficier des nouvelles technologies. Mais ce projet n’a pas bien marché parce que l’environnement ne s’y prêtait pas. J’ai ensuite créé une société de conseil, un système d’information, avec une équipe de quatre à cinq personnes. En 2008, j’ai rencontré des gens de Google qui voulaient développer leurs activités en Afrique et qui m’ont convaincu de les rejoindre pour ouvrir le bureau au Sénégal et m’occuper de l’Afrique francophone.
Etre un jeune Sénégalais et se trouver à la tête de Google en Afrique francophone, ça vous fait quoi ?
C’est un travail comme un autre. Pour moi, il y avait deux à trois choix qui étaient importants : le premier, c’était d’entreprendre, de développer quelque chose de nouveau qui va avoir plus d’impact ici qu’en Europe. Ce que je savais faire en Europe, beaucoup de gens savaient le faire. Alors qu’ici, il y a beaucoup qui reste à faire. Le deuxième, j’aime vivre au Sénégal et en Afrique. Donc je suis entré dans cette démarche et quand, pour la première fois, j’ai entendu que Google voulait s’installer en Afrique, j’étais sceptique. Je ne voyais pas du tout travailler à Google. Quand on m’en a parlé, j’avais même transmis ça à d’autres pour leur demander si le projet les intéresse. Parce que ce que Google était une grande société qui fournit des services internet et qui génère des revenus avec de la publicité. Et c’est une société commerciale qui peut faire son activité quand Internet est déjà développé. Mais dans une zone où Internet n’est pas encore développé, ce n’est pas évident de faire un tel projet et donc je ne me voyais pas faire ça.
Qu’est-ce qui vous a finalement convaincu à rejoindre Google ?
Quand j’ai rencontré les responsables de Google qui étaient venus au Sénégal, je me suis rendu compte qu’ils comprenaient très bien qu'Internet n'était pas développé dans la zone et leur approche était : « Dans quelques années, l’Afrique sera prête. Ce sera une grande opportunité de business pour nous ». Mais ce qu’ils veulent faire c’est venir ici accompagner le développement d’Internet dans le continent. Si Internet se développe plus vite, ce sera bon pour Google et pour beaucoup d’acteurs du web. Les responsables de Google se sont dit qu’en faisant ce travail, ils vont mieux comprendre l’Afrique et les marchés émergeants et apprendre à y travailler. Quand j’ai compris leur démarche, je me suis dit : « Mon ambition est de travailler pour le développement d’Internet et des nouvelles technologies dans la région. Et quand cette ambition rencontre l’intérêt de Google, alors je peux travailler pour cette société ».
Chaque jour, quand je me réveille, c’est la rencontre entre mon travail et ma passion personnelle. Je suis heureux de faire ce travail.
Pourquoi les responsables de Google ont porté votre choix sur votre personne ? Pourquoi pas un Américain ou un Européen ?
Les responsables de Google sont venus au Sénégal en disant qu'ils ne voulaient pas amener un expatrié. Ils voulaient quelqu’un qui a les compétences, qui comprend le pays, qui connaît le contexte et qui a déjà travaillé ici. J’ai fait mes études en Europe. J’ai travaillé en Europe et aux Etats-Unis. J’ai acquis des compétences dans le domaine de l’internet. Je suis venu au Sénégal, j’ai créé une société et j’ai travaillé dans l’environnement durant plusieurs années. Pour eux, c’était la combinaison qu’il fallait pour avoir le profil à qui ils peuvent confier le développement de leurs activités dans la région.
Quatre ans après le lancement de Google en Afrique francophone, quel bilan tirez-vous de vos différentes activités ?
D’un point de vue externe : nous sommes arrivés ici en se posant une question : « comment pouvons-nous accélérer le développement d’Internet dans la région ? » Nous sommes arrivés en essayant de comprendre la région et d’apprendre et nous avons fait beaucoup de progrès dans ce sens jusqu’à ce qu’on ait une stratégie très claire sur les axes sur lesquels il faut travailler.
Ces axes sont : il fallait développer l’accès à l’internet et que l’infrastructure, les terminaux et la connectivité soient à un prix accessible.
