« Selon que vous soyez puissant ou misérable, la justice vous fera blanc ou noir » disait Jean de la Fontaine dans une de ses fables. Cette maxime tous les Sénégalais la connaissent presque par cœur. Sous le défunt régime libéral, ils ont été victimes d’une justice à deux vitesses. En effet, il était de tradition, dans ces belles années d’impunité, que le juge, aux ordres du seul roi et de ses sbires, fermât honteusement sa bouche, se bandât les yeux avec le ruban de la lâcheté pour ne pas dire ou voir la vérité, toute la vérité, rien que la vérité dans des affaires qui impliquaient les proches du pouvoir ou de certaines puissantes familles religieuses.
Pendant douze ans donc la justice sénégalaise a brillé par sa partialité, son irresponsabilité. Dans certaines affaires, par exemple, elle se déclarait toujours incompétente ; dans d’autres, elle restait étonnement muette sur des faits pourtant, quelques fois, d’une extrême gravité. Le cas du « Joola » en est une parfaite illustration.
Instrumentalisée à outrance par le pouvoir politique, la justice sénégalaise n’a jamais osé dire le droit sur cet accident qui, dans la nuit noire du 26 Septembre 2002, a fait plus de deux mille victimes, le plus grand, parait-il, que la navigation maritime ait connu. Et pourtant, partout ailleurs, en de pareilles circonstances, dame justice monte au créneau pour situer rapidement les responsabilités des uns et des autres. Car, dans tout sinistre, il y a forcément des fautifs qu’on le dise ou pas. Mais par légèreté, ici, personne n’a été désigné coupable sauf évidemment le… défunt commandant du navire (Issa Diarra) dont le corps, pour la petite histoire, n’a pas été retrouvé jusque-là.
L’iniquité de notre justice est manifeste dans bien des domaines. En politique, par exemple, certains juges (pas tous heureusement) ont, depuis longtemps et sans aucune retenue, pris fait et cause pour les tenants du pouvoir exécutif. La justice constitutionnelle en est un exemple parfait. A preuve, elle n’a pas hésité un seul instant à valider la dernière candidature de Wade contre l’avis de tous: hommes politiques, professeurs de droit et simples citoyens.
Malléable et taillable à volonté, et pour des sinécures, une certaine catégorie de magistrats obéit au doigt et à l’œil au chef. A preuve, lors de l’agression aux marteaux, aussi cruelle que sauvage, du leader de l’Alliance Jëf Jël Talla Sylla la gendarmerie a abattu un énorme travail. Mais, lorsque les soupçons des enquêteurs se sont orientés vers le Palais de la République, par on ne sait quel subterfuge, l’affaire a été rapidement étouffée puis classée sans suite. Personne n’a jamais été inquiété dans cette affaire malgré l’existence de preuves accablantes contre la garde rapprochée du Président.
Les exemples de ce genre font florès. On pourrait citer, sans risque de nous tromper, le saccage des journaux « L’AS » et « 24 heures chrono » par des nervis recrutés par un ministre que tout le monde connait, l’attaque du domicile de l’ancien PM Idrissa Seck, l’agression en plein jour du groupe de presse « Walf Fadjiri » par les talibés zélés d’un dignitaire religieux qui a pignon sur rue et, tout dernièrement, l’expédition punitive menée contre Barthélémy Dias par des éléments du PDS à l’approche de la présidentielle, entre autres.
On dira que l’alternance a bon dos. Certainement aussi on entendra que ce régime n’a pas fait pire que son devancier socialiste. Mais, dites-moi : depuis 2000, combien sont-ils les Sénégalais qui ont perdu la vie dans les commissariats de police ou au cours de manifestations pacifiques ? Qu’est-ce qui explique toutes les tueries de la dernière campagne électorale si ce n’est l’impunité absolue ? En sera-t-il encore ainsi sous Macky ? Les prochains jours nous le diront.
L’heure de la rupture a véritablement sonné. Faire cesser l’impunité par la promotion d’une justice équitable est le seul moyen de garantir la paix sociale. Mais, pour avoir une nouvelle justice, il faut absolument changer l’existant. En France, par exemple, il y a un débat sur la nécessité de la réorganisation du système judiciaire et de l’indépendance du Procureur de la République.
En Afrique, de manière générale, la justice est téléguidée. Cela s’explique par l’absence d’une société civile véritable qui défend le droit (constitution, lois et règlements). Dans nos pays, le chef est roi et tout le monde doit marcher sous ses bottes pour avoir quelque chose en retour (gros salaire, voiture de luxe, terrain, etc.). En outre, l’immixtion des chefs religieux dans le travail de la justice ne facilite pas la tâche aux juges.
