La création du Fonsis et du Fongip, des engagements de Macky Sall lors de la campagne présidentielle, est un acte politique fort en direction des entrepreneurs. Il s'agit de véritables outils de politique économique, au service de l'esprit d'entreprise et déployés sur le terrain, pas d’une simple juxtaposition de structures comme nous en avons connus dans le passé.
Confrontées aux difficultés de financement aggravées par la crise, à une épargne insuffisamment orientée vers l'économie réelle, au maquis des dispositifs, les PME peinent à grandir. Or elles sont la clé du redressement économique et de l’industrialisation de notre pays. Le Fonsis et le Fongip doivent devenir les leviers qui accompagneront toutes celles qui veulent croître et devenir des ETM, ces entreprises de taille moyenne qui formeront le Mittlestand à la sénégalaise. Des entreprises qui, à la pointe des secteurs d'avenir comme les NTICS ou se développant dans les secteurs traditionnels, deviennent plus robustes, innovent, développent leurs produits propres dans notre pays, exportent et recrutent.
Ces instruments seront surtout les outils des entrepreneurs, qui financeront des stratégies et des parcours de développement dans toutes leurs dimensions, pas de nouveaux guichets distribuant des aides par à-coups.
OPTIMISER LE MARCHE DE LA DETTE PUBLIQUE SENEGALAISE
Le président Macky qui a toujours affiché sa volonté d’optimiser le marché de la dette publique sénégalaise a trouvé dans les initiatives de Durban(1), les mécanismes adéquats pour mettre nos réserves de change au service de l’investissement donc de l’emploi.
38ème promesse de campagne du candidat Sall dans le programme Yonnu Yokuté, un fonds souverain d’investissement stratégique (Fonsis) vient d’être mis en place pour être l'outil du redressement productif du pays.
A terme, il sera doté de 500 milliards de francs CFA en cash et en actif d’Etat soit le double du montant prévu initialement, il a été capitalisé pour une première tranche de 20%.
LE SENEGAL PIONNIER
Dans la zone franc CFA seul le Gabon pays pétrolier possède un fonds souverain. Avec le FONSIS, le Sénégal fait acte de pionnier car il est le premier pays au monde sans rente minière comme les pays du golf (Koweït avec son Kuwait Investment Authority et ses 270 milliards de placement en 2012) ni rente commerciale (comme le Singapour avec son Government of Singapore Investment Corp ou Panama) à se doter d’un tel fonds. Dans le cas du Sénégal le FONSIS sera certainement un fonds de stabilisation économique qui aura pour vocation de diversifier nos réserves de change et nous éviter un potentiel ralentissement économique ; à l’image de ce qui se fait en Chili.
Si dans ces cibles le Fonsis va s’inspirer des pays émergents pour investir dans : l’immobilier, l’énergie, les infrastructures, l’agriculture, l’hôtellerie, il investira à domicile pour booster l’emploi et la substitution aux importations.
Même si les fonds souverains sont des fonds d’investissements détenus par l’état et financés pour la plupart par les excédents de l’activité économique, le Sénégal qui n’a pas une balance commerciale au solde positif a innové en mobilisant des ressources complémentaires, garanties sur son capital, par l’émission d’obligations auprès d’institutions financières et des bailleurs institutionnels. Il pourra aussi recourir aux autres fonds souverains, voire aux fonds privés via « la Banque de développement » crée par les BRICS lors du sommet de Durban en Mars 2013.
L’objectif étant d’obtenir un effet de levier à partir d’actifs publics qui sont restés longtemps sous-utilisés. Et loin d’être une simple banque d’investissement, le fonds accompagnera en co-investisseur stratégique des entrepreneurs en prenant des participations dans des PME sans être majoritaire dans le capital pour les accompagner tout au long de leur développement et les aider à soutenir l’innovation, sur le modèle des capitaux privés de "private equity".Dans sa mission il devra jouer un rôle déterminant dans la redynamisation de nos régions et investir dans le développement des secteurs d’avenir comme le numérique, mais aussi dans l’ensemble des filières industrielles et de service.
SUR QUELS CRITERES DEVRA-T-ON JUGER DU SUCCES DU FONSIS ?
Pour être architecte plutôt que pompier le Fonsis devra faire ce que le privé ne fait pas ou pas assez. Etre d’une part présent dans le capital- risque, le financement d’amorçage, le petit capital-développement et d’autre part dans la « vallée de la mort » : cette zone de tous les dangers dans le financement des entreprises devenues trop importantes pour être financées par des business angels, mais pas encore assez pour intéresser des fonds de capital-développement.
