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Entretien exclusif avec le Dr Alioune Sarr,Pdt du Cng de lutte :«La majorité des marabouts sont contre les effigies…»

Le président du Cng n’est pas satisfait, alors pas du tout, des lutteurs qui foulent des pieds les interdits, comme par exemple, le «Nguimb-cuissard». Et pour mettre fin au non respect de telles mesures, le Dr Alioune Sarr et son équipe ont décidé de sortir le bâton. Dans cet entretien exclusif qu’il a accordé au Quotidien, le patron de la lutte sénégalaise annonce une batterie de sanctions pécuniaires qui prend effet à partir de ce samedi 18 avril. Comme entre autres décisions, la rétention de 20% sur le reliquat des lutteurs qui auront mal noué leur Nguimb. Sur la rumeur de son départ du Cng et sur la sortie de Mohamed Ndao Tyson, le président Sarr s’est aussi prononcé. Balancement de bras avec celui qui préfère parler peu et bien… et quand il le faut.


Rédigé par leral.net le Jeudi 16 Avril 2009 à 00:15 | | 0 commentaire(s)|

Entretien exclusif avec le Dr Alioune Sarr,Pdt du Cng de lutte :«La majorité des marabouts sont contre les effigies…»
Président, on est à mi-parcours de la saison. Si vous aviez un pré-bilan à tirer, il serait comment ?
En début de saison, on se demandait s’il y aura assez de combats ? Est-ce qu’il y aura de grands combats ? Vous constatez avec moi qu’il y a effectivement beaucoup de grands combats, peut-être pas avec les mêmes noms. En tout cas, cela prouve que l’arène se renouvelle assez bien. Je pense qu’on peut être satisfait de ce que l’on voit depuis le début de la saison.
Et au niveau de la discipline, du comportement des lutteurs, êtes-vous satisfait ?
Ah non, du tout ! Et là, je pense qu’il y a vraiment des choses à revoir. Comme vous le savez, toute œuvre humaine est à parfaire. Il y a des choses sur lesquelles nous sommes en train d’insister. Déjà, il y a l’interdiction pour les enfants de moins de 15 ans d’accéder à l’enceinte et aux aires de combat. Mais ils ont le droit d’être dans les tribunes. On voit même des enfants s’occuper de l’artillerie mystique. Vous savez quand on est jeune on est très fragile psychologiquement. Et exposer ces enfants à toutes ces violences verbales, physiques et autres, peut détourner les gens d’un équilibre dont tout enfant a besoin pour devenir demain un grand homme.
Y a-t-il d’autres mesures prises par le Cng ?
Bien sûr. Et d’ailleurs, je vous apprends qu’à partir de la semaine prochaine (l’entretien s’est tenu vendredi dernier), de nouvelles mesures seront prises concernant les lutteurs qui ne respectent pas les interdits. Nous avons en effet constaté que les tenues des lutteurs, le Nguimb en particulier, était souvent très mal noué. Pourtant depuis l’année dernière, des mesures ont été prises. Nous avons d’abord privilégié l’éducation par le dialogue. Mais nous constatons tristement que les lutteurs ne semblent pas pour le moment comprendre ce langage. Et à partir du 18 avril, des mesures seront prises. C’est ainsi qu’il n’y aura plus à demander au lutteur de refaire son Nguimb, comme c’est souvent le cas avant les combats. Du coup, tout lutteur chez qui les arbitres constateront une anomalie dans le port de son Nguimb, sera tout simplement puni par une rétention d’au moins 20% de son reliquat. Parce que je pense qu’il faudrait que cette partie culturelle que nous exportons, représente vraiment notre culture. Nous n’avons pas besoin de présenter des cuissards dans le milieu de la lutte. Notre côté culturel, nous le voulons bien enraciné mais surtout bien réel.
L’autre élément sur lequel je voudrai insister, c’est l’arrivée des lutteurs. Parce que jusqu’ici on parlait d’arrivée au stade. Mais quand ils se retrouvaient au stade, ils se disent qu’ils ont respecté l’heure à laquelle ils ont été convoqués. Et nous constatons de plus en plus qu’il y a beaucoup de retard dans le déroulement des combats, lié à un excès de combats, mais surtout à des arrivées tardives. Et désormais, il est dit dans les textes : l’arrivée des lutteurs, c’est dans l’enceinte et non dans le stade. Quand on vous dit que l’arrivée est à 16h 30, ce n’est pas 16h 30 à la porte de Iba Mar ou Demba Diop, mais c’est 16h 30 dans l’enceinte. Si un lutteur arrive en retard, il est décompté 10 000 F par minute de retard. Et cela est valable pour les ténors comme pour les espoirs. Maintenant par rapport aux chorégraphies d’entrée qu’on appelle communément les «touss». Pour les petits combats, ils auront juste 5 minutes. Toute minute supplémentaire sera sanctionnée d’une pénalité de 3 000 F. Chez les grands combats, ils auront droit à 10 minutes. Et pour chaque minute de retard, le lutteur sera sanctionné d’une pénalité de 5 000 F. Parce que nous constatons de plus en plus que ces chorégraphies d’entrée ne sont plus simplement l’affaire du lutteur, mais c’est plutôt d’illustres inconnus qui veulent se faire voir parce que la Télévision est là. Et je pense que les amateurs n’ont pas payé pour ces gens-là. La chorégraphie d’entrée, c’est pour le lutteur qui doit combattre. Il faut que l’orthodoxie soit aussi respectée. Nous leur demandons de présenter quelque chose de beau, mais il faudrait aussi que le timing soit très court parce que quand ça devient assez fastidieux, ça retarde les combats. Et sous ce chapitre on voudrait désormais que les combats démarrent à 17h 30 pour qu’au plus tard à 19h 30, les gens puissent être chez eux.