Nous avons fait des partenariats avec les opérateurs. Par exemple, nous mettons des serveurs de caches chez les opérateurs parce que nous nous sommes rendu compte que la bande passante internationale était un facteur de coût très important et que Youtube était responsable d’une partie importante de trafic pour eux. Nous avons pensé que nous pouvons les aider en amenant des serveurs de caches dans la région pour que le trafic Youtube ne leur coûte plus cher.
Le deuxième aspect, ce sont les contenus. Pour qu’Internet se développe dans la région, il faut que les Africains produisent du contenu pertinent pour les Africains. Et nous avons décidé d’encourager ceux qui produisent du contenu intéressant, de grande qualité. Nous avons de voir comment travailler avec tout ce secteur pour que les puissent amener leurs contenus sur Internet et le faire de manière viable.
Le troisième aspect : Pour qu’Internet se développe, il faut tout un écosystème. Il faut qu’il y ait des développeurs qui sont formés avec les outils de développement les plus pointus pour faire des choses sur le net. Il faut aussi que les étudiants, dans leurs cours, apprennent à maîtriser les nouvelles technologies. Il faut qu’il y ait de l’entreprenariat, des gens qui créent des entreprises qui génèrent de l’emploi, des revenus et de la valeur dans le secteur. Il faut qu’il y ait une politique de régulation. Nous faisons tout ça.
Quand nous sommes arrivés ici, il y avait quelques développeurs sénégalais qui commençaient à maîtriser ces outils mais ils étaient éparpillés. Nous avons encouragé cette communauté à se retrouver. Nous avons tenu d’organiser des Barcamp (conférence où les développeurs se retrouvent et partagent leur savoir). Le Sénégal a tenu l’un des premiers Barcamp en Afrique. Nous avons financé beaucoup d’activités et aujourd’hui, il y a une communauté extrêmement forte qui commence à faire l’objet d’articles dans des journaux aux Etats-Unis qui disent qu’il y a des gens qui innovent, qui créent des Start up au Sénégal. Et ça va attirer des investisseurs au dans la région.
Il y a un Take up avec lequel nous avons noué un partenariat : Jokkolabs. Nous venons accompagner financièrement des développeurs pour qu’ils construisent leur Take up, qu’ils ayent une bonne connexion internet pour qu’ils puissent mieux accompagner la communauté. Nous avons travaillé avec le CTIC (Centre d'Incubation) sur des concours de Strart up. Tout ça contribue à alimenter un environnement qui développe Internet dans la région. Nous faisons ça au Sénégal, Côte d’Ivoire, au Cameroun et dans tous les pays de la région.
En interne, je suis heureux de voir qu’il y a un certain nombre d’initiatives qui ont été prises par l’équipe de Google en Afrique qui sont devenues des initiatives globales de Google. Nous avons introduit chez Google l’idée de faire des interfaces Sms pour nos produits. Parce qu’en Afrique, tout le monde n’a pas encore Internet, mais tout le monde a un téléphone portable pour envoyer des Sms. On s’est posé la question suivante : « Avec Google Tchatche de Gmail, est-ce qu’on peut tchatcher directement avec quelqu’un sur son téléphone portable ? ». Et on a développé ce produit qui a beaucoup de succès au Sénégal, qui a été déployé en Afrique mais aussi en Asie en Amérique latine et partout ailleurs. Donc c’est un apport de l’équipe africaine de Google. Nous sommes devenus, sur beaucoup d’aspects, une source d’innovation pour Google. Ce qui est un bilan très positif pour nous car ça génère beaucoup d’attention et de respect pour la région et ça contribue à convaincre l’industrie Hi-Tech d’investir plus en Afrique où il y a l’innovation et de l’opportunité.
Vous avez lancé depuis quelques mois Youtube Sénégal. Quel est le but d’une telle entreprise ?
