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Entretien avec le ministre, chef de cabinet du président de la république :Papa Samba Mboup crache amertume

A l’interphone, Pape Samba Mboup ne semblait pas être disposé à nous recevoir. Mais avec un peu d’insistance, il nous demande finalement de monter dans sa chambre d’hôtel. Une fois à l’intérieur, c’est un homme accueillant que nous avons rencontré, en compagnie de son fils et d’un ami ivoirien qui a pris part à son conclave, lundi soir, avec les démissionnaires. Mais c’est également un homme «amer» qui nous a reçus. Il est pressé, car il était sur le point de sortir. Il est agité, et il a du mal à le dissimuler. Il ne reste pas longtemps assis ou debout. Il serre les poings en répondant. Bref, c’est un homme fou de rage, que nous avons rencontré, hier, en fin de matinée, à Boulogne-Billancourt, près de Paris. A noter que Pape Samba Mboup était endeuillé par la mort d’un frère dont il venait d’apprendre la nouvelle.
A l’évidence, il n’est pas en colère à cause de son échec dans sa tentative de ramener ses amis démissionnaires du Parti démocratique sénégalais (Pds). Mais à cause des dysfonctionnements, des injustices, «des mesquineries, des magouilles» dans son parti. Sans langue de bois, le ministre chef de Cabinet du Président Wade dit ses quatre vérités. Et il le dit comme il le sent. A l’endroit d’Athia Niang Aw, d’abord. La vice-consul du Sénégal à Paris est désignée comme étant la principale responsable de la frustration qui a entraîné la démission des libéraux de France. Mais l’entourage présidentiel n’est pas épargné. Abdoulaye Faye, l’administrateur du Pds, en a eu pour son grade. Ne craignant point de représailles, il finira par avertir : «Il y a des choses qui se passent dans le parti, qu’il faut corriger, sinon il disparaîtra.» Entretien...