Ce sera une bonne chose au niveau de la sécurité, car on a appris qu’après le combat Bombardier-Thiek, qui s’est terminé au-delà de 20h, les amateurs ont été agressés sur la route du retour…
C’est ce que nous avons appris, et que nous déplorons vivement. On a aussi appris qu’à Guinguinéo, les combats qui étaient au nombre de 10, sont allés au-delà de 23h. Je pense qu’il faut savoir raison gardée. Il ne faut pas que nous soyons nous-mêmes les propres fossoyeurs de cette discipline qui se fait apprécier au-delà de nos frontières.
Président, on constate de plus en plus la montée en puissance de la nouvelle génération de jeunes lutteurs. D’aucuns pensent que les lutteurs âgés courent des risques. Est-ce que demain il ne sera pas question de revoir l’âge de la retraite, qui est de 45 ans ?
J’applaudis des deux mains quand je vous entends parler de cette sorte. Déjà moi en tant que président du Cng, je ne manque pas de me poser des questions. Avant, il n’y avait pas d’âge de retraite. Après on a dit 50 ans, maintenant on est à 45 ans. On trouve qu’on est encore loin des normes. Le sport, c’est une affaire de jeunesse, l’âge physiologique ne ment pas. On a beau renaître ou «retailler» sur sa pièce d’identité, mais les os et les muscles ne renaissent pas. Et il est prouvé qu’à partir de 33 ans, on est déjà vieux pour le sport, surtout en ce qui concerne les sports de combat. Certainement, il y a encore des choses à revoir. Il est vrai que la lutte nourrit de plus en plus son homme, mais il ne faudrait qu’elle le nourrisse pour l’amener plus rapidement vers la mort où simplement une invalidité permanente.
A vous entendre parler, demain vous seriez favorable à une réduction de l’âge de la retraite ?
En tant que médecin, je ne peux qu’être favorable à une telle mesure. Mais bien sûr, une loi n’a de sens que quand elle est acceptée. Il y a tout un travail à faire, mais nous pensons que d’ici peut-être quelques années, nous serons loin des responsabilités de l’arène, et que l’âge va s’arrêter un jour à 35 ans.
Mohamed Ndao Tyson a remis en cause les interdits du Cng. Il conditionne son come back au retour dans l’arène des effigies des marabouts. Comment appréciez-vous cette sortie ?
(Rires) J’avais dit que ce n’était pas un événement et que je ne répondrai pas à cette déclaration. Nous sommes dans un pays de démocratie. Je pense que tout citoyen a le droit d’émettre son opinion. C’est tout ce que je peux dire.
Et qu’est-ce que vous répondez à ceux qui soutiennent que Tyson a peur de la génération montante, et qu’il cherche un prétexte pour ne pas revenir ?
Je ne suis pas dans son cœur ni dans son âme. Je ne peux pas savoir ce qu’il (Tyson) veut dire par là.
Mais pour revenir aux conditions posées par Tyson, est-ce que le Cng entend revenir sur certains interdits ?
Vous savez, au niveau du Cng, il y a des hommes assez responsables, qui ont un certain niveau intellectuel et social, pour ne pas prendre des mesures à la légère. Et depuis que nous sommes là, par la grâce de Dieu rien n’a été fait de façon épidermique. Les décisions qui ont été prises l’ont été après de profondes analyses. Et aujourd’hui je peux vous dire que toutes les familles maraboutiques, dans leur majorité, sont contre la présence des effigies dans l’enceinte. Et je pèse bien mes mots.
Parlons maintenant de la lutte traditionnelle, avec le Sénégal qui a perdu à Niamey, son titre continental devant le Niger. Comment avez-vous accueilli cette contre performance des lutteurs sénégalais ?