Parce qu’aussi ce sont des fonds publics, il conviendra d'adopter une doctrine d'investissement patiente et qui n'ait pas la voracité du marché en termes de rendement ou, plus pudiquement, de création de valeur… financière. Il serait inacceptable que ces structures perdent de l'argent mais leur but n'est pas non plus de s'enrichir autrement que pour réinvestir. Il suffira de rentabiliser les capitaux immobilisés, ce qui est possible avec un retour moyen de 4 à 5 % environ au lieu de 20 ou 35 %, par exemple observé au niveau des banques traditionnelles. La contrepartie sera, pour les entrepreneurs, de s'engager dans un projet de développement pérenne. Bref une doctrine de l’investissement.
Sous cet angle le Fonsis sera jugé sur deux objectifs majeurs : outre le comportement de sobriété exemplaire qui s’impose à une structure publique (un franc dépensé doit être un franc utile). Le premier, ce sera l’efficacité : en quoi le Fonds est-il plus efficace que les dispositifs actuels? Il, doit permettre de démultiplier les actions pour accompagner les créations d’activités et d’emplois. Le second, ce sera son bilan au regard des critères de réussite, c’est-à-dire l’envie d’entreprendre dont il sera porteur : innovation, créativité, changement de taille des entreprises, soutien à l’exportation, valeur ajoutée, productivité, performance.
ALLER VERS LA CREATION D’UNE GRANDE BANQUE STRATEGIQUE D’INVESTISSEMENT(Bsi)
Cependant force est de constater que ces outils de financement nécessaires aux entreprises manquent d’articulation d’ensemble. Le Fonds de garantie des investissements prioritaires (le FONGIP), la Banque Nationale de développement (la BNDE) le FONSIS doivent mutualiser leur moyen. Car le financement n'est qu'un aspect du développement des PME. C'est lorsque les environnements réglementaire, juridique, fiscal sont facilement appréhendés par les entreprises, que les infrastructures et les compétences humaines sont facilement disponibles pour mettre en œuvre la croissance, que les projets crédibles ont le plus de chances de se concrétiser. Alors seulement ils auront besoin de financements.
Faciliter l'accès des PME aux sources de financement et aux capitaux est crucial, mais ne peut être l'outil principal de la politique industrielle au risque de sombrer dans une addition de dispositifs incapables de soigner un mal qui est ailleurs.
C’est pourquoi il importe de créer une grande banque publique d’investissement qui regrouperait dans un même chapeau l’ensemble des dispositifs de la puissance publique ci-dessus cités, dans le domaine des investissements, des fonds propres, des quasi fonds propres, du haut de bilan et du bas de bilan. Grâce à une telle structure les chefs d’entreprise pourront avoir accès à toutes les solutions de financement et l’Etat mettra de l’ordre dans son action, offrira des solutions de financement adaptées à chaque étape de la vie de l’entreprise et articulera mieux son travail de construction du Sénégal des années futures
ACCOMPAGNER LA DECENTRALISATION
La BSI devra être beaucoup plus qu'un établissement bancaire. Elle doit être, dans chaque région, un des piliers d'une plate-forme de financement des PME , intervenant en synergie avec l'ensemble des dispositifs et financeurs locaux, publics comme privés. La création de la BSI nous fournira d'ailleurs l'opportunité de rassembler, en un lieu unique, tous les acteurs du développement des entreprises. Pour simplifier les démarches de l'entreprise et l'accompagner dans la globalité de son projet.
BSI et décentralisation vont de pair et devront être les marqueurs d’une véritable politique industrielle. Le redressement économique passera par la croissance des PME et que les politiques associées doivent être conduites dans les territoires. Les régions, qui verront leur rôle de chef de file du développement économique se concrétiser dans le nouvel acte III de décentralisation, se réjouiront de l'arrivée d’une banque de développement, constituant un nouveau levier pour renforcer leur engagement pour la croissance et pour l'emploi.
Alioune Badara SY
Délégué Thématique au Club de l’Economie Numérique
Ingénieur Spécialiste des PME/PMI en Afrique et Expert en économie industrielle.
(1) Lors de ce sommet auquel fut invité le président Macky Sall, les BRICS y ont annoncé la création d’une « Banque de Développement » dont le capital initial, paritaire de 50 milliards sera apporté par les 5 membres des BRICS. La chine qui détient des réserves de change de l’ordre de 3500 milliards de dollars ce qui est un record mondial, était même prête a quadruplé sa participation. L’importance de la mise de départ et la rapidité de la mise en œuvre de cette banque témoignent de la nouvelle volonté des grands pays émergents à asseoir un partenariat durable et stratégique avec le continent africain. L’autre objectif étant de créer un fonds de stabilité mutualisant les réserves de devises. Le chiffre de 100 milliards de dollars a même été évoqué.
