Un an, déjà, que le Gabon a perdu son chef et son totem Omar Bongo Ondimba (OBO) et que les Gabonais découvrent son fils Ali. Depuis son investiture, le 16 octobre, le nouveau président s’efforce de se faire un prénom sans pour autant renier son nom. Bel exercice d’équilibrisme…
« Ce n’est pas une rupture, nous expliquait-il quelques semaines seulement après sa prise de fonctions, mais une évolution. Nette et rapide, c’est une évidence, mais pas aussi brutale qu’on veut bien le dire. Je ne suis pas un cheval fou et mon père aurait accepté toutes ces décisions. » L’évolution a pourtant pris des allures de révolution, et le fils, en termes de méthode, est aux antipodes de son père.
« Beaucoup de choses ont changé, raconte un cacique du Parti démocratique gabonais (PDG). Sous Omar Bongo Ondimba, la présidence c’était vraiment le village. Les portes étaient grandes ouvertes toute la journée, qu’il passait à recevoir les uns et les autres, à écouter leurs doléances, à régler toutes sortes de problèmes, y compris des problèmes de couple ! Tout lui remontait. Ali, lui, ne joue pas les pères de famille. Il délègue beaucoup, responsabilise le gouvernement et l’administration. » C’est un fait : avec Ali, le Premier ministre, Paul Biyoghé Mba, jouit d’une autonomie inédite dans l’histoire du Gabon. Ce Fang de l’Estuaire, comme tous ses prédécesseurs en application d’une règle non écrite fixée par OBO, a ainsi pu procéder à la nomination des personnalités de son choix au sein du gouvernement comme aucun autre avant lui. Entre les deux hommes, le courant passe bien et la confiance, pour l’instant, est de mise.
En prenant ses marques au Palais du bord de mer, dans le bureau entièrement rénové sous Omar, Ali n’a rien changé : la même immense table, les mêmes écrans plasma allumés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, l’inamovible et gigantesque carte de l’Afrique. Le « copier-coller » s’arrête là, à cet écrin d’un pouvoir qui a changé de main, d’allure et de rythme. Ali Bongo Ondimba (ABO) est un homme pressé, sans états d’âme apparents et sûr de lui. Il a imposé des coupes drastiques dans les effectifs du palais et du gouvernement, rompu les amarres avec nombre de barons intouchables sous son père, avec certains proches, voire très proches, de ce dernier aussi. Fini les placards dorés innombrables, les privilèges et rémunérations indus, les cumuls de fonctions ou les fonctionnaires fantômes. Tous ceux qui ont été touchés par ce grand nettoyage ne peuvent, aujourd’hui, s’empêcher de mesurer à l’aune de leur confort perdu les performances du chef de l’État. Les dents grincent à s’en faire sauter l’émail et certains n’hésitent plus à exhiber la menace d’un exode vers les rangs de l’opposition. « Je ne fais qu’appliquer ce que j’avais promis pendant la campagne, a expliqué ABO. Tout le monde avait été prévenu. » Y compris ceux originaires de sa province du Haut-Ogooué, surreprésentée dans l’administration et à la tête des entreprises. Une génération spontanée d’ennemis, ou à tout le moins de frustrés de l’« Émergence », est née. Mais si les ex-poids-lourds d’en haut grognent, les makayas d’en bas applaudissent ces mesures… Joint par téléphone, Ali enfonce le clou : « Parmi les déçus, dans mon camp ou chez les nouveaux opposants, rares sont ceux qui n’ont pas de comptes à rendre sur la gestion du passé. Tous ou presque ont été aux affaires. Pourquoi n’ont-ils rien fait avant ? »
Les hommes (et les femmes) d’Ali
La composition de l’entourage du président illustre, à quelques exceptions près, ce changement d’ère. Sa garde rapprochée est constituée de deux cercles. Dans le premier, les très proches, fidèles parmi les fidèles, qu’il connaît pour avoir travaillé avec eux pendant de longues années au sein du parti ou au ministère de la Défense. Au premier rang, on retrouve François Engongah Owono, le secrétaire général de la présidence, un Fang d’Oyem, dans le Woleu-Ntem, le fief d’André Mba Obame, et rare membre de l’ancien courant d’Ali au PDG – les rénovateurs – à occuper le devant de la scène. Guy Bertrand Mapangou, le secrétaire général adjoint au Palais du bord de mer, est aussi son porte-parole. À noter qu’Owono et Mapangou sont tous deux d’anciens journalistes… Ensuite, son chef de cabinet, ami intime et conseiller spirituel, le Béninois Maixent Accrombessi. Il travaille aux côtés de Patrice Otha, déjà présent sous OBO, qui a remplacé à la direction du cabinet un Jean-Pierre Oyiba contraint à la démission pour avoir été cité dans le scandale des détournements au sein de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Cousin du chef de l’État, Léon Paul Ngoulakia dirige le très sensible Conseil national de sécurité (CNS), qui coordonne les services de renseignements. Toujours dans l’ombre du « patron », son chef d’état-major particulier, le général Alioune Ibaba. Le chef d’état-major général des armées, Jean-Claude Ella Ekogha, est un autre proche. Omniprésente avec le père, Laure Olga Gondjout a non seulement conservé son poste à la tête du ministère de la Communication, mais elle jouit, pour services rendus au cours de la difficile campagne présidentielle, de la confiance quasi aveugle d’Ali. Henri-Claude Oyima, l’administrateur-directeur général de BGFI Bank, lui, n’a pas de fonction officielle. Mais il est sollicité sur toutes les questions économiques et financières et est très fréquemment reçu.
