leral.net | S'informer en temps réel

Fipa: Les «Mareyeurs» au Sénégal, moins de poissons, plus d’émigration

Comme un million et demi d’autres Sénégalais, Ibrahim vit de la pêche. « J’ai entendu à la télé qu’il n’y a bientôt plus de poissons dans la mer, donc je vais partir en Italie. » La logique du jeune mareyeur est implacable. Présenté au Festival de la création audiovisuelle internationale (Fipa) à Biarritz, le documentaire « Mareyeurs », du réalisateur italien Matteo Raffaelli, réclame d’être « non pas pessimiste, mais réaliste ».


Rédigé par leral.net le Samedi 27 Janvier 2018 à 18:04 | | 0 commentaire(s)|

Ces dix dernières années, la quantité de poissons sur la côte sénégalaise a diminué de 80 pour cent. C’est la faute à la pêche industrielle des « bateaux usines » qui épuisent l’océan pour nourrir l’Asie. En même temps, ils font le malheur de la pêche artisanale avec leurs pirogues joliment peintes, mais qui rentrent de plus en plus souvent vide. Entretien.

 

RFI : Quelle est la définition du métier du mareyeur ?

Matteo Raffaelli : Le mareyeur est un intermédiaire entre les pêcheurs et les grandes usines de poissons. Le pêcheur ne peut pas vendre directement le poisson aux usines, donc le mareyeur joue le rôle entre les deux.

Pourquoi, au Sénégal, le rôle du mareyeur est-il si important d’en faire un film ?

 

C’était très important de faire un documentaire sur les mareyeurs au Sénégal, parce que c’est la classe dans le secteur de la pêche qui emploie le plus de personnes. Ce sont des personnes qualifiées. Donc ils représentent un poids économique très important dans le secteur de la pêche au Sénégal.

 

Le jeune mareyeur Ibrahim apprend à la télé qu’il y aura bientôt plus de poissons sur les côtes sénégalaises. Donc il décide d’émigrer. Est-ce une histoire véridique ?

C’est bien réel. Il y a des données officielles qui ont été publiées et qui montrent que le poisson est en train de finir. Donc Ibrahim, en regardant la télé, a compris et pour cela il a décidé d’émigrer. Et il est loin d’être le seul.

Comment avez-vous trouvé Ibrahim ?

Avec mon producteur Franceso Congiu, qui vit au Sénégal, est aussi propriétaire d'une poissonnerie à Dakar. Il travaille depuis 30 ans dans le poisson et vient de créer à Dakar [Ocean Film  pour produire Mareyeurs et souhaite de produire bien d'autres films sur l'Afrique vécue par les Africains, ndlr], j’ai fait beaucoup de voyages au Sénégal. Pendant un de ces voyages, nous avons rencontré Ibrahim. Il m’a donné accès à sa vie. Je pouvais tout filmer, sans restriction.

A la fin, il ne voit pas d’autres solutions que de partir en Europe. Est-ce un film pessimiste ?

C’est un film réaliste et non pas pessimiste. Le poisson est réellement en train de finir. Et ce n’est pas un problème uniquement économique, parce que la majorité de la population se nourrit du poisson.

Dans le film, trois options apparaissent à l’horizon : premièrement construire des élevages de poisson; deuxièmement, à l’instar d’un collectif des femmes de la pêche, changer le fonctionnement de la société et troisièmement d’émigrer. Selon vous, quelle option va prendre le pas sur les autres ?

Je pense que l’option qui prendre le dessus est l’émigration. Et il faut donner les moyens au Sénégal et aux autres pays de l’Afrique de l’Ouest de pouvoir lutter contre la surpêche. Autrement, la population sera affamée et sera obligée d’émigrer. Et nous, on n’est pas prêt pour cela.

Votre film est intitulé Mareyeurs et non pas « Ibrahim ». Pourquoi avez-vous mis au centre de l’histoire le processus de travail chez les mareyeurs et non pas transformé Ibrahim en héros ?

Avec ce film, je voulais montrer la condition des mareyeurs. Après, naturellement, j’en ai choisi un qui donne son point de vue sur l’histoire. Mais, mon intention était vraiment de montrer quelle est la condition de ces personnes. Pour cela, le film s’appelle Mareyeurs et non pas « Ibrahim ».

Après le Fipa, votre film sera vu par qui et dans quels pays ?

Pour l’instant, nous n’avons pas encore une production officielle, même si cela ne va pas tarder. Nous espérons vendre le film en France, en Italie. Ensuite, nous espérons de le montrer aussi en Afrique et en particulier aussi dans les lieux de tournages pour le montrer aux personnes qui ont participé au documentaire.





RFI