Nous nous sommes posé une question : « comment faire pour que le contenu local puisse présent ligne d’une manière viable pour les artistes ? ». Google a une plateforme formidable qui est Youtube. Nous avons regardé les chiffres et nous avons constaté que Youtube était déjà populaire au Sénégal mais les producteurs ne pouvaient pas encore rentabiliser cette plateforme parce qu’ils ne connaissaient. Il y a donc un travail de sensibilisation et de formation et ensuite il faut mettre à leur disposition un certain nombre d’outils. Youtube donne 4 choses à un acteur local :
1e : une visibilité globale, 4 milliards de vidéos sont vues chaque jour sur Youtube. 2e : un outil d’analyse qui permet aux artistes de savoir qui regarde leurs clips, son âge et la zone dans laquelle il se trouve. 3e : le ‘content id’ qui est un outil qui permet de protéger les droits des artistes. 4e : avoir des revenus avec les vidéos.
Ce que nous voulons c’est permettre aux artistes d’avoir un outil pour mettre leurs contenus en ligne d’une manière qu’ils contrôlent et générer des revenus avec. Nous le faisons avec une approche très légaliste. Un producteur qui met son contenu sur Youtube, on va lui reverser sa part. Mais il y a des droits qui doivent être versés au Bureau sénégalais des droits d’auteurs qui reversera des revenus à l’auteur-compositeur qui n’est pas forcément le producteur ou l’interprète. Nous avons une convention avec le BSDA pour pouvoir faire ce travail. Nous voulons ouvrir cet écosystème à tous acteurs sénégalais pour qu’ils mettent leurs contenus en ligne.
Concrètement, qu’est-ce les TIC peuvent apporter à l’Afrique ? Peuvent-elles contribuer au développement du continent ?
Sans hésiter, oui ! Et ce n’est pas juste une opinion c’est des choses qui ont été prouvées. Il y’a des études qui ont été menées par la Banque mondiale qui s’est intéressée à l’impact de la pénétration des TIC sur la croissance du Produit intérieur brut (PIB). Des études qui ont prouvé que chaque fois qu’on gagne 10% de pénétration d’internet, on gagne 1% sur le PIB. Dans le cas du Sénégal, c’est encore plus facile à illustrer. Ici le secteur télécom représente un pourcentage très important du PIB, certains même parlent de 12%. C’est donc un secteur porteur de croissance qui développe de l’emploi et des revenus pour le pays. Mais au-delà de ça, les TIC ont un impact sur tous les secteurs. Elles contribuent à rendre toutes les entreprises plus efficaces. Aujourd’hui, les gens utilisent le mail pour communiquer vite, utilisent Internet et Google pour être plus visibles et pour amener plus de business vers eux. Il y a des opportunités énormes parce qu’on est sûr d’avoir un marché mondial. Le Sénégal est un pays où le tourisme est un secteur extrêmement important. Les touristes qui sont en Europe, en Amérique ou en Asie cherchent leurs prochaines destinations. En étant présente et visible sur Internet, une industrie touristique va attirer plus de touristes, plus de revenus pour le secteur et de la croissance pour le Sénégal.
Nous avons une formidable industrie de contenus culturels, audiovisuels qui intéressent le monde entier. Internet peut être un moyen pour distribuer ce contenu dans le monde entier d’une manière rentable pour cette industrie.
Les développeurs commencent à attirer l’attention des investisseurs. Des investissements directs qui vont arriver dans le pays.
Je suis content de dire que dans les pays africains, les autorités comprennent très bien cet enjeu et le potentiel que représentent les TIC et sont très heureuses de l’arrivée de Google dans la zone. Ces dirigeants nous reçoivent toujours très ouvertement pour discuter de ce que nous pouvons faire ensemble.
Il y a du potentiel mais aussi il y a beaucoup d’obstacles à franchir si on veut avancer. Le Kenya a eu le câble sous-marin en 2010 et le Sénégal depuis 1998. Mais depuis 5 ans, le Sénégal ne progresse plus et que le potentiel dont on parle depuis 10 ans n’a pas encore été exploité. Les prix d’Internet sont encore très chers. Le Kenya a des prix beaucoup plus compétitifs.
