Le leader du front anti-FCFA, Semi Keba vient d’être arrêté par les autorités sénégalaises suite à une plainte de la BCEAO, qui l’accuse d’avoir brûlé un billet de 5000 FCFA. Je suis persuadé qu’il a posé cet acte pour faire bouger les choses, car ce n’est pas aujourd’hui, qu’il a commencé son combat citoyen, et il n’a jamais brûlé un seul billet de banque.
A mon avis, il veut emmener son combat sur le terrain juridique, en espérant cette fois, avoir l’écoute de la justice et s’il a choisi de mener son combat à partir du territoire sénégalais, c’est que quelque part, il croit en la justice du Sénégal. J’espère que cette fois-ci, nos juges sauront marquer l’histoire, en traitant cette question en toute indépendance et dans leur intime conviction.
Alors que Semi Keba voulait pousser nos dirigeants politiques à débattre du FCFA, il n’y a eu aucune réaction venant d’eux et les rares personnalités qui se hasardaient à des explications, nous disaient tous que le FCFA est bon pour nous, sans convaincre bien évidemment.
Aujourd’hui, il y aura débat dans le temple de Thémis, espérons que nos juges ne vont pas se limiter au billet de banque brûlé, mais essayeront de connaître les motivations de ce geste, ô combien symbolique.
Je pense qu’il est nécessaire d’expliquer de manière terre-à-terre le FCFA aux citoyens africains afin que chacun puisse répondre à notre question : Faut-il brûler le FCFA ?
Je ne vais pas revenir sur les raisons historiques qui ont poussé le colonisateur à créer une monnaie unique dans ses colonies (AOF et AEF), ni sur ses motivations à l’imposer, sous une nouvelle appellation aux ex-colonies. Je pense que tout le monde comprend que la création de cette monnaie coloniale était pour des besoins évidents de faciliter les affaires des entreprises publiques et privées françaises basées dans les colonies avec la métropole. L’histoire même de la création de cette monnaie nous interdit de croire qu’elle peut servir au développement des pays qui l’ont en commun.
Je vais donc axer mes explications sur le mécanisme même de la monnaie, pour démontrer que les avantages sont pour la France et les inconvénients pour nous, Africains de la zone FCFA.
L’Afrique fait du commerce avec le reste du monde et le commerce mondial se fait en dollars. Nous avons ainsi besoin de devises pour aller payer nos marchandises. La France nous dit dans le traité qu’elle a signé avec les pays UMEOA, qu’elle assure les paiements en dollars que nous devons sur le marché international. Mais pour cela, elle nous dit qu’il faut au minimum un taux de couverture monétaire de 20%, c’est-à-dire, pour faire simple, avant d’émettre une pièce de 100 FCFA, il faut une caution de 20 FCFA en devise, Francs français avant et EUR maintenant. Ces 20 FCFA sur toute la masse monétaire de la zone, constituent un immense pactole.
La France impose aux pays de la zone FCFA de déposer 50% de ce pactole au Trésor public français pour qu’elle puisse payer à notre place, les achats que nous faisons sur le marché international. La BCEAO détenant les 50% des devises restantes. Le système fonctionne comme des vases communicants, si d’un côté la masse en devises diminue, il y a un mécanisme de correction de l’autre côté.
Premier problème, la parité fixe imposée par la France. Le commerce mondial ne s’est jamais fait en francs français et ne se fait pas non plus aujourd’hui en Euros, mais en dollars. Alors que notre réserve de devise logée dans le Trésor public français était en francs français avant et aujourd’hui, en Euros. Deuxième problème, notre réserve de devises est gérée par le Trésor public français et non pas par la banque de France et tout le monde doit comprendre qu’une telle manne financière déposée auprès d’une banque, générerait des intérêts très importants. Le Trésor public français gère le budget de l’Etat français et il est déjà assis sur une masse d’argent immense venue des anciennes colonies.
Cette réserve en devises ne doit jamais diminuer et si ça arrivait, c’est la dévaluation du FCFA comme solution imposée aux ex-colonies, tel fût le cas en 1994, avec une dévaluation de 50% du FCFA du coup, les réserves en devises qui étaient au Trésor public français, augmentaient d’autant.
En fait, le FCFA sécurise plus les investissements des entreprises françaises en Afrique et facilite le transfert de patrimoine entre la succursale africaine et la maison mère en France et permet aux épargnants Français vivant dans les ex-colonies, de gérer leur argent comme s’ils étaient sur le territoire français.
Autre inconvénient du FCFA, elle est surévaluée par rapport à la vigueur et la structures de nos économies, ce qui fait que les produits fabriqués dans la zone ne sont pas compétitifs et ceci nous oblige à toujours importer soit en France ou utiliser notre réserve en devises pour payer nos importations.
Enfin, une monnaie est un outil comme tant d’autres, qui permet de jouer sur les équilibres économiques d’un pays ou d’un groupe de pays comme l’Union Européenne, qui a sa propre monnaie et l’utilise pour stabiliser et soutenir son économie. Alors que les pays de la zone FCFA n’ont pas cette possibilité, car la France jouit d’un droit de veto et siège comme membre dans le conseil d’administration.
Alors chers compatriotes CFA Africains, cette monnaie-là, faut-il la brûler ?
Ibrahima Wade
Bruxelles, Belgique