Confrontées aux difficultés de financement aggravées par la crise, à une épargne insuffisamment orientée vers l'économie réelle, au maquis des dispositifs, les PME peinent à grandir. Or elles sont la clé du redressement économique et de l’industrialisation de notre pays. Le Fonsis et le Fongip doivent devenir les leviers qui accompagneront toutes celles qui veulent croître et devenir des ETM, ces entreprises de taille moyenne qui formeront le Mittlestand à la sénégalaise. Des entreprises qui, à la pointe des secteurs d'avenir comme les NTICS ou se développant dans les secteurs traditionnels, deviennent plus robustes, innovent, développent leurs produits propres dans notre pays, exportent et recrutent.
Ces instruments seront surtout les outils des entrepreneurs, qui financeront des stratégies et des parcours de développement dans toutes leurs dimensions, pas de nouveaux guichets distribuant des aides par à-coups.
OPTIMISER LE MARCHE DE LA DETTE PUBLIQUE SENEGALAISE
Le président Macky qui a toujours affiché sa volonté d’optimiser le marché de la dette publique sénégalaise a trouvé dans les initiatives de Durban(1), les mécanismes adéquats pour mettre nos réserves de change au service de l’investissement donc de l’emploi.
38ème promesse de campagne du candidat Sall dans le programme Yonnu Yokuté, un fonds souverain d’investissement stratégique (Fonsis) vient d’être mis en place pour être l'outil du redressement productif du pays.
A terme, il sera doté de 500 milliards de francs CFA en cash et en actif d’Etat soit le double du montant prévu initialement, il a été capitalisé pour une première tranche de 20%.
LE SENEGAL PIONNIER
Dans la zone franc CFA seul le Gabon pays pétrolier possède un fonds souverain. Avec le FONSIS, le Sénégal fait acte de pionnier car il est le premier pays au monde sans rente minière comme les pays du golf (Koweït avec son Kuwait Investment Authority et ses 270 milliards de placement en 2012) ni rente commerciale (comme le Singapour avec son Government of Singapore Investment Corp ou Panama) à se doter d’un tel fonds. Dans le cas du Sénégal le FONSIS sera certainement un fonds de stabilisation économique qui aura pour vocation de diversifier nos réserves de change et nous éviter un potentiel ralentissement économique ; à l’image de ce qui se fait en Chili.
Si dans ces cibles le Fonsis va s’inspirer des pays émergents pour investir dans : l’immobilier, l’énergie, les infrastructures, l’agriculture, l’hôtellerie, il investira à domicile pour booster l’emploi et la substitution aux importations.
Même si les fonds souverains sont des fonds d’investissements détenus par l’état et financés pour la plupart par les excédents de l’activité économique, le Sénégal qui n’a pas une balance commerciale au solde positif a innové en mobilisant des ressources complémentaires, garanties sur son capital, par l’émission d’obligations auprès d’institutions financières et des bailleurs institutionnels. Il pourra aussi recourir aux autres fonds souverains, voire aux fonds privés via « la Banque de développement » crée par les BRICS lors du sommet de Durban en Mars 2013.
L’objectif étant d’obtenir un effet de levier à partir d’actifs publics qui sont restés longtemps sous-utilisés. Et loin d’être une simple banque d’investissement, le fonds accompagnera en co-investisseur stratégique des entrepreneurs en prenant des participations dans des PME sans être majoritaire dans le capital pour les accompagner tout au long de leur développement et les aider à soutenir l’innovation, sur le modèle des capitaux privés de "private equity".Dans sa mission il devra jouer un rôle déterminant dans la redynamisation de nos régions et investir dans le développement des secteurs d’avenir comme le numérique, mais aussi dans l’ensemble des filières industrielles et de service.
SUR QUELS CRITERES DEVRA-T-ON JUGER DU SUCCES DU FONSIS ?
Pour être architecte plutôt que pompier le Fonsis devra faire ce que le privé ne fait pas ou pas assez. Etre d’une part présent dans le capital- risque, le financement d’amorçage, le petit capital-développement et d’autre part dans la « vallée de la mort » : cette zone de tous les dangers dans le financement des entreprises devenues trop importantes pour être financées par des business angels, mais pas encore assez pour intéresser des fonds de capital-développement.