De l’avis de nombreux collaborateurs, Ali Bongo Ondimba consulte d’ailleurs beaucoup. Pas à la manière de son père, empirique, mais de façon beaucoup plus organisée et, surtout, qui se limite à quelques personnes-ressources, qui incarnent un second cercle représenté par les caciques du PDG ou du gouvernement. Ainsi a-t-il mis en place des réunions mensuelles avec les responsables de sa majorité parlementaire. Parmi les participants, le président de l’Assemblée nationale, Guy Nzouba Ndama, et le président du groupe PDG à l’Assemblée nationale, son oncle (du côté de sa mère, Patience Dabany) Luc Marat Abila. Même représentation pour le Sénat, avec sa présidente, Rose Rogombé, et le président du groupe PDG, Germain Ngoyo Moussavou. Tous se retrouvent autour du secrétaire général du parti, Faustin Boukoubi, et du Premier ministre, Paul Biyoghé Mba.
Comment ne pas évoquer aussi la première dame, Sylvia, fille de l’assureur français Édouard Valentin ? Celle dont le nom musulman est Nedjma, épousée en 2000, et avec qui Ali a eu quatre enfants, dont Bilal, un orphelin noir adopté au Maroc en 2003. La quarantaine sportive, toujours à ses côtés lors de la campagne électorale d’août 2009, elle demeure très écoutée, sur nombre de sujets dont le choix des hommes qui entourent le président n’est pas le moindre. En apparence, pourtant, elle semble cantonnée au rôle dévolu à la majorité des épouses de chefs d’État du continent : le social… Dans le sillage du couple présidentiel, qui réserve ses week-ends à la famille, loin du palais présidentiel où ils habitent, on retrouve toujours M. Park, un Coréen spécialiste de taekwondo qui dirige sa sécurité personnelle. C’est en fait un véritable homme de confiance, qui n’hésite pas à remplir également, quand les circonstances l’imposent, le rôle d’aide de camp ou de chef du protocole. Park a beau être souriant, affable et discret, on ne badine pas avec son autorité. Côté famille, ABO s’appuie beaucoup sur son frère Alex, cadre chez Gabon Télécom. Un homme de l’ombre chargé notamment de l’animation des réseaux francs-maçons. Et sa sœur Pascaline dans tout ça ? Leur relation est l’objet de toutes les rumeurs. L’aînée des Bongo Ondimba se fait de plus en plus discrète. On la voit peu à Libreville, où elle a toujours son bureau de haute représentante personnelle du chef de l’État. Ses absences sont-elles dues à son goût légendaire des voyages, à un souci de s’effacer pour vivre à l’ombre du pouvoir ou, comme on le dit beaucoup, à une brouille sérieuse avec Ali ? Ce dernier nie tout problème relationnel : « Ma sœur et moi sommes très soudés. Certains veulent “pimenter la sauce”. Je ne peux empêcher les fantasmes. »
Premières critiques
Les surnoms ne résument pas une personne, mais ils en disent long sur la perception que l’on peut en avoir. Sous le long règne de son père, on surnommait Ali « Baby Zeus ». Aujourd’hui, ses détracteurs l’appellent « Zeus » tout court, et ce n’est plus un compliment… « Il se prend pour Dieu, nous explique un ancien compagnon de route d’OBO. Il sait tout mieux que tout le monde. Son entourage est composé pour la plupart d’incapables qui ont pris la grosse tête. Contrairement à son père, il ne sait pas ouvrir