de ne pas répercuter la hausse du prix du baril sur le prix de l’énergie et des hydrocarbures. Il précise, dans cet entretien avec L’Observateur, que son engagement politique n’influe pas sur la bonne marche de la Dgid.
M. Bâ, nous sommes à l’heure des bilans. Pouvez-vous nous faire un résumé de l’année fiscale 2018 ?
Je vais vous surprendre un peu en disant que s’il s’agit de faire le bilan de l’année fiscale 2018, je ne suis pas forcément, en tant que Directeur général des Impôts et des Domaines, l’autorité la plus habilitée à le faire. Pour la simple raison que d’une part, c’est le ministre de l’Economie, des finances et du plan qui en a la primeur et, d’autre part, ce bilan concernera à la fois les deux administrations fiscales : la Dgid et la Direction générale des Douanes. Sous réserve de ces précautions, je peux d’ores et déjà vous dire que nous avons enregistré, en termes de mobilisation de recettes, une progression appréciable, notamment sur les lignes de recettes «pivots» que sont la taxe sur la valeur ajoutée et les retenues à la source. C’est vrai que nos services sont encore dans les travaux de centralisation, mais je peux déjà affirmer que nous avons fait un glissement positif significatif, comme on le dit dans notre jargon. Les recettes projetées sont d’environ 1 250 milliards. Cela me paraît extrêmement important, même si, il faut le reconnaître, nous avons connu quelques difficultés à atteindre pleinement les objectifs fixés au départ ; cela est dû, pour l’essentiel, à des facteurs exogènes tenant à l’environnement économique international. Le cours du baril à l’international a connu une hausse rapide et importante, que même les spécialistes ne pouvaient prévoir. Dans le même temps, le président de la République, Macky Sall, a pris la décision de ne pas répercuter cette hausse sur le prix de l’énergie et des hydrocarbures en général. C’est pourquoi, le prix à la pompe n’a pas augmenté, de même que le coût de l’électricité fournie par la Senelec.
Est-ce que cette mesure du chef de l’Etat ne porte pas préjudice au fonctionnement de certaines administrations ?
Cela veut dire que le président de la République a pris une décision salutaire aux plans économique et social. Il a préféré faire des efforts au plan budgétaire pour soulager les populations des effets de la hausse des prix des hydrocarbures qui allait impacter tous les secteurs de la vie économique et sociale. Cela a naturellement eu un impact sur la fiscalité pétrolière qui génère une part importante des impôts sur la consommation, la Tva et les taxes spécifiques. Toutefois, le taux d’exécution des recettes prévu dans le budget 2018 reste très appréciable, compte tenu des efforts que notre administration, celles de la Douane et du Trésor, ont consenti. Par ailleurs, il faut reconnaître que nous devons encore conquérir des marges en matière de fiscalisation de certains secteurs tels que l’informel, l’immobilier, … De même, le niveau de civisme fiscal doit être amélioré. Nous sommes dans un système déclaratif qui postule qu’il revient à chaque résident de faire de façon spontanée, sa déclaration d’impôt et de s’acquitter des paiements qui en résultent. Tel n’est pas encore le cas pour certaines catégories de contribuables. Nous continuons de faire des efforts en matière de communication, de simplification de la norme fiscale et d’adaptation de notre structure administrative.
Est-ce qu’il y a eu des réformes dans la collecte ?
Le bilan de l’année fiscale, c’est aussi deux grandes réformes que nous avons pu mettre en œuvre. Il y a d’abord, la réforme de la fiscalité locale en rapport avec la nouvelle politique de décentralisation déclinée à travers l’Acte III de la décentralisation. Ainsi, nous avons pu remplacer la contribution des patentes longtemps décriée par la Contribution économique locale, dont les premiers résultats sont plus qu’encourageants. L’autre réforme majeure a été le parachèvement de notre dispositif de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales résultant des stratégies agressives de fraudes ou d’optimisation menées par les multinationales. La dernière innovation qui, à notre sens, n’a pas été suffisamment perçue, et c’est en cela que nous devons communiquer davantage, est la simplification de l’imposition des revenus fonciers. Cela a été un souhait du chef de l’Etat d’obliger tous les titulaires de revenus fonciers à payer leur impôt à partir d’un dispositif simplifié. A titre illustratif, selon le revenu annuel tiré de la location, le propriétaire paiera un impôt synthétique égal à un mois de loyer, si le revenu annuel ne dépasse pas 12 millions. Un autre volet tout aussi important pour nous, est la modernisation de nos services pour d’une part, renforcer l’efficacité de notre action, mais aussi améliorer la qualité des services que nous rendons à nos usagers. De ce point de vue, nous avons engagé le processus de généralisation des téléprocédures fiscales en début 2018, avec la mise en service d’une version améliorée de l’application de télédéclaration et de télépaiement dénommée Etax. En une année, c’est plus de 650 milliards de recettes qui ont été collectés par ce canal, en parfaite collaboration avec les services du Trésor public et des banques partenaires. Aujourd’hui, au delà des grandes et des moyennes entreprises, pour qui, la déclaration et le paiement des impôts et taxes se font désormais en ligne, il est possible à tout contribuable sénégalais d’interagir avec nos services, sans se déplacer. Les premières enquêtes menées montrent un niveau de satisfaction élevé chez les usagers. C’est un motif d’encouragement pour la poursuite de notre programme de modernisation et d’amélioration de la qualité des services rendus à nos usagers.