Entretien réalisé par la rédaction de Leral
Quand je suis rentré au Sénégal, je voulais accompagner les PME pour mutualiser les ressources et les permettre de bénéficier des nouvelles technologies. Mais ce projet n’a pas bien marché parce que l’environnement ne s’y prêtait pas. J’ai ensuite créé une société de conseil, un système d’information, avec une équipe de quatre à cinq personnes. En 2008, j’ai rencontré des gens de Google qui voulaient développer leurs activités en Afrique et qui m’ont convaincu de les rejoindre pour ouvrir le bureau au Sénégal et m’occuper de l’Afrique francophone.
Etre un jeune Sénégalais et se trouver à la tête de Google en Afrique francophone, ça vous fait quoi ?
C’est un travail comme un autre. Pour moi, il y avait deux à trois choix qui étaient importants : le premier, c’était d’entreprendre, de développer quelque chose de nouveau qui va avoir plus d’impact ici qu’en Europe. Ce que je savais faire en Europe, beaucoup de gens savaient le faire. Alors qu’ici, il y a beaucoup qui reste à faire. Le deuxième, j’aime vivre au Sénégal et en Afrique. Donc je suis entré dans cette démarche et quand, pour la première fois, j’ai entendu que Google voulait s’installer en Afrique, j’étais sceptique. Je ne voyais pas du tout travailler à Google. Quand on m’en a parlé, j’avais même transmis ça à d’autres pour leur demander si le projet les intéresse. Parce que ce que Google était une grande société qui fournit des services internet et qui génère des revenus avec de la publicité. Et c’est une société commerciale qui peut faire son activité quand Internet est déjà développé. Mais dans une zone où Internet n’est pas encore développé, ce n’est pas évident de faire un tel projet et donc je ne me voyais pas faire ça.
Qu’est-ce qui vous a finalement convaincu à rejoindre Google ?
Quand j’ai rencontré les responsables de Google qui étaient venus au Sénégal, je me suis rendu compte qu’ils comprenaient très bien qu'Internet n'était pas développé dans la zone et leur approche était : « Dans quelques années, l’Afrique sera prête. Ce sera une grande opportunité de business pour nous ». Mais ce qu’ils veulent faire c’est venir ici accompagner le développement d’Internet dans le continent. Si Internet se développe plus vite, ce sera bon pour Google et pour beaucoup d’acteurs du web. Les responsables de Google se sont dit qu’en faisant ce travail, ils vont mieux comprendre l’Afrique et les marchés émergeants et apprendre à y travailler. Quand j’ai compris leur démarche, je me suis dit : « Mon ambition est de travailler pour le développement d’Internet et des nouvelles technologies dans la région. Et quand cette ambition rencontre l’intérêt de Google, alors je peux travailler pour cette société ».
Chaque jour, quand je me réveille, c’est la rencontre entre mon travail et ma passion personnelle. Je suis heureux de faire ce travail.
Pourquoi les responsables de Google ont porté votre choix sur votre personne ? Pourquoi pas un Américain ou un Européen ?
Les responsables de Google sont venus au Sénégal en disant qu'ils ne voulaient pas amener un expatrié. Ils voulaient quelqu’un qui a les compétences, qui comprend le pays, qui connaît le contexte et qui a déjà travaillé ici. J’ai fait mes études en Europe. J’ai travaillé en Europe et aux Etats-Unis. J’ai acquis des compétences dans le domaine de l’internet. Je suis venu au Sénégal, j’ai créé une société et j’ai travaillé dans l’environnement durant plusieurs années. Pour eux, c’était la combinaison qu’il fallait pour avoir le profil à qui ils peuvent confier le développement de leurs activités dans la région.
Quatre ans après le lancement de Google en Afrique francophone, quel bilan tirez-vous de vos différentes activités ?
D’un point de vue externe : nous sommes arrivés ici en se posant une question : « comment pouvons-nous accélérer le développement d’Internet dans la région ? » Nous sommes arrivés en essayant de comprendre la région et d’apprendre et nous avons fait beaucoup de progrès dans ce sens jusqu’à ce qu’on ait une stratégie très claire sur les axes sur lesquels il faut travailler.