Parce qu’aussi ce sont des fonds publics, il conviendra d'adopter une doctrine d'investissement patiente et qui n'ait pas la voracité du marché en termes de rendement ou, plus pudiquement, de création de valeur… financière. Il serait inacceptable que ces structures perdent de l'argent mais leur but n'est pas non plus de s'enrichir autrement que pour réinvestir. Il suffira de rentabiliser les capitaux immobilisés, ce qui est possible avec un retour moyen de 4 à 5 % environ au lieu de 20 ou 35 %, par exemple observé au niveau des banques traditionnelles. La contrepartie sera, pour les entrepreneurs, de s'engager dans un projet de développement pérenne. Bref une doctrine de l’investissement.
Sous cet angle le Fonsis sera jugé sur deux objectifs majeurs : outre le comportement de sobriété exemplaire qui s’impose à une structure publique (un franc dépensé doit être un franc utile). Le premier, ce sera l’efficacité : en quoi le Fonds est-il plus efficace que les dispositifs actuels? Il, doit permettre de démultiplier les actions pour accompagner les créations d’activités et d’emplois. Le second, ce sera son bilan au regard des critères de réussite, c’est-à-dire l’envie d’entreprendre dont il sera porteur : innovation, créativité, changement de taille des entreprises, soutien à l’exportation, valeur ajoutée, productivité, performance.
ALLER VERS LA CREATION D’UNE GRANDE BANQUE STRATEGIQUE D’INVESTISSEMENT(Bsi)
Cependant force est de constater que ces outils de financement nécessaires aux entreprises manquent d’articulation d’ensemble. Le Fonds de garantie des investissements prioritaires (le FONGIP), la Banque Nationale de développement (la BNDE) le FONSIS doivent mutualiser leur moyen. Car le financement n'est qu'un aspect du développement des PME. C'est lorsque les environnements réglementaire, juridique, fiscal sont facilement appréhendés par les entreprises, que les infrastructures et les compétences humaines sont facilement disponibles pour mettre en œuvre la croissance, que les projets crédibles ont le plus de chances de se concrétiser. Alors seulement ils auront besoin de financements.
Faciliter l'accès des PME aux sources de financement et aux capitaux est crucial, mais ne peut être l'outil principal de la politique industrielle au risque de sombrer dans une addition de dispositifs incapables de soigner un mal qui est ailleurs.
C’est pourquoi il importe de créer une grande banque publique d’investissement qui regrouperait dans un même chapeau l’ensemble des dispositifs de la puissance publique ci-dessus cités, dans le domaine des investissements, des fonds propres, des quasi fonds propres, du haut de bilan et du bas de bilan. Grâce à une telle structure les chefs d’entreprise pourront avoir accès à toutes les solutions de financement et l’Etat mettra de l’ordre dans son action, offrira des solutions de financement adaptées à chaque étape de la vie de l’entreprise et articulera mieux son travail de construction du Sénégal des années futures
ACCOMPAGNER LA DECENTRALISATION
La BSI devra être beaucoup plus qu'un établissement bancaire. Elle doit être, dans chaque région, un des piliers d'une plate-forme de financement des PME , intervenant en synergie avec l'ensemble des dispositifs et financeurs locaux, publics comme privés. La création de la BSI nous fournira d'ailleurs l'opportunité de rassembler, en un lieu unique, tous les acteurs du développement des entreprises. Pour simplifier les démarches de l'entreprise et l'accompagner dans la globalité de son projet.
BSI et décentralisation vont de pair et devront être les marqueurs d’une véritable politique industrielle. Le redressement économique passera par la croissance des PME et que les politiques associées doivent être conduites dans les territoires. Les régions, qui verront leur rôle de chef de file du développement économique se concrétiser dans le nouvel acte III de décentralisation, se réjouiront de l'arrivée d’une banque de développement, constituant un nouveau levier pour renforcer leur engagement pour la croissance et pour l'emploi.
Alioune Badara SY
Délégué Thématique au Club de l’Economie Numérique
Ingénieur Spécialiste des PME/PMI en Afrique et Expert en économie industrielle.
(1) Lors de ce sommet auquel fut invité le président Macky Sall, les BRICS y ont annoncé la création d’une « Banque de Développement » dont le capital initial, paritaire de 50 milliards sera apporté par les 5 membres des BRICS. La chine qui détient des réserves de change de l’ordre de 3500 milliards de dollars ce qui est un record mondial, était même prête a quadruplé sa participation. L’importance de la mise de départ et la rapidité de la mise en œuvre de cette banque témoignent de la nouvelle volonté des grands pays émergents à asseoir un partenariat durable et stratégique avec le continent africain. L’autre objectif étant de créer un fonds de stabilité mutualisant les réserves de devises. Le chiffre de 100 milliards de dollars a même été évoqué.