Madrid
Ce vendredi, une tête couronnée manquera à la table d'Elizabeth II. Au lieu de participer au jubilé de diamant de la reine d'Angleterre (qui célèbre le 60e anniversaire de son intronisation), la reine d'Espagne restera à Madrid. Entre Élisabeth II et Sofia, point de bouderies personnelles, mais un conflit diplomatique autour d'une presqu'île de 7 km2: Gibraltar. Cette enclave britannique située à l'extrême sud de l'Espagne est un serpent de mer des relations hispano-anglaises.
Le contentieux sur la souveraineté de ce territoire est aussi vieux que le traité d'Utrecht, qui formalisa en 1713 la cession de Gibraltar à la Couronne britannique. Il ressurgit régulièrement, à l'occasion d'une visite officielle, d'un incident frontalier ou d'une déclaration malheureuse.
Mesure de représailles
Or les motifs de dispute se sont multipliés au cours des dernières semaines. Le prince Edward, d'abord, fils d'Elizabeth II, a annoncé la semaine dernière qu'il visiterait Gibraltar. Immédiatement, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a protesté auprès de l'ambassadeur. Dans la foulée, les pêcheurs espagnols se sont vu interdire l'accès aux eaux entourant el Peñón («le Rocher», comme les Espagnols surnomment Gibraltar). Qu'à cela ne tienne, ils seront désormais escortés par la Garde civile, promet Madrid! Autre mesure de représailles plus ou moins avouée: les contrôles de police à la frontière se sont multipliés, ils mettent à l'épreuve la patience des 30.000 habitants du Rocher.
La rencontre entre les reines, du coup, n'aura pas lieu. La Maison d'Espagne a expliqué dans un communiqué que la visite de doña Sofía serait «peu appropriée dans les circonstances». La presse espagnole fait valoir qu'un orchestre gibraltarien doit en outre participer aux festivités et que la reine d'Espagne aurait été embarrassée d'applaudir les musiciens.
Un territoire prospère
Car la querelle autour d'el Peñón est d'abord un conflit de souveraineté que la droite espagnole n'entend pas esquiver. «Depuis sa prise de fonctions, le gouvernement actuel a voulu donner plus d'importance au sujet de Gibraltar», analyse Manuel Manrique, chercheur à la fondation Fride et spécialiste de politique extérieure. L'exécutif de Rajoy sait que ses électeurs sont sensibles au vieux cri de «¡Gibraltar, español!». Mais, au-delà de la dimension symbolique, Gibraltar est une porte sur le détroit. «Sa valeur stratégique explique la volonté des Britanniques de conserver ces quelques kilomètres carrés. C'est une zone de passage cruciale pour les routes maritimes, aussi bien commerciales que militaires», assure Manrique.
Le Rocher est aussi un territoire prospère, grâce aux privilèges économiques et fiscaux accordés par la Couronne. À tel point que les Llanitos, comme se surnomment les habitants, n'ont aucune envie de renoncer à leur condition de sujets britanniques. Lors d'un référendum en 2002, le gouverneur a demandé aux électeurs de se prononcer sur la possibilité d'une souveraineté partagée entre le Royaume-Uni et l'Espagne. Le non l'a emporté à… 98,48 %!
Par Mathieu de Taillac
Ce vendredi, une tête couronnée manquera à la table d'Elizabeth II. Au lieu de participer au jubilé de diamant de la reine d'Angleterre (qui célèbre le 60e anniversaire de son intronisation), la reine d'Espagne restera à Madrid. Entre Élisabeth II et Sofia, point de bouderies personnelles, mais un conflit diplomatique autour d'une presqu'île de 7 km2: Gibraltar. Cette enclave britannique située à l'extrême sud de l'Espagne est un serpent de mer des relations hispano-anglaises.
Le contentieux sur la souveraineté de ce territoire est aussi vieux que le traité d'Utrecht, qui formalisa en 1713 la cession de Gibraltar à la Couronne britannique. Il ressurgit régulièrement, à l'occasion d'une visite officielle, d'un incident frontalier ou d'une déclaration malheureuse.
Mesure de représailles
Or les motifs de dispute se sont multipliés au cours des dernières semaines. Le prince Edward, d'abord, fils d'Elizabeth II, a annoncé la semaine dernière qu'il visiterait Gibraltar. Immédiatement, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a protesté auprès de l'ambassadeur. Dans la foulée, les pêcheurs espagnols se sont vu interdire l'accès aux eaux entourant el Peñón («le Rocher», comme les Espagnols surnomment Gibraltar). Qu'à cela ne tienne, ils seront désormais escortés par la Garde civile, promet Madrid! Autre mesure de représailles plus ou moins avouée: les contrôles de police à la frontière se sont multipliés, ils mettent à l'épreuve la patience des 30.000 habitants du Rocher.
La rencontre entre les reines, du coup, n'aura pas lieu. La Maison d'Espagne a expliqué dans un communiqué que la visite de doña Sofía serait «peu appropriée dans les circonstances». La presse espagnole fait valoir qu'un orchestre gibraltarien doit en outre participer aux festivités et que la reine d'Espagne aurait été embarrassée d'applaudir les musiciens.
Un territoire prospère
Car la querelle autour d'el Peñón est d'abord un conflit de souveraineté que la droite espagnole n'entend pas esquiver. «Depuis sa prise de fonctions, le gouvernement actuel a voulu donner plus d'importance au sujet de Gibraltar», analyse Manuel Manrique, chercheur à la fondation Fride et spécialiste de politique extérieure. L'exécutif de Rajoy sait que ses électeurs sont sensibles au vieux cri de «¡Gibraltar, español!». Mais, au-delà de la dimension symbolique, Gibraltar est une porte sur le détroit. «Sa valeur stratégique explique la volonté des Britanniques de conserver ces quelques kilomètres carrés. C'est une zone de passage cruciale pour les routes maritimes, aussi bien commerciales que militaires», assure Manrique.
Le Rocher est aussi un territoire prospère, grâce aux privilèges économiques et fiscaux accordés par la Couronne. À tel point que les Llanitos, comme se surnomment les habitants, n'ont aucune envie de renoncer à leur condition de sujets britanniques. Lors d'un référendum en 2002, le gouverneur a demandé aux électeurs de se prononcer sur la possibilité d'une souveraineté partagée entre le Royaume-Uni et l'Espagne. Le non l'a emporté à… 98,48 %!
Par Mathieu de Taillac