Au delà des points évoqués, quels ont été les difficultés ou échecs notés au cours de l’année 2018 ?
Si nous avons beaucoup innové et réformé, avec plus ou moins de réussite, dont le mérite revient à l’ensemble du personnel de la Direction générale des Impôts et des Domaines, il faut reconnaître que les défis n’ont pas manqué. Je l’ai évoqué précédemment, même si nous avons beaucoup progressé, en termes de mobilisation de recettes fiscales et non fiscales, nous devons faire davantage d’efforts. Et pour qui connait l’engagement de nos services et le culte de la performance que nous avons institué depuis quelques années et qui a permis de passer de 800 milliards de francs Cfa en 2013 à un plus de 1 200 milliards en 2017, nous constatons qu’il y a encore des défis à relever, parce que l’ambition d’émergence de notre pays portée par le président de la République, Macky Sall, est forte et volontariste et exige des besoins de financements importants. En conséquence, je m’engage, avec mes services, à relever ce défi.
En dénonçant les difficultés de recettes, certains trouvent un lien de cause à effet avec votre engagement politique. Que répondez-vous ?
La réponse est très simple : il n’existe aucun lien entre notre mode de fonctionnement, en tant qu’administration et le choix personnel qu’est le mien, de soutenir l’action du président de la République, dans son ambition d’émergence pour le Sénégal à l’horizon 2035. Cet engagement et les résultats probants obtenus sur une période relativement courte me valent sans doute aujourd’hui, beaucoup d’attaques. Pour mon pays, j’assume et j’avance.Toutefois, il me parait fondamental que les uns et les autres comprennent qu’il n’est dans l’intérêt de personne de jeter le discrédit sur l’administration fiscale qui est la principale mamelle du système financier de l’Etat. De plus, nous avons l’administration la plus démocratique si je peux m’exprimer ainsi, dans laquelle les convictions politiques du personnel, tout comme celles de nos contribuables et usagers, n’influent en rien dans le traitement au quotidien des dossiers. Ceux qui connaissent notre mode de fonctionnement comprennent que l’initiative, en matière de contrôle ou de recouvrement, est entièrement laissée aux services opérationnels. Pour notre part, notre rôle consiste à définir les orientations, impulser les réformes nécessaires, coordonner l’action administrative, …
Peut-on s’attendre à des innovations pour l’année nouvelle ?
Pour 2019, nous comptons poursuivre nos efforts de modernisation. Bien entendu, une attention particulière sera toujours accordée à l’atteinte des objectifs de recettes. La modernisation va s’accentuer, avec la finalisation de notre programme de maturité digitale qui nous mènera vers une administration «zéro papier». Au delà de l’application Etax, deux nouvelles plateformes de téléprocédures fiscales sont envisagées : Mon Espace perso lancé en 2018 et une autre plus révolutionnaire appelée M-tax qui devrait permettre d’utiliser d’autres procédés technologiques pour bénéficier des téléprocédures fiscales, à partir d’un téléphone portable ou à travers d’un serveur vocal interactif. Ces applications visent notamment les petites entreprises et les particuliers. En matière foncière, le processus d’acquisition d’un système de gestion foncier totalement informatisé, avec un accès ouvert au livre foncier, est assez avancé. Sa matérialisation en 2019 ou 2020 marquera une révolution dans la gestion du foncier au Sénégal. J’en profite également pour dire que tous les actes légaux et réglementaires devant permettre l’application à grande échelle de la volonté du chef de l’Etat de rendre gratuit l’accès au titre foncier pour les populations sénégalaises sont pris. Les premiers titres ont été établis. 2019 sera une année d’intensification de la mesure.
MAMADOU SECK