les bras, rassembler et ramener ses ennemis vers lui. Il a coupé trop de ponts. À ce rythme-là, il va droit dans le mur. » L’acrimonie des « recalés » du nouveau système n’explique pas à elle seule ces critiques acerbes sur la méthode. Dans un pays habitué au gant de velours, la main de fer a parfois du mal à passer. Le tempo des réformes, plus proche du pas de charge que de la flânerie en vigueur ces vingt dernières années, perturbe des équilibres qui ont mis des décennies à se mettre en place. « Je n’ai pas le choix, répond Ali Bongo Ondimba. Les besoins et les attentes sont énormes. Si je n’avais pas fait tout cela, les critiques auraient été bien plus vives. » « Le président n’a qu’un seul souci : répondre à l’urgence sociale et économique, complète un de ses amis, qui le connaît de longue date. Depuis les années 1990, ce pays ne faisait plus que de la politique et s’est vautré dans l’immobilisme. L’argent de l’État ne se perd plus en route. Tout est plus rigoureux, c’est peut-être cela qui agace certains… » La récente acquisition, par l’État, d’un hôtel particulier rue de l’Université, à Paris, pour un montant astronomique annoncé par la presse (100 millions d’euros, NDLR) compte tenu de cet éloge de la rigueur, détonne, pour ne pas dire plus…
« Quand on ne sait pas, mieux vaut s’abstenir de dire ou d’écrire n’importe quoi, nous a rétorqué Ali Bongo Ondimba. La réalité du prix d’acquisition est très loin des 100 millions d’euros annoncés. En outre, il s’agit d’un investissement que l’État réalise, qui enrichira le patrimoine national et non le mien, comme j’ai pu l’entendre. »
Un an après la mort d’OBO, le village n’est plus le même. L’inertie appartient au passé. Reste à savoir si la direction empruntée et la méthode du nouveau chef porteront leurs fruits. Et à éviter la sortie de route que ses ennemis lui prédisent.
Jeune Afrique
« Ce n’est pas une rupture, nous expliquait-il quelques semaines seulement après sa prise de fonctions, mais une évolution. Nette et rapide, c’est une évidence, mais pas aussi brutale qu’on veut bien le dire. Je ne suis pas un cheval fou et mon père aurait accepté toutes ces décisions. » L’évolution a pourtant pris des allures de révolution, et le fils, en termes de méthode, est aux antipodes de son père.
« Beaucoup de choses ont changé, raconte un cacique du Parti démocratique gabonais (PDG). Sous Omar Bongo Ondimba, la présidence c’était vraiment le village. Les portes étaient grandes ouvertes toute la journée, qu’il passait à recevoir les uns et les autres, à écouter leurs doléances, à régler toutes sortes de problèmes, y compris des problèmes de couple ! Tout lui remontait. Ali, lui, ne joue pas les pères de famille. Il délègue beaucoup, responsabilise le gouvernement et l’administration. » C’est un fait : avec Ali, le Premier ministre, Paul Biyoghé Mba, jouit d’une autonomie inédite dans l’histoire du Gabon. Ce Fang de l’Estuaire, comme tous ses prédécesseurs en application d’une règle non écrite fixée par OBO, a ainsi pu procéder à la nomination des personnalités de son choix au sein du gouvernement comme aucun autre avant lui. Entre les deux hommes, le courant passe bien et la confiance, pour l’instant, est de mise.
