Après les terribles attentats de Paris, l'heure est à la traque, au recueillement aussi, à l'hommage surtout, au témoignage.
Il y a ces familles dans la douleur et tous ces anonymes qui se pressent sur les lieux du drame, silencieux ou parfois bavards, sur une feuille blanche, près d'une bougie. Des mots pour des maux. Des mots pour ne jamais oublier.
Yanis (nous avons volontairement choisi de ne pas divulguer son vrai prénom), lui, a le cœur lourd. Très lourd.
Il a grandi aux côtés d'un des kamikazes. Il a, comme il le raconte, vécu avec lui les joies de l'enfance, les délires de l'adolescence : "Ensemble… nous avons fait les 400 coups… nos premiers fous rires, nos premiers foot, nos premières clopes, nos premiers délires moto, nos premières missions quand nos parents dormaient et qu’on allait voler leur voiture pour tourner dans la ville, puis il y a eu nos premières vacances loin de la cité, nos premières nanas, nos premières embrouilles inter-quartiers, nos premiers verres d’alcool, nos premières nuit blanches, nos premières boites de nuits."
"De la maternelle jusqu'au lycée", Yanis a fréquenté Omar Ismael Mostefai, l'un des kamikazes du Bataclan, originaire de Courcouronnes. Et il l'assure, durant toutes ces années, il n'a rien vu, rien d'alarmant, bien au contraire : "Je me souviens encore de ce jour où tu m’as dit : 'On n'a rien compris à la vie si on ne fait pas le bien autour de nous'. Et dire qu’ensemble nous avons prié pour la paix dans le monde, à cette époque… tu étais loin de tout mouvement."
Le 13 novembre dernier, alors qu'il n'avait plus eu de nouvelles depuis six ans de celui qu'il a toujours considéré comme son "frérot", Yanis va découvrir enfin pour quelle raison, il a"coupé les ponts".
Le principal intéressé condamne fermement la vie que son ami a fini par donner aux monstres de Daesh : "Je sais que je t’aime de tout mon cœur frérot… Je sais que tu vas me manquer et que je n’oublierai jamais ton sourire… Mais je sais aussi que je ne te pardonnerai jamais !!! Oui mon ami, c’est avec une larme à l’oeil que je te hais… Je ne te maudis pas, je laisse Dieu s’en charger car malgré nos délicieux souvenirs tu as osé commettre l’irréparable !"
Yanis, poignant, a tenu à faire passer un message et pas des moindres via ce témoignage :"Je pleure tous ses morts, je pleure deux fois plus de savoir qu’ils sont morts par ta faute… Je pleure de voir ce que tu es devenu mon frère... Je tiens à rendre hommage à toutes ses personnes décédées dans Paris… Tous ses innocents… Toutes ses vies brisées !!! Mes pensées vont naturellement aux familles… Notamment à la tienne... C’est horrible… Tellement triste. J’en perds mes mots. Sache mon frère, que si nous avons marché ensemble, aujourd’hui nous sommes ennemis par tes actes."
Cet homme brisé promet aujourd'hui de "combattre" ceux qui comme son ancien acolyte tentent de faire trembler la République. "Malgré la terreur que tu as mis en place, malgré le fait que tu sois dorénavant connu, sache que moi, français et musulman, je suis plus fort que toi, que nous, chrétiens-juifs-athées etc, nous sommes plus fort que vous !" finit-il par lâcher. Sa conclusion, elle, ne pouvait être meilleure : "Vive la France !"
Ci-dessous, une photo de Yanis en compagnie du kamikaze et d'un autre ami.
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