Rédigé par leral.net le Jeudi 18 Décembre 2008 à 10:08 | | 0 commentaire(s)|

Entretien avec le ministre, chef de cabinet du président de la république :Papa Samba Mboup crache amertume
Vous êtes à Paris pour tenter de convaincre les démissionnaires de retourner au Pds. Pouvez-nous parler de votre mission ?
Je dois d’abord préciser que je ne suis pas à Paris spécialement pour convaincre les démissionnaires de retourner au Pds. Je suis là pour accompagner le chef de l’Etat dans le cadre d’une mission bien précise. Il faut dire ensuite qu’entre moi et les démissionnaires, c’est une longue histoire. Ce sont mes amis, et cette amitié dure depuis longtemps. Si je prends l’exemple de Djidéré Mballo, c’est quelqu’un avec qui j’ai partagé énormément de choses. C’est un ami personnel. Pour tout vous dire, avant, quand je venais en France, je séjournais chez lui. De même que lorsqu’il vient au Sénégal, nous sommes inséparables. C’est pour vous résumer les relations qui nous lient. C’est en raison de ces relations d’amitié que je me suis dis que je vais essayer de le rencontrer, en marge de ma mission. Nous nous sommes effectivement vus. Nous avons discuté. La rencontre s’est déroulée devant mon ami ivoirien ici présent. Ils m’ont fait comprendre les raisons de leur départ du parti, et j’ai compris. En réalité, ils ne sont pas partis à cause de Macky (ancien président de l’Assemblée nationale : Ndlr). Leur démission est juste un prétexte. Ils ont accumulé une série de frustrations. Ce sont des compagnons historiques du président Abdoulaye Wade. Cela fait trente ans qu’ils sont avec lui. Djidéré Mballo, le président Samba Koïta, le député Amadou Ciré Sall, voilà des gens qui ont aidé Abdoulaye Wade à implanter le Parti démocratique sénégalais (Pds) en France. Et ce sont eux qui se sont battus pour que le parti gagne en France. Malheureusement, d’après eux, le parti ne leur a pas rendu l’ascenseur.
En quoi le Pds ne leur a-t-il pas rendu l’ascenseur ?
Au lendemain de l’alternance, on a voulu mettre quelqu’un au-dessus d’eux. Il s’agit de Madame Athia Aw. Alors que jusqu’en 2000, cette femme n’avait jamais rien fait pour le parti. Moi, j’étais là avec le président (Wade) quand on faisait le tour des foyers pour discuter avec les gens. Cette Athia, on ne l’a jamais vue. Elle n’a jamais assisté aux réunions. Il semblerait que lorsqu’on la convoquait, elle disait : «Je n’ai pas le temps.» Maintenant qu’on a gagné les élections, elle est venue. Parce que c’est la fille de Alioune Badara Niang, un compagnon du Président Abdoulaye Wade. Dès qu’elle est arrivée, elle a aussitôt été nommée vice-consul à Paris, alors qu’elle n’a rien fait pour mériter ce poste. Les gens qui étaient là et qui pensaient pouvoir bénéficier de cette victoire, se sont vus… (il cherche ses mots, tourne autour de lui, ndlr) spoliés. Ils effectuent un bon travail, et une tiers personne bénéficie de ce travail. Depuis 2000, c’est cela le fond du problèm. Personnellement, je me suis battu à côté de gens comme Abbas Ndiour. Et le parti a rectifié en nommant Abbas Ndiour ambassadeur en Espagne. Parce qu’avec ces gens-là, on travaille pour le parti. Plus tard, Amadou Ciré Sall est devenu député. Jusque-là, ça va. Mais malheureusement, cette femme là (Athia Aw) tente de prendre le parti entre les mains de ces gens qui ont fait le Pds en France.
Mais tous ces problèmes existent depuis longtemps sans pour autant que vos amis ne tournent le dos au parti. Et vous dites que ce n’est pas Macky la cause de leur départ. Comment donc en est-on arrivé à ce point de non retour, concrètement?
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase vient du fait que le parti (Pds) avait envoyé une mission ici, pour rencontrer les responsables et discuter avec eux. Mais au lieu de convoquer le bureau officiel, ces personnes se sont entretenues avec Athia Aw qui ne représente rien dans le bureau parce que, depuis lors, il n’y a pas encore eu de renouvellement dans le parti.
Vous faites allusion à Abdoulaye Faye ?
(Il gesticule) C’est vous qui prononcez son nom… Les gens qui sont venus en mission par rapport à l’affaire Macky Sall (peu avant la démission de ce dernier, Ndlr). au lieu de s’adresser à ces gens là (les membres du bureau fédéral officiel : Ndlr), qui sont des symboles du parti à Paris, qui ont tout donné, qui ont battu campagne avec le président, qu’il pleuve ou qu’il neige, qui ont tout fait avec le président- à un moment j’étais là- ils sont allés se réunir avec Athia Aw et sa bande. C’est cette situation qui a fait déborder le vase. Ensuite, ils sont partis. Mais comme ils ne peuvent pas aller dans un parti autre qu’un démembrement du Pds, ils sont allés rejoindre Macky Sall, parce qu’avec lui ils vont se retrouver un peu dans le parti, étant donné que ce sont des militants du Pds qui sont là-bas.
Pourquoi ils n’acceptent pas de revenir au Pds, malgré votre intervention ?
Moi, j’ai essayé de leur parler. Ils m’ont fait comprendre que le problème, ce n’est pas à leur niveau, mais plutôt au niveau de leur base. Ils m’ont dit que toute leur base est partie. Et puisque leur base est partie, ils ne représentent rien dans le parti sans cette base. Ils disent qu’ils sont donc obligés de suivre leur base. Ils disent aussi qu’ils ne sont pas partis à cause de Macky parce que ce n’est pas lui qui les a amenés dans le Pds. Macky Sall les a trouvés dans le parti. Et moi, plutôt Macky qui devrait les suivre. Ils ont été les premiers à militer dans le parti. Ce problème est lié à des frustrations. Il y a des choses qu’il faut corriger dans le parti, sinon, il va disparaître. Et puis les démissionnaires ne sont pas les seuls. Il y a beaucoup de militants qui sont frustrés parce qu’ils ne peuvent pas hisser Abdoulaye Wade au sommet de l’Etat, et que des personnes, qui nous ont combattus et qui n’ont jamais été avec nous, viennent récolter les bénéfices. Ce n’est pas normal ! Et c’est ça le problème. Je suis désolé.
Pourtant le président de la République semble être bien informé de cette situation…
Le président de la République, on lui ment. Les gens ne lui racontent jamais la vérité. On vient lui dire : «Athia nangam nangam» (traduisez : «Athia, ceci ; Athia, cela» : Ndlr), tout le monde est derrière elle. Les autres sont dépassés ; ils sont amortis». Alors que, d’après les gens, Athia ne représente rien. Voilà une lettre de la sénatrice (Awa Kane) envoyée au président pour lui expliquer le problème (il nous remet une copie : Ndlr). C’est elle-même qui a dit que Mboup, qui est leur ami, pourrait peut-être, faire quelque chose afin de faire revenir les démissionnaires. Mais, je n’ai rien pu faire.
Vous leur en voulez de ne pas accepter votre demande ?
Je ne leur en veux pas. J’aurais été à leur place, j’aurais peut-être fait la même chose. Voilà ce qui se passe dans ce parti. Maintenant, avec cette interview, ils vont peut-être essayer de me mettre les bâtons dans les roues…
Qui ?
Leur Conseil de discipline (Conseil de discipline du Pds dirigé par Abdoulaye Faye : Ndlr) ou je ne sais quoi, qui ne sert à rien du tout. Mais c’est le cadet de mes soucis. Moi, je ne suis pas un esclave. Je suis un homme libre. Je sers un homme, un point c’est tout. Mais je ne sers pas un parti. C’est un homme que je sers.
Vous êtes vraiment amer, Monsieur Mboup…
Je suis amer (en élevant le ton et en se mettant subitement debout, ndlr) parce que ce sont des amis à moi qui sont partis. Des amis avec qui j’ai travaillé pendant trente ans. Par des magouilles, par des mesquineries, on les a fait partir. C’est bon. Maintenant, on va voir si cette nouvelle équipe va nous faire gagner Paris.
Reste t-il, tout de même, une once de chance pour que vos amis reviennent au Pds ?
Je ne sais pas. Peut-être que quand ils vont me lire, ils comprendront qu’on ne les a pas abandonnés, qu’il y a des gens qui sont avec eux. Je ne sais pas s’ils vont revenir ou pas.
Il semblerait que le président de la République tenait absolument à les rencontrer. A votre avis, pourquoi ils n’ont pas accepté de le voir ?

Je ne sais pas. Peut-être qu’ils sont gênés. Mais ils n’ont pas dit qu’ils ne vont pas le rencontrer. Et moi je ne suis pas venu ici pour qu’ils rencontrent le président de la République. Je suis venu pour leur parler tout simplement. C’est une initiative personnelle. Le président, je sais qu’il est malheureux. On est toujours malheureux, quand on perd ses amis. Voilà ! Vous pouvez mettre tout ça dans votre journal. Vous pourrez dire que Pape Samba Mboup est amer.
source le quotidien

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