En prenant ses marques au Palais du bord de mer, dans le bureau entièrement rénové sous Omar, Ali n’a rien changé : la même immense table, les mêmes écrans plasma allumés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, l’inamovible et gigantesque carte de l’Afrique. Le « copier-coller » s’arrête là, à cet écrin d’un pouvoir qui a changé de main, d’allure et de rythme. Ali Bongo Ondimba (ABO) est un homme pressé, sans états d’âme apparents et sûr de lui. Il a imposé des coupes drastiques dans les effectifs du palais et du gouvernement, rompu les amarres avec nombre de barons intouchables sous son père, avec certains proches, voire très proches, de ce dernier aussi. Fini les placards dorés innombrables, les privilèges et rémunérations indus, les cumuls de fonctions ou les fonctionnaires fantômes. Tous ceux qui ont été touchés par ce grand nettoyage ne peuvent, aujourd’hui, s’empêcher de mesurer à l’aune de leur confort perdu les performances du chef de l’État. Les dents grincent à s’en faire sauter l’émail et certains n’hésitent plus à exhiber la menace d’un exode vers les rangs de l’opposition. « Je ne fais qu’appliquer ce que j’avais promis pendant la campagne, a expliqué ABO. Tout le monde avait été prévenu. » Y compris ceux originaires de sa province du Haut-Ogooué, surreprésentée dans l’administration et à la tête des entreprises. Une génération spontanée d’ennemis, ou à tout le moins de frustrés de l’« Émergence », est née. Mais si les ex-poids-lourds d’en haut grognent, les makayas d’en bas applaudissent ces mesures… Joint par téléphone, Ali enfonce le clou : « Parmi les déçus, dans mon camp ou chez les nouveaux opposants, rares sont ceux qui n’ont pas de comptes à rendre sur la gestion du passé. Tous ou presque ont été aux affaires. Pourquoi n’ont-ils rien fait avant ? »
Les hommes (et les femmes) d’Ali
La composition de l’entourage du président illustre, à quelques exceptions près, ce changement d’ère. Sa garde rapprochée est constituée de deux cercles. Dans le premier, les très proches, fidèles parmi les fidèles, qu’il connaît pour avoir travaillé avec eux pendant de longues années au sein du parti ou au ministère de la Défense. Au premier rang, on retrouve François Engongah Owono, le secrétaire général de la présidence, un Fang d’Oyem, dans le Woleu-Ntem, le fief d’André Mba Obame, et rare membre de l’ancien courant d’Ali au PDG – les rénovateurs – à occuper le devant de la scène. Guy Bertrand Mapangou, le secrétaire général adjoint au Palais du bord de mer, est aussi son porte-parole. À noter qu’Owono et Mapangou sont tous deux d’anciens journalistes… Ensuite, son chef de cabinet, ami intime et conseiller spirituel, le Béninois Maixent Accrombessi. Il travaille aux côtés de Patrice Otha, déjà présent sous OBO, qui a remplacé à la direction du cabinet un Jean-Pierre Oyiba contraint à la démission pour avoir été cité dans le scandale des détournements au sein de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Cousin du chef de l’État, Léon Paul Ngoulakia dirige le très sensible Conseil national de sécurité (CNS), qui coordonne les services de renseignements. Toujours dans l’ombre du « patron », son chef d’état-major particulier, le général Alioune Ibaba. Le chef d’état-major général des armées, Jean-Claude Ella Ekogha, est un autre proche. Omniprésente avec le père, Laure Olga Gondjout a non seulement conservé son poste à la tête du ministère de la Communication, mais elle jouit, pour services rendus au cours de la difficile campagne présidentielle, de la confiance quasi aveugle d’Ali. Henri-Claude Oyima, l’administrateur-directeur général de BGFI Bank, lui, n’a pas de fonction officielle. Mais il est sollicité sur toutes les questions économiques et financières et est très fréquemment reçu.
De l’avis de nombreux collaborateurs, Ali Bongo Ondimba consulte d’ailleurs beaucoup. Pas à la manière de son père, empirique, mais de façon beaucoup plus organisée et, surtout, qui se limite à quelques personnes-ressources, qui incarnent un second cercle représenté par les caciques du PDG ou du gouvernement. Ainsi a-t-il mis en place des réunions mensuelles avec les responsables de sa majorité parlementaire. Parmi les participants, le président de l’Assemblée nationale, Guy Nzouba Ndama, et le président du groupe PDG à l’Assemblée nationale, son oncle (du côté de sa mère, Patience Dabany) Luc Marat Abila. Même représentation pour le Sénat, avec sa présidente, Rose Rogombé, et le président du groupe PDG, Germain Ngoyo Moussavou. Tous se retrouvent autour du secrétaire général du parti, Faustin Boukoubi, et du Premier ministre, Paul Biyoghé Mba.