Quand on a l’habitude de gagner et qu’on perd, ça ne peut pas être la joie. Mais il y a des leçons à tirer. La première : il faut que le Sénégal arrête ses certitudes qu’il est la meilleure équipe africaine. Il faut qu’on redouble d’effort. Au niveau de la Dtn et du bureau du Cng, toutes les conclusions ont été tirées. Et vous savez dans un mois, le Sénégal va abriter le tournoi de la Cedeao (ou tournoi de Dakar) après le tournoi de Niamey. Ce sera l’occasion certainement pour voir si la leçon de Niamey a été bien apprise et digérée. En tout cas, toutes les mesures ont été prises au niveau du bureau et de la Dtn pour permettre au Sénégal de reprendre sa place
Le Sénégal est détenteur du tournoi de Dakar. Pour avoir perdu le titre continental à Niamey, les Lions seront sous pression…
Je pense que tout sportif de haut niveau doit être sous pression, mais il faut que cette pression soit positive, mais pas excessive. Mais, je pense encore que pour quelques années, nous avons le potentiel qu’il faut pour continuer à régner en Afrique. Je voudrai cependant surtout insister sur notre façon de lutter traditionnellement. Nous constatons depuis quelques temps, et nous avons tiré la sonnette d’alarme avec le vice-président chargé de la lutte sans frappe, Raymond Diouf, sur le comportement des lutteurs sénégalais. Ce n’est pas le talent qui manque, mais nous pensons que c’est l’esprit de combativité que les lutteurs sont en train de perdre, tout simplement parce qu’il y a trop de calculs dans les tournois de lutte traditionnelle, je dirai même il y a trop de tricherie. Quand quelqu’un lutte avec un copain du même village, il lui dit : aujourd’hui tu me laisses passer demain je te laisse passer. Je pense que quand cet esprit s’installe, la lutte sénégalaise va perdre ses qualités. Parce qu’en sport de haut niveau ce n’est pas simplement la qualité, mais c’est l’envie surtout, donc le comportement de tous les jours. Et cela ne s’apprend qu’au quotidien, à l’entraînement, sur les aires de compétition. Il faut que les combines disparaissent en lutte traditionnelle pour permettre à nos lutteurs de garder leur suprématie.
Et le Drapeau du chef de l’Etat, c’est pour quand ?
Cette saison, ce sera du 25 au 28 juin à Louga. Pour les autres échéances, il y a le tournoi de la Cedeao du 6 au 10 mai et le Championnat d’Afrique de lutte olympique du 13 au 17 mai au Maroc. Mais bien avant, on aura la Journée du souvenir pour le dimanche 19 avril. Et pour cette journée, nous constatons, de plus, dans les tournois de lutte traditionnelle qu’il y a trop d’inscrits, et à l’arrivée ça traîne en longueur. Nous voulons innover, et pour la Journée du souvenir du 19 avril nous allons sélectionner, avec la Dtn et les entraîneurs nationaux, les 64 lutteurs les plus réguliers depuis l’ouverture de la saison et qui sont au sommet de la lutte traditionnelle. On ne dit pas les meil-leurs lutteurs mais les 64 les plus réguliers, il faut que cela soit clair. Et il y aura une mise de 3 millions de F Cfa qui sera partagée entre les 3 premiers.
Nos confrères de l’Office ont annoncé votre retraite pour la fin de la saison, suite, disent-ils, à des pressions de votre famille et de votre entourage. Vous confirmez ?
(Eclat de rire). Vous savez quand j’ai appris cette info, malheureusement ce jour-là je venais de perdre un être qui m’était très cher, et qui était mon tuteur, il s’appellait Mamadou Doudou Cissé, paix à son âme. Donc, c’est durant les présentations de condoléances que quelqu’un m’a interpellé en me disant : «Mais pourquoi vous voulez quitter l’arène ?» Je lui ai répondu : «Ça veut dire quoi ?» Après il ajoute : «J’ai lu dans un journal que vous arrêtez à la fin de la saison.» Je lui dis : «C’est vous qui me l’apprenez.» Pour revenir à votre question, je ne sais pas où les gens ont pris cette info. Certes, cela fait 15 ans que nous sommes là, certes depuis des années on pose le problème qu’il faut bien qu’un jour que la relève soit faite. Mais pour le moment, j’y suis, j’y reste.
Président, on sait que l’année dernière, la saison a été prolongée. Et pour cette année, la fin de la saison c’est pour fin juillet ou début août ?
J’ai l’impression que la tendance de la rallonge devient une mauvaise habitude. La fin de la saison est calée théoriquement au 31 juillet, mais nous avons déjà reçu des courriers pour demander de prolonger sur la première semaine du mois d’août. Je pense que la saison commence à être trop courte pour les compétitions, mais il faut savoir raison garder. Une semaine de plus, oui, mais pas un mois de plus.
nettali

Pape Alé Niang