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Face à la transhumance politique : comment fonctionne la tête d’un président de la République au pouvoir ?

Rédigé par leral.net le Vendredi 17 Août 2012 à 20:03 | | 0 commentaire(s)|

A la faveur de chaque changement de régime au Sénégal, il est observé un mouvement d’hommes et de femmes politiques du parti ou de coalition de parti déchu vers le parti ou la coalition de parti qui est arrivée au pouvoir. Cette vague de déplacements des hommes et des femmes politiques est appelée : la transhumance politique.


Face à la transhumance politique : comment fonctionne la tête d’un président de la République au pouvoir ?
Ce phénomène de la société politique n’est pas nouveau au Sénégal mais depuis la défaite du parti socialiste à la présidentielle de 2000 et l’arrivée du PDS au pouvoir, la transhumance a pris une proportion inquiétante et pose un véritable problème d’éthique qui doit amener les hommes politiques à faire un véritable travail d’introspection. Est-ce que ça vaut le coup, de mettre de coté l’éthique, la vertu et son honneur pour satisfaire ses frustrations et ses besoins purement matériels ?

En effet, la transhumance politique, contrairement, à la transhumance que l’on a observé chez les éleveurs qui est fondamentalement une activité pastorale, une question de nécessité, de survie et vitale pour les animaux qui s’explique par le manque de nourriture, est essentiellement caractérisée par la recherche de l’intérêt bassement matériel. Elle est aussi un moyen pour les transhumants d’échapper à la poursuite judiciaire. Elle est la résultante d’une rencontre politique entre un Président de la république au pouvoir pourvoyeur d’opportunités pour conserver son pouvoir et des opportunistes sans convictions politiques. Il s’agit schématiquement d’un mariage de raison entre deux individus aux intérêts différents. L’un veut garder son pouvoir tandis que l’autre veut conserver ses privilèges.

Mais qu’est ce qui favorise le développement de ce phénomène ? À mon humble avis, il y a deux choses : le mode de fonctionnement de la tête des hommes politiques au pouvoir (1) et le refus de la perte des privilèges et du pouvoir politique (2). Alors qu’est ce qui peut se passer dans la tête d’un homme politique qui tient les rênes du pouvoir ? Face à la transhumance politique, comment fonctionne la tête d’un Président de la république au pouvoir ?
Le Président Abdou DIOUF, quand on lui a reproché le fait d’avoir eu sur sa liste de députés des personnes analphabètes ( qu’ils soient transhumants ou pas), avait répondu par une question assez révélatrice sur la façon dont fonctionne la tète d’un homme politique qui détient le pouvoir et qui tient à le conserver vaille que vaille pour longtemps et aussi bien longtemps qu’il est lui possible de le faire : « Que voulez vous que je fasse, s’ils sont des porteurs de voix »

A la lumière de sa réponse, le Président Abdou Diouf est compréhensible. On ne peut scier la branche sur laquelle on est assis. Quand bien même qu’il aurait voulu avoir autre chose. Ainsi, devant son fort désir de garder le pouvoir, il ne se voyait pas dans l’obligation de donner à ses adversaires le bâton politique pour se faire battre. Car pour être élu Président de la République, il faut que la majorité des Sénégalais vote pour vous. Aussi, si vous voulez avoir la majorité des députés à l’Assemblée Nationale pour faire passer vos projets de reformes et appliquer votre programme, il faut également que le peuple vote majoritairement pour vous. Et pour y arriver, vous êtes tenu, en tant que détenteur du pouvoir de mettre en place des stratégies et chercher des alliés politiques et stratégiques pour se maintenir au pouvoir.
Dans la tête de l’homme politique qui tient le pouvoir, l’idée de consolidation et de conservation du pouvoir qu’il détient prime sans nul doute sur le reste jusqu’à la preuve du contraire.

Tout puissant n°2 du PDS sur cette question de transhumance politique, Monsieur Idrissa Seck avait trouvé le phénomène tout à fait normal et en avait même élaboré une petite théorie. Selon lui, dans chaque domaine de compétence, il y a des personnes qui sortent du lot en termes de performance. Et ce sont les meilleurs qui l’intéressent dans son projet de construction du Sénégal .Même si, par ailleurs, il présume que dans chaque sénégalais, il y a un potentiel de talent qui dort en lui dont il s’agit d’aider à éclore et à développer afin qu’il puisse participer efficacement au développement harmonieux de notre pays. Alliant la théorie à la pratique, c’est dans cet optique qu’il a fait venir des hommes de la société civile parmi les sénégalais de l’extérieur dans certaines de stations du pouvoir à l’époque. C’est dans cet ordre ‘idée aussi qu’il avait fait quitter Alé Lo du parti socialiste. D’autres hommes politiques de l’ancien régime épinglés par les audits ont été également contraints de rejoindre le Parti Démocratique Sénégalais et d’investir ce qu’ils avaient volé au peuple dans les activités politiques du parti.