Ces axes sont : il fallait développer l’accès à l’internet et que l’infrastructure, les terminaux et la connectivité soient à un prix accessible.
Nous avons fait des partenariats avec les opérateurs. Par exemple, nous mettons des serveurs de caches chez les opérateurs parce que nous nous sommes rendu compte que la bande passante internationale était un facteur de coût très important et que Youtube était responsable d’une partie importante de trafic pour eux. Nous avons pensé que nous pouvons les aider en amenant des serveurs de caches dans la région pour que le trafic Youtube ne leur coûte plus cher.
Le deuxième aspect, ce sont les contenus. Pour qu’Internet se développe dans la région, il faut que les Africains produisent du contenu pertinent pour les Africains. Et nous avons décidé d’encourager ceux qui produisent du contenu intéressant, de grande qualité. Nous avons de voir comment travailler avec tout ce secteur pour que les puissent amener leurs contenus sur Internet et le faire de manière viable.
Le troisième aspect : Pour qu’Internet se développe, il faut tout un écosystème. Il faut qu’il y ait des développeurs qui sont formés avec les outils de développement les plus pointus pour faire des choses sur le net. Il faut aussi que les étudiants, dans leurs cours, apprennent à maîtriser les nouvelles technologies. Il faut qu’il y ait de l’entreprenariat, des gens qui créent des entreprises qui génèrent de l’emploi, des revenus et de la valeur dans le secteur. Il faut qu’il y ait une politique de régulation. Nous faisons tout ça.
Quand nous sommes arrivés ici, il y avait quelques développeurs sénégalais qui commençaient à maîtriser ces outils mais ils étaient éparpillés. Nous avons encouragé cette communauté à se retrouver. Nous avons tenu d’organiser des Barcamp (conférence où les développeurs se retrouvent et partagent leur savoir). Le Sénégal a tenu l’un des premiers Barcamp en Afrique. Nous avons financé beaucoup d’activités et aujourd’hui, il y a une communauté extrêmement forte qui commence à faire l’objet d’articles dans des journaux aux Etats-Unis qui disent qu’il y a des gens qui innovent, qui créent des Start up au Sénégal. Et ça va attirer des investisseurs au dans la région.
Il y a un Take up avec lequel nous avons noué un partenariat : Jokkolabs. Nous venons accompagner financièrement des développeurs pour qu’ils construisent leur Take up, qu’ils ayent une bonne connexion internet pour qu’ils puissent mieux accompagner la communauté. Nous avons travaillé avec le CTIC (Centre d'Incubation) sur des concours de Strart up. Tout ça contribue à alimenter un environnement qui développe Internet dans la région. Nous faisons ça au Sénégal, Côte d’Ivoire, au Cameroun et dans tous les pays de la région.
En interne, je suis heureux de voir qu’il y a un certain nombre d’initiatives qui ont été prises par l’équipe de Google en Afrique qui sont devenues des initiatives globales de Google. Nous avons introduit chez Google l’idée de faire des interfaces Sms pour nos produits. Parce qu’en Afrique, tout le monde n’a pas encore Internet, mais tout le monde a un téléphone portable pour envoyer des Sms. On s’est posé la question suivante : « Avec Google Tchatche de Gmail, est-ce qu’on peut tchatcher directement avec quelqu’un sur son téléphone portable ? ». Et on a développé ce produit qui a beaucoup de succès au Sénégal, qui a été déployé en Afrique mais aussi en Asie en Amérique latine et partout ailleurs. Donc c’est un apport de l’équipe africaine de Google. Nous sommes devenus, sur beaucoup d’aspects, une source d’innovation pour Google. Ce qui est un bilan très positif pour nous car ça génère beaucoup d’attention et de respect pour la région et ça contribue à convaincre l’industrie Hi-Tech d’investir plus en Afrique où il y a l’innovation et de l’opportunité.
Vous avez lancé depuis quelques mois Youtube Sénégal. Quel est le but d’une telle entreprise ?