Avec la sordide histoire de meurtre (assassinat puis inhumation en catimini de deux individus le dimanche 22 Avril 2012) qui implique des « thiantacounes », la justice sénégalaise a assurément trouvé là un bon moyen de redorer son blason. C’est en effet l’occasion ou jamais de prouver qu’elle est là pour tous.
Amadou SARR, saramadou2008@gmail.com
Pendant douze ans donc la justice sénégalaise a brillé par sa partialité, son irresponsabilité. Dans certaines affaires, par exemple, elle se déclarait toujours incompétente ; dans d’autres, elle restait étonnement muette sur des faits pourtant, quelques fois, d’une extrême gravité. Le cas du « Joola » en est une parfaite illustration.
Instrumentalisée à outrance par le pouvoir politique, la justice sénégalaise n’a jamais osé dire le droit sur cet accident qui, dans la nuit noire du 26 Septembre 2002, a fait plus de deux mille victimes, le plus grand, parait-il, que la navigation maritime ait connu. Et pourtant, partout ailleurs, en de pareilles circonstances, dame justice monte au créneau pour situer rapidement les responsabilités des uns et des autres. Car, dans tout sinistre, il y a forcément des fautifs qu’on le dise ou pas. Mais par légèreté, ici, personne n’a été désigné coupable sauf évidemment le… défunt commandant du navire (Issa Diarra) dont le corps, pour la petite histoire, n’a pas été retrouvé jusque-là.
L’iniquité de notre justice est manifeste dans bien des domaines. En politique, par exemple, certains juges (pas tous heureusement) ont, depuis longtemps et sans aucune retenue, pris fait et cause pour les tenants du pouvoir exécutif. La justice constitutionnelle en est un exemple parfait. A preuve, elle n’a pas hésité un seul instant à valider la dernière candidature de Wade contre l’avis de tous: hommes politiques, professeurs de droit et simples citoyens.
Malléable et taillable à volonté, et pour des sinécures, une certaine catégorie de magistrats obéit au doigt et à l’œil au chef. A preuve, lors de l’agression aux marteaux, aussi cruelle que sauvage, du leader de l’Alliance Jëf Jël Talla Sylla la gendarmerie a abattu un énorme travail. Mais, lorsque les soupçons des enquêteurs se sont orientés vers le Palais de la République, par on ne sait quel subterfuge, l’affaire a été rapidement étouffée puis classée sans suite. Personne n’a jamais été inquiété dans cette affaire malgré l’existence de preuves accablantes contre la garde rapprochée du Président.
Les exemples de ce genre font florès. On pourrait citer, sans risque de nous tromper, le saccage des journaux « L’AS » et « 24 heures chrono » par des nervis recrutés par un ministre que tout le monde connait, l’attaque du domicile de l’ancien PM Idrissa Seck, l’agression en plein jour du groupe de presse « Walf Fadjiri » par les talibés zélés d’un dignitaire religieux qui a pignon sur rue et, tout dernièrement, l’expédition punitive menée contre Barthélémy Dias par des éléments du PDS à l’approche de la présidentielle, entre autres.
On dira que l’alternance a bon dos. Certainement aussi on entendra que ce régime n’a pas fait pire que son devancier socialiste. Mais, dites-moi : depuis 2000, combien sont-ils les Sénégalais qui ont perdu la vie dans les commissariats de police ou au cours de manifestations pacifiques ? Qu’est-ce qui explique toutes les tueries de la dernière campagne électorale si ce n’est l’impunité absolue ? En sera-t-il encore ainsi sous Macky ? Les prochains jours nous le diront.
L’heure de la rupture a véritablement sonné. Faire cesser l’impunité par la promotion d’une justice équitable est le seul moyen de garantir la paix sociale. Mais, pour avoir une nouvelle justice, il faut absolument changer l’existant. En France, par exemple, il y a un débat sur la nécessité de la réorganisation du système judiciaire et de l’indépendance du Procureur de la République.
En Afrique, de manière générale, la justice est téléguidée. Cela s’explique par l’absence d’une société civile véritable qui défend le droit (constitution, lois et règlements). Dans nos pays, le chef est roi et tout le monde doit marcher sous ses bottes pour avoir quelque chose en retour (gros salaire, voiture de luxe, terrain, etc.). En outre, l’immixtion des chefs religieux dans le travail de la justice ne facilite pas la tâche aux juges.
Avec la sordide histoire de meurtre (assassinat puis inhumation en catimini de deux individus le dimanche 22 Avril 2012) qui implique des « thiantacounes », la justice sénégalaise a assurément trouvé là un bon moyen de redorer son blason. C’est en effet l’occasion ou jamais de prouver qu’elle est là pour tous.
Amadou SARR, saramadou2008@gmail.com