En vérité, l’objectif de la transhumance politique, du coté du parti au pouvoir ou de la coalition de parti au pouvoir est d’augmenter la massification de son entité politique et de le renforcer en vue de se maintenir pour longtemps à la tête du pays. Par contre, elle a un sens du coté des transhumants dont l’objectif est de continuer à garder les mêmes privilèges inhérents au pouvoir politique lorsqu’ils les détiennent ou de les obtenir lorsqu’ ils ne les ont pas et qu’ils estiment être en droit de les avoirs.

Que perd t-on en perdant le pouvoir politique ? Quand on perd le pouvoir politique, on perd certains privilèges d’ordre matériel à la charge de l’Etat (logement, carburant, téléphone, voiture, le pouvoir d’influence etc.) Cette perte de privilèges et du pouvoir est volontairement, difficilement envisageable chez la plus part des hommes politiques. Ce n’est pas tout le monde qui peut renoncer de son propre gré au pouvoir comme le Président Léopold Sédar Senghor l’avait fait en 1981 à la tête de la magistrature suprême. Il y a des hommes qui ne souffrent pas cette perte de privilèges et du pouvoir non seulement pour des raisons matériels mais pour d’autres raisons liées aux conséquences sociales que cette perte entraine : la perte de l’estime des autres liée au pouvoir. Le refus de cette réalité, d’être sans privilèges est à l’origine du comportement du transhumant politique qui transporte avec lui dans le parti ou coalition de pari au pouvoir où il vient poser ses bagages le déjà vu, son image négative et son appétit du gain et des privilèges qui finissent par affecter puissamment l’organisation, l’image et la dynamique du groupe du parti qui l’a accueilli.

L’accueil à bras ouvert et la promotion des transhumants dans le parti démocratique sénégalais entre autres choses ont contribué à faire perdre le Président Abdoulaye Wade le pouvoir. Par rapport aux transhumants, le Président Macky Sall doit savoir que c’est lui qui a été élu et non quelqu’un d’autre. C’est lui qui devra rendre compte au peuple au bout de son mandat de cinq ans. Il sera jugé sur la base de ce qu’il aura fait pour améliorer les conditions de vie des populations mais sur celle des valeurs d’éthique, d’équité, de justice sociale et de son amour pour la Patrie qu’il aura traduit en actes concrets à travers des mesures hautement politiques qu’il va prendre en faveur de la réforme des institutions et la satisfaction de la demande sociale.

Parmi les dangers politiques dont le Président Macky Sall doit faire face et dont il doit se méfier comme la prunelle de ses yeux sont : la transhumance, le maintien du sénat et l’absence d’opposition crédible qui puisse servir de sirène d’alerte lorsque la barque « Sunugal » va tanguer au fin de nous éviter le naufrage. Le PDS a retrouvé son élément mais il a perdu son aura et son attraction. Le M23 et le Mouvement Y’ EN A MARRE sont devenus subitement aphones. Ils ont changé de planète et n’émettent plus sur la même longueur d’ondes que le peuple qui patauge dans la boue des inondations, qui gémit des coupures intempestives de l’électricité et qui souffre stoïquement de la cherté des denrées de premières nécessités.

Le maintien du Senat est un risque politique à ne pas prendre par le Président Macky Sall. Comme de la boue, il risque d’éclabousser sur son visage politique dont il aura du mal à effacer. Par ailleurs, son maintien va entrainer  : une décrédibilisation de la classe politique actuelle, une division au sein de « Benno Bokk Yakaar » des départs de la coalisation et une éventuelle perte du pouvoir au profit du leader qui saura se démarquer du lot en restant constant et dans ses convictions et dans sa démarche comme Macky Sall lui-même l’a fait et l’a réussi dans le groupe des leaders politiques du M23 face à la présidentielle de 2012.




Baba Gallé DIALLO
Réalisateur / SNEIPS /
bbgd70@ yahoo.fr