Nous nous sommes posé une question : « comment faire pour que le contenu local puisse présent ligne d’une manière viable pour les artistes ? ». Google a une plateforme formidable qui est Youtube. Nous avons regardé les chiffres et nous avons constaté que Youtube était déjà populaire au Sénégal mais les producteurs ne pouvaient pas encore rentabiliser cette plateforme parce qu’ils ne connaissaient. Il y a donc un travail de sensibilisation et de formation et ensuite il faut mettre à leur disposition un certain nombre d’outils. Youtube donne 4 choses à un acteur local :
1e : une visibilité globale, 4 milliards de vidéos sont vues chaque jour sur Youtube. 2e : un outil d’analyse qui permet aux artistes de savoir qui regarde leurs clips, son âge et la zone dans laquelle il se trouve. 3e : le ‘content id’ qui est un outil qui permet de protéger les droits des artistes. 4e : avoir des revenus avec les vidéos.
Ce que nous voulons c’est permettre aux artistes d’avoir un outil pour mettre leurs contenus en ligne d’une manière qu’ils contrôlent et générer des revenus avec. Nous le faisons avec une approche très légaliste. Un producteur qui met son contenu sur Youtube, on va lui reverser sa part. Mais il y a des droits qui doivent être versés au Bureau sénégalais des droits d’auteurs qui reversera des revenus à l’auteur-compositeur qui n’est pas forcément le producteur ou l’interprète. Nous avons une convention avec le BSDA pour pouvoir faire ce travail. Nous voulons ouvrir cet écosystème à tous acteurs sénégalais pour qu’ils mettent leurs contenus en ligne.
Concrètement, qu’est-ce les TIC peuvent apporter à l’Afrique ? Peuvent-elles contribuer au développement du continent ?
Sans hésiter, oui ! Et ce n’est pas juste une opinion c’est des choses qui ont été prouvées. Il y’a des études qui ont été menées par la Banque mondiale qui s’est intéressée à l’impact de la pénétration des TIC sur la croissance du Produit intérieur brut (PIB). Des études qui ont prouvé que chaque fois qu’on gagne 10% de pénétration d’internet, on gagne 1% sur le PIB. Dans le cas du Sénégal, c’est encore plus facile à illustrer. Ici le secteur télécom représente un pourcentage très important du PIB, certains même parlent de 12%. C’est donc un secteur porteur de croissance qui développe de l’emploi et des revenus pour le pays. Mais au-delà de ça, les TIC ont un impact sur tous les secteurs. Elles contribuent à rendre toutes les entreprises plus efficaces. Aujourd’hui, les gens utilisent le mail pour communiquer vite, utilisent Internet et Google pour être plus visibles et pour amener plus de business vers eux. Il y a des opportunités énormes parce qu’on est sûr d’avoir un marché mondial. Le Sénégal est un pays où le tourisme est un secteur extrêmement important. Les touristes qui sont en Europe, en Amérique ou en Asie cherchent leurs prochaines destinations. En étant présente et visible sur Internet, une industrie touristique va attirer plus de touristes, plus de revenus pour le secteur et de la croissance pour le Sénégal.
Nous avons une formidable industrie de contenus culturels, audiovisuels qui intéressent le monde entier. Internet peut être un moyen pour distribuer ce contenu dans le monde entier d’une manière rentable pour cette industrie.
Les développeurs commencent à attirer l’attention des investisseurs. Des investissements directs qui vont arriver dans le pays.
Je suis content de dire que dans les pays africains, les autorités comprennent très bien cet enjeu et le potentiel que représentent les TIC et sont très heureuses de l’arrivée de Google dans la zone. Ces dirigeants nous reçoivent toujours très ouvertement pour discuter de ce que nous pouvons faire ensemble.
Il y a du potentiel mais aussi il y a beaucoup d’obstacles à franchir si on veut avancer. Le Kenya a eu le câble sous-marin en 2010 et le Sénégal depuis 1998. Mais depuis 5 ans, le Sénégal ne progresse plus et que le potentiel dont on parle depuis 10 ans n’a pas encore été exploité. Les prix d’Internet sont encore très chers. Le Kenya a des prix beaucoup plus compétitifs.
Entretien réalisé par la rédaction de Leral