Comment ne pas évoquer aussi la première dame, Sylvia, fille de l’assureur français Édouard Valentin ? Celle dont le nom musulman est Nedjma, épousée en 2000, et avec qui Ali a eu quatre enfants, dont Bilal, un orphelin noir adopté au Maroc en 2003. La quarantaine sportive, toujours à ses côtés lors de la campagne électorale d’août 2009, elle demeure très écoutée, sur nombre de sujets dont le choix des hommes qui entourent le président n’est pas le moindre. En apparence, pourtant, elle semble cantonnée au rôle dévolu à la majorité des épouses de chefs d’État du continent : le social… Dans le sillage du couple présidentiel, qui réserve ses week-ends à la famille, loin du palais présidentiel où ils habitent, on retrouve toujours M. Park, un Coréen spécialiste de taekwondo qui dirige sa sécurité personnelle. C’est en fait un véritable homme de confiance, qui n’hésite pas à remplir également, quand les circonstances l’imposent, le rôle d’aide de camp ou de chef du protocole. Park a beau être souriant, affable et discret, on ne badine pas avec son autorité. Côté famille, ABO s’appuie beaucoup sur son frère Alex, cadre chez Gabon Télécom. Un homme de l’ombre chargé notamment de l’animation des réseaux francs-maçons. Et sa sœur Pascaline dans tout ça ? Leur relation est l’objet de toutes les rumeurs. L’aînée des Bongo Ondimba se fait de plus en plus discrète. On la voit peu à Libreville, où elle a toujours son bureau de haute représentante personnelle du chef de l’État. Ses absences sont-elles dues à son goût légendaire des voyages, à un souci de s’effacer pour vivre à l’ombre du pouvoir ou, comme on le dit beaucoup, à une brouille sérieuse avec Ali ? Ce dernier nie tout problème relationnel : « Ma sœur et moi sommes très soudés. Certains veulent “pimenter la sauce”. Je ne peux empêcher les fantasmes. »
Premières critiques
Les surnoms ne résument pas une personne, mais ils en disent long sur la perception que l’on peut en avoir. Sous le long règne de son père, on surnommait Ali « Baby Zeus ». Aujourd’hui, ses détracteurs l’appellent « Zeus » tout court, et ce n’est plus un compliment… « Il se prend pour Dieu, nous explique un ancien compagnon de route d’OBO. Il sait tout mieux que tout le monde. Son entourage est composé pour la plupart d’incapables qui ont pris la grosse tête. Contrairement à son père, il ne sait pas ouvrir les bras, rassembler et ramener ses ennemis vers lui. Il a coupé trop de ponts. À ce rythme-là, il va droit dans le mur. » L’acrimonie des « recalés » du nouveau système n’explique pas à elle seule ces critiques acerbes sur la méthode. Dans un pays habitué au gant de velours, la main de fer a parfois du mal à passer. Le tempo des réformes, plus proche du pas de charge que de la flânerie en vigueur ces vingt dernières années, perturbe des équilibres qui ont mis des décennies à se mettre en place. « Je n’ai pas le choix, répond Ali Bongo Ondimba. Les besoins et les attentes sont énormes. Si je n’avais pas fait tout cela, les critiques auraient été bien plus vives. » « Le président n’a qu’un seul souci : répondre à l’urgence sociale et économique, complète un de ses amis, qui le connaît de longue date. Depuis les années 1990, ce pays ne faisait plus que de la politique et s’est vautré dans l’immobilisme. L’argent de l’État ne se perd plus en route. Tout est plus rigoureux, c’est peut-être cela qui agace certains… » La récente acquisition, par l’État, d’un hôtel particulier rue de l’Université, à Paris, pour un montant astronomique annoncé par la presse (100 millions d’euros, NDLR) compte tenu de cet éloge de la rigueur, détonne, pour ne pas dire plus…
« Quand on ne sait pas, mieux vaut s’abstenir de dire ou d’écrire n’importe quoi, nous a rétorqué Ali Bongo Ondimba. La réalité du prix d’acquisition est très loin des 100 millions d’euros annoncés. En outre, il s’agit d’un investissement que l’État réalise, qui enrichira le patrimoine national et non le mien, comme j’ai pu l’entendre. »
Un an après la mort d’OBO, le village n’est plus le même. L’inertie appartient au passé. Reste à savoir si la direction empruntée et la méthode du nouveau chef porteront leurs fruits. Et à éviter la sortie de route que ses ennemis lui prédisent.